10 octobre 2019
D'un révisionnisme historique à l'autre...
L'histoire ne peut être instrumentalisée par un pouvoir politique et la résolution votée par une majorité de parlementaires européens amalgamant le nazisme et le "communisme" est inacceptable ! Mais on a aussi pu constater au cours de cette séquence polémique une grande confusion idéologique, d'aucuns persistant à identifier stalinisme et communisme ! Au motif d'une (juste) indignation suscitée par les basses manoeuvres du Parlement européen, on a ainsi pu lire des commentaires qui réhabilitent "en contrebande" l'URSS stalinienne, en escamotant notamment le caractère totalitaire de ce régime et ses innombrables crimes ! Ci-dessous, une mise au point utile du politologue Jean Vogel (La Libre Belgique, «Il faut répondre à la vision de l’histoire que propose le Parlement européen. Mais il faut le faire avec justesse») [1]
La résolution du 19 septembre du Parlement européen qui condamne de façon équivalente le régime génocidaire hitlérien, fondé sur le racisme biologique et l’antisémitisme éradicateur, et le communisme est un amalgame confus et une opération politique qui prend l’histoire en otage.
Sur le plan historique, il est parfaitement légitime de critiquer cette résolution qui amalgame régimes nazi et stalinien et ne permet, de ce fait, ni d’analyser, ni de comprendre les spécificités de chacun d’eux (ne fut-ce que les différences fondamentales des soubassements idéologiques du nazisme et du communisme), ni comment ils en sont arrivés à conclure ensemble un Pacte en 1939. La vision donnée de l’histoire est biaisée, en ne soufflant mot des responsabilités d’autres Etats européens dans le conflit, ou en occultant le rôle joué, à partir de 1941, par les soldats soviétiques dans la victoire contre le nazisme. L’histoire est une fresque complexe dont on ne peut isoler artificiellement certains éléments et en dissimuler d’autres pour les besoins d’une cause.
Sur un plan plus politique, dans une confusion savamment entretenue entre passé et présent, le texte européen amalgame dénonciation du stalinisme et condamnation de l’ «idéologie communiste». Or, si Staline s’est réclamé du communisme, il a existé et existe encore une variété de courants communistes non-staliniens qui se sont opposés (subissant dans leur chair la répression stalinienne) et s’opposent toujours au stalinisme. La volonté d’établir -comme c’est commun aujourd’hui- de manière téléologique et mécanique un lien automatique entre marxisme et terreur stalinienne, débouche toujours sur la défense du statu quo et la condamnation de toute alternative radicale.
Mais le problème de la tribune publiée dans La Libre -et elle n’est pas la seule dans ce cas- est qu’elle répond à la confusion par la confusion et à la caricature par la caricature. Répondre à la tentative européenne d’imposer une «histoire» officielle en reprenant de facto quasiment tels quels les poncifs de la version officielle stalinienne, décrédibilise la critique justifiée de cette résolution.
La tribune résume les idées-forces de cette résolution d’une façon à ce point biaisée qu’elle en rend impossible toute critique objective.
Dire que le Pacte germano-soviétique a été le déclencheur de la Deuxième Guerre mondiale constitue une vérité historique incontestable. Ce n’est pas dire que ce Pacte épuise la causalité d’ensemble mais qu’il a représenté la «cause efficiente» dans une conjoncture donnée. Dès les premiers jours de la guerre, quelqu’un comme Trotsky avait parfaitement exposé cette distinction : «les causes principales de la guerre doivent être cherchées dans les insurmontables contradictions de l’impérialisme mondial. Toutefois, l’élément déterminant pour que puissent commencer les opérations militaires fut la conclusion du pacte germano-soviétique… Il n’est rien qui puisse effacer ceci de l’histoire» [2]. Hitler a signé le pacte pour pouvoir commencer la guerre (agresser la Pologne en ayant les mains libres à l’Est). Staline a signé le pacte pour rester en-dehors du conflit, tout en réalisant des conquêtes territoriales. En tant que cosignataires Hitler et Staline portent tous deux une responsabilité, mais d’ordre différent. Hitler est l’agresseur, Staline le complice qui lui a facilité l’agression. Comme l’écrivait Victor Serge, dans sa chronique du journal liégeois La Wallonie : «Que le pacte de non-agression signé par les représentants d’Hitler et de Staline soit en réalité un pacte d’agression contre la Pologne, avec répartition des rôles actifs et passifs, voilà ce dont on ne saurait plus douter…» (12 septembre 1939) [3].
