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24 septembre 2018

Marx dans le texte (18)

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« Après avoir montré que la résistance périodiquement exercée de la part de l'ouvrier contre la réduction des salaires et les efforts qu'il entreprend périodiquement pour obtenir des augmentations de salaires sont inséparablement liés au système du salariat et sont provoqués par le fait même que le travail est assimilé aux marchandises et soumis par conséquent aux lois qui règlent le mouvement général des prix; après avoir montré, en outre, qu'une hausse générale des salaires entraînerait une baisse générale du taux du profit, mais qu'elle serait sans effet sur les prix moyens des marchandises ou sur leurs valeurs, maintenant il s'agit finalement de savoir jusqu'à quel point, au cours de la lutte continuelle entre le capital et le travail, celui-ci a chance de l'emporter.

Je pourrais répondre de façon générale et vous dire que le prix du marché du travail, de même que celui de toutes les autres marchandises, s'adaptera, à la longue, à sa valeur; que, par conséquent, en dépit de toute hausse et de toute baisse, et quoi que fasse l'ouvrier, il ne recevra finalement en moyenne que la valeur de son travail, qui se résout dans la valeur de sa force de travail, laquelle est déterminée, à son tour, par la valeur des moyens de subsistance nécessaires à sa conservation et à sa reproduction, et dont la valeur est finalement réglée par la quantité de travail qu'exige leur production.

Mais il y a quelques circonstances particulières qui distinguent la valeur de la force de travail, la valeur du travail, des valeurs de toutes les autres marchandises. La valeur de la force de travail est formée de deux éléments dont l'un est purement physique et l'autre historique ou social. Sa limite ultime est déterminée par l'élément physique, c'est-à-dire que, pour subsister et se reproduire, pour prolonger son existence physique, il faut que la classe ouvrière reçoive les moyens de subsistance indispensables pour vivre et se multiplier. La valeur de ces moyens de subsistance de nécessité absolue constitue par conséquent la limite ultime de la valeur du travail. D'autre part, la longueur de la journée de travail a également des limites extrêmes, quoique très extensibles. Ses limites extrêmes sont données par la force physique de l'ouvrier. Si l'épuisement quotidien de sa force vitale dépasse un certain degré, celle-ci ne pourra pas fournir journellement une nouvelle activité. Néanmoins, comme nous l'avons dit, cette limite est très extensible. Une succession rapide de générations débiles et à existence brève approvisionnera le marché du travail tout aussi bien qu'une série de générations fortes et à existence longue.

Parallèlement à cet élément purement physiologique, la valeur du travail est déterminée dans chaque pays par un standard de vie traditionnel. Celui-ci ne consiste pas seulement dans l'existence physique, mais dans la satisfaction de certains besoins naissant des conditions sociales dans lesquelles les hommes vivent et ont été élevés. Le standard de vie anglais pourrait être réduit à celui de l'Irlande, le standard de vie d'un paysan allemand à celui d'un paysan de Livonie. L'importance du rôle que jouent à cet égard la tradition historique et les habitudes sociales, vous pourrez la voir dans l'ouvrage de M. Thornton sur la Surpopulation. Il y montre que les salaires moyens dans diverses régions agricoles d'Angleterre, encore de nos jours, diffèrent plus ou moins suivant les circonstances plus ou moins favorables dans lesquelles ces régions sont sorties du servage.


Cet élément historique ou social qui entre dans la valeur du travail peut augmenter ou diminuer, disparaître complètement, de telle sorte que la limite physiologique subsiste seule. Du temps de la guerre contre les Jacobins, entreprise, comme disait le vieux George Rose, budgétivore et sinécuriste impénitent, pour mettre les consolations de notre sainte religion à l'abri des incursions de ces mécréants de Français, les honnêtes fermiers anglais que nous traitions si tendrement dans un chapitre précédent abaissèrent les salaires des ouvriers agricoles même au-dessous du minimum purement physique et firent ajouter, moyennant les Lois des pauvres, ce qui était nécessaire à la conservation physique de la race. C'était une manière glorieuse de transformer l'ouvrier salarié en esclave et le paysan libre et fier de Shakespeare en un indigent assisté.


Si vous comparez les salaires normaux, c'est-à-dire les valeurs du travail dans différents pays et à des époques historiques différentes dans le même pays, vous trouverez que la valeur du travail elle-même n'est pas une grandeur fixe, qu'elle est variable même si l'on suppose que les valeurs de toutes les autres marchandises restent constantes.

D'une comparaison analogue des taux du profit sur le marché il ressortirait que non seulement ceux-ci varient, mais que varient aussi leurs taux moyens.

Mais, en ce qui concerne les profits, il n'existe pas de loi qui déterminerait leur minimum. Nous ne pouvons pas dire quelle est la limite dernière de leur baisse. Et pourquoi ne pouvons-nous fixer cette limite ? Parce que nous sommes bien capables de fixer les salaires minimums, mais non les salaires maximums. Nous pouvons seulement dire que les limites de la journée de travail étant données, le maximum des profits correspond à la limite physiologique la plus basse des salaires et que, étant donné les salaires, le maximum des profits correspond à la prolongation de la journée de travail encore compatible avec les forces physiques de l'ouvrier. Le maximum du profit n'est donc limité que par le minimum physiologique de salaire et le maximum physiologique de la journée de travail.

Il est clair qu'entre ces deux limites du taux maximum du profit, il y a place pour une échelle immense de variations possibles. Son degré n'est déterminé que par la lutte incessante entre le capital et le travail; le capitaliste essaye continuellement d'abaisser les salaires à leur minimum physiologique et de prolonger la journée de travail à son maximum physiologique, tandis que l'ouvrier exerce constamment une pression dans le sens opposé.La chose se réduit à la question du rapport des forces des combattants.

En ce qui concerne la limitation de la journée de travail en Angleterre ainsi que dans tous les autres pays, elle n'a jamais été réglée autrement que par l'intervention législative. Sans la pression constante des ouvriers, agissant du dehors, jamais cette intervention ne se serait produite. En tout cas, le résultat n'aurait pas été obtenu par des accords privés entre les ouvriers et les capitalistes. Cette nécessité même d'une action politique générale est la preuve que, dans la lutte purement économique, le capital est le plus fort.

