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29 juillet 2018

Marx dans le texte (15)

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(...) « Un livre qui m'a beaucoup intéressé, c'est l'HISTOIRE DE LA FORMATION ET DU PROGRES DU TIERS-ETAT d'Augustin Thierry, paru en 1853. C'est curieux de voir comment ce monsieur, qui est le père de la «lutte de classes» dans l'historiographie française, se déchaîne dans sa préface contre les «Jeunes historiens» qui voient, eux aussi, maintenant un antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat, et qui veulent découvrir déjà des traces de cette opposition spécifique dans l'histoire du tiers-état jusqu'en 1789. (...)

Si M. Thierry avait lu nos travaux, il saurait que l'antagonisme caractérisé entre la bourgeoisie et le peuple ne commence naturellement à exister qu'à partir du moment où la bourgeoisie cesse de faire face, sous le nom de tiers-état, à la noblesse et au clergé. En ce qui concerne «les racines dans l'histoire» d'un « antagonisme d'hier», son livre apporte la meilleure preuve que ces «racines» naissent avec la naissance même du tiers-état. (...)

Ce qui m'a intéressé, c'est de voir, à travers les documents qu'il cite, que le mot «catalla, capitalia», le capital, apparaît avec la formation des communes. En outre, il prouve, sans le vouloir, que la chose qui freina le plus la bourgeoisie française dans sa marche victorieuse, c'est qu'elle ne se décida à faire cause commune avec les paysans qu'en 1789 » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 27 juillet 1854]

 

 

(...) « En étudiant le merdier espagnol, je suis tombé aussi sur le digne Chateaubriand, ce styliste prétentieux, qui allie de la façon la plus écoeurante le scepticisme et le voltairianisme distingués du XVIIIème siècle au sentimentalisme et au romantisme également distingués du XIXème siècle. Cette conjonction ne pouvait naturellement manquer de faire date en France sur le plan du style, bien que même dans le style le côté faux, en dépit des prouesses d'artiste, saute aux yeux à maintes reprises » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 26 octobre 1854]

 

 

(...) « Bacon dit que les véritables grands hommes ont tant de relations avec la nature et le monde, qu'ils s'intéressent à tant de choses qu'ils se consolent rapident de toute perte. Je ne fais pas partie de ces grands hommes. La mort de mon enfant a profondément bouleversé mon coeur et ébranlé mon esprit et je ressens cette perte aussi vivement qu'au premier jour. Ma pauvre femme, elle aussi, est complètement brisée » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Ferdinand Lassalle, 28 juillet 1855]

 

« Les soi-disant révolutions de 1848 n´ont été que de simples incidents, de menues cassures et lézardes dans la dure écorce de la société européenne. Mais elles y découvraient un gouffre. Sous une surface d´apparence solide, elles révélèrent des océans de masse liquide qui n´a qu´à s´épandre pour faire voler en éclats des continents de roche dure. Elles proclamèrent bruyamment et confusément l´émancipation du prolétariat, ce mystère du XIXe siècle et de la révolution de ce siècle.

En vérité, cette révolution sociale n´était pas une nouveauté inventée en 1848. La vapeur, l´électricité et le métier à filer étaient des révolutionnaires infiniment plus dangereux que des citoyens de la stature d´un Barbès, d´un Raspail et d´un Blanqui. Cependant, quoique l´atmosphère dans laquelle nous vivons fasse peser sur chacun de nous un poids de 20 000 livres, vous en apercevez-vous ? Pas plus que la société européenne d´avant 1848 ne s'apercevait de l´atmosphère révolutionnaire qui l´enveloppait et l´oppressait de toutes parts.

Il est un fait écrasant qui caractérise notre XIXe siècle, un fait qu´aucun parti n´ose contester. D´un côté, des forces industrielles et scientifiques se sont éveillées à la vie, qu´aucune époque antérieure de l´histoire humaine ne pouvait même soupçonner. De l´autre côté, apparaissent des signes de déclin qui éclipsent les horreurs relevées lors de la dernière période de l'Empire romain.

De nos jours, chaque chose paraît grosse de son contraire. Nous voyons que les machines douées du merveilleux pouvoir de réduire le travail humain et de le rendre fécond le font dépérir et s´exténuer. Les sources de richesse nouvellement découvertes se changent, par un étrange sortilège, en sources de détresse. Il semble que les triomphes de la technique s´achètent au prix de la déchéance morale.

A mesure que l´humanité maîtrise la nature, l´homme semble devenir l'esclave de ses pareils ou de sa propre infamie. Même la pure lumière de la science semble ne pouvoir luire autrement que sur le fond obscur de l'ignorance. Toutes nos découvertes et tous nos progrès semblent avoir pour résultat de doter de vie intellectuelle les forces matérielles et de dégrader la vie humaine à une force matérielle. Cet antagonisme entre l´industrie et la science modernes d´autre part, et la misère et la décomposition morale d'autre part, cet antagonisme entre les forces productives et les rapports sociaux de notre époque est un fait tangible, écrasant et impossible à nier.

Tels partis le déplorent, d´autres souhaitent se débarrasser de la technique moderne, pour peu qu´ils se délivrent des conflits modernes ; ou bien s'imaginent qu´un progrès aussi important dans l´industrie doit nécessairement s´accompagner d´une régression non moins considérable en politique. Pour notre part, nous ne nous abusons pas quant à la nature de l'esprit retors qui ne cesse d´imprégner toutes ces contradictions. Nous savons que pour faire oeuvre utile les forces nouvelles de la société ont besoin d´une chose, à savoir d´hommes nouveaux qui maîtrisent ces forces ; et ces hommes nouveaux, ce sont les travailleurs. Ils sont tout autant une invention des temps modernes que les machines elles-mêmes. Dans les symptômes qui déconcertent la bourgeoisie, l´aristocratie et les piètres prophètes de la régression, nous retrouvons notre brave ami, Robin Goodfellow, la vieille taupe capable de travailler si vite sous terre, l´excellent mineur - la révolution. Les travailleurs anglais sont les pionniers de l´industrie moderne. Ils ne seront certainement pas les derniers à venir à l´aide de la révolution sociale engendrée par cette industrie, une révolution qui signifie l'émancipation de leur propre classe et de l´esclavage salarié. Je sais les luttes héroïques que les ouvriers anglais ont menées depuis le milieu du siècle dernier, luttes moins glorifiées parce qu' oubliées et mises sous le boisseau par les historiens bourgeois.

Pour faire expier les méfaits commis par les classes dominantes, il existait en Allemagne au Moyen Age un tribunal secret, dit Sainte-Vehme. Si on voyait une croix rouge tracée sur un mur, on savait que le propriétaire de la maison était condamné par la Vehme. Toutes les maisons en Europe sont à présent marquées par la mystérieuse croix rouge. Le juge, c´est l´histoire - l'exécuteur du verdict, c´est le prolétariat »

 

[Discours de Karl Marx, Fête de « The People's Paper », journal des Chartistes de Londres, 14 avril 1856]

 

 

(... ) « Nota bene, en ce qui concerne des points à mentionner ici et à ne pas oublier :

 

  1. La guerre développée antérieurement à la paix : montrer comment par la guerre et dans les armées, etc., certains rapports économiques, comme le travail salarié, le machinisme, etc., se sont développés plus tôt qu'à l'intérieur de la société bourgeoise. De même le rapport entre la force productive et les rapports de circulation particulièrement manifeste dans l'armée.

