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30 décembre 2022

"BOUQUINAGE" - 103

"Frida était une femme remarquable par la beauté, le tempérament, et l'intelligence. Elle prit assez vite, dans ses relations avec Trotsky, des manières assez libres. Son français était pauvre, mais elle parlait bien l'anglais, ayant vécu assez longtemps aux Etats-Unis, lorsque Diego y peignait ses fresques. Aussi s'entretenait-elle avec Trotsky le plus souvent en anglais, et Natalia qui ne parlait pas du tout l'anglais, se trouvait ainsi exclue de la conversation. Frida n'hésitait pas, un peu à la manière américaine, à brandir le mot “love”. “All my love”, disait-elle à Trotsky en le quittant. Trotsky, apparemment, fut pris au jeu. Il se mit à lui écrire des lettres. Il glissait la lettre dans un livre et remettait le livre à Frida, souvent en présence d'autres personnes, y compris Natalia ou Diego, en lui recommandant de le lire. Je ne savais, bien entendu, rien de ce manège à ce moment-là ; c'est Frida qui me raconta tout cela plus tard.

Ceci se passait quelques semaines après la fin des audiences de la commission Dewey. Fin juin, la situation devint telle que ceux qui se trouvaient tout près de Trotsky commençaient à s'inquiéter. Natalia souffrait. Diego, lui, ne se doutait de rien. C'était un homme d'une jalousie maladive et le moindre soupçon de sa part aurait provoqué une explosion. On imagine le scandale et ses graves répercussions politiques. Jan Frankel, si mes souvenirs sont exacts, se hasarda à parler à Trotsky des dangers que présentait la situation.

Début juillet, pour mieux lutter contre la tension qui montait entre eux, Trotsky et Natalia décidèrent de se séparer pour un certain temps. Trotsky alla s'installer dans l'hacienda d'un propriétaire foncier, Landero, qu'Antonio Hidalgo et Diego Rivera connaissaient. C'était près de San Miguel Regla, à quelque cent trente kilomètres au nord-est de Mexico, un peu au-delà de Pachuca. Trotsky vivait là avec Jesús Casas, le lieutenant de police qui commandait la petite garnison de l'Avenida Londres, et Sixto, un des deux chauffeurs de Diego Rivera. Il pouvait pêcher et faire du cheval. Il y arriva le 7 juillet. Natalia était restée à Coyoacán. Le 11 juillet, Frida vint voir Trotsky dans l'hacienda. Je suis assez porté à croire que c'est à l'issue de cette visite que Trotsky et Frida décidèrent de mettre fin à leurs relations amoureuses. On s'était jusque-là laissé glisser sur la pente savonnée du flirt. On ne pouvait désormais aller plus loin sans s'engager à fond. L'enjeu était trop grand. Les deux partenaires reculèrent. Frida restait très attachée à Diego, et Trotsky à Natalia. De plus, les conséquences d'un scandale pouvaient aller fort loin."

 

 

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