Quant aux limites de la valeur du travail, leur fixation dépend toujours en fait de l'offre et de la demande. J'entends par là la demande de travail de la part des capitalistes et l'offre de travail faite par les ouvriers. Dans les pays coloniaux, la loi de l'offre et de la demande favorise l'ouvrier. De là, le niveau relativement élevé des salaires aux Etats-Unis d'Amérique. Le capital a beau s'y évertuer; il ne peut empêcher que le marché du travail ne s'y vide constamment par la transformation continuelle des ouvriers salariés en paysans indépendants, se suffisant à eux-mêmes. La situation d'ouvrier salarié n'est, pour une très grande partie des Américains, qu'un stade transitoire qu'ils sont sûrs de quitter au bout d'un temps plus ou moins rapproché. Pour remédier à l'état de choses existant aux colonies, le paternel gouvernement anglais a adopté, pendant un certain temps, ce que l'on appelle la théorie de la colonisation moderne, qui consiste à élever artificiellement le prix de la terre aux colonies dans le but d'empêcher la transformation trop rapide du salarié en paysan indépendant.

Passons maintenant aux pays de vieille civilisation, où le capital domine entièrement le processus de la production. Prenons, par exemple, la hausse des salaires des ouvriers agricoles en Angleterre de 1849 à 1859. Quelle en fut la conséquence ? Les cultivateurs n'ont pas pu, comme le leur aurait conseillé notre ami Weston, élever la valeur du blé, pas même son prix sur le marché. Il leur fallut, au contraire, en accepter la baisse. Mais pendant ces onze années, ils introduisirent des machines de toutes sortes, appliquèrent des méthodes scientifiques nouvelles, convertirent une partie des terres arables en pâturages, augmentèrent l'étendue des fermes et, du même coup, le volume de la production; par ces moyens et par d'autres encore, ayant diminué la demande du travail par l'augmentation de sa force productive, ils créèrent de nouveau un excédent relatif de la population des ouvriers agricoles. Telle est la méthode générale suivant laquelle s'accomplissent plus ou moins rapidement, dans les vieux pays depuis longtemps habités, les réactions du capital contre les augmentations de salaires. Ricardo fait remarquer très justement que la machine est en concurrence continuelle avec le travail, et que souvent elle ne peut être introduite que lorsque le prix du travail a atteint un certain niveau; mais l'emploi de la machine n'est qu'une des nombreuses méthodes pour accroître la force productive du travail. Ce développement même qui crée une surabondance relative du travail ordinaire simplifie, d'autre part, le travail qualifié et ainsi le déprécie.

La même loi se fait sentir sous une autre forme. Avec le développement de la force productive du travail, l'accumulation du capital s'accélère beaucoup, même en dépit d'un taux de salaire relativement élevé. On en pourrait conclure, comme Adam Smith, du vivant duquel l'industrie moderne n'était encore qu'à ses débuts, que l'accumulation accélérée du capital doit nécessairement faire pencher la balance en faveur de l'ouvrier en créant une demande croissante de travail. Pour cette même raison, un grand nombre d'écrivains contemporains se sont étonnés que les salaires n'aient pas augmenté davantage, alors que le capital anglais s'est accru dans ces vingt dernières années beaucoup plus rapidement que la population anglaise. Mais, parallèlement à l'accumulation continuelle du capital, il s'opère une modification croissante dans la composition du capital. La portion du capital total, qui consiste en capital fixe, machines, matières premières, moyens de production de toutes les sortes possibles, s'accroît plus rapidement comparativement à l'autre portion du capital qui est employée en salaires, c'est-à-dire à l'achat du travail. Cette loi fut établie sous une forme plus où moins exacte par Barton, Ricardo, Sismondi, le professeur Richard Jones, le professeur Ramsay, Cherbuliez et plusieurs autres.


Si le rapport entre ces deux éléments du capital était à l'origine 1 contre 1, il devient au cours du progrès de l'industrie 5 contre 1, etc. Si sur un capital total de 600, on en investit 300 en instruments, matières premières, etc., et 300 en salaires, il n'y aura qu'à doubler le capital total pour créer une demande de 600 ouvriers au lieu de 300. Mais si, sur un capital de 600, 500 sont investis en machines, matériaux, etc., et 100 seulement en salaires, il faudra porter le même capital de 600 à 3 600 pour créer une demande de 600 ouvriers au lieu de 300. Dans le développement de l'industrie, la demande de travail ne marche donc pas de pair avec l'accumulation du capital. Elle s'accroîtra sans doute, mais dans un rapport constamment décroissant relativement à l'augmentation du capital.

Ces quelques indications suffiront à montrer que le développement même de l'industrie moderne doit nécessairement faire pencher toujours davantage la balance en faveur du capitaliste contre l'ouvrier et que, par conséquent, la tendance générale de la production capitaliste n'est pas d'élever le niveau moyen des salaires, mais de l'abaisser, c'est-à-dire de ramener, plus ou moins, la valeur du travail à sa limite la plus basse. Mais, telle étant la tendance des choses dans ce régime, est-ce à dire que la classe ouvrière doive renoncer à sa résistance contre les atteintes du capital et abandonner ses efforts pour arracher dans les occasions qui se présentent tout ce qui peut apporter une amélioration temporaire à sa situation ? Si elle le faisait, elle se ravalerait à n'être plus qu'une masse informe, écrasée, d'êtres faméliques pour lesquels il n'y aurait plus de salut. Je pense avoir montré que ses luttes pour des salaires normaux sont des incidents inséparables du système du salariat dans son ensemble, que, dans 99 cas sur 100, ses efforts pour relever les salaires ne sont que des tentatives pour maintenir la valeur donnée au travail, et que la nécessité d'en disputer le prix avec le capitaliste est en connexion avec la condition qui l'oblige à se vendre elle-même comme une marchandise. Si la classe ouvrière lâchait pied dans son conflit quotidien avec le capital, elle se priverait certainement elle-même de la possibilité d'entreprendre tel ou tel mouvement de plus grande envergure.