La tribune publiée dans La Libre verse carrément dans le révisionnisme historique. Elle présente le Pacte comme répondant exclusivement au dessein de Staline «de retarder un affrontement auquel l’URSS n’était pas prête» en restant en dehors des hostilités armées. Elle passe totalement sous silence les protocoles secrets signés en même temps que le Pacte ou quelques semaines plus tard, par lesquels Hitler et Staline se partageaient les «sphères d’influences» en Europe de l’Est : quatrième partage de la Pologne en septembre 1939, guerre de l’URSS contre la Finlande en décembre, occupation militaire des Etats baltes suivie de leur annexion en juin 1940 et annexion le même mois de la Bessarabie et de la Bucovine. Là il ne s’agissait pas seulement pour Staline de «gagner du temps» mais de partager le butin. Si l’on y ajoute la collaboration militaire et économique de grande ampleur (sans les fournitures de pétrole soviétique pas de Blitzkrieg de la Wehrmacht en avril-mai 1940), il est conforme à la vérité historique d’affirmer que la «neutralité» officielle de l’URSS pendant la première phase de la guerre recouvrait en réalité «deux ans d’alliance germano-soviétique» (titre d’une étude limpide de l’ancien dirigeant communiste italien Angelo Tasca publiée en 1949).
La tribune de La Libre utilise des euphémismes («régimes imposés par la violence», «territoires récupérés») pour éviter de dire que les annexions soviétiques et leurs suites (déportations de masse par exemple) sont d’abord le produit de l’accord entre Hitler et Staline. Les cent-cinquante communistes et antifascistes allemands, avec Marguerite Buber-Neumann, livrés directement par le NKVD à la Gestapo sur le pont de Brest-Litovsk en février 1940 sont le symbole le plus frappant de cette sombre page de l’histoire.
Le texte s’indigne de voir «également» assimilés et condamnés les régimes stalinien et nazi. L’utilisation de l’adverbe «également» biaise l’argument. Il induit l’idée d’une identité ou d’une équivalence complète entre les deux régimes totalitaires. Cette thèse a été depuis longtemps critiquée, en soulignant les différences existant entre les deux. Mais cela laisse ouvertes deux questions auxquelles il faut bien répondre. Le régime stalinien doit-il ou non être caractérisé comme un totalitarisme ? Les tentatives de réhabilitation (explicite ou subreptice) du stalinisme sont-elles légitimes ou condamnables ?
Au-delà de la critique de cette résolution du Parlement européen, il y a deux problèmes de fond qui devraient être débattus. Nous rejetons, à juste titre, comme moralement inacceptable tout relativisme historique qui banaliserait le nazisme ou qui justifierait a posteriori la collaboration avec lui (par exemple en la présentant comme relevant de la résistance à la domination soviétique). Cependant, il y a des régions en Europe, comme les pays baltes, où manifestement la mémoire historique des crimes du communisme est beaucoup plus vive que celle des crimes du nazisme. Et il y a des raisons à cela, des raisons objectives ancrées dans l’expérience vécue de ces peuples et pas dans le prétendu fait qu’ils seraient par nature et héréditairement des nationalistes réactionnaires, cléricaux et antisémites. D’où un hiatus dans l’ordonnancement des expériences historiques et dans la hiérarchie des jugements de valeur avec ce que comporte le bagage mémoriel et éthique qui est le nôtre. Il me semble qu’il faudrait travailler ce hiatus plutôt que de se contenter de pousser des cris d’orfraie sur le retour du fascisme.
Deuxième problème de fond, le révisionnisme et le négationnisme historique au sujet du stalinisme. Ils peuvent être subreptices comme au PTB (qui n’a jamais vraiment remis en cause son hyper-stalinisme d’antan). Ils peuvent être explicites comme dans nombre de petits partis communistes «relancés» (dont le PCB aujourd’hui) qui, dans la foulée du Parti communiste grec, ont procédé à la réhabilitation de Staline. Quelle attitude adopter à cet égard ? Faut-il considérer que la défense du stalinisme fait toujours partie des options possibles dans un débat à gauche ? Sommes-nous solidaires des staliniens dans une lutte commune contre l’anticommunisme outrancier ? Ou, au contraire, ne faudrait-il pas se demander s’il n’y a pas un rapprochement à faire entre le révisionnisme/négationnisme vis-à-vis du nazisme et le révisionnisme/négationnisme vis-à-vis de stalinisme, s’il n’y a pas une même forme de déni de l’histoire qui pervertit le débat démocratique ?