 

  1. Rapport entre l'histoire idéaliste telle qu'on l'a écrite jusqu'ici et l'histoire réelle. En particulier celles qui se disent histoires de la civilisation, et qui sont toutes histoires de la religion et des États. (A cette occasion, on peut aussi parler des différents genres d'histoire écrite jusqu'à maintenant. L'histoire dite objective. La subjective (morale, etc.). La philosophique).

 

  1. Phénomènes secondaires et tertiaires. D'une façon générale, rapports de production dérivés, transférés, non originaux. Ici entrée en jeu de rapports internationaux.

 

  1. Reproches au sujet du matérialisme de cette conception. Rapport avec le matérialisme naturaliste.

 

  1. Dialectique des concepts forces productives (moyens de production) et rapports de production, dialectique dont les limites sont à déterminer et qui ne supprime pas la différence réelle.

 

  1. Le rapport inégal entre le développement de la production matérielle et celui de la production artistique par exemple. D'une manière générale, ne pas prendre l'idée de progrès sous la forme abstraite habituelle. Art moderne, etc.. Cette disproportion est loin d'être aussi importante, ni aussi difficile à saisir que celle qui se produit à l'intérieur des rapports sociaux pratiques. Par exemple, de la culture. Rapport des États-Unis avec l'Europe. Mais la vraie difficulté à discuter ici est celle-ci : comment les rapports de production, en prenant la forme de rapports juridiques, suivent un développement inégal. Ainsi, par exemple, le rapport entre le droit privé romain (pour le droit criminel et le droit public c'est moins le cas) et la production moderne.

 

  1. Cette conception apparaît comme un développement nécessaire. Mais justification du hasard. Comment. (La liberté notamment aussi.) (Influence des moyens de communication. L'histoire universelle n'a pas toujours existé; l'histoire considérée comme histoire universelle est un résultat)

 

  1. Le point de départ naturellement dans les déterminations naturelles; subjectivement et objectivement. Tribus, races, etc.

 

 

Pour l'art, on sait que certaines époques de floraison artistique ne sont nullement en rapport avec le développement général de la société, ni par conséquent avec celui de sa base matérielle, qui est pour ainsi dire l'ossature de son organisation. Par exemple les Grecs comparés aux modernes, ou encore Shakespeare. Pour certaines formes de l'art, l'épopée par exemple, il est même reconnu qu'elles ne peuvent jamais être produites dans la forme classique où elles font époque, dès que la production artistique apparaît en tant que telle; que donc, dans le domaine de l'art lui-même, certaines de ses créations importantes ne sont possibles qu'à un stade inférieur du développement artistique. Si cela est vrai du rapport des différents genres artistiques à l'intérieur du domaine de l'art lui-même, Il est déjà moins surprenant que cela soit également vrai du rapport du domaine artistique tout entier au développement général de la société. La difficulté ne réside que dans la manière générale de saisir ces contradictions. Dès qu'elles sont spécifiées, elles sont par là même expliquées.

Prenons, par exemple, le rapport de l'art grec d'abord, puis de l'art de Shakespeare avec notre temps. On sait que la mythologie grecque n'a pas été seulement l'arsenal de l'art grec, mais la terre même qui l'a nourri. La façon de voir la nature et les rapports sociaux qui inspire l'imagination grecque et constitue de ce fait le fondement de la mythologie grecque est-elle compatible avec les Selfactors [machines à filer automatiques], les chemins de fer, les locomotives et le télégraphe électrique ? Qu'est-ce que Vulcain auprès de Roberts and Co, Jupiter auprès du paratonnerre et Hermès auprès du Crédit mobilier ? Toute mythologie maîtrise, domine les forces de la nature dans le domaine de l'imagination, et par l'imagination, et leur donne forme : elle disparaît donc quand ces forces sont dominées réellement. Que devient Fama à côté de Printing-house square ?

L'art grec suppose la mythologie grecque, c'est-à-dire l'élaboration artistique mais inconsciente de la nature et des formes sociales elles-mêmes par l'imagination populaire. Ce sont là ses matériaux. Ce qui ne veut pas dire n'importe quelle mythologie, c'est-à-dire n'importe quelle élaboration artistique inconsciente de la nature (ce mot sous-entendant ici tout ce qui est objectif, donc y compris la société). Jamais la mythologie égyptienne n'aurait pu fournir un terrain favorable à l'éclosion de l'art grec. Mais il faut en tout cas une mythologie. Donc en aucun cas une société arrivée à un stade de développement excluant tout rapport mythologique avec la nature, tout rapport générateur de mythes, exigeant donc de l'artiste une imagination indépendante de la mythologie.

D'autre part, Achille est-il compatible avec la poudre et le plomb ? Ou, somme toute, l'Iliade avec la presse ou encore mieux la machine à imprimer ? Est-ce que le chant, le poème épique, la Muse ne disparaissent pas nécessairement devant la barre du typographe, est-ce que ne s'évanouissent pas les conditions nécessaires de la poésie épique ?

Mais la difficulté n'est pas de comprendre que l'art grec et l'épopée sont liés à certaines formes du développement social. La difficulté réside dans le fait qu'ils nous procurent encore une jouissance esthétique et qu'ils ont encore pour nous, à certains égards, la valeur de normes et de modèles inaccessibles.

Un homme ne peut redevenir enfant, sous peine de tomber dans la puérilité. Mais ne prend-il pas plaisir à la naïveté de l'enfant et, ayant accédé à un niveau supérieur, ne doit-il pas aspirer lui-même à reproduire sa vérité ? Dans la nature enfantine, chaque époque ne voit-elle pas revivre son propre caractère dans sa vérité naturelle ? Pourquoi l'enfance historique de l'humanité, là où elle a atteint son plus bel épanouissement, pourquoi ce stade de développement révolu à jamais n'exercerait-il pas un charme éternel ? Il est des enfants mal élevés et des enfants qui prennent des airs de grandes personnes. Nombre de peuples de l'antiquité appartiennent à cette catégorie. Les Grecs étaient des enfants normaux. Le charme qu'exerce sur nous leur art n'est pas en contradiction avec le caractère primitif de la société où il a grandi. Il en est bien plutôt le produit et il est au contraire indissolublement lié au fait que les conditions sociales insuffisamment mûres où cet art est né, et où seulement il pouvait naître, ne pourront jamais revenir »

 

[Karl Marx, Introduction à la critique de l'Economie politique, 1857]

 

 

 

 

28 juillet 2018

Marx dans le texte (14)