En même temps, et tout à fait en dehors de l'asservissement général qu'implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent pas s'exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne. Ils ne doivent pas oublier qu'ils luttent contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu'ils ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu'ils n'appliquent que des palliatifs, mais sans guérir le mal. Ils ne doivent donc pas se laisser absorber exclusivement par les escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements ininterrompus du capital ou les variations du marché. Il faut qu'ils comprennent que le régime actuel, avec toutes les misères dont il les accable, engendre en même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la transformation économique de la société. Au lieu du mot d'ordre conservateur: "Un salaire équitable pour une journée de travail équitable", ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d'ordre révolutionnaire: "Abolition du salariat". »

 

 

[Karl Marx, Salaire, prix et profit, 1865]

 

 

 

 

 

 

 

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16 septembre 2018

Une autre "rentrée littéraire"

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SYNOPSIS

Au moment où les partis populistes remportent des succès déconcertants dans les sociétés libérales occidentales, en Autriche, en Italie, aux États-Unis..., nul ne saurait douter que nous traversons aujourd'hui ce que Chantal Mouffe appelle un «moment populiste», qui s'explique par la désaffection croissante envers les partis de gouvernement traditionnels et la défiance envers la chose politique dans son ensemble. Après L'illusion du consensus, la gauche progressiste que défendait l'auteure, capable de revitaliser la démocratie et de rétablir un espace où s'expriment les conflits, doit désormais se reconstruire ; et il semble bien qu'elle n'ait d'autre choix que d'adopter, elle aussi, une «stratégie populiste». Mais attention, par «populisme de gauche», il faut entendre la stratégie qui vise à construire une frontière entre «le peuple» et l'«oligarchie», la seule frontière politique qui vaille, comme l'avance Chantal Mouffe dans ce texte aux allures de véritable manifeste.

 

Chantal MOUFFE, Pour un populisme de gauche, Albin Michel

Paru le 12/09/2018

 

 

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SYNOPSIS

Que faire ? Telle était la question que se posa Lénine en 1901, alors qu'il éprouvait des doutes sur la capacité révolutionnaire du monde ouvrier russe. Soixante-dix-sept ans plus tard, Louis Althusser décide de se l'adresser aussi. Confronté au reflux de Mai 68 et aux renoncements successifs du Parti communiste, il souhaite offrir à ses lecteurs un bref vade-mecum pour la révolution à venir. Un vade-mecum ramassé et tranchant, brillant et nerveux, tout entier tourné vers un objectif : parvenir à organiser la lutte de la classe populaire, de telle sorte qu'elle puisse l'emporter sur la classe bourgeoise. Pour Althusser, c'est l'occasion d'une critique virtuose des écrits d'Antonio Gramsci et de l'eurocommunisme, qui séduisent alors de nombreux marxistes. Mais c'est surtout l'opportunité de tenter de dire, en quelques pages, ce qu'il n'avait pas réussi à énoncer ailleurs : quelles conditions concrètes faut-il satisfaire pour qu'enfin la révolution ait lieu. Laissé inachevé, il est publié ici pour la première fois.

 

Louis ALTHUSSER, Que Faire ?, PUF

A paraître le 19/09/2018

 

 

 

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SYNOPSIS

Alors qu'il séjourne entre mai et octobre 1843 dans la petite ville de Kreuznach, Marx s'attelle à l'élaboration d'une critique de la philosophie du droit de Hegel, dont la pensée constitue alors l'horizon philosophique des jeunes penseurs critiques allemands. Ce travail prend la forme d'un commentaire ligne à ligne des paragraphes 261 à 313 des Principes de la philosophie du droit consacrés à la constitution interne de l'État. Marx laisse finalement ce travail inachevé sous la forme d'un manuscrit. C'est ce texte que nous publions aujourd'hui dans une nouvelle traduction qui, pour la première fois en France, s'appuie sur l'édition critique allemande la plus récente, et tente de faire apparaître le Manuscrit de Kreuznach comme ce qu'il est: un brouillon qui est aussi un véritable laboratoire de la pensée de Marx en train de se construire et de se préciser au contact du texte de son maître. Une introduction, un plan détaillé du texte, un appareil de notes, un glossaire et un choix de textes complémentaires, dont les paragraphes de Hegel commentés, permettent de replacer ce texte étonnant dans le cheminement de pensée de Marx, et en particulier dans le débat qu'il n'a jamais cessé d'entretenir avec la pensée de Hegel.

 

Karl MARX, Contribution à la critique de la Philosophie du Droit de Hegel, Editions sociales

A paraître le 19/09/2018

 

 

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SYNOPSIS

Mis à part leur statut de détective chevronné, quel est le point commun entre Hercule Poirot, Reginald Wexford et Adam Dalgliesh ? Tous sont nés de l'imaginaire d'une écrivaine. Le roman policier est affaire de femmes, d'Anglaises tout particulièrement : Agatha Christie, Ruth Rendell, P. D. James. Ces «reines du crime», comme se plaît à les appeler la critique anglo-saxonne, ont façonné le genre du polar. Et si cette tradition féminine s'est épanouie, c'est avant tout grâce à un contexte politique et social propice au renouveau. Alternative féminine et féministe au roman d'aventure, le polar a cristallisé les angoisses, les modes et les mutations. Dans la deuxième moitié du XIX siècle, les auteures se sont faites enquêtrices ; elles ont questionné leur époque, remis en cause l'ordre patriarcal, repensé le marché de la littérature, donné naissance à un nouveau modèle d'héroïne émancipée. Plus que de simples fictions, les récits de détectives ont redessiné les contours de la société anglaise.

 

Frédéric REGARD, Le détective était une femme, PUF

A paraître le 19/09/2018

 

 

 

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SYNOPSIS

Ce livre constitue une perspective historique (celle de la minorité) sur cet épisode révolutionnaire et il est, selon les mots de Bernard Noël, un véritable «traité idéologique». Pour Arnould, comme pour Lefrançais, membres tous deux de la « minorité » socialiste, non jacobine, non blanquiste, la Commune a trouvé «la formule exacte de la souveraineté populaire» en substituant le principe de la fédération, de l'union libre de collectivités autonomes, à tout centralisme politique. La formule inédite de la souveraineté par l'union, redoublée par l'anonymat de l'auto-gouvernement, accomplit les grandes idées du socialisme utopique. Mais cet accomplissement est vite contrarié par la situation de guerre étrangère et civile. Aussi la Commune se trouve-t-elle soumise à une tension contradictoire entre le socialisme utopique et le pragmatisme jacobin. Soumise à cet antagonisme, lui-même aggravé par la guerre, il faut à la Commune devenir efficace dans l'urgence ou abandonner le gouvernement à un Comité de salut public.

