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04 novembre 2021

SFFF [II]. UN PASSIONNÉ PASSIONNANT

 

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Difficile de n’avoir aucun point commun avec Jean-Pierre Dionnet !  

La vie de cet activiste culturel a été si dense, ses activités si diverses, ses passions si variées, ses rencontres si nombreuses, que tout le monde  –enfin presque– peut repérer un intérêt convergent ou des coups de foudre partagés. 

Ainsi, je suis solidaire à 1000 % avec son jugement sur la série TV "Le Prisonnier" qu’il considère comme "la plus grande série du monde de tous les temps" !  Et je le rejoins aussi sur quelques autres broutilles, naturellement… depositphotos_165162870-stock-illustration-smiley-emoticon-with-ok-sign_foro.jpg

 

 

Mais reprenons en nous agrippant au fil de ses mémoires, rédigées en collaboration avec Christophe Quillien, truffées d’informations sur une époque aujourd’hui révolue, de digressions et d’anecdotes le concernant ou concernant ses innombrables relations. 

Donc, le gaillard, qui a beaucoup lu –et de tout– durant une scolarité confinée dans un internat, est monté ensuite à Paris où il a enchaîné des boulots : chez Renault (brièvement), vendeur aux puces, assistant libraire, avant d’entrer au magazine Pilote (en 1968) où il écrira des scénarios pour Moebius, Druillet, Bilal, Solé et beaucoup d’autres. 

Proche de Mandryka, il est partie prenante de l’aventure "L’Echo des Savanes", première mouture, en 1971. Mais c’est en 1975 qu’il frappera fort en créant Métal Hurlant avec ses potes Jean Giraud et Philippe Druillet, une publication frappadingue qui tiendra douze ans et qui connaîtra maintes péripéties qui l’occuperont tant et plus. 

Ses fonctions et son aura atypique lui permettent de rencontrer tout au long de ces années de très nombreuses personnalités. Un tourbillon mondain qui ne cessera de prendre de l’ampleur avec le temps, notamment quand il deviendra producteur et réalisateur d’émissions de télévision (comme "Les enfants du Rock") tout en continuant à écrire inlassablement des bandes dessinées. 

Les noms, les portraits, les potins, les appréciations, les jugements défilent page après page. Tour à tour drôles, surprenants, croustillants, piquants, révélateurs, souvent dignes d’intérêt et… parfois discutables ! 

Mentionnons parmi les "rencontres", dans le monde de la SF et de l’étrange, les "Jacques" (Goimard, Sadoul, Bergier), Robert Louit, Gérard Klein, Philippe Curval, William Desmond, Philip K. Dick, Harlan Ellison, John Brunner… ; pratiquement tout qui a compté dans l’univers du "neuvième art", de Pratt à Stan Lee, en passant  –outre les vieux complices Moebius et Druillet–  par Tardi, Got, Gotlib, Brétecher, Cestac, Pétillon, Margerin, Jodorowsky, Corben, Schuiten… impossible de les citer tous. Au niveau musical, un Gainsbourg ou un Mick Jagger. Et puis il y a le cinéma et la télévision, mais chut…  

Si vous êtes fan de science-fiction, de BD, de polars, de séries télévisées ou de septième art, si vous voulez assouvir votre curiosité intellectuelle, il n'y a pas à hésiter : lisez ce bouquin !

 

DIONNET Jean-Pierre/QUILLIEN Christophe, Mes Moires un pont sur les étoiles, Hors Collection, 2019, 19 €

 

 

 

MORCEAUX CHOISIS

 

trange adventure.jpgIl a fallu attendre le succès d’Astérix pour voir le neuvième art  –qui n’avait rien d’artistique pour la plupart des adultes– bénéficier en France d’un début de reconnaissance dans les années 1960. La bande dessinée était à ranger dans la même catégorie que la science-fiction, le polar et la musique rock : une sous-littérature ou une sous-culture réservées à une population de quasi-débiles mentaux et d’adultes abrutis insensibles à la beauté et à la grandeur de la "vraie" culture. Je n’ai donc jamais eu à me battre ni à me cacher pour en lire. Ma mère m’a même fait fabriquer des étagères sur MH - Robot rêveur.jpglesquelles je range mes fascicules. Et j’en lis beaucoup. Je dévore tout ce qui me tombe sous la main. De la BD américaine, française ou italienne, peu m’importe, je ne suis pas sectaire et je me moque des frontières. Tout me plaît, tout m’enchante, tout m’émerveille. (p.32) 

Un roman, une BD, une chanson, un film sont éternels. Et ils prennent une nouvelle dimension quand nous les retrouvons après une longue absence. (p.49) 

Avec un brin d’imagination, tout est possible. (p.55) 

Il n’existe pas d’art majeur ou d’art mineur, seulement de bonnes et de mauvaises œuvres. (p.66) 