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(...) « Maintenant, en ce qui me concerne, ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert l'existence des classes dans la société moderne, pas plus que la lutte qu'elles s'y livrent. Des historiens bourgeois avaient exposé bien avant moi l'évolution historique de cette lutte des classes et des économistes bourgeois en avaient décrit l'anatomie économique. Ce que j'ai apporté de nouveau, c'est :

  1. de démontrer que l'existence des classes n'est liée qu'à des phases historiques déterminées du développement de la production ;

  2. que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat ;

  3. que cette dictature elle-­même ne représente qu'une transition vers l'abolition de toutes les classes et vers une société sans classes » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Joseph Weydemeyer, 5 mars 1852]

 

 

(...) « Bonne chance pour le nouveau citoyen du monde ! On ne peut venir au monde à une époque plus formidable que de nos jours. Lorsqu'on ira en 7 jours de Londres à Calcutta, nous aurons depuis longtemps la tête tranchée ou le chef branlant. Et l'Australie, la Californie, et l'Océan Pacifique ! Les nouveaux citoyens ne comprendront plus à quel point notre monde était exigu » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Joseph Weydemeyer, 25 mars 1852]

 

 

(...) « La révolution pourrait se produire plus tôt que nous le souhaitons. Rien n'est pire pour des révolutionnaires que d'avoir à se préoccuper de l'approvisionnement en pain » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 19 août 1852]

 

 

(...) «  N'est-il pas sot celui qui s'étonne de ce que les écoliers savent, à savoir que la vérité naît de la controverse et qu'on ne peut dégager les faits historiques que par des affirmations contradictoires » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 3 septembre 1853]

 

 

(...) « J'ai l'intention de déclarer publiquement, à la prochaine occasion, que je ne suis lié à aucun parti. Je n'accepte plus dorénavant de me laisser injurier par n'importe quel âne, membre du parti, sous le couvert du parti » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 8 octobre 1853]

 

  « Je regrette profondément d’être dans l’impossibilité, pour le moment tout au moins, de quitter Londres et d’être ainsi empêché d’exprimer de vive voix mes sentiments de fierté et de gratitude pour l’invitation à siéger comme Délégué honoraire du Parlement ouvrier. La simple convocation d’un tel parlement marque une nouvelle époque dans l’histoire du monde. La nouvelle de ce grand événement éveillera les espérances de la classe ouvrière à travers l’Europe et l’Amérique.

Plus que tout autre pays, la Grande-Bretagne a vu se développer au plus haut degré le despotisme du capital et l’esclavage du travail. En aucun autre pays, les conditions intermédiaires entre le millionnaire commandant à des armées industrielles entières et l’esclave salarié, qui ne vit qu’au jour le jour, n’ont été aussi progressivement balayées de la surface de la terre. Là, il n’existe plus, comme dans les pays continentaux, de grandes classes de paysans et d’artisans qui dépendent presque autant de leur propriété que de leur propre travail. Un divorce complet entre la propriété et le travail s’est produit en Grande-Bretagne. C’est pourquoi, en aucun autre pays, la guerre entre les deux classes qui constituent la société moderne n’a pris des dimensions si colossales et des traits si distincts et palpables.

Mais c’est précisément pour ces raisons que la classe ouvrière de Grande-Bretagne est plus que toute autre apte et appelée à agir à la tête du grand mouvement qui doit aboutir à l’émancipation absolue du travail. Elle l’est en raison de la claire conscience de sa situation, de son immense supériorité numérique, des désastreuses luttes de son passé, de sa force morale dans le présent.

Ce sont les millions d’ouvriers de Grande-Bretagne qui ont, les premiers, jeté les bases réelles d’une nouvelle société l’industrie moderne, laquelle a transformé les forces destructives de la nature en puissance productive de l’homme. Avec une invincible énergie, à la sueur de leurs fronts et de leurs cerveaux, les travailleurs anglais ont créé des moyens d’ennoblir le travail lui-même et de multiplier ses fruits à un degré tel que l’abondance générale est devenue possible.

En créant les inépuisables forces productives de l’industrie moderne, ils ont rempli la première condition de l’émancipation du travail. Il leur faut maintenant en réaliser la seconde. Il leur faut libérer ces forces productrices de richesse des chaînes infâmes du monopole et les soumettre au contrôle commun des producteurs, lesquels, jusqu’à présent, ont permis que les produits même de leurs mains se tournent contre eux et se changent en autant d’instruments de leur propre asservissement.

La classe laborieuse a conquis la nature; elle doit maintenant conquérir les hommes. Pour réussir dans cette entreprise, il ne lui manque pas la force mais l’organisation de sa force commune, l’organisation de la classe laborieuse à une échelle nationale; tel est, à mon avis, le grand et glorieux objectif vers lequel tend le Parlement ouvrier.

Si le Parlement se montre fidèle à l’idée qui lui a donné vie, tel historien futur devra rappeler qu’en l’année 1854, il existait deux parlements en Angleterre, un parlement à Londres et un parlement à Manchester un parlement des riches et un parlement des pauvres , mais que des hommes siégeaient seulement au parlement des travailleurs et non au parlement des maîtres.

 

Votre très dévoué »

 

[Lettre de Karl Marx au « Parlement Ouvrier », 9 mars 1854]

 

22 juillet 2018

Marx dans le texte (13)

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(...) « Pour le moment, ma nouvelle théorie de la rente ne m'a apporté que la bonne conscience à laquelle aspire nécessairement tout homme de bien. Je suis en tout cas content que tu en sois satisfait. Un rapport inversement proportionnel entre la fertilité de la terre et la fertilité humaine ne pouvait qu'affecter profondément le puissant père de famille que je suis, d'autant plus que mon mariage est plus productif que mon industrie » (...)



[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 3 février 1851]





(...) « Cet isolement authentique, public, dans lequel nous vivons, toi et moi, me plaît beaucoup. Il répond tout à fait à notre position et à nos principes. Tout ce système de concessions réciproques et de demi-mesures qu'on tolère au nom des convenances, le devoir d'assumer aux yeux du public sa part de ridicule dans le parti en compagnie de tous ces ânes, tout cela a maintenant pris fin » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 11 février 1851]

 

 

(...) « Le pire est que je suis soudainement arrêté dans mes études en bibliothèque. Je suis si avancé que, dans cinq semaines, j'en aurais terminé avec toute cette merde d'économie. Et cela fait, c'est chez moi que je rédigerai l'Economie politique, tandis qu'au Museum je me lancerai dans une autre science. Ca commence à m'ennuyer. Au fond, cette science, depuis A. Smith et D. Ricardo, n'a plus fait aucun progrès, malgré toutes les recherches particulières et souvent extrêmement délicates auxquelles on s'est livré » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Friedrich Engels, 2 avril 1851]

 

(...) « Et après les derniers événements, je suis plus convaincu que jamais, qu'il n'y aura pas de révolution sérieuse sans crise commerciale » (...)