 

Arthur ARNOULD, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, Klincksieck

A paraître le 20/09/2018

 

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SYNOPSIS

Qu'est devenue la vérité ? À l'heure de la mise en oeuvre de la première loi supposée limiter les «fake news», Arnaud Esquerre, spécialiste des phénomènes de croyance, analyse la logique propre à ces faits alternatifs et les raisons de leur succès dans la sphère publique.

 

Arnaud ESQUERRE, Le vertige des faits alternatifs, Textuel

A paraître le 26/09/2018

 

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SYNOPSIS

Il y a les liens que le cinéma tisse avec la société de son temps. Marc Ferro en a traité dans un ouvrage devenu classique, Cinéma et histoire (Folio Histoire n° 55). Il y a, désormais, les rapports que les historiens entretiennent avec le film, en tant qu'objet d'analyse mais aussi mode d'écriture. Pour mieux donner à percevoir, par la fiction et la compression du temps, ce qu'ils ne peuvent écrire dans un livre, certains historiens ont d'ailleurs fait le choix de passer à la réalisation. Plus généralement, l'historien est devenu un conseiller, ce qui conduit à expliciter l'évolution du statut de son expertise. Qu'il se définisse, au coeur de l'Histoire, comme oeuvre ou document d'archives, du Jour le plus Long (1962) à Dunkerque (2017), le film est assurément une mise en récit, au même titre que le discours de l'historien. Mais il crée également des formes spécifiques de figuration de l'histoire. C'est, à partir d'analyses de films et de documentaires historiques ou de fiction, comme de leur propre expérience cinématographique, ce que montrent Christian Delage et Vincent Guigueno dans cet ouvrage pionnier.

 

Christian DELAGE et Vincent GUIGUENO, L'historien et le film, Gallimard

A paraître le 27/09/2018

 

 

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SYNOPSIS

En août 1936, le monde stupéfait découvre les premiers procès de Moscou. Au banc des accusés, les principaux dirigeants bolcheviques sont accusés des pires crimes et qui finiront devant le peloton d'exécution. Pourtant, le principal «coupable», qui a tout orchestré selon le procureur Vychinski, est absent. Il a été chassé d'URSS et privé de sa citoyenneté soviétique quelques années plus tôt : Léon Trotsky, le fondateur de l'Armée rouge est en exil au Mexique. Devant le tombereau de calomnies - il serait, tour à tour, depuis longtemps un agent de la Gestapo, du Mikado japonais et de l'état-major militaire français, l'organisateur de sabotages en URSS, d'assassinats de masse -, une commission internationale conduite par le philosophe américain John Dewey mène une contre-enquête sur les accusations. Elle recueille des témoignages et vérifie la «solidité» des accusations. En avril 1937, elle se rend à Coyoacán (Mexico) où réside Trotsky pour l'interroger. Celui-ci répond aux questions et revient sur l'histoire de la Révolution russe et de son funeste destin. Il revient sur sa vie depuis ses premiers engagements, sa rencontre avec Lénine et le déroulement de la Révolution d'octobre. Mais, surtout, il nous livre son témoignage et ses analyses sur la dégénérescence bureaucratique de l'URSS. Il détaille le fonctionnement de l'appareil policier de Staline et le déroulement des procès Moscou. Sous le feu des questions de la commission, il met en pièces les accusations et démontre les invraisemblances des faits allégués. Trois ans avant son assassinat par un agent de Staline, il nous propose sa part de vérité et nous livre le témoignage vivant d'un acteur de premier plan du déroulement tumultueux de l'Histoire. Publié en 1938, Not Guilty est resté inédit en français.

 

Commission DEWEY, Trotsky n'est pas coupable, Syllepse

A paraître le 27/09/2018

 

 

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SYNOPSIS

Avec dix-sept députés répartis dans huit commissions à l'Assemblée nationale, La France Insoumise n'est pas le plus grand groupe d'opposition, mais elle est vite apparue comme étant la seule véritable force d'opposition au gouvernement Macron, et en particulier à sa politique économique, fiscale et sociale. En onze chapitres, les députés dressent un état critique de la France de M. Macron, en centrant leur analyse sur les politiques les plus contestables, tant du point de vue de l'efficacité que de la justice. Ils montrent ainsi ce qui, selon eux, est vraiment «en marche» dans la France de Macron : une régression qui poursuit et approfondit la logique néolibérale installée par les gouvernements précédents (de droite comme de gauche). Mais La France Insoumise est aussi la première force de propositions de lois alternatives : chaque diagnostic critique dessine donc également les voies d'une autre politique. Les députés insoumis Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Alexis CORBIÈRE, Éric COQUEREL, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MÉLENCHON, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE.

 

Les DEPUTES INSOUMIS, La régression en marche, Seuil

A paraître le 4/10/2018

 

 

 





 

 

 

 

 

 

 

 

12 septembre 2018

Actions syndicales contre le gouvernement Michel : pour faire quoi ?

 

ballons.jpgDe nouvelles mobilisations syndicales sont annoncées, notamment pour le mardi 2 octobre. Elles serviront peut-être de prélude à un «plan d'action» plus vaste, plus tard dans l'année. Avec l'objectif d'une manifestation nationale ou d'une grève générale de 24 heures, en... décembre, à quelques jours de la traditionnelle trêve des confiseurs, Noël et Nouvel An obligent ?

La remarque peut paraître désabusée, mais ce scénario a déjà été écrit tant de fois que l'on ne peut l'exclure. Avec un scepticisme accru, car il n'a jamais empêché le gouvernement NVA-MR de mettre en exécution ses projets socialement rétrogrades !

 

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Alors, incapacité de tirer les leçons du passé, incapacité de se mettre en mouvement avec l'ensemble des salariés, absence de volonté d'affronter réellement l'exécutif fédéral ou attentisme contraint faute d'une alternative politique concrète à courte échéance ?