Je crois que si j’arrêtais de me déplacer, je serais mort. Courir n’est pas un but en soi. Je n’ai jamais eu de but dans la vie, je n’ai jamais décidé de m’engager dans telle ou telle aventure. Je n’ai fait que saisir les occasions qui se présentaient et accepter les propositions qui m’étaient faites. Car il n’y a rien à trouver, c’est le déplacement qui est important. (p.82) 

J’avais l’impression, au lendemain de Mai 68, que les véritables préoccupations étaient celles qui relevaient du quotidien et qu’il était désormais interdit de rêver, comme si le rêve nous interdisait de vivre. Nous étions des rêveurs, mais cela ne nous empêchait pas de vivre dans la vie de tous les jours. Et la curiosité tous azimuts de Bergier ne l’empêchait pas d’avoir un solide coup de fourchette. (p.92) 

MH serein.jpgChacun de nous exprimait sa propre vision du monde. Bilal naviguait entre la réalité et les univers fantastiques, ses histoires parlaient d’un passé récent terrible et d’un avenir qui ne l’était pas moins. Tardi préférait mettre en scène ses mondes intérieurs. Moi, je me sentais bien dans des mondes d’avant ou d’après, mais surtout pas dans le monde contemporain. (p.158) 

Une autre revue était envisagée, elle devait s’appeler Métal hurlant. Mandryka avait eu l’idée du titre, mais il n’était plus très chaud pour se lancer dans l’aventure, à cause des difficultés financières de L’Echo. C’est Druillet, Moebius et moi qui avons repris le flambeau. La suite de l’histoire, tout le monde la connaît. (p.164) 

MH - Humour.jpgA Métal, nous venons d’une autre planète : la nôtre. Nous avons enfanté notre propre monde, notre propre univers graphique, notre propre langage visuel. Certains s’en amusent, d’autres s’en agacent. Ils ont peut-être peur de nous. Ils ont raison d’avoir peur. Métal hurlant est un meilleur journal que Pilote, un meilleur journal que L’Echo des savanes. (p.179) 

La science-fiction ne doit pas toujours être trop sérieuse, elle doit aussi faire rire les lecteurs. (p.186) 

Il faudra bien que l’Éducation nationale se décide un jour à enseigner à l’école la lecture des images et celle de la bande dessinée. (p.194) 

Druillet a dynamité la structure de la planche et de la case, Moebius l’a druillet salambo.jpgminée de l’intérieur pour nous emmener là où il voulait. L’un est un visionnaire viscéral qui ne calcule pas, l’autre était un manipulateur, un illusionniste, un magicien. (p.195)

Si la science-fiction a nourri mon imaginaire, j’ai toujours été et je reste un grand lecteur de romans noirs. Je crois même que le polar est la littérature du XXème siècle par excellence, encore plus que la SF (…). La science-fiction a deviné le XXIème siècle (...) mais elle n’est pas –ou pas encore– allée au-delà. (p.222) 

Jean Giraud plaçait son œuvre personnelle au-dessus de tout, et l’obsession de cette œuvre l’obligeait à laisser de côté son humanité. Au fond, Jean n’était pas très humain. Il me disait parfois qu’il n’était pas quelqu’un de "gentil". Il savait qu’il n’était pas le père idéal, pas plus que le collaborateur idéal. Il n’avait pas de cœur, alors que Druillet a toujours eu un cœur trop grand.  Mais je crois qu’il ne faut pas lui en vouloir. Les grands auteurs n’ont pas le choix. Leur œuvre personnelle prime sur le reste et R.jpgJean Giraud-Moebius n’échappait pas à la règle. Las artistes sont des gens déficients et leur création sert à combler cette déficience. Quand je dirigeais Métal hurlant, il m’est arrivé de manquer d’humanité. Le sort du journal passait avant tout, même si j’ai parfois publié un auteur en sachant qu’il ne se vendrait pas, comme Charlie Schlingo. Je n’étais pas un bon mari, je me consacrais entièrement à Métal, que je considérais au même titre qu’une œuvre d’art. A ce moment précis, je n’étais sans doute pas un être humain remarquable, mais il faut parfois faire les choix qui s’imposent. (p.261) 

"Destination Séries" est une émission bimensuelle qui dure trente minutes. (…) Je présente l’émission avec Alain Carrazé. Ce type est un fou. Un fou de séries s’entend. (…) Même si je suis loin de m’y connaître autant que lui, je suis néanmoins un amateur du genre. Le Prisonnier reste ma plus grande série du monde de tous les temps. Elle date peut-être des années 1960, mais elle n’est pas démodée. La preuve : dans la société contemporaine, nous avons fini par devenir des numéros, comme Patrick McGoohan. (p.393)

 

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