1. |
↑ |
https://www.lalibre.be/debats/opinions/il-faut-repondre-a... |
2. |
↑ |
Léon TROTSKY, Sur la Deuxième Guerre mondiale, La Taupe, Bruxelles, 1970, p. 92 |
3. |
↑ |
Victor SERGE, Retour à l’Ouest. Chroniques (juin 1936-mai 1940), Agone, Marseille, 2010, p.278. |
Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères d'Hitler,
avec Staline et son ministre des Affaires étrangères, Molotov.
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10 septembre 2019
26 mai, les jours d'après (IX)
Le PS et Ecolo vont donc s'associer au MR en Région wallonne et à la Communauté Wallonie-Bruxelles. Ce n'est pas une surprise, c'est une habitude. Cette connivence politicienne se traduit régulièrement par des accords de majorité. On avait d'ailleurs déjà connu des gouvernements «Arc-en-ciel» au niveau fédéral entre 1999 et 2003 et au niveau wallon entre 1999 et 2004 !
Cette complicité qui lie les partis traditionnels depuis des décennies, à tous les niveaux de pouvoir, n'est pas un mystère. Car un tronc commun politique favorise ces différentes coalitions : la soumission aux recommandations libérales de l'UE, le respect de la «concurrence libre et non faussée», la gestion routinière du capitalisme intériorisé comme «horizon indépassable» de l'humanité !
Rien ne va réellement changer dans les prochaines années. Certes ils nous annoncent la main sur le coeur qu'il n'y aura pas de «nouvelles taxes» et que la «priorité» sera donnée au social, à l'environnemental et à l'économie. Mais avez-vous déjà vu un «accord de majorité» qui affirmait le contraire ? Il y a la théorie et il y a la pratique, il y a les déclarations d'intention et il y a la mise en oeuvre concrète de politiques toujours austères pour la population, il y a la com' et il y a les actes qui prennent le contre-pieds de celle-ci. Il sera difficile d'éviter de nouveaux reculs pour le plus grand nombre, durant les cinq prochaines années, sans mobilisations et luttes.
L'épisode de la formation des «Exécutifs» est maintenant clos au Sud de «l'Etat Belgique» et le sera sans doute bientôt (?) au Nord. Reste le niveau fédéral où les deux «informateurs/préformateurs» s'efforcent de reconduire la (regrettable) «Suédoise» en y ajoutant... les deux partis socialistes ! Soit six formations qui ont pris une claque électorale le 26 mai (29 sièges perdus à la Chambre des représentants!). Mais les intérêts du capital justifient les «coalitions des battus» et pour l'oligarchie financière modifier fondamentalement le cap politique est inconcevable.
Tant pis pour le climat et la justice sociale...
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Stefaan De Clerck, le président du conseil d'administration de Proximus, plaide pour adapter le plafond salarial fixé pour le/la CEO après le départ annoncé de Dominique Leroy chez KPN, dès le mois de décembre. Selon lui, la recherche d'un candidat pour reprendre ce poste sera handicapée par un plafond salarial «limité» à 650.000 euros. Tout le cynisme du monde de la finance et du personnel politique à son service est ci résumé dans ces propos (inconsciemment ?) provocateurs !
Pour rappel, De Clerck est membre du CD&V, parti du gouvernement sortant qui a notamment imposé un saut d'index, et il n'a jamais eu le moindre état d'âme concernant l'austérité imposée au plus grand nombre. Par contre, limiter les émoluments des dirigeants d'entreprises censées être encore «publiques», là c'est une horreur !
Remarquons au passage toute la perversité de la logique capitaliste : au nom de la «concurrence», les salaires des travailleurs sont toujours trop élevés et au nom de cette même «concurrence» les revenus des patrons ne le sont jamais assez !
