07 octobre 2018
Un vote pour un programme de rupture !
Dans quelques jours, les élections communales ; dans quelques mois, les élections législatives et les élections européennes. Comment se positionner en Belgique face à ces échéances politiques ? Je ne développerai pas ici mon point de vue sous la forme d'un «article» classique mais sous la forme -plus dynamique- d'un «entretien» avec... un interlocuteur fictif.
Les sondages ont toujours beaucoup de succès, surtout à l'approche d'une échéance électorale nationale. Que t'inspire celui réalisé pour Le Soir-RTL Info et publié la semaine dernière ?
Un intérêt tout-à-fait relatif. En France, un Jean-Luc Mélenchon préfère parler -ironiquement- d' «horoscopes». Cette expression me convient. Ils vous arrachent un sourire ou on les prend au sérieux ! Et dans ce deuxième cas de figure, ils favorisent de vives préoccupations et débouchent sur des extrapolations sans fin, bref ils perturbent. Il est toujours amusant d'entendre des responsables de partis (ou des observateurs) répéter qu'un sondage doit être relativisé car il n'est jamais qu'une «photographie» d'une réalité à un moment donné, et ces mêmes personnes (sans parler des militants !) les commenter avec acharnement dès qu'ils sont publiés. Surtout si les résultats leur sont favorables !
Précisément, jouons le jeu. Quelles sont les principales indications de cette fameuse «enquête d'opinion», réalisée dans la perspective des élections fédérales de 2019 ?
Il y a d'inévitables fluctuations par rapport à d'autres sondages, d'autant qu'il existe toujours une «marge d'erreur», mais il est difficile de parler de grands bouleversements. La NVA recule mais reste de loin de premier parti néerlandophone. Les autres partis flamands de la coalition fédérale -Open VLD et CD&V- sont plutôt stables. Le SPA tire son épingle du jeu et Groen progresse légèrement. Le Belang reprend du poil de la bête et le PvdA reste en dessous de la barre des 5 % au niveau régional. Ce qui n'exclut évidemment pas qu'il la dépasse dans tel ou tel arrondissement.
Côté wallon, le PS reste le premier parti, loin toutefois des résultats des législatives de 2014. Le MR se tasse et le PTB arrive en troisième position ! Recul confirmé du CDH et irruption de Défi. Le PP, pour sa part, demeure au dessus du seuil éligible des 5 %... Mais laissons là des chiffres qui seront vite oubliés lorsque les citoyens voteront, car c'est finalement le seul «sondage» important...
Aucune conclusion ne peut donc être tirée de ce bruit médiatique récurrent ?
Rien de définitif, certainement. Mais au delà des sondages, nous pouvons nous appuyer sur les résultats des scrutins de ces 40 dernières années, bien réels eux, et les confronter à cette inflation récurrente de chiffres.
C'est-à-dire ?
Avec notre système électoral de type proportionnel et compte-tenu de l'éparpillement des listes et des résultats, les coalitions de partis sont inévitables. Prenons le niveau fédéral, qui reste le plus décisif malgré le processus de fédéralisation de l'Etat. Au début des années '80, nous avons eu droit aux gouvernements Martens-Gol, coalitions musclées des droites. Ensuite, durant 25 ans, retour à des alliances gouvernementales du PS avec la droite, bref la traditionnelle «politique de collaboration de classe» de la social-démocratie. Enfin, depuis 2014, nous voilà à nouveau avec une coalition des droites totalement décomplexées, articulée autour de la teigneuse NVA. Pendant toute ces décennies, c'est l'austérité budgétaire et des mesures fortes de «libéralisation» -inspirées directement par l'Union européenne réellement existante, celle du capital !- qui ont toujours été au menu de la population.
Et demain ?
Les perspectives ne sont guère réjouissantes !
Michel II est déjà planifié ?
Si cela s'avère mathématiquement possible, ils n'hésiteront pas longtemps !
Qu'en est-il justement des actuelles projections en sièges ?
Le politologue de l'ULB, Pascal Delwit, a fourni à cet égard d'intéressantes données. Avec les réserves d'usage évidemment.
Pour la Belgique :
Pour la Wallonie :
Un premier constat : l'actuel gouvernement fédéral ne disposerait plus de la majorité à la Chambre : 71 députés sur 150. Mais l'apport du CDH suffirait à combler ce déficit !
Deuxième constat : la faiblesse des «gauches» (les guillemets sont naturellement de circonstance). Socialistes,écologistes et PTB -ensemble!- obtiendraient 55 parlementaires fédéraux. Impossible, dans ces conditions, d'envisager la moindre coalition gouvernementale, en admettant même qu'ils le souhaiteraient !