Il semble aujourd'hui évident que les décideurs qui «représentent» une «majorité sociale» potentielle préfèrent occuper une dernière fois «le terrain»... avant les élections législatives (et européennes) de 2019. Dans l'espoir, sans doute, qu'une nouvelle configuration parlementaire issue des urnes débouche sur la constitution d'un gouvernement «moins à droite» qui mettrait en oeuvre un programme moins violent contre le «monde du travail» et contre les «exclus» de celui-ci...

Toutefois, ce ne sont pas les participations gouvernementales du PS, voire même d'Ecolo, qui ont manqué au cours des 30 dernières années. Et celles-ci n'ont jamais permis une remise en cause des politiques d'austérité exigées par l'Union européenne, en vertu d'engagements et de traités pourtant contestés par les peuples, à maintes reprises !

Mais il y a longtemps que la perspective rêvée d'une révolution permanente a été supplantée par la plate réalité d'une impasse permanente !

Le «mouvement social» a décidément beaucoup de difficultés à avancer de manière équilibrée, sur ses deux jambes : les luttes ont besoin d'un débouché institutionnel et celui-ci ne peut prendre vie qu'en s'appuyant sur une action populaire au long cours.

 

 

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Le problème majeur reste la construction d'une force politique à vocation hégémonique, porteuse d'un programme alternatif ambitieux qui puisse bénéficier d'un soutien majoritaire parmi les travailleurs/travailleuses- citoyens/citoyennes.

Hélas, en Belgique, nous en sommes toujours réduits à piétiner autour d'un clivage classique «gauche/droite» (guillemets vraiment d'usage) et à devoir observer des échanges d'invectives concernant des étiquettes qui ont pourtant beaucoup perdu de leur signification et de leur portée subversive. Dans la foulée du siècle dernier, ce début de troisième millénaire a -en effet- consolidé une fâcheuse tendance : les renoncements bousculent les idéaux, les compromissions se jouent des compromis, toute perspective de transformation du monde est priée de s'effacer derrière quelques misérables rafistolages de celui-ci !

Face à la droite et à l'extrême-droite, les solutions de rechange sont donc ténues et les possibilités d'une rupture avec le désordre du capital sont plus qu'aléatoires. Entre Ecolo qui cultive un «ni... ni...» opaque susceptible d'ouvrir la voie à n'importe quelles alliances, entre le PS bienveillant accompagnateur des orientations austéritaires chères aux puissants, entre le PTB ancien (?) parti mao-stalinien à la trajectoire politique sinueuse, le chemin d'un renouvellement stratégique et programmatique fécond est très étroit. Le décalage constaté avec des pays comme l'Espagne ou la France -et les stimulantes innovations engagées par Podemos ou par la France Insoumise-  est évident.

 

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Une situation d'autant plus complexe, -déconcertante même-, que nous vivons dans un «pays petit», disparate, taraudé par une vieille «question nationale», avec une cohabitation historiquement forcée de deux peuples, et avec des centres de gravité politiques différents suivant les régions et les communautés.

Les campagnes électorales à venir pourraient être l'occasion -pour les adversaires de l'actuel mode de production/consommation dominant-  d'une clarification concernant les perspectives stratégiques fondamentales.

Malheureusement cet enjeu ne semble pas être une préoccupation prioritaire au sein de partis plus soucieux de se disputer le titre de «champion de la gauche», ou plus ardents pour «gagner l'hégémonie dans un camp», que de chercher une voie inédite adaptée à notre époque chahutée et capable de rassembler majoritairement pour un changement de cap radical.

Nous pourrons de toute façon vérifier très rapidement ce qu'il en est réellement.

A suivre...

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04 septembre 2018

Toilettage

 

Lorsque j'ai ouvert ce «blog», en 2013, j'ai rédigé un petit texte de présentation, repris dans la rubrique «A propos», située sur la page d'accueil, tout en haut, à ... gauche.

5 années plus tard, voici venu le temps de «rafraîchir» ces quelques lignes. Il s'agit plus d'aménagements, « homéopathiques », que d'une refonte totale qui -sur le plan politique- ne s'imposait pas.

Voici donc la nouvelle version.

 

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Ce blog annonce la couleur : rouge !

C'est donc à partir d'un engagement assumé que sont abordées ici l'actualité conflictuelle du monde  -sous ses multiples facettes-, la politique, l'histoire ou la littérature...

Quelques mots pour me situer.

Je me réclame de la "pensée/action Marx".

L’analyse et les interprétations critiques de la société doivent s'inscrire dans une perspective transformatrice de celle-ci.

Le combat pour l’émancipation humaine ne peut faire l’économie d’une rupture avec le capitalisme pour l’instauration d’une société sans classes, profondément égalitaire et démocratique, débarrassée de toute oppression et de toute exploitation, où le libre développement de chacun(e) sera le garant du libre développement de tou(te)s, dans le respect des grands équilibres écologiques.

Plus que jamais : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE !

Sans démocratie réelle pas de vraie LIBERTE possible !

Une véritable démocratie directe, car aucun projet politique visant à changer le monde ne peut aboutir s’il n’est pas porté par la grande majorité des hommes et des femmes, des citoyens et des citoyennes, des travailleurs et des travailleuses, des jeunes et des moins jeunes.

Une société "post-capitaliste", quel que soit le nom plébiscité, ne pourra être que radicalement démocratique. Elle constituera une avancée qualitative par rapport à la situation actuelle où la liberté est trop souvent la liberté pour les plus puissants de pouvoir écraser les plus faibles. Elle mettra fin au despotisme du marché afin de permettre à chacun(e) d’intervenir dans tous les domaines qui influencent la destinée humaine, à commencer par le contrôle des processus de production qui déterminent les types de consommation  -destructeurs ou non !-  de notre environnement terrestre. Elle mettra en valeur de rôle des individus, car le libre développement de chacun(e) est la condition du libre développement de tou(te)s.

Sans solidarité effective pas de vraie FRATERNITE possible !

Une véritable solidarité est incontournable dans un monde qui ne peut se réduire à une somme d’individus atomisés, alors que les êtres humains entretiennent d’étroites relations qui les lient les uns aux autres.

L’intérêt collectif doit l’emporter sur l’égoïsme, d’autant que nous sommes également confrontés au défi de maintenir une planète viable pour les générations futures.

