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20 février 2018

Marx dans le texte (2)

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La presse en Hollande aurait provoqué la révolution belge ! Quelle presse ? La presse réformatrice ou la presse réactionnaire ? Question que nous pouvons aussi poser au sujet de la France, et si l'orateur blâme, par exemple, la presse cléricale belge, qui fut en même temps démocratique, qu'il s'en prenne également à la presse cléricale en France, qui fut en même temps absolutiste. Toutes deux ont concouru à la chute de leurs gouvernements. En France, ce n'est pas la liberté de la presse qui a provoqué des révolutions, c'est la censure.

Cela dit, il n'en reste pas moins que la révolution belge apparut d'abord comme une révolution spirituelle, une révolution de la presse. C'est en ce sens seulement que l'on peut affirmer que la presse a fait la révolution belge. Faut-il l'en blâmer ? La révolution doit-elle d'emblée prendre figure matérielle ? Frapper au lieu de parler ? Le gouvernement peut matérialiser une révolution spirituelle ; une révolution matérielle doit d'abord spiritualiser le gouvernement.

La révolution belge est un produit de l'esprit belge. C'est pourquoi la presse, qui est, de nos jours, la plus libre des manifestations de l'esprit, a aussi sa part dans la révolution belge. La presse belge ne serait pas la presse belge, si elle était restée à l'écart de la révolution tout comme la révolution belge ne serait pas belge si elle n'avait pas été en même temps la révolution de la presse. La révolution d'un peuple est totale ; ce qui signifie que chaque sphère se révolte à sa manière particulière ; pourquoi pas la presse en tant que presse ?

(...)

La liberté est à ce point essentielle aux hommes que même ses adversaires la réalisent, tout en combattant sa réalité.

(...)

Nul homme ne combat la liberté ; tout au plus combat-il la liberté des autres. Toute espèce de liberté a donc toujours existé, mais tantôt comme un privilège particulier, tantôt comme un droit universel.

(...)

La presse libre, c'est l'oeil partout ouvert de l'esprit du peuple, c'est l'incarnation de la confiance que la peuple a en lui-même, le lien parlant qui unit l'individu à l'Etat et au monde, la culture incarnée qui transfigure les luttes matérielles en luttes spirituelles et en idéalise la rude forme physique. Elle est l'impitoyable confession qu'un peuple se fait à lui-même, et l'on connaît la vertu rédemptrice de l'aveu. Elle est le miroir spirituel où un peuple se regarde, et la contemplation de soi-même est la première condition de la sagesse. Elle est l'esprit public que l'on peut colporter dans chaque maison à meilleur compte que le gaz matériel. Elle est universelle, omniprésente, omnisciente. Elle est le monde idéal qui jaillit perpétuellement du monde réel et, esprit toujours plus riche, y reflue pour le vivifier à nouveau.

(...)

La première liberté de la presse, c'est de n'être pas un métier. L'écrivain qui la rabaisse jusqu'à en faire un moyen matériel mérite, comme châtiment de cette servitude intérieure, la servitude extérieure, la censure ; ou plutôt son châtiment, c'est son existence même.

Evidemment, la presse existe aussi comme un métier, mais ce n'est pas alors l'affaire des écrivains, c'est celle des imprimeurs et des libraires. Or, ce dont il s'agit ici, ce n'est pas la liberté du travail des imprimeurs et des libraires, mais la liberté de la presse.

[Les délibérations de la Sixième Diète Rhénane, mai 1842, Rheinische Zeitung (Gazette Rhénane)]

 

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Depuis le mois d'avril jusqu'à ce jour, j'ai pu travailler en tout peut-être quatre semaines au plus, et encore pas quatre semaines de suite. J'ai dû passer six semaines à Trèves du fait d'un nouveau décès, le reste de mon temps a été morcelé et gâché par les discussions familiales les plus rebutantes.Ma famille m'a mis des bâtons dans les roues et, en dépit de mon aisance je connais les pires difficultés matérielles. Je ne puis vous importuner du récit de ces tracasseries d'ordre privé ; c'est une vraie chance que les tracasseries publiques ôtent à un homme de caractère toute possibilité de s'irriter à propos de ses affaires personnelles.

(...)

Comme vous vous trouvez au coeur même des nouveautés philosophiques et théologiques, mon désir le plus cher serait d'avoir de vous quelques détails sur la situation présente. Ici on voit bien l'aiguille des heures, mais non celle des minutes.

[Lettre de Karl Marx à Arnold Ruge, le 9 juillet 1842]



Il y a quelques jours, j'ai reçu une lettre du petit Meyen (...) où il m'invite à m'expliquer sur mes rapports 1. avec vous et Herwegh, 2. avec les Affranchis, 3. avec les nouveaux principes de la rédaction et sa position à l'égard du gouvernement. J'ai répondu immédiatement et exprimé ouvertement mon point de vue sur les défauts que présentent leurs articles : ils trouvent la liberté dans une forme licencieuse, sans-culottesque et par là- même commode, plutôt que dans un contenu libre, c'est-à-dire indépendant et qui aille au fond des choses. Je les invitai à ne pas se contenter de vagues raisonnements, de phrases pompeuses, à ne pas se montrer trop complaisants vis-à-vis d'eux-mêmes, à s'attacher à analyser exactement les situations concrètes et à faire preuve de connaissances précises. Je leur expliquai que je tenais pour déplacée, que dis-je pour immorale, l'introduction subreptice de dogmes communistes et socialistes, donc d'une nouvelle conception de la vie, dans des comptes-rendus de théâtre, etc. qui n'ont rien à voir avec elle, et que je désirais une discussion toute différente et plus approfondie du communisme, si ce sujet devait venir en discussion. J'ai exprimé ensuite le désir que la religion soit critiquée à travers la situation politique plutôt que la situation politique à travers la religion, parce que ce détour répond mieux à la nature d'un journal et à la formation du public, parce que la religion, vide de substance par elle-même, ne tire pas son existence du ciel, mais de la terre, et s'écroule d'elle-même dès qu'on détruit l'absurde réalité dont elle est la théorie. Enfin je voulais que, si l'on parlait de philosophie, l'on jouât moins avec le label «Athéisme et Cie» (cela fait penser aux enfants qui assurent à qui veut les entendre qu'ils n'ont pas peur du loup-garou), mais qu'on exposât plutôt au peuple le contenu de l'athéisme. Voilà tout.

[Lettre de Karl Marx à Arnold Ruge, le 30 novembre 1842]





 

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