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Selon le «Comité de Monitoring», à politique inchangée, le déficit de l’Etat fédéral et de la Sécurité sociale se creuserait fortement d’ici la fin de la législature. Le retour à l’équilibre exigerait d’importantes mesures de rigueur qui pèseraient sur la croissance.
Et voilà, c'est reparti avec le discours de la «nécessité de l'austérité» pour faire face à un «déficit budgétaire» récurrent.
Cinq années (enfin, presque) de gouvernement des droites ont encore aggravé la situation des finances publiques et toutes les déclarations sur la «bonne gouvernance» des Michel et De Wever apparaît pour ce qu'elles étaient : du foutage de g... !
En attendant, la prochaine coalition présentera une fois de plus la facture à la population et on ne voit pas comment elle pourra financer une politique ambitieuse sur le plan social ou sur le plan environnemental. Ou plutôt si, on le voit très bien, mais il faudrait rompre avec le logiciel politique euro-libéral, et il est douteux que les partis traditionnels soient disposés à passer à l'acte !
Un changement de cap radical est pourtant indispensable si l'on veut éviter une nouvelle cure austéritaire. Par exemple en taxant la fortune, en supprimant les avantages fiscaux éhontés aux grandes entreprises (du style intérêts notionnels), en prenant des mesures réelles contre la fraude fiscale et contre la fuite des capitaux, ou encore en mettant fin aux dépenses militaires superflues (les F35 !).
Pas d'illusions toutefois : MR, N-VA ou PS ne choisiront pas cette voie. Il faudra l'imposer par des mobilisations sociales de grande ampleur. Mais les états-majors syndicaux sont-ils prêts à tirer les leçons du passé et à mettre en oeuvre cette fois-ci un véritable «plan d'actions» ?
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26 août 2019
26 mai, les jours d'après (VIII)
Trois mois. Il y a déjà trois mois que nous avons voté.
Et toujours ni gouvernement wallon, ni gouvernement flamand, ni gouvernement fédéral !
Certes, des négociations sont engagées dans les entités fédérées et devraient aboutir... «prochainement». Mais au niveau de «l'Etat Belgique», c'est l'enlisement : deux «informateurs» s'informent lentement pour gagner du temps, tant la situation semble une fois de plus inextricable.
Le blocage actuel nous ramène ainsi quelques années en arrière, lorsqu'il avait fallu 541 jours pour former une majorité ! Rappelons au passage qu'il n'y a plus de «gouvernement de plein exercice» depuis le départ de la N-VA en décembre 2018, et soulignons que le gouvernement Michel «en affaires courantes» est un gouvernement ultra minoritaire (38 députés sur 150 à la Chambre !).
Ce qui ne l'empêche d'ailleurs pas de prendre des décisions, en témoigne la récente désignation de Didier Reynders comme candidat à un poste au sein de la prochaine Commission européenne. Telle est la «démocratie» dans ce royaume et dans l'Europe des 28 !
Mais pourquoi ces difficultés récurrentes ?
Parce que cet Etat connaît depuis longtemps une «crise de régime de basse intensité», avec des poussées de fièvre «communautaire» régulières qui menacent son existence et qui exigent chaque fois une refonte institutionnelle majeure pour faire tomber la température !
Aujourd'hui, le pays est devenu quasi ingouvernable, conséquence notamment d'une «question nationale» jamais résolue. Les élections du 26 mai ont encore démontré qu'il existait (au moins) deux «réalités politiques» en Belgique : en Flandre, le centre de gravité se situe nettement «à droite», tandis qu'en Wallonie il se positionne plus «à gauche» ! Et ces deux configurations sont contraintes de négocier la formation d'un gouvernement «belge», au risque d'étouffer les aspirations populaires qui se sont exprimées lors du dernier scrutin !
En 2014, l'aplatissement du MR devant Bart De Wever avait permis la formation d'une majorité où les francophones étaient extraordinairement minoritaires. Mais la raclée encaissée par la «Suédoise», le 26 mai (perte de 22 sièges !), empêche la reproduction de ce coup de force.
Entre extrême-droite et droite extrême nationalistes, entre droite décomplexée, gauche de connivence et gauche radicale, entre Flamands, Wallons et Bruxellois, difficile de ne pas perdre la boussole en cette fin d'été 2019 ! Ce qui pousse d'ores et déjà certains observateurs à annoncer un retour anticipé aux urnes qui, toutefois, risque de ne rien changer à cet embrouillamini !