Le "chacun pour soi" doit céder la place au "tous ensemble" !

Sans remise en cause radicale de ce monde intolérable parce que terriblement inégalitaire, pas de vraie EGALITE possible !

Le combat contre les inégalités est un combat contre les mécanismes et rapports sociaux qui sont responsables de ces inégalités.

Il ne s’agit pas de rechercher un peu plus de cette "équité" qui s’accommode facilement des inégalités et qui se contente de limiter celles-ci ou de les rendre "acceptables". Il s’agit de permettre à chaque être humain de développer ses possibilités et sa créativité, de réaliser ses désirs, de pouvoir s’épanouir, de vivre pleinement. Ce qui passe par l’accès à l’éducation, au savoir, à la nourriture ou au logement et, par conséquent, par une égalité  "multi-dimentionnelle", économique, sociale ou culturelle.

Concrétiser ces objectifs ambitieux, ici et maintenant : par où commencer ?

Il n’existe pas de "recette miraculeuse". Hélas !

Un constat d’abord : l’échec, au XXème siècle,  de toutes les tentatives de sortie du capitalisme, que ce soit par la "voie réformiste" ou par la "voie révolutionnaire".

Dans le premier cas, nous avons eu au mieux une gestion "sociale" du capitalisme ; dans le second cas, des caricatures totalitaires et mortifères du "socialisme/communisme".

Ce bilan négatif  -malgré quelques aspects "positifs" (comme les conquêtes sociales favorisées par les mobilisations révolutionnaires et la "peur du rouge", aux lendemains des guerres mondiales, notamment)-   est aujourd'hui un terrible handicap pour toutes celles et tous ceux qui continuent à s'activer pour transformer le monde !

3 éléments clé sont à souligner :

  1. L'absence de possibilité rapide de révolution communiste !

  1. L’impasse totale d’un réformisme sans réformes, qui a basculé sans complexes du côté de l’ordre capitaliste !

  1. Les difficultés de faire émerger une véritable alternative crédible,  attractive, et refondée (qui a tiré les leçons des défaites du passé et qui est capable de changer un "logiciel politique" hérité de la première moitié du siècle dernier !) !

Le temps des partis uniques, des avant-gardes éclairées qui détiennent seules toute la sagesse politique du monde et qui, fortes de celle-ci, assènent la vérité, est désormais révolu !

Non seulement, le combat pour l’émancipation est un combat de longue haleine, mais c’est un combat extrêmement difficile et parfaitement aléatoire. "L’histoire ne fait rien"  (Friedrich Engels). Et il n'existe pas de radieux scénario du futur planifié par on ne sait quels Dieu, César ou Tribun  !

Dans ces conditions, comment progresser ?

Quelques pistes.

Articuler la lutte dans les institutions et les mobilisations sociales, car sans mobilisations pas de rapports de forces corrects dans le combat institutionnel, mais sans débouché(s) politique(s), les luttes (grèves, manifestations, ...) ne sont que des barouds d’honneur à répétition !

Notre but reste de "transformer la société et changer la vie" (André Breton), autant que possible et le plus vite possible, pas dans un siècle !

Nous ne pouvons attendre un hypothétique "grand soir" en nous contentant de "témoigner", en diffusant une propagande millénariste, ou en prenant une posture révolutionnariste.

La gauche qui s'auto-proclame "de gauche", ses organisations et ses sympathisants, mais aussi les "non-encartés", ont donc une lourde responsabilité.  L’enjeu  -aujourd'hui-   n’est plus de savoir qui est le plus "rouge", qui est le plus "anticapitaliste", qui est le plus "combatif"... L'enjeu n'est plus de savoir s'il existe une "vraie" gauche et une "fausse" gauche (qui devrait dès lors être "dénoncée",  "démasquée" ou "démystifiée")...

Il s'agit maintenant d'abandonner les querelles stériles d'étiquettes et de chapelles pour dégager une voie pour une réponse stratégique et programmatique originale, adaptée à notre époque et capable d'enfin répondre aux multiples et complexes enjeux de notre temps !

Ce blog a pour   -modeste-  ambition d'apporter une toute petite contribution dans cette vaste perspective.

 

 

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01 septembre 2018

Marx dans le texte (17)

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A propos de la religion (II)

 

 

« Le monde religieux n'est que le reflet du monde réel. Une société où le produit du travail prend généralement la forme de marchandise et où, par conséquent, le rapport le plus général entre les producteurs consiste à comparer les valeurs de leurs produits et, sous cette enveloppe des choses, à comparer les uns aux autres leurs travaux privés à titre de travail humain égal, une telle société trouve dans le christianisme avec son culte de l'homme abstrait, et surtout dans ses types bourgeois, protestantisme, déisme, etc., le complément religieux le plus convenable. Dans les modes de production de la vieille Asie, de l'antiquité en général, la transformation du produit en marchandise ne joue qu'un rôle subalterne, qui cependant acquiert plus d'importance à mesure que les communautés approchent de leur dissolution. Des peuples marchands proprement dits n'existent que dans les intervalles du monde antique, à la façon des dieux d'Epicure, ou comme les Juifs dans les pores de la société polonaise. Ces vieux organismes sociaux sont, sous le rapport de la production, infiniment plus simples et plus transparents que la société bourgeoise ; mais ils ont pour base l'immaturité de l'homme individuel — dont l'histoire n'a pas encore coupé, pour ainsi dire, le cordon ombilical qui l'unit à la communauté naturelle d'une tribu primitive — ou des conditions de despotisme et d'esclavage. Le degré inférieur de développement des forces productives du travail qui les caractérise, et qui par suite imprègne, tout le cercle de la vie matérielle, l'étroitesse des rapports des hommes, soit entre eux, soit avec la nature, se reflète idéalement dans les vieilles religions nationales. En général, le reflet religieux du monde réel ne pourra disparaître que lorsque les conditions du travail et de la vie pratique présenteront à l'homme des rapports transparents et rationnels avec ses semblables et avec la nature. La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu'elle implique forment la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l'aspect, que le jour où s'y manifestera l'œuvre d'hommes librement associés, agissant consciemment et maîtres de leur propre mouvement social. Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d'existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d'un long et douloureux développement.»

