09 mai 2015
Livre d'amour, amour des livres
Daniel Pennac narre, Florence Cestac donne vie et chair à son récit.
L’écrivain nous parle tendrement d’amour et de littérature, l’auteure dessine la passion amoureuse et la passion des livres.
Un condensé d’humanité dans toute sa richesse humaine !
Donc, Pennac nous raconte une puissante amitié qui remonte à son enfance, lorsqu’il vivait avec son frère chez sa grand-mère, dans le sud de la France.
C’est dans l’arrière-pays niçois, à proximité de Saint-Paul–de-Vence, qu’il fait la connaissance d’un couple original au grand cœur, Jean et Germaine Bozignac.
Lui, aristocrate répudié par les siens et elle, fille du peuple, issue d’une famille nombreuse.
Jean déshérité parce qu’épris de Germaine, alors domestique de sa marquise de mère qui voulait le marier à la fille du roi d’Alsace.
Jean chassé du château familial avec pour seul héritage -mais quel héritage !- d’innombrables livres -mais quels livres !- de grands classiques dans des éditions anciennes, parfois originales.
Germaine et Jean ne travailleront jamais car « en amour le travail est une séparation », et le temps qui s’écoule est principalement dédicacé à l’entretien de leur flamme amoureuse et à la lecture dévorante des ouvrages qui constituent leur énorme bibliothèque, occupant toutes les pièces de leur petite maison, jusque dans la cuisine !
Pour autant, ils ne vivent pas de bons sentiments ou d’eau fraiche.
De petits boulots d’abord, car Jean est ventriloque et anime des soirées d’anniversaire. Du jeu, ensuite : habile, Jean gagne souvent ; le hasard des cartes y étant pour peu et la tricherie pour beaucoup. Enfin, si nécessaire, ils vendent l’un ou l’autre livre à (très) bon prix, qui à un collectionneur, qui à un bibliophile, qui à un simple passionné de belles-lettres.
L’histoire peu commune de ce couple hors-norme, sans enfants pour éviter « les intermédiaires en amour », mais qui « ont » cependant Daniel, est bougrement émouvante.
Un lien fort unit les trois protagonistes, dans un climat cocasse, où la petite bourgeoisie locale s’irrite du comportement de ces drôles de zèbres qui vivent en dehors des clous.
Une relation qui durera jusqu’à la mort des « vieux » protagonistes, et au-delà.
Chaque année Pennac retourne fleurir leur tombe, et saluer Rachel, leur grande amie juive, qu’ils ont cachée durant l’occupation, la sauvant ainsi d’un tragique destin.
L’œuvre -et c’est aussi sa particularité- est parcourue de jolies citations littéraires, de Proust à Céline, en passant par Montaigne, Cervantès ou Martin du Gard.
Et puis, il y a le dessin de « la » Cestac, au style si particulier et (presque) inimitable, une référence incontournable du « neuvième art ».
Dernier petit détail : la dédicace initiale « aux douze de Charlie, nos seuls apôtres ».
En un mot comme en cent, une magnifique bande dessinée, un vrai roman, très touchant, qu’il n’est pas indispensable de recommander ici.
Vous aurez en effet compris à la lecture de ce rapide compte rendu qu’il serait hautement regrettable de l'ignorer !
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Florence Cestac et Daniel Pennac, Un amour exemplaire, Dargaud, 2015, 14,99 €
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01 mai 2015
1er Mai : retour vers le futur !
Le Premier Mai a beaucoup perdu de sa force propulsive et de son potentiel de subversion.
Depuis l’épopée de la lutte pour la journée des huit heures, le temps a inexorablement déployé les ailes de sa pesante pesanteur, les dominants ont habilement consolidé leur hégémonie et les représentations des « élites » ont efficacement colonisé l’imaginaire populaire.
Ce qui était une journée de combats et de revendications fortes est ainsi devenu un jour férié comme un autre, apprécié par beaucoup pour l’apport d’une bouffée d’oxygène dans la routine quotidienne du travail salarié et aliéné.
Les drapeaux rouges et les poings levés ont largement cédé la place aux barbecues, au commerce du muguet et à l’exode vers la Côte flamande ou les Ardennes wallonnes, lorsque la météo le permet !
Les principaux partis du « mouvement ouvrier » s’accommodent parfaitement de ce rite désormais institutionnalisé, qui leur donne une opportunité supplémentaire de se positionner devant des médias toujours à l’affut d’une petite phrase assassine ou d’une révélation surprenante.