 

[Lettre de Karl Marx à Ferdinand Freiligrath, 27 décembre 1851]

 

 

(...) « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. Caussidière pour Danton, Louis Blanc pour Robespierre, la Montagne de 1848 à 1851 pour la Montagne de 1793 à 1795, le neveu pour l'oncle. (...)

Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c'est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu'ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu'ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d'ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l'histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté. C'est ainsi que Luther prit le masque de l'apôtre Paul, que la Révolution de 1789 à 1814 se drapa successivement dans le costume de la République romaine, puis dans celui de l'Empire romain, et que la révolution de 1848 ne sut rien faire de mieux que de parodier tantôt 1789, tantôt la tradition révolutionnaire de 1793 à 1795. C'est ainsi que le débutant qui apprend une nouvelle langue la retraduit toujours en pensée dans sa langue maternelle, mais il ne réussit à s'assimiler l'esprit de cette nouvelle langue et à s'en servir librement que lorsqu'il arrive à la manier sans se rappeler sa langue maternelle, et qu'il parvient même à oublier complètement cette dernière.

L'examen de ces conjurations des morts de l'histoire révèle immédiatement une différence éclatante. Camille Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint-Just, Napoléon, les héros, de même que les partis et la masse de la première Révolution française, accomplirent dans le costume romain et en se servant d'une phraséologie romaine la tâche de leur époque, à savoir l'éclosion et l'instauration de la société bourgeoise moderne. Si les premiers brisèrent en morceaux les institutions féodales et coupèrent les têtes féodales, qui avaient poussé sur ces institutions, Napoléon, lui, créa, à l'intérieur de la France, les conditions grâce auxquelles on pouvait désormais développer la libre concurrence, exploiter la propriété parcellaire du sol et utiliser les forces productives industrielles libérées de la nation, tandis qu'à l'extérieur, il balaya partout les institutions féodales dans la mesure où cela était nécessaire pour créer à la société bourgeoise en France l'entourage dont elle avait besoin sur le continent européen. La nouvelle forme de société une fois établie, disparurent les colosses antédiluviens, et, avec eux, la Rome ressuscitée : les Brutus, les Gracchus, les Publicola, les tribuns, les sénateurs et César lui-même. La société bourgeoise, dans sa sobre réalité, s'était créé ses véritables interprètes et porte-parole dans la personne des Say, des Cousin, des Royer-Collard, des Benjamin Constant et des Guizot. Ses véritables capitaines siégeaient derrière les comptoirs, et la «tête de lard» de Louis XVIII était sa tête politique. Complètement absorbée par la production de la richesse et par la lutte pacifique de la concurrence, elle avait oublié que les spectres de l'époque romaine avaient veillé sur son berceau. Mais si peu héroïque que soit la société bourgeoise, l'héroïsme, l'abnégation, la terreur, la guerre civile et les guerres extérieures n'en avaient pas moins été nécessaires pour la mettre au monde. Et ses gladiateurs trouvèrent dans les traditions strictement classiques de la République romaine les idéaux et les formes d'art, les illusions dont ils avaient besoin pour se dissimuler à eux-mêmes le contenu étroitement bourgeois de leurs luttes et pour maintenir leur enthousiasme au niveau de la grande tragédie historique. C'est ainsi qu'à une autre étape de développement, un siècle plus tôt, Cromwell et le peuple anglais avaient emprunté à l'Ancien Testament le langage, les passions et les illusions nécessaires à leur révolution bourgeoise. Lorsque le véritable but fut atteint, c'est-à-dire lorsque fut réalisée la transformation bourgeoise de la société anglaise, Locke évinça Habacuc.

La résurrection des morts, dans ces révolutions, servit par conséquent à magnifier les nouvelles luttes, non à parodier les anciennes, à exagérer dans l'imagination la tâche à accomplir, non à se soustraire à leur solution en se réfugiant dans la réalité, à retrouver l'esprit de la révolution et non à évoquer de nouveau son spectre.

La période de 1848 à 1851 ne fit qu'évoquer le spectre de la grande Révolution française, depuis Marrast, le républicain en gants jaunes, qui prit la défroque du vieux Bailly, jusqu'à l'aventurier qui dissimule ses traits d'une trivialité repoussante sous le masque mortuaire de fer de Napoléon. Tout un peuple qui croit s'être donné, au moyen d'une révolution, une force de mouvement accrue se trouve brusquement transporté dans une époque abolie, et pour qu'aucune illusion concernant cette rechute ne soit possible, réapparaissent les anciennes dates, l'ancien calendrier, les anciens noms, les anciens édits tombés depuis longtemps dans le domaine des érudits et des antiquaires, et tous les vieux sbires qui semblaient depuis longtemps tombés en décomposition. La nation entière se conduit comme cet Anglais toqué de Bedlam, qui s'imaginait vivre à l'époque des anciens Pharaons et se plaignait tous les jours des pénibles travaux qu'il était obligé d'accomplir comme mineur dans les mines d'or d'Ethiopie, emmuré dans cette prison souterraine, avec, sur la tête, une lampe éclairant misérablement, derrière lui, le gardien d'esclaves armé d'un long fouet, et, aux issues, toute une foule de mercenaires barbares qui ne comprenaient ni les ouvriers astreints au travail des mines, ni ne se comprenaient entre eux, ne parlant pas la même langue. «Et tout cela, ainsi se lamentait-il, m'est imposé, à moi, libre citoyen de la Grande-Bretagne, pour extraire de l'or au profit des anciens Pharaons ! » «Pour payer les dettes de la famille Bonaparte», se lamente la nation française. Tant qu'il avait sa raison, l'Anglais ne pouvait se débarrasser de l'idée fixe de faire de l'or, les Français, tant qu'ils firent leur révolution, ne purent se débarrasser des souvenirs napoléoniens, comme l'a prouvé l'élection du 10 décembre [1848]. Ils éprouvaient le désir d'échapper aux dangers de la révolution en retournant aux marmites de l'Egypte, et le 2 décembre 1851 fut la réponse. Ils n'ont pas reçu seulement la caricature du vieux Napoléon, ils ont reçu le vieux Napoléon, lui-même sous un aspect caricatural, l'aspect sous lequel il apparaît maintenant au milieu du XIX° siècle.

La révolution sociale du XIX° siècle ne peut pas tirer sa poésie du passé, mais seulement de l'avenir. Elle ne peut pas commencer avec elle-même avant d'avoir liquidé complètement toute superstition à l'égard du passé. Les révolutions antérieures avaient besoin de réminiscences historiques pour se dissimuler à elles-mêmes leur propre contenu. La révolution du XIX° siècle doit laisser les morts enterrer leurs morts pour réaliser son propre objet. Autrefois, la phrase débordait le contenu, maintenant, c'est le contenu qui déborde la phrase.