 

[Karl Marx, Le Capital, Livre premier, Tome I [Traduction Joseph Roy], Paris, Editions Sociales, 1975, pages 90-91]

 

 

 

« Pour une société de producteurs de marchandises dont le rapport de production social général consiste à se rapporter à leurs produits comme à des marchandises, et donc à des valeurs, et à référer leurs travaux privés les uns aux autres sous cette forme impersonnelle de choses comme autant de travail humain semblable, le christianisme avec son culte de l'homme abstrait, notamment dans son développement bourgeois, dans le protestantisme, le déisme, etc., est la forme de religion la plus appropriée. Dans les modes de production de l'Asie ancienne, de l'Antiquité, etc. , la transformation du produit en marchandise, et donc l'existence des hommes comme producteurs de marchandises, joue un rôle subalterne qui gagne cependant en importance à mesure que les communautés entrent dans leur stade de déclin. Il n'existe de peuples commerçants à proprement parler que dans les intermondes de Karl_Marx_1867_Hannover.jpgl'univers antique, comme les dieux d'Epicure, ou comme les Juifs dans les pores de la société polonaise.Ces anciens organismes sociaux de production sont extraordinairement plus simples et plus transparents que l'organisme bourgeois, mais ils reposent soit sur l'immaturité de l'homme individuel qui ne s'est pas encore détaché du cordon ombilical des liens génériques naturels qu'il a avec les autres, soit sur des rapports immédiats de domination et de servitude. Ils ont pour condition un bas niveau de développement des forces productives du travail auquel correspond l'inhibition des rapports humains dans le procès matériel de reproduction de leur existence, donc dans leurs rapports entre eux et à l'égard de la nature. Cette inhibition réelle se reflète idéellement dans les vieilles religions de la nature et les religions populaires. Le reflet religieux du monde réel ne peut disparaître de manière générale qu'une fois que les rapports de la vie pratique des travaux et des jours représentent pour les hommes, de manière quotidienne et transparente, des relations rationnelles entre eux et avec la nature. La configuration du procès social d'existence, c'est-à-dire du procès de production matérielle, ne se débarrasse de son nébuleux voile mystique, qu'une fois qu'elle est là comme produit d'hommes qui se sont librement mis en société, sous leur propre contrôle conscient et selon leur plan délibéré. Mais cela requiert pour la société une autre base matérielle, c'est-à-dire toute une série de conditions matérielles d'existence qui sont elles-mêmes à leur tour le produit naturel d'un long et douloureux développement historique.»

 

[Karl Marx, Le Capital, Livre 1 [Traduction 4ème édition allemande], Paris, Messidor/Editions Sociales, 1983, pages 90-91]

 

 

 

« La campagne préliminaire du capital avait échoué, et la loi sur les 10 heures entra en vigueur le 1er mai 1848. Cependant le fiasco du parti chartiste, dont les chefs avaient été incarcérés et l'organisation brisée, avait déjà ébranlé la confiance que la classe ouvrière anglaise avait en elle-même. Peu de temps après, l'insurrection parisienne de juin étouffée dans le sang sonna le rassemblement, en Europe continentale comme en Angleterre, de toutes les fractions des classes dominantes, propriétaires fonciers et capitalistes, méchants loups de la Bourse et petits boutiquiers, protectionnistes et libre-échangistes, gouvernement et opposition, curés et libre-penseurs, jeunes putains et vieilles bonnes sœurs sous le mot d'ordre commun de sauvegarde de la propriété, de la religion, de la famille et de la société ! Partout la classe ouvrière fut frappée d'infamie, mise au ban, soumise à la « loi des suspects». Ces Messieurs les fabricants n'avaient donc plus besoin de se gêner.»

 

[Karl Marx, Le Capital, Livre 1 [Traduction 4ème édition allemande], Paris, Messidor/Editions Sociales, 1983, page 319]

 

 

 

« La technologie révèle le comportement actif de l'homme envers la nature, le procès immédiat de production de sa vie, donc aussi des conditions sociales de son existence et des conceptions intellectuelles qui en découlent. Et même toute histoire de la religion qui fait abstraction de cette base matérielle est elle aussi non critique. Il est en effet plus facile de trouver par l'analyse le noyau terrestre des conceptions religieuses les plus nébuleuses, qu'à l'inverse de développer à partir de chaque condition réelle d'existence ses formes célestifiées. C'est cette dernière méthode qui est l'unique méthode matérialiste, et donc scientifique. Les lacunes du matérialisme abstrait fondé sur les sciences de la nature et qui exclut le procès historique sont déjà visibles dans les représentations abstraites et idéologiques de ses porte-parole, dès lors qu'ils se hasardent au-delà de leur spécialité.»

 

[Karl Marx, Le Capital, Livre 1 [Traduction 4ème édition allemande], Paris, Messidor/Editions Sociales, 1983, page 418]

 

 

 

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« Cette accumulation initiale joue dans l'économie politique à peu près le même rôle que le péché originel en théologie. Adam a mordu la pomme et le péché s'est abattu sur le genre humain. On en explique l'origine en la racontant comme une anecdote du temps passé. Il était une fois, il y a bien longtemps de cela, une élite laborieuse d'un côté, intelligente et avant tout économe, et de l'autre, une bande de canailles fainéantes, qui gaspillait sans compter les biens de cette élite. La légende religieuse de la chute théologique nous raconte, il est vrai, comment l'homme fut condamné à gagner son pain à la sueur de son front; l'histoire du péché originel économique, en revanche, nous révèle pourquoi il est des gens qui n'en ont nul besoin. Passons !... Or il advint ainsi que les uns accumulèrent de la richesse et que les autres n'eurent en définitive rien d'autre à vendre que leur peau. Et c'est de ce péché originel que datent la pauvreté de la grande masse qui, en dépit de tout son travail, n'a toujours rien d'autre à vendre qu'elle-même, et la richesse de quelques-uns, qui croît continuellement, bien qu'ils aient depuis longtemps cessé de travailler; c'est ce genre d'histoire puérile et insipide que, par exemple, Monsieur Thiers rabâche encore aux Français, jadis si spirituels, en y mettant le sérieux solennel de l'homme d'État, pour défendre la propriété. Il est vrai que dès que la question de la propriété entre en jeu, c'est un devoir sacré de s'en tenir mordicus aux vérités d'abécédaire, seule perspective valable pour toutes les classes d'âge et tous les stades de développement. Chacun sait que dans l'histoire réelle le premier rôle est tenu par la conquête, l'asservissement, le crime et le pillage, en un mot, par la violence. Dans la suave économie politique, c'est l'idylle qui a toujours régné. Droit et «travail» furent de tout temps les uniques moyens d'enrichissement, exception faite chaque fois, naturellement, de «cette année». En réalité, les méthodes de l'accumulation initiale sont tout ce qu'on voudra sauf idylliques.»

