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20 février 2020

Orwell, 1903-1950 (IV)

 

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ORWELL

DANS

LE

TEXTE (3)

 

 

 

 

[George Orwell, Dans la dèche à Paris et à Londres, 10/18, Paris, 2010]

 

J’habitais à l’enseigne de l’hôtel des Trois Moineaux : imaginez une sorte de taupinière sombre et délabrée, abritant, sur cinq étages, quarante chambres délimitées par des cloisons de bois (p.8)

Le sujet de ce livre, c’est la misère, et c’est dans ce quartier lépreux que j’en ai pour la première fois fais l’expérience  -d’abord comme une leçon de choses dispensée par des individus menant des vies plus impossibles les unes que les autres, puis comme trame vécue de ma propre existence (p.13)

Je devais à présent subsister avec six francs par jour -entreprise en soi assez ardue pour ne guère laisser le temps de penser à autre chose. C’est à ce moment-là que je commençai à comprendre ce que signifie vraiment la pauvreté. Car six francs par jour, si ce n’est pas à proprement parler la misère, ce n’en est pas loin. Avec six francs par jour, on peut encore subsister à Paris, à condition de savoir s’y prendre. Mais l’affaire n’est pas de tout repos (p.23)

Pourtant, j’étais loin d’être aussi malheureux que je l’aurais cru. Car, lorsque vous vous trouvez dans la misère, vous faites une découverte qui éclipse presque toutes les autres. Vous avez découvert l’ennui, les petites complications mesquines, les affres de la faim, mais vous avez en même temps fait une découverte capitale : savoir que la misère a la vertu de rejeter le futur dans le néant (p.28)

Nous vécûmes plusieurs jours au régime de pain sec, puis je passai deux jour et demi sans manger. Ce n’est pas drôle. Il y a des gens qui font des cures de jeûne de trois semaines et plus, et qui vous assurent qu’à partir du quatrième jour la sensation est positivement délicieuse. Je n’en sais rien, n’étant jamais allé au-delà du troisième jour. Il faut croire que l’on voit la chose différemment quand on se plie de propos délibéré à cette discipline après avoir largement mangé à sa faim avant (p.51)

La faim réduit un être à un état où il n’a plus de cerveau, plus de colonne vertébrale. L’impression de sortir d’une grippe carabinée, de s’être mué en méduse flasque, avec de l’eau tiède qui circule dans les veines au lieu de sang. L’inertie, l’inertie absolue, voilà le principal souvenir que je garde de la faim (p.52)

A cinq heures moins le quart nous reprenions le chemin de l’hôtel. Comme il n’y avait pas de clients à servir avant six heures et demie, nous en profitions pour faire l’argenterie, nettoyer les cafetières et autres ustensiles. Ensuite, c’était le grand branle-bas du dîner. Il me faudrait la plume d’un Zola pour donner une idée de ce qu’était ce moment. En gros, toute l’affaire se résumait comme suit : cent à deux cents personnes réclamaient, chacune en même temps, cinq à six plats différents que devaient leur préparer et servir cinquante à soixante autres personnes. Quiconque a tant soit peut l’expérience de la restauration comprendra ce que cela représente (p.87)

Faire la vaisselle est un travail parfaitement odieux -pas vraiment pénible, certes, mais assommant et stupide au-delà de toute expression. On frémit à l’idée que des êtres humains puissent passer des dizaines d’années de leur vie à ne rien faire d’autre. La femme que je remplaçais avait bien la soixantaine et elle restait rivée à son bac à vaisselle treize heures par jour, six jours par semaine, toute l’année durant. Et en plus, elle servait de souffre-douleur aux garçons (p.93)

Le vol était partout, et malheur à celui qui laissait traîner de l’argent dans la poche de son veston ; il pouvait d’avance en faire son deuil (p.98)

Voilà quelle était la vie d’un plongeur, une vie qui, tout compte fait, ne me paraissait pas alors si mauvaise. Je ne me sentais même pas pauvre, étant donné qu’après avoir payé ma chambre et mis de côté l’argent du tabac, du métro et des repas du dimanche, il me restait quatre francs par jour à dépenser en boisson  -et quatre francs, c’était pour moi la fortune (p.123)

… rien ne peut être plus simple que la vie d’un plongeur. Il vit au rythme des heures de travail et des heures de sommeil. Il n’a pas le temps de penser : pour lui, le monde extérieur pourrait aussi bien ne pas exister (p.123)

Le travail de l’hôtel m’enseigna la véritable valeur du sommeil, de même que la faim m’avait enseigné la véritable valeur de la nourriture. Le sommeil avait cessé d’être un simple besoin physique : c’était une volupté, une débauche allant infiniment au-delà du repos nécessaire (p.124)