Et puis, internet oblige, l’époque est à la recherche du buzz qui focalisera l’attention du public et favorisera peut-être le gain de quelques sympathies nouvelles.
Pourtant, derrière ces jeux de rôle parfaitement rodés, derrière la course à l’audimat des réseaux sociaux, derrière la quête d’un rusé coup de projecteur médiatique, subsiste toujours la dure réalité, celle d’une planète ravagée par la gangrène du capitalisme et de son idéologie néo-libérale !
Dès lors, notre immense défi persiste : transformer radicalement cette société et briser sa trajectoire mortifère pour l’humanité !
Certes, l’accumulation de déconvenues contrarie toute tentative de penser une perspective « utopique » dans le sens révolutionnaire du terme : non ce qui est irréaliste et donc impossible à matérialiser, mais ce qui n’existe pas encore et pourrait se concrétiser dans le cadre d’une rationalité alternative à l’irrationalité du monde actuel.
Entre l’objectif revendiqué d’un avenir radieux et la morne gestion du quotidien la voie est sans doute étroite, mais elle reste praticable.
Il convient ici de réaffirmer à l’intention des distraits que l’histoire humaine est « l’histoire de la lutte des classes ». La démonstration opérée au travers des siècles est sans appel : il ne peut y avoir exploitation sans contestation de cette exploitation ; il ne peut y avoir oppression sans contestation de cette oppression ; il ne peut y avoir injustice sans contestation de cette injustice !
De nombreux êtres humains sont réunis par une volonté commune à vaincre le malheur et par leur aspiration convergente au bonheur !
L’heure n’est donc pas à la résignation et à l’acceptation de l’inacceptable ; elle reste obstinément à l’action pour que le nécessaire devienne enfin possible.
Une indispensable solution de rechange à la barbarie actuelle -avec ou sans « visage humain »- voilà la boussole qui demeure la nôtre afin de pouvoir nous orienter dans le sombre dédale des affrontements politiques.
Tout en évitant le piège de la « fuite en avant ». Il est inutile de fantasmer au sujet de « lendemains qui chantent ». Nous savons que « l’’histoire ne fait rien » et que le futur ne prend aucune option sur une émancipation généralisée.
Seuls les femmes et les hommes réellement existants peuvent -et pourront !- écrire un autre scénario que celui qui nous condamne au désastre.
Dans cette perspective, au moins quatre points d’attention doivent être retenus.
1. La démocratie. Aucun changement –quel qu’en soit le domaine- ne peut être mis en oeuvre sans l’appui de la majorité de la population. Une société « post capitaliste » ne sera pas légitime sans l’assurance d’une démocratie plus radicale et qualitativement majorée : il n’y aura pas moins mais plus de liberté de conscience ; il n’y aura pas moins mais plus de liberté d’expression ; il n’y aura pas moins mais plus de liberté de presse ; il n’y aura pas moins mais plus de pluralisme, … Et cette démocratie tonifiée, débarrassée du despotisme du marché et de l’autoritarisme patronal, sera également plus sociale : chacun pourra intervenir directement pour sauvegarder l’intérêt de tous, tous pourront veiller à l’émancipation individuelle !
2. L’appropriation sociale. Celle-ci doit prendre le pas sur l’appropriation privée. Les « moyens de production et d’échange » doivent être contrôlés par la collectivité au détriment d’une minorité de nantis. Sans la maîtrise du développement économique, pas de maîtrise possible du développement de la société !
3. Un changement de paradigme dans les rapports entre l’homme et la nature s’impose, d’urgence, car sans respect des écosystèmes et de l’ensemble de notre environnement, pas d’avenir à long terme pour l’humanité !
4. Un renversement culturel : le bonheur ne passe pas par l’accumulation mécanique de biens de consommation ; l’égocentrisme doit s’effacer devant la solidarité, la coopération remplacer la compétition, l’égalité écarter la course à l’enrichissement personnel !
Le chantier est vaste, le but ambitieux, le cheminement ardu, et il n’existe aucun raccourci pour garantir le succès.
L’émancipation humaine est toutefois la seule issue digne de nos engagements.
Nous devons inlassablement propager ce message. Pas seulement le 1er Mai, mais aussi jour après jour, mois après mois, année après année.
Il appartient à toutes celles et à tous ceux qui ne veulent pas abdiquer devant le désordre du capital -et les vilénies de ses protecteurs- de persévérer jusqu'au dénouement espéré…
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