Tant que la «question des nationalités» n'aura pas été débloquée, ces difficultés persisteront. Et pour sortir de l'imbroglio institutionnel permanent une seule option démocratique, celle de la mise en oeuvre du «droit à l'autodétermination des peuples»...
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Dans un entretien de rentrée accordé au quotidien La Meuse, le porte-parole du PTB déclare notamment ceci : «Je vois un hold-up démocratique des partis nationalistes du Nord du pays qui veulent utiliser le score électoral pour détruire le pays. En Flandre, les gens n’ont pas voté pour le confédéralisme. Des sondages montrent que l’institutionnel n’est vraiment pas leur priorité. Les gens ont voté pour des mesures sociales. Cela devrait être le véritable enjeu aujourd’hui, mais la droite ne veut pas de ce débat».
Une explication pour le moins réductrice. Si l'électorat était guidé par des préoccupations sociales, pourquoi a-t-il choisi massivement la N-VA et le VB (58 sièges sur 124 au Parlement flamand) plutôt que le PTB-PVDA (4 sièges dans cette même assemblée parlementaire) ? Lequel PTB avait pourtant axé sa campagne électorale sur ce thème («Le social, c'est vraiment phénoménal»), alors que le Belang, par exemple, défendait un mot d'ordre central identitaire («Eerst onze mensen»)... Et si l'extrême-droite récupère les revendications sociales de la gauche, pourquoi les électrices/électeurs préfèrent-ils la copie à l'original, et pas le contraire ?
En reprenant une argumentation aussi déterministe, Raoul Hedebouw écarte à peu de frais une problématique qui dérange la «ligne unitariste» de son parti. On se «rassure» comme on peut, dit-on. Mais un discours de rentrée est une chose, la réalité en est une autre, plus complexe.
Il est difficile d'interpréter le(s) sens d'une élection, a fortiori quand elle fut triple. Et contrairement à ce que d'aucuns affirment volontiers, il n'existe pas de «signal de l'électeur» au singulier, car l'électorat est tout sauf monolithique ! Une caractéristique importante également illustrée par l'éclatement croissant de notre paysage politique (12 partis représentés au Parlement fédéral !).
Ce qui rassemble une majorité d'électrices/électeurs est sans doute une volonté de «changement», car beaucoup sont insatisfaits de la société et du monde actuels. Mais ce constat n'épuise pas la question car il ne dit rien de la nature du changement espéré par les uns et les autres. Nul besoin cependant d'être politologue pour deviner que les réponses de chacun et de chacune sont multiples et contradictoires.
Dans les choix opérés par chaque votant de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, et ceux-ci ne relèvent pas forcément d'une implacable rationalité : la politique fonctionne aussi aux affects (sentiments, émotions, ressenti) !
La conflictualité sociale, le refus des injustices sociales, l'aspiration à l'égalité sont certes des facteurs à prendre en considération. Mais il y en a d'autres. A l'évidence, dans la dernière bataille électorale, les questions du réchauffement climatique ou des migrations ont également pesé. Et en Flandre, plus qu'en Wallonie où s'affirme toujours un sentiment belgicain, le discours sur la nécessité d'une plus grande «autonomie» des communautés ne laisse pas insensible un grand nombre.
Et puis, dans une élection, jouent également le poids de l'idéologie dominante, les traditions, les opérations de com' destinées à construire une image ou un récit, l'influence du «parti médiatique», sans oublier les conséquences d'une «abstention élevée» dans un pays où le vote est «obligatoire» !
Pour en revenir au PTB, en ignorant délibérément la «question nationale», il reproduit la même erreur que le mouvement ouvrier socialiste, il y a plus d'un siècle ! Ce faisant, il laisse le champ libre à la droite nationaliste qui reste ainsi largement (et facilement) hégémonique dans le «mouvement flamand».
Il serait temps qu'une certaine gauche radicale comprenne que l'on ne combat pas seulement l'extrême-droite par de grandes déclarations sur les réseaux sociaux ou par des manifestations «anti-fascistes». Il est aussi indispensable de prendre en considération les aspirations des peuples à la souveraineté, aujourd'hui parfaitement récupérées par un Salvini en Italie, une Lepen en France ou des Francken et Van Grieken en Flandre...
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