Il faut, je crois, commencer par souligner que le plongeur est un des esclaves du monde moderne. Loin de moi l’idée de faire verser des larmes sur son sort, car il vit matériellement beaucoup mieux que bien des travailleurs manuels. Mais pour ce qui est de la liberté, il n’en a pas plus qu’un esclave qu’on peut vendre et acheter. Le travail qu’il effectue est servile et sans art. On ne le paie que juste ce qu’il faut pour le maintenir en vie. Ses seuls congés, il les connaît lorsqu’on le flanque à la porte (p.158)

Et on continue à lui imposer ce travail parce que règne confusément chez les riches le sentiment que, s’il avait quelques moments à lui, cet esclave pourrait se révéler dangereux. Et les gens instruits, qui devraient prendre son parti, laissent faire sans broncher parce qu’ils ne connaissent rien de cet homme, et par conséquent en ont peur. Je cite ici le plongeur parce que c’est un cas que j’ai pu examiner de près. Mais on pourrait en dire autant pour une infinité de travailleurs de tous métiers (p.165)

L’Angleterre est un pays fort agréable, à condition de ne pas être pauvre (p.173)

Habillé en clochard, il est très difficile, tout au moins au début, de ne pas éprouver le sentiment d’une déchéance. C’est le même genre de honte, irrationnelle mais très réelle, qui vous prend, je suppose, quand vous passez votre première nuit en prison (p.177)

J’eus, grâce à Bozo, un certain nombre d’aperçus sur la manière dont la mendicité s’organise à Londres. Ce n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Il y a un certain nombre de subdivisions entre catégories, et, socialement parlant, une délimitation franche entre ceux qui se bornent à tendre la main et ceux qui essaient de donner quelque chose en échange de l’argent. Les gains réalisés par ce moyen sont eux aussi très variables (p.231)

Il est regrettable que quelqu’un capable de véritablement traiter le sujet ne s’attache pas à tenir un jour le répertoire de l’argot et des jurons londoniens, en enregistrant précisément les changements qui se produisent. Cela aiderait à comprendre comment et pourquoi un mot naît, vit et meurt (p.244)

L’homme, à qui l’on fait la charité, nourrit, quasi invariablement, une haine féroce à l’égard de son bienfaiteur  -c’est une constante de la nature humaine (p.252)

Je tiens toutefois à souligner deux ou trois choses que m’a définitivement enseignées mon expérience de la pauvreté. Jamais plus je ne considérerai tous les chemineaux comme des vauriens et des poivrons, jamais plus je ne m’attendrai à ce qu’un mendiant me témoigne sa gratitude lorsque je lui aurai glissé une pièce, jamais plus je ne m’étonnerai que les chômeurs manquent d’énergie. Jamais plus je ne verserai la moindre obole à L’Armée du Salut, ni ne mettrai mes habits en gage, ni ne refuserai un prospectus qu’on me tend, ni ne m’attablerai en salivant par avance dans un grand restaurant. Ceci pour commencer (p.290)

 

 

 

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18 février 2020

26 mai, les jours d'après (XXIV)

 

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Il faudrait clarifier la situation concernant le Vlaams Belang (VB), qui pourrait, si l’on en croit d’aucuns, être ‘’le grand vainqueur de prochaines élections’’ à cause de ceci ou de cela, de celui-ci ou de celui-là...

Rappelons aux distraits que le VB a déjà gagné les élections, le 26 mai !

Or le gouvernement sortant était un gouvernement très ‘’flamand’’ (3 des 4 partis, dont la N-VA !), avec une Wallonie sous-représentée (un seul parti, le MR !), et sans le PS ou les écologistes ou le PTB ou que sais-je encore !

Bref, venir dire aujourd'hui que le VB pourrait rafler la mise grâce à Magnette, ou encore parce que les partis flamands de la prochaine coalition pourraient être minoritaires en Flandre, ou en l'absence d'accord sur le confédéralisme ou... ou..., est donc de l'approximation pure et simple ! Le VB n'a pas eu besoin de tout cela pour gagner 15 sièges au Parlement fédéral lors du dernier scrutin !

Comment cela a-t-il été possible ? Il n'y a pas d'explication unilatérale concernant le renforcement du VB, mais on peut pointer différents facteurs : ce parti progresse et continuera à progresser parce que les partis traditionnels lassent de plus en plus ! Mais aussi parce qu'il est un parti nationaliste très identitaire, parce qu'il est un parti raciste/xénophobe (qui instrumentalise la question des migrations), et parce qu'il est un parti sécuritaire. Or, ces différents éléments ‘’parlent’’ (hélas) à des fractions importantes de l'électorat du nord du pays, et pratiquer la politique de l'autruche ne changera pas cette réalité ! De plus, le VB a été suffisamment habile pour glisser quelques revendications ‘’sociales’’ dans son programme, afin de brouiller son image de parti d'extrême-droite ultra-libéral. Enfin, il a renouvelé ses porte-parole pour laisser la place à des figures plus jeunes et plus attractives, qui ont su utiliser comme des ‘’pro’’ le net pour ratisser large !