 

[Karl Marx, Le Capital, Livre 1 [Traduction 4ème édition allemande], Paris, Messidor/Editions Sociales, 1983, pages 803-804]

 

 

 

« Le système de la monnaie est essentiellement catholique, celui du crédit essentiellement protestant. «The Scotch hate gold. » La marchandise, lorsqu'elle est représentée par la monnaie de papier, a une existence purement sociale. C'est la foi qui sauve : la foi en la valeur monétaire considérée comme l'âme de la marchandise, la foi dans le système de production et son ordonnance prédestinée, la foi dans les agents de la production personnifiant le capital ayant le pouvoir d'augmenter par lui-même sa valeur. Mais, de même que le protestantisme ne s'émancipe guère des fondements du catholicisme, de même le système du crédit ne s'élève pas au-dessus de la base du système de la monnaie.»

 

[Karl Marx, Le Capital, Livre troisième, Tome II, Paris, Editions Sociales, 1970, page 252]

 

 

 

« La domination du capitaliste sur le travailleur est par conséquent la domination de la chose sur l'homme, du travail mort sur le travail vivant, du produit sur le producteur, puisqu'en fait les marchandises qui deviennent des moyens de domination (mais seulement en tant que moyens de la domination du capital lui-même) sur les travailleurs sont de simples résultats du procès de production, les produits de ce dernier. C'est exactement le même rapport dans la production matérielle, dans le procès réel de la vie sociale -car c'est bien ce qu'est le procès de production- que celui qui, dans le domaine idéologique, est représenté par la religion, le renversement du sujet dans l'objet, et inversement. Considéré d'un point de vue historique, ce renversement apparaît comme le point de passage nécessaire pour imposer par force, aux dépens du plus grand nombre, la création de la richesse comme telle, c'est-à-dire le développement impitoyable des forces productives du travail social, qui seules peuvent former la base matérielle d'une libre société humaine. Il est nécessaire d'en passer par cette forme antagonique, de même qu'il est nécessaire que l'être humain se figure ses propres forces spirituelles d'abord sous une forme religieuse, comme des puissances indépendantes. C'est le procès d'aliénation de son propre travail

 

[Karl Marx, Le chapitre VI, manuscrits de 1863-1867 – Le Capital, livre I, Paris, Les Editions Sociales (GEME), 2010, pages 131-132]

 

 

 

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« Toutes ces contradictions sont celles de la production capitaliste en train de se dégager de la société féodale et ne donnant plus de cette dernière qu'une interprétation bourgeoise sans avoir pour autant trouvé encore sa forme caractéristique, de même la philosophie commence-t-elle à s'élaborer dans la forme religieuse de la conscience, anéantissant d'une part la religion en tant que telle tandis que, d'autre part, elle ne se meut encore que dans cette sphère religieuse idéalisée, entièrement dissoute en pensée.»

 

[Karl Marx, Théories sur la plus-value (Livre 4 du «Capital»), Tome I, Paris, Editions Sociales, 1974, page 40]

 

 

 

« Tous les peuples n'ont pas les mêmes dispositions pour la production capitaliste. Quelques peuples d'origine très ancienne, comme les Turcs, n'en n'ont ni le tempérament ni les dispositions. Mais ce sont là des exceptions. Avec le développement de la production capitaliste se crée un niveau moyen de la société bourgeoise, et partant des tempéraments et des dispositions dans les différents peuples. Essentiellement cosmopolites comme le christianisme. C'est pour cette raison que le christianisme est la religion spécifique du capital. Dans l'un et l'autre, seul compte l'homme. En soi et pour soi, un homme a aussi peu et autant de valeur qu'un autre. Dans l'un tout dépend s'il a la foi, et dans l'autre, s'il a du crédit. En outre vient s'ajouter il est vrai la prédestination pour l'un. Pour l'autre le hasard d'avoir de l'argent par sa naissance ou de n'en avoir pas»

 

[Karl Marx, Théories sur la plus-value (Livre 4 du «Capital»), Tome III, Paris, Editions Sociales, 1976, pages 532-533]

 

 

 

 

« Une fois abolies l'armée permanente et la police, instruments du pouvoir matériel de l'ancien gouvernement, la Commune se donna pour tâche de briser l'outil spirituel de l'oppression, le pouvoir des prêtres; elle décréta la dissolution et l'expropriation de toutes les Églises dans la mesure où elles constituaient des corps possédants. Les prêtres furent renvoyés à la calme retraite de la vie privée, pour y vivre des aumônes des fidèles, à l'instar de leurs prédécesseurs, les apôtres. La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'Église et de l'État. Ainsi, non seulement l'instruction était rendue accessible à tous, mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée

 

[Karl Marx, La guerre civile en France, 1871, Paris, Editions Sociales, 1972, page 42]

 

 

 

« «Liberté de conscience !» Si on voulait, par ces temps de Kulturkampf, rappeler au libéralisme ses vieux mots d'ordre, on ne pouvait le faire que sous cette forme : «chacun doit pouvoir satisfaire ses besoins religieux et corporels, sans que la police y fourre le nez». Mais le Parti ouvrier avait là, l'occasion d'exprimer sa conviction que la bourgeoise «liberté de conscience» n'est rien de plus que la tolérance de toutes les sortes possibles de liberté de conscience religieuse, tandis que lui s'efforce de libérer les consciences de la fantasmagorie religieuse. Seulement on se complaît à ne pas dépasser le niveau «bourgeois».»

 

[Karl Marx, Critique du programme de Gotha, Paris, Les Editions Sociales (GEME), 2008, page 78]

 

 

 

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