La révolution de Février fut un coup de main réussi par surprise contre l'ancienne société, et le peuple considéra ce coup de main heureux comme un événement historique ouvrant une nouvelle époque. Le 2 décembre, la révolution de Février est escamotée par le tour de passe-passe d'un tricheur, et ce qui semble avoir été renversé, ce n'est plus la monarchie, ce sont les concessions libérales qui lui avaient été arrachées au prix de luttes séculaires. Au lieu que la société elle-même se soit donné un nouveau contenu, c'est l'État qui paraît seulement être revenu à sa forme primitive, à la simple domination insolente du sabre et du goupillon. C'est ainsi qu'au coup de main de février 1848 répond le «coup de tête» de décembre 1851. Aussi vite perdu que gagné. Malgré tout, la période intermédiaire ne s'est pas écoulée en vain. Au cours des années 1848 à 1851, la société française, par une méthode plus rapide, parce que révolutionnaire, a rattrapé les éludes et les expériences qui, si les événements s'étaient développés de façon régulière, pour ainsi dire académique, eussent dû précéder la révolution de Février au lieu de la suivre, pour qu'elle fût autre chose qu'un simple ébranlement superficiel. La société semble être actuellement revenue à son point de départ. En réalité, c'est maintenant seulement qu'elle doit se créer son point de départ révolutionnaire, c'est-à-dire la situation, les rapports, les conditions qui, seuls, permettent une révolution sociale sérieuse.

Les révolutions bourgeoises, comme celles du XVIII° siècle, se précipitent rapidement de succès en succès, leurs effets dramatiques se surpassent, les hommes et les choses semblent être pris dans des feux de diamants, l'enthousiasme extatique est l'état permanent de la société, mais elles sont de courte durée. Rapidement, elles atteignent leur point culminant, et un long malaise s'empare de la société avant qu'elle ait appris à s'approprier d'une façon calme et posée les résultats de sa période orageuse. Les révolutions prolétariennes, par contre, comme celles du XIX° siècle, se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer à nouveau, raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n'abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et de se redresser à nouveau formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leurs propres buts, jusqu'à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière, et que les circonstances elles-mêmes crient :

Hic Rhodus, hic salta !


C'est ici qu'est la rose, c'est ici qu'il faut danser ! »
(...)

 

[Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1852]

 

 

 

01 juillet 2018

Marx dans le texte (12)

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Au cours des deux années révolutionnaires 1848-49, la Ligue s'est doublement affirmée ; une fois par le fait que ses membres ont en tous lieux énergiquement pris part au mouvement ; que dans la presse, sur les barricades et les champs de bataille ils ont été au premier rang du prolétariat, la seule classe vraiment révolutionnaire. La Ligue s'est encore affirmée en ce sens que sa conception du mouvement, telle qu'elle était exposée dans les circulaires des congrès et du Comité central de 1847, ainsi que dans le Manifeste communiste, est apparue comme la seule vraie ; que les espoirs formulés dans ces documents se sont entièrement vérifiés, et le point de vue sur la situation actuelle que la Ligue ne propageait auparavant qu'en secret, est maintenant dans la bouche de tous les hommes et est prêché sur la place publique. En même temps, l'ancienne et solide organisation de la Ligue s'est sensiblement affaiblie. Un grand nombre de membres, directement engagés dans le mouvement révolutionnaire, ont cru que le temps des sociétés secrètes était passé et que l'action publique pouvait seule suffire. Certains cercles et communes ont laissé leurs relations avec le Comité central se relâcher et s'assoupir peu à peu. Tandis que le parti démocratique, le parti de la petite bourgeoisie, s'organisait de plus en plus en Allemagne, le parti ouvrier perdait son seul appui solide ; c'est tout au plus s'il conservait, dans quelques localités, son organisation pour des buts locaux ; et c'est ainsi que, dans le mouvement général, il est tombé complètement sous la domination et la direction des démocrates petits-bourgeois. Il faut mettre fin à un tel état de choses ; l'indépendance des ouvriers doit être rétablie. Le Comité central a compris cette nécessité et c'est pourquoi, dès l'hiver 1848-49, il a envoyé en Allemagne un émissaire, Joseph Moll, afin d'y réorganiser la Ligue. La mission de Moll resta cependant sans effet durable, soit que les ouvriers allemands n'eussent pas encore acquis à l'époque assez d'expérience, soit que l'activité de Moll fût interrompue par l'insurrection de mai dernier, Moll prit lui-même le fusil, entra dans l'armée de Bade-Palatinat et tomba le 29 juillet au combat de la Murg. En lui, la Ligue perdait un de ses membres les plus anciens, les plus actifs et les plus sûrs, qui avait pris une part active à tous les congrès et Comités centraux et avait antérieurement déjà accompli avec grand succès une série de voyages-missions. Après la défaite des partis révolutionnaires d'Allemagne et de France en juillet 1849, presque tous les membres du Comité central se sont retrouvés à Londres, ont complété leurs rangs par de nouvelles forces révolutionnaires et poursuivi avec une nouvelle ardeur la réorganisation de la Ligue.

La réorganisation ne peut s'opérer que par un émissaire, et le Comité central estime éminemment important que l'émissaire parte précisément à cette heure où une nouvelle révolution est imminente, où le parti ouvrier doit se présenter avec le plus d'organisation, le plus d'unité et le plus d'indépendance possible, s'il ne veut pas à nouveau, comme en 1848, être pris à la remorque et exploité par la bourgeoisie.

Nous vous avons déjà dit, en 1848, que les bourgeois libéraux allemands allaient accéder au pouvoir et tourneraient aussitôt leur puissance nouvellement acquise contre les ouvriers. Vous avez vu comment la chose s'est faite. Ce furent, en effet, les bourgeois qui, après le mouvement de mars 1848, s'emparèrent immédiatement du pouvoir d'État et s'en servirent aussitôt pour refouler tout de suite les ouvriers, leurs alliés de la veille au combat, dans leur ancienne situation d'opprimés. Si la bourgeoisie n'a pu atteindre ce but sans faire alliance avec le parti féodal écarté en mars et sans même, en fin de compte, abandonner à nouveau le pouvoir à ce parti féodal absolutiste, elle s'est du moins assurée des conditions qui, par suite des embarras financiers du gouvernement, mettraient enfin tout le pouvoir entre ses mains et lui garantiraient tous ses intérêts, si le mouvement révolutionnaire se trouvait à même, dès à présent, de s'engager dans une évolution dite pacifique. La bourgeoisie n'aurait même pas besoin, pour asseoir sa domination, de se rendre odieuse par des mesures de violence dirigées contre le peuple, toutes ces mesures de violence ayant déjà été exécutées par la contre-révolution féodale. Mais l'évolution ne suivra pas cette voie pacifique. La révolution qui doit la précipiter est, au contraire, imminente, qu'elle soit provoquée par le soulèvement autonome du prolétariat français, ou par l'invasion de la Babel moderne révolutionnaire par la Sainte-Alliance.

Et le rôle que les bourgeois libéraux allemands ont, en 1848, joué vis-à-vis du peuple ce rôle si perfide, sera, dans la révolution prochaine, assumé par les petits bourgeois démocrates, qui occupent actuellement dans l'opposition la même place que les bourgeois libéraux avant 1848. Ce parti, le parti démocratique, bien plus dangereux pour les ouvriers que l'ancien parti libéral, se compose de trois éléments :

  1. Les fractions les plus avancées de la grande bourgeoisie qui se proposent comme but la subversion immédiate et totale du féodalisme et de l'absolutisme. Cette tendance a pour représentants les conciliateurs de Berlin qui préconisaient autrefois le refus de l'impôt.

  1. Les petits bourgeois démocrates-constitutionnels qui ont surtout poursuivi, pendant le dernier mouvement, l'établissement d'un Etat fédéral plus ou moins démocratique, tel que le voulaient leurs représentants, la gauche de l'Assemblée de Francfort et, plus tard, le Parlement de Stuttgart, et aussi eux-mêmes dans leur campagne en faveur d'une constitution d'empire.

  1. Les petits bourgeois républicains dont l'idéal est une république fédérative allemande dans le genre de la Suisse, et qui se donnent aujourd'hui le nom de rouges et de sociaux-démocrates, parce qu'ils se bercent de la douce illusion de supprimer l'oppression du petit capital par le gros capital, du petit bourgeois par le gros bourgeois. Les représentants de cette fraction furent membres des congrès et comités démocratiques, dirigeants des associations démocratiques, rédacteurs des journaux démocratiques.

 

Maintenant, après leur défaite, toutes ces fractions s'intitulent républicaines ou rouges, tout comme en France les petits bourgeois républicains se donnent aujourd'hui le nom de socialistes. Là où, comme au Wurtemberg, en Bavière, etc., la possibilité s'offre encore à eux de poursuivre leurs buts dans la voie constitutionnelle, ils profitent de l'occasion pour s'en tenir leur ancienne phraséologie et démontrer dans les faits qu'ils n'ont pas le moins du monde changé. Il va de soi d'ailleurs que le changement de nom de ce parti ne modifie nullement son attitude à l'égard des ouvriers, mais prouve simplement qu'il est actuellement obligé de faire front contre la bourgeoisie alliée à l'absolutisme et de prendre appui sur le prolétariat.

Le parti petit-bourgeois démocratique est très puissant en Allemagne, il n'embrasse pas seulement la grande majorité des habitants bourgeois des villes, les petits commerçants industriels et les maîtres-artisans ; il compte parmi ses adhérents les paysans et le prolétariat rural, tant que ce dernier n'a pas encore trouvé d'appui dans le prolétariat autonome des villes.

L'attitude du parti ouvrier révolutionnaire vis-à-vis de la démocratie petite-bourgeoise est la suivante : il marche avec elle contre la fraction dont il poursuit la chute ; il la combat sur tous les points dont elle veut se servir pour s'établir elle-même solidement.

Les petits bourgeois démocratiques, bien loin de vouloir bouleverser toute la société au profit des prolétaires révolutionnaires, tendent à modifier l'ordre social de façon à leur rendre la société existante aussi supportable et aussi commode que possible. Ils réclament donc avant tout que l'on réduise les dépenses publiques en limitant la bureaucratie et en reportant les principales impositions sur les grands propriétaires fonciers et les bourgeois. Ils réclament ensuite que la pression exercée par le grand capital sur le petit soit abolie par la création d'établissements de crédit publics et des lois contre l'usure, ce qui leur permettrait, à eux et aux paysans, d'obtenir, à des conditions favorables des avances de l'Etat, au lieu de les obtenir des capitalistes. Ils réclament enfin que, par la suppression complète du système féodal, le régime de propriété bourgeois soit partout introduit à la campagne. Pour réaliser tout cela, il leur faut un mode de gouvernement démocratique, soit constitutionnel ou républicain, qui leur assure la majorité, à eux-mêmes et à leurs alliés, les paysans, et une autonomie administrative, qui mettrait entre leurs mains le contrôle direct de la propriété communale et une série de fonctions actuellement exercées par les bureaucrates.

Quant à la domination et à l'accroissement rapide du capital, on aura soin de faire obstacle, soit en limitant le droit de succession, soit en remettant à l'Etat autant de travaux que possible. Pour ce qui est des ouvriers, il est avant tout bien établi qu'ils resteront, comme avant, des salariés ; mais ce que les petits bourgeois démocratiques souhaitent aux ouvriers, c'est un meilleur salaire et une existence plus assurée ; ils espèrent y arriver soit au moyen de l'occupation des ouvriers par l'Etat, soit par des actes de bienfaisance ; bref, ils espèrent corrompre les ouvriers par des aumônes plus ou moins déguisées et briser leur force révolutionnaire en leur rendant leur situation momentanément supportable. Les revendications résumées ici ne sont pas défendues en même temps par toutes les fractions de la démocratie petite-bourgeoise, et rares sont ceux pour qui elles apparaissent, dans leur ensemble, comme des buts bien définis.

Plus des individus ou des fractions vont loin, et plus ils feront leur une grande partie de ces revendications ; et les rares personnes qui voient, dans ce qui précède, leur propre programme, se figureraient avoir ainsi établi le maximum de ce qu'on peut réclamer de la révolution. Ces revendications toutefois ne sauraient en aucune manière suffire au parti du prolétariat. Tandis que les petits bourgeois démocratiques veulent terminer la révolution au plus vite et après avoir tout au plus réalisé les revendications ci-dessus, il est de notre intérêt et de notre devoir de rendre la révolution permanente, jusqu'à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été écartées du pouvoir, que le prolétariat ait conquis le pouvoir et que non seulement dans un pays, mais dans tous les pays régnants du monde l'association des prolétaires ait fait assez de progrès pour faire cesser dans ces pays la concurrence des prolétaires et concentrer dans leurs mains au moins les forces productives décisives. Il ne peut s'agir pour nous de transformer la propriété privée, mais seulement de l'anéantir ; ni de masquer les antagonismes de classes, mais d'abolir les classes ; ni d'améliorer la société existante, mais d'en fonder une nouvelle. Que la démocratie petite-bourgeoise, au fur et à mesure du développement incessant de la révolution, exerce pour un temps une influence prépondérante en Allemagne, ceci ne laisse subsister aucun doute. Il s'agit donc de savoir quelle sera, à son égard, la position du prolétariat et spécialement de la Ligue :

1. pendant que durera la situation actuelle où les démocrates petits-bourgeois sont également opprimés ;
2. dans la prochaine lutte révolutionnaire qui leur donnera la prépondérance ;
3. après cette lutte, aussi longtemps que durera cette prépondérance des démocrates petits-bourgeois sur les classes déchues et sur le prolétariat.