Ce n’est donc pas en se lamentant sur la séquence politicienne actuelle, ce n'est pas en se livrant à des petits jeux et calculs mesquins ou en essayant de mettre en place des ‘’plans com’’ imaginatifs, que l'on arrêtera l'ascension du VB !

Pour le mettre en difficulté, rien de doit lui être concédé (non, il ne ‘’pose pas de bonnes questions en y apportant de mauvaises réponses’’ !).  Et il est indispensable de développer une politique réellement alternative qui rencontre les besoins du plus grand nombre et qui apporte des solutions de rechange aux enjeux et aux défis qui inquiètent les citoyen(ne)s !

 

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Devant le blocage actuel, certaines voix se font entendre pour que l’on forme un ‘’gouvernement provisoire’’ qui établirait un ‘’budget d’urgence’’.

C’est bien joli mais la question fondamentale -et systématiquement escamotée !- demeure : pour quelle politique et, dans le cas présent, pour quel budget ?

Un budget avec de nouvelles ‘’économies’’ dans les soins de santé et un saut d'index ?  Ou un budget qui, par exemple, mettrait enfin à contribution les fortunes et établirait une imposition décente pour les grandes entreprises ?

Bref, qu’on le veuille ou non, il faudra dégager une majorité parlementaire pour trancher, et par conséquent il faudra également passer par une... ‘’négociation’’ !

In fine, il n'y aura pas de solution durable à la ‘’crise de régime’’ larvée qui caractérise ‘’l'Etat Belgique’’ depuis des décennies sans remettre le dossier ‘’institutionnel’’ sur la table !

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14 février 2020

26 mai, les jours d'après (XXIII)

 

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Apparemment, Paul Magnette préfère de nouvelles élections plutôt que de s’associer avec Bart de Wever…

Ecarter la N-VA, bien évidemment !

Reste que former des "gouvernements de coalition" avec les autres droites est tout aussi périlleux !

Rappelons que le PS a gouverné 27 années consécutives avec les libéraux et/ou les sociaux-chrétiens (peu importe l'étiquette -changeante- qui est la leur !) et rappelons qu'il a surtout accepté durant cette période de mener des politiques libérales !

On se souvient des privatisations d'entreprises publiques, du corsetage des salaires (loi de 1996), du traficotage du système d'indexation ("l'index-santé"), du "plan global" et du "pacte des générations", de mesures contre les chômeurs, des avantages accordés aux multinationales ("intérêts notionnels"), etc.

Et avec le PS au pouvoir, y compris avec un premier ministre "socialiste", pas de mise en oeuvre d'une lutte sérieuse contre la fraude fiscale des puissants, ni aucune politique digne de ce nom contre le "réchauffement climatique" !

Bref, un retour aux urnes, pourquoi pas ?

Mais en souhaitant que les électrices et les électeurs n'oublient rien de ce qui s'est passé ces dernières décennies et votent en toute connaissance de cause !

 

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Georges-Louis Bouchez ne partage pas l’avis du président du PS.  Selon ses dires, tout doit être fait pour éviter un retour aux urnes et garantir la stabilité du pays. Par conséquent, pas question d’exclusives !

Ah ça, tout le monde a pu vérifier que le MR n'avait aucun souci à gouverner avec la N-VA et que GLB est un proche de Francken ! Et tout le monde sait  -il ne s'en est d'ailleurs pas caché !- que ce Rastignac libéral aurait voulu continuer avec la "Suédoise" !

Malheureusement pour lui, et heureusement pour nous, l'électorat en a décidé autrement !

Reste que la volonté du MR est claire : poursuivre la même politique libérale de destruction de la Sécu et des services publics, de blocage des salaires et de cadeaux (entre amis) au patronat, de taxation des plus faibles au profit des plus forts, d'attentisme face à la fraude fiscale et à la fuite des capitaux, d'inertie totale devant le réchauffement climatique !

Dès lors, oui, redonnons la parole au peuple pour... sanctionner plus lourdement ces droites qui veulent toujours nous faire payer la facture de leurs choix anti-sociaux et anti-écologiques !

 

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De son côté, De Wever accuse le PS de pousser à un nouveau scrutin pour affaiblir son parti !

Tiens, tiens...

Bart craint un nouveau verdict de l'électorat ? Il doute de sa stratégie ? A moins d’un sursaut de lucidité :  il comprend que de plus en plus de personnes en ont assez de cette tambouille et veulent surtout un changement de politique !

Il faut dire que le 26 mai a été l'occasion d'une rude piqûre de rappel à cet égard ; la N-VA préfère sans doute ne pas revivre une triste soirée électorale (pour elle) ! 

 

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