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08 mars 2017

Journal d'une campagne (13)

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Gérard Miller : " Est-il encore permis de voter à gauche quand on est de gauche ? "


Le Monde, jeudi 9 mars 2017 (Tribune)

 


Miller.jpgAinsi donc, parmi d'autres hommes de gauche insoupçonnables, Patrick Braouezec, ancien député et maire communiste, "mesurant les conséquences dramatiques d'un second tour droite-extrême droite", vient d'annoncer dans Le Monde daté du 8 mars qu'il votera pour Emmanuel Macron dès le premier tour. Et ceci après avoir commencé par ces mots : "Chacun connaît mes convictions et mes engagements". 

Je l'avoue : les bras m'en tombent !


Jusque-là, l'élection présidentielle permettait d'appliquer un principe simple, que d'aucuns avaient résumé par une formule : "Au premier tour on choisit, au second on élimine." Sous-entendu : si le candidat qu'on pense être le meilleur n'est pas qualifié au terme du premier tour, on peut éventuellement voter au second pour celui qui semble un moindre mal, mais après avoir commencé en tout cas par voter "selon ses convictions et ses engagements".


Comme beaucoup à gauche, c'est ainsi que j'ai toujours procédé, soutenant au premier tour le candidat de mon choix (Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon…) et votant au second pour le socialiste arrivé en tête (Ségolène Royal, François Hollande…)


Or voilà que cette conception démocratique du vote est désormais caduque pour un certain nombre d'électeurs de gauche, et qu'il leur paraît nécessaire d'en soutenir une autre, supposée plus réaliste parce que fondée sur les sondages. Et tel vieux militant du PS, approuvant Braouezec, de m'expliquer sans sourciller qu'il votera lui aussi pour Macron qu'il n'apprécie guère, et ce pour les mêmes raisons qui l'ont conduit à voter à la primaire de droite pour Alain Juppé, qu'il déteste.


Dans le passé, j'avais déjà entendu brandir l'argument du vote utile pour justifier quelques cabrioles électorales, mais je dois dire que je n'avais jamais été confronté à l'élaboration de stratagèmes aussi tortueux !


Tout cela n'est pourtant pas un hasard. Cette confusion des esprits ne signe rien d'autre que l'actuelle victoire idéologique de la droite, qui pousse désormais des hommes et des femmes de gauche à cultiver la finasserie et le paradoxe comme les formes ultimes du pragmatisme.


J'ai par exemple sous les yeux la "lettre à Jean-Luc Mélenchon" que Raphaël Glucksmann a publiée le 4 mars sur le site de L'Obs. Sur huit paragraphes, cinq sont dithyrambiques. Le leader de La France Insoumise, écrit d'emblée Glucksmann, est tout bonnement "le meilleur". Et il ne mégote pas sur les arguments pour justifier un tel éloge !


Il explique que c'est "l'enfant chéri des noces de la littérature et de l'histoire", de très loin le plus érudit de tous les candidats. Il ajoute que c'est le plus politique, au sens le plus noble du terme, "à mille lieues des arrangements d'appareils moribonds", et le "dernier héritier d'une grande et belle tradition".


Et puis surtout, il rappelle que c'est celui qui a eu raison avant les autres. "Raison sur le rassemblement de notables passés en un siècle de Jaurès à Séguéla, incapables de transformer une société qui, in fine, leur convient parfaitement", etc. Bref, il se fait le plus efficace des agents électoraux et dès lors, s'il était une conclusion logique qu'on pouvait attendre d'une telle apologie, c'était bien celle de voter pour Mélenchon !


Eh bien, pas du tout ! Rappelant le sacrifice de François Bayrou, voilà le jeune essayiste qui évoque un "sortilège étrange" frappant cette élection, ce sont les termes employés par le rationaliste qu'il est. Et que veut d'après lui ledit sortilège ? Que les plus dignes des candidats renoncent à se présenter. D'où cette adresse à Mélenchon qu'on peut ainsi formuler : "Retirez-vous, Jean-Luc, puisque vous êtes le meilleur".


On en conviendra : cette dialectique est incroyable. En fait, tout repose sur une affirmation dont je vois bien qu'elle semble évidente à Glucksmann comme à Braouezec : Mélenchon (et pas davantage Hamon) ne peut pas être élu président, alors autant qu'il oublie son programme et ses électeurs avec. A suivre un tel raisonnement, on se demanderait même pourquoi continuent de se présenter à la présidentielle des candidats qui, d'après les sondages, ne sont pas assurés d'être au second tour.


Or, il y a pourtant au moins une raison : c'est qu'une élection démocratique suppose la confrontation des idées, et pas la prise en compte anticipée d'un résultat aléatoire. Il n'y a rien de plus insupportable que les évidences qu'on veut nous faire gober : qu'il n'y a pas d'autre système possible que le libéralisme, pas d'autre Europe possible que celle d'Angela Merkel, et pas d'autres candidats sérieux que ceux dont les sondages nous disent qu'ils seront au second tour.


Que celui qui soutient en connaissance de cause le programme de Macron vote pour lui, quoi de plus normal ? Mais au nom de quoi les électeurs potentiels de La France Insoumise devraient-ils renoncer ainsi à soutenir le candidat qui leur semble justement "le meilleur" ? Au lieu de tympaniser les oreilles de Mélenchon qui poursuit son bonhomme de chemin sans rien cacher de ce qu'il est et veut, est-ce qu'il ne serait pas plus juste de commencer par demander à tous ceux qui ont accepté de participer à la primaire organisée par le Parti socialiste de soutenir Hamon, sans lui tirer dans le dos ? Et je ne parle même pas de la conduite indigne de ceux qui eux aussi ont filé chez Macron, mais après avoir reproché tant et plus à Mélenchon de ne pas jouer le jeu de la primaire !


Bref, on l'aura compris, je suis résolument pour que les électeurs de gauche ne votent pas sous la pression de certitudes qui n'en sont pas. Aux Etats-Unis, les partisans d'Hillary Clinton eux aussi n'ont cessé de vanter sa stature présidentielle, reprochant à Bernie Sanders de ne pas se rendre à l'évidence. Résultat : Trump a été élu et chacun s'est alors posé la question de savoir si Sanders n'aurait pas été un bien meilleur candidat.


Voilà, pour que le meilleur gagne, encore faut-il qu'il se présente et que ceux qui devraient le soutenir ne renient pas leurs "convictions et engagements". En ce qui me concerne, pas question en tout cas de laisser BVA et l'IFOP guider ma main : au premier tour, je voterai pour le candidat dont le programme convient vraiment à l'homme de gauche que je reste : Jean-Luc Mélenchon.


Gérard Miller

 

 

 

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