 

  1. En ce moment où les petits bourgeois démocratiques sont partout opprimés, ils prêchent en général au prolétariat l'union et la réconciliation ; ils lui tendent la main et s'efforcent de mettre sur pied un grand parti d'opposition, qui embrasserait toutes les nuances du parti démocratique ; en d'autres termes, ils s'efforcent de prendre les ouvriers au piège d'une organisation de parti où prédomine la phraséologie social-démocrate générale, qui sert de paravent à leurs intérêts particuliers et où, pour ne pas troubler la bonne entente, les revendications particulières du prolétariat ne doivent pas être formulées. Une telle union tournerait au seul avantage des petits bourgeois démocratiques et absolument tout au désavantage du prolétariat. Le prolétariat perdrait toute sa position indépendante, conquise au prix de tant de peines, et retomberait au rang de simple appendice de la démocratie bourgeoise officielle. Cette union doit donc être repoussée de la façon la plus catégorique. Au lieu de se ravaler une fois encore à servir de claque aux démocrates bourgeois, les ouvriers, et surtout la Ligue, doivent travailler à constituer, à côté des démocrates officiels, une organisation distincte, secrète et publique du parti ouvrier, et faire de chaque communauté le centre et le noyau de groupements ouvriers où la position et les intérêts du prolétariat seraient discutés indépendamment des influences bourgeoises. Combien peu les démocrates bourgeois prennent au sérieux une alliance où les prolétaires auraient la même puissance et les mêmes droits qu'eux-mêmes, c'est ce que montrent par exemple les démocrates de Breslau qui, dans leur organe, la Neue Oder-Zeitung, attaquent furieusement les ouvriers qu'ils appellent socialistes, groupés en organisations distinctes. S'il s'agit de livrer combat à un adversaire commun, point n'est besoin d'union particulière. Dès qu'il faut combattre directement un tel adversaire, les intérêts des deux partis coïncident momentanément ; et dans l'avenir, comme jusqu'à ce jour, cette alliance prévue simplement pour l'heure s'établira d'elle-même. Il va de soi que, dans les conflits sanglants imminents, ce sont surtout les ouvriers qui devront remporter, comme autrefois, la victoire par leur courage, leur résolution et leur esprit de sacrifice. Comme par le passé, dans cette lutte, les petits bourgeois se montreront en masse, et aussi longtemps que possible, hésitants, indécis et inactifs. Mais, dès que la victoire sera remportée, ils l'accapareront, inviteront les ouvriers à garder le calme, à rentrer chez eux et à se remettre à leur travail ; ils éviteront les prétendus excès et frustreront le prolétariat des fruits de la victoire. Il n'est pas au pouvoir des ouvriers d'empêcher les démocrates petits-bourgeois d'agir ainsi ; mais il est en leur pouvoir de rendre difficile cette montée des démocrates en face du prolétariat en armes, et de leur dicter des conditions telles que la domination des démocrates bourgeois renferme, dès son origine, le germe de sa déchéance et que son éviction ultérieure par la domination du prolétariat s'en trouve singulièrement facilitée. Il importe surtout que les ouvriers, pendant le conflit et immédiatement après le combat, réagissent autant que faire se peut contre l'apaisement préconisé par les bourgeois et forcent les démocrates à mettre à exécution leurs présentes phrases terroristes. Leurs efforts doivent tendre à ce que l'effervescence révolutionnaire directe ne soit pas une nouvelle fois réprimée aussitôt après la victoire. Il faut, au contraire, qu'ils la maintiennent le plus longtemps possible. Bien loin de s'opposer aux prétendus excès, aux exemples de vengeance populaire contre des individus haïs ou des édifices publics auxquels ne se rattachent que des souvenirs odieux, il faut non seulement tolérer ces exemples, mais encore en assumer soi-même la direction. Pendant et après la lutte, les ouvriers doivent en toute occasion formuler leurs propres revendications à côté de celles des démocrates bourgeois. Ils doivent exiger des garanties pour les ouvriers, dès que les bourgeois démocratiques se disposent à prendre le gouvernement en main. Il faut au besoin qu'ils obtiennent ces garanties de haute lutte et s'arrangent en somme pour obliger les nouveaux gouvernants à toutes les concessions et promesses possibles ; c'est le plus sûr moyen de les compromettre. Il faut qu'ils s'efforcent, par tous les moyens et autant que faire se peut, de contenir la jubilation suscitée par le nouvel état de choses et l'état d'ivresse, conséquence de toute victoire remportée dans une bataille de rue, en jugeant avec calme et sang-froid la situation et en affectant à l'égard du nouveau gouvernement une méfiance non déguisée. Il faut qu'à côté des nouveaux gouvernements officiels ils établissent aussitôt leurs propres gouvernements ouvriers révolutionnaires, soit sous forme d'autonomies administratives locales ou de conseils municipaux, soit sous forme de clubs ou comités ouvriers, de façon que les gouvernements démocratiques bourgeois non seulement s'aliènent aussitôt l'appui des ouvriers, mais se voient, dès le début, surveillés et menacés par des autorités qui ont derrière elles toute la masse des ouvriers. En un mot, sitôt la victoire acquise, la méfiance du prolétariat ne doit plus se tourner contre le parti réactionnaire vaincu, mais contre ses anciens alliés, contre le parti qui veut exploiter seul la victoire commune.

  1. Mais, pour pouvoir affronter de façon énergique et menaçante ce parti dont la trahison envers les ouvriers commencera dès la première heure de la victoire, il faut que les ouvriers soient armés et bien organisés. Il importe de faire immédiatement le nécessaire pour que tout le prolétariat soit pourvu de fusils, de carabines, de canons et de munitions et il faut s'opposer au rétablissement de l'ancienne garde nationale dirigée contre les ouvriers. Là où ce rétablissement ne peut être empêché, les ouvriers doivent essayer de s'organiser eux-mêmes en garde prolétarienne, avec des chefs de leur choix, leur propre état-major et sous les ordres non pas des autorités publiques, mais des conseils municipaux révolutionnaires formés par les ouvriers. Là où les ouvriers sont occupés au compte de l'Etat, il faut qu'ils soient armés et organisés en un corps spécial avec des chefs élus ou en un détachement de la garde prolétarienne. Il ne faut, sous aucun prétexte, se dessaisir des armes et munitions, et toute tentative de désarmement doit être repoussée, au besoin, par la force. Annihiler l'influence des démocrates bourgeois sur les ouvriers, procéder immédiatement à l'organisation propre des ouvriers et à leur armement et opposer à la domination, pour le moment inéluctable, de la démocratie bourgeoise les conditions les plus dures et les plus compromettantes : tels sont les points principaux que le prolétariat et par suite la Ligue ne doivent pas perdre de vue pendant et après l'insurrection imminente.

