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15 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 119

"Je n'oublierai jamais la première fois que j'ai vu les gardes rouges partir au combat. Un vent cruel balayait les vastes rues et projetait la neige contre les bâtiments austères. La température était de vingt-cinq degrés en dessous de zéro, j'étais frigorifiée sous mon manteau de fourrure. Je les vis arriver en une masse extraordinaire, déterminée, avec leurs minces manteaux en lambeaux et leurs visages livides aux traits tirés. Ils étaient des milliers ! Les cosaques marchaient sur Petrograd. La ville s'était soulevée pour les repousser. Des flots d'ouvriers sortaient des usines pour constituer spontanément une armée du peuple, puissante, avec des hommes, des femmes et des enfants. En son sein, je vis des garçons qui n'avaient pas plus de 10 ans.

Nous étions debout sur les marches de la Douma municipale quand l'un des membres, un cadet, me dit : “Regardez ces voyous... Ils vont courir comme des lapins. Pensez-vous que de tels va-nu-pieds puissent se battre ?”

Je ne répondis rien. Je pensais à beaucoup de choses, dont certaines m'avaient marquée profondément dans l'enfance. Pour la première fois, j'avais clairement