Troisième constat, au niveau wallon, où le centre de gravité politique est beaucoup plus à gauche qu'en Flandre, la majorité MR-CDH serait en déconfiture. A l'inverse, une coalition PS-Ecolo-PTB -celle souhaitée par certains dirigeants de la FGTB wallonne- serait arithmétiquement possible, bien qu'un peu juste : 38 sièges sur 75 ! Mais politiquement, vu le positionnement ré-affirmé d'Ecolo et du PS, cette perspective semble bel et bien exclue !
Quatrième constat, la présence confirmée de l'extrême-droite. Il y avait déjà le Vlaams Belang ; il y a maintenant le Parti Populaire qui s'incruste et grignote des mandats, bénéficiant sans doute des «affaires» (Publifin, Samu social, ...), et du climat raciste et anti-migrants.
Une véritable alternative politique est donc exclue ?
Sauf tsunami électoral du PTB, oui ! Toute boutade mise à part, il faut voir la réalité telle qu'elle est et non telle que l'on voudrait qu'elle soit : à court terme, il n'existe effectivement pas d'alternative sur le plan institutionnel au niveau de l'Etat-Belgique. Au lendemain de mai 2019, ce sera soit la reconduction d'une coalition à droite toute, soit le retour du PS dans le cadre d'une sempiternelle alliance avec ces piliers de la droite que sont le MR-Open VLD, sans oublier le CD&V. Et à entendre un Di Rupo, un accord avec la NVA n'est même plus à exclure...
Cependant, en Wallonie...
...Une majorité de gauche est certes théoriquement possible, compte tenu des chiffres mentionnés plus haut et qui devront bien sûr être confirmés. Dans les faits, néanmoins, ce sera très difficile car, encore une fois, Ecolo et le PS répètent à l'envi qu'ils ne veulent pas gouverner avec le PTB ! Et, par ailleurs, ce dernier refuse de s'engager dans tout exécutif qui ne romprait pas avec les politiques du passé, ce en quoi il a totalement raison.
Mais alors, comment sortir d'une telle impasse ?
Les adeptes du discours «seules les luttes comptent» ont encore de beaux jours devant eux. Problème : les «luttes» n'ont rien stoppé au cours de toutes ces années «austéritaires». Ni les trains de mesures rétrogrades de Martens-Gol ; ni le «plan global», le «pacte des générations», la ratification des «traités européens», la déstabilisation de la Sécu, les privatisations ou la chasse aux chômeurs mis en oeuvre pendant un quart de siècle avec la complicité du SPA-PS ; ni bien entendu la furieuse offensive anti-sociale engagée depuis 4 ans par les compères du MR et de la NVA ! De surcroît, la nécessité évidente de se battre n'épuise pas la question du «débouché politique». Or, pour gagner, tout mouvement social/politique qui a pour ambition de changer radicalement la donne doit pouvoir «marcher sur les deux jambes», les mobilisations et les prolongements institutionnels de celles-ci...
Les succès ont été rares parce que les réactions syndicales ont sans doute été insuffisantes. Il suffirait peut-être de hausser le ton pour imposer d'autres orientations politiques, non ?
Il est difficile d'imaginer un rapide revirement dans la stratégie de la CSC et de la FGTB. Ces organisations ont toujours misé sur la «concertation». Et maintenant que celle-ci est en déliquescence, leurs dirigeants se retrouvent dans la même situation qu'un crabe plaqué sur le sable lorsque la mer se retire soudainement ! Ils sont d'autant plus désorientés qu'ils ne voient pas comment pourraient se concrétiser des majorités et des politiques qui répondent à leurs voeux, pour reprendre la question du «nécessaire prolongement aux luttes» évoquée plus haut. Certes, sur papier et avec quelques yaka de circonstance, tout serait facile, à commencer par une grève générale à durée illimitée. Sauf que nous ne sommes plus en 1936 ou en 1960-61, que le monde a évolué très vite, à commencer par le «monde du travail», et que cette exigence de grève générale semble peu «matérialisable» dans la conjoncture actuelle.
Les travailleurs ne remettent plus en cause le capitalisme et sont dès lors intégrés dans celui-ci ?
Ils y vivent et l'imaginaire collectif a été colonisé par l'imaginaire d'un modèle productiviste et consumériste. Est-ce de l' «intégration» ou «simplement» de l' «aliénation» ? Et puis, il ne faut pas sous-estimer le poids des défaites du XXème siècle et l'échec du «communisme» qui ont accrédité l'idée qu'il n'existait aucune solution de rechange attractive au capitalisme !
Triste état des lieux...
... A l'évidence. J'ajoute que la tendance au repli sur la sphère privée et les processus d'individualisation des rapports sociaux constituent également une difficulté supplémentaire pour tout combat émancipateur.