  1. Dès que les nouveaux gouvernements se seront quelque peu consolidés, ils engageront immédiatement leur lutte contre les ouvriers. Pour pouvoir alors affronter avec force les petits bourgeois démocratiques, il faut avant tout que les ouvriers soient organisés et centralisés dans leurs propres clubs. Après la chute des gouvernements existants, le Comité central se rendra, dès que possible, en Allemagne, convoquera sans retard un congrès auquel il soumettra les propositions indispensables concernant la centralisation des clubs ouvriers sous une direction établie au siège du mouvement. La rapide organisation, au moins d'une fédération provinciale de clubs ouvriers, est un des points les plus importants pour renforcer et développer le parti ouvrier. La subversion des gouvernements existants aura pour conséquence immédiate l'élection d'une représentation nationale. Ici le prolétariat doit veiller:

  1. A ce qu'un nombre important d'ouvriers ne soient sous aucun prétexte écartés du vote par suite d'intrigues des autorités locales ou des commissaires du gouvernement.

  1. A ce que partout, à côté des candidats démocratiques bourgeois, soient proposés des candidats ouvriers, choisis autant que possible parmi les membres de la Ligue, et dont il faudra, pour assurer leur élection, utiliser tous les moyens possibles, Même là où il n'y a pas la moindre chance de succès, les ouvriers doivent présenter leurs propres candidats, afin de sauvegarder leur indépendance, de dénombrer leurs forces et de faire connaître publiquement leur position révolutionnaire et les points de vue de leur parti. Ils ne doivent pas en l'occurrence se laisser séduire par la phraséologie des démocrates prétendant, par exemple, que l'on risque de la sorte de diviser le parti démocratique et d'offrir à la réaction la possibilité de la victoire. Toutes ces phrases ne poursuivent finalement qu'un but : mystifier le prolétariat. Les progrès que le parti prolétarien doit réaliser par une telle attitude indépendante sont infiniment plus importants que le préjudice qu'apporterait la présence de quelques réactionnaires dans la représentation populaire. Si, dès le début, la démocratie prend une attitude décidée et terroriste à l'égard de la réaction, l'influence de celle-ci aux élections sera d'avance réduite à néant.

Le premier point sur lequel les démocrates bourgeois entreront en conflit avec les ouvriers portera sur l'abolition du régime féodal. Comme dans la première Révolution française, les petits bourgeois remettront aux paysans les terres féodales à titre de libre propriété ; en d'autres termes, ils voudront laisser subsister le prolétariat rural et former une classe paysanne petite-bourgeoise, qui devra parcourir le même cycle d'appauvrissement et d'endettement croissant, où le paysan français se trouve encore à l'heure actuelle.

Dans l'intérêt du prolétariat rural et dans leur propre intérêt, les ouvriers doivent contrecarrer ce plan. Ils doivent exiger que la propriété féodale confisquée reste propriété de l'Etat et soit transformée en colonies ouvrières que le prolétariat rural groupé en associations exploite avec tous les avantages de la grande culture. Par là, dans le cadre des rapports déséquilibrés de la propriété bourgeoise, le principe de la propriété commune va acquérir aussitôt une base solide. De même que les démocrates font alliance avec les cultivateurs, de même les ouvriers doivent faire alliance avec le prolétariat rural. Ensuite, les démocrates chercheront directement soit à instaurer la république fédérative, soit, s'ils ne peuvent éviter la république une et indivisible, à paralyser au moins le gouvernement central en donnant aux communes et aux provinces le maximum d'indépendance et d'autonomie. A l'opposé de ce plan, les ouvriers doivent non seulement poursuivre l'établissement de la république allemande une et indivisible, mais encore essayer de réaliser, dans cette république, la centralisation la plus absolue de la puissance entre les mains de l'Etat. Ils ne doivent pas se laisser induire en erreur par tout ce que les démocrates leur racontent de la liberté des communes, de l'autonomie administrative, etc. Dans un pays comme l'Allemagne, où il reste encore à faire disparaître de si nombreux vestiges du moyen âge et à briser tant de particularisme local et provincial, on ne saurait en aucune circonstance tolérer que chaque village, chaque ville, chaque province oppose un nouvel obstacle à l'activité révolutionnaire, dont toute la puissance ne peut émaner que du centre. On ne saurait tolérer que se renouvelle l'état de choses actuel qui fait que les Allemands sont obligés, pour un seul et même progrès, de livrer une bataille particulière dans chaque ville, dans chaque province. On ne saurait tolérer surtout qu'une forme de propriété, qui se situe encore derrière la propriété privée moderne avec laquelle, de toute nécessité, elle finit par se confondre, c'est-à-dire la propriété communale avec ses querelles inévitables entre communes riches et communes pauvres, ainsi que le droit du citoyen de l'Etat coexistant avec le droit du citoyen de la commune avec ses chicanes, se perpétue au préjudice des ouvriers, par une réglementation communale soi-disant libre. Comme en France en 1793, la réalisation de la centralisation la plus rigoureuse est aujourd'hui, en Allemagne, la tâche du parti vraiment révolutionnaire.

Nous avons vu comment les démocrates accéderont au pouvoir lors du prochain mouvement et comment ils seront contraints de proposer des mesures plus ou moins socialistes. La question est de savoir quelles mesures y seront opposées par les ouvriers. Il va de soi qu'au début du mouvement les ouvriers ne peuvent encore proposer des mesures directement communistes. Mais ils peuvent :

  1. Forcer les démocrates à intervenir, sur autant de points que possible, dans l'organisation sociale existante, à en troubler la marche régulière, à se compromettre eux-mêmes, à concentrer entre les mains de l'Etat le plus possible de forces productives, de moyens de transport, d'usines, de chemins de fer, etc.

  1. Ils doivent pousser à l'extrême les propositions des démocrates qui, en tout cas, ne se montreront pas révolutionnaires, mais simplement réformistes, et transformer ces propositions en attaques directes contre la propriété privée. Si, par exemple, les petits bourgeois proposent de racheter les chemins de fer et les usines, les ouvriers doivent exiger que ces chemins de fer et ces usines soient simplement et sans indemnité confisqués par l'Etat en tant que propriété de réactionnaires. Si les démocrates proposent l'impôt proportionnel, les ouvriers réclament l'impôt progressif. Si les démocrates proposent eux-mêmes un impôt progressif modéré, les ouvriers exigent un impôt dont les échelons montent assez vite pour que le gros capital s'en trouve compromis. Si les démocrates réclament la régularisation de la dette publique, les ouvriers réclament la faillite de l'Etat. Les revendications des ouvriers devront donc se régler partout sur les concessions et les mesures des démocrates.

Si les ouvriers allemands ne peuvent s'emparer du pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans accomplir en entier une évolution révolutionnaire assez longue, ils ont cette fois du moins la certitude que le premier acte de ce drame révolutionnaire imminent coïncide avec la victoire directe de leur propre classe en France et s'en trouve accéléré.

Mais ils contribueront eux-mêmes à leur victoire définitive bien plus par le fait qu'ils prendront conscience de leurs intérêts de classe, se poseront dès que possible en parti indépendant et ne se laisseront pas un instant détourner -par les phrases hypocrites des petits bourgeois démocratiques- de l'organisation autonome du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être :

La révolution en permanence !

 

[Karl Marx et Friedrich Engels, Adresse du Comité Central à la Ligue des Communistes, mars 1850]

 

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