No future ?
C'est aller vite en besogne même si la «crise du réchauffement climatique» constitue, à terme, une vraie menace pour l'espèce humaine. Pour en revenir à notre «ici et maintenant», fort heureusement, il y a bel et bien des contestations du système d'hégémonie néo-libérale. Encore faut-il comprendre qu'il ne s'agit plus simplement du vieux conflit «bourgeoisie-prolétariat» mais des conséquences de l'émergence de multiples mouvements sociaux qui ont engagé des combats divers : féministes, écologiques, anti-racistes, minorités sexuelles... Il ne s'agit donc plus seulement d'un affrontement «gauche-droite» vertébré par la «classique lutte de classe» mais d'une opposition plus large entre une oligarchie et le peuple. Mais là, nous entrons dans un vaste débat autour d'une problématique mise à toutes les sauces : le «populisme». Et il faut toujours se méfier des concepts en «isme»...
Revenons-en, par conséquent, à nos échéances immédiates, les élections qui vont se multiplier en quelques mois... Que faire ?
Voter. C'est obligatoire. Ou plus exactement, les électeurs et électrices sont contraints de se rendre aux bureaux de vote, pas nécessairement de choisir un parti ou un(e) candidat(e). Après tout, un vote blanc ou un vote nul représentent aussi un signal politique. Ce n'est toutefois pas celui que je préconise.
Un «vote utile» est donc quand même nécessaire ?
Je n'aime pas cette expression de «vote utile». Utile à quoi ? Utile à qui ? Utile pour faire quoi ? Il ne s'agit pas ici d'un froid calcul utilitariste, ni de feeling, ni de sentimentalisme, ni même de connivence idéologique. Il s'agit d'une analyse politique concrète d'une situation politique concrète !
Aujourd'hui, quelle est donc cette fameuse donne ?
La Belgique est l'un des pays fondateurs de l'Union européenne et celle-ci dicte à ses Etats membres -et à ceux qui les gouvernent- une politique qui traduit les principes -oserais-je dire «idéologiques»- du néo-libéralisme. Cette orientation a été bétonnée dans des «traités», imposés aux peuples (rappelez-vous le funeste épisode des referendum en France ou aux Pays-Bas, en 2005), et majoritairement ratifiés par les parlements nationaux (et les partis qui les composent) malgré une opposition populaire réelle. Chez nous, le PS les a votés sans états d'âme et il s'est même trouvé des députés Ecolo pour lui emboîter le pas ! Seul le PTB s'y est clairement opposé.
Par ailleurs, le PS n'a nullement abandonné sa ligne d'accompagnement de la trajectoire du capitalisme, et les responsables écologistes campent obstinément sur une position «ni...ni...». Ce qui les conduit à nouer régulièrement des alliances avec tout et n'importe qui, droite libérale y comprise, leur seule exclusive semblant précisément être... le PTB, associé pour la circonstance à l'extrême-droite !
Or, parmi tous les partis -je parle de ceux qui ont une implantation régionale et/ou nationale significative- le PTB est sans conteste le seul à défendre sans ambiguïté d'autres perspectives que celles issues de la tambouille néo-libérale. Le PTB est le seul à s'engager clairement sur un refus d' «exercice du pouvoir» avec la droite, que ce soit le MR ou le CDH. Et le PTB affirme tout aussi clairement qu'il ne gouvernera pas pour mener des politiques d'austérité autoritaires qui cadrent avec les recommandations de la Commission européenne ! Que ce soit en matière de politique salariale, de sécurité sociale, de défense des services publics, de fiscalité ou de transition écologique, le programme du PTB constitue un programme de rupture avec la doxa réactionnaire, sans commune mesure avec les platitudes programmatiques des autres partis !
Il n'y a donc pas à hésiter : dans la situation actuelle, il faut voter PTB chaque fois que c'est possible.
ANNEXES
1. Les principaux résultats du sondage RTL-Info/Le Soir
https://www.rtl.be/info/belgique/politique/grand-barometr...
2. Et en Flandre ?
Voici la projection de Pascal Delwit :
Tout dessin supplémentaire serait inutile : le centre de gravité politique est nettement situé à droite ! A elle seule, la NVA disposerait du même nombre de sièges que Groen-Spa-PVdA réunis ! : 33 ! Si l'on ajoute les 21 strapontins du CD&V et les 17 de l'Open VLD, on arrive ainsi à 71 sièges sur 118 ! L'extrême-droite (Le Vlaams Belang), pour sa part, obtiendrait 13 sièges, soit six fois plus que le PVdA !
3. Concernant une question qui semble beaucoup tarauder, une réponse du porte-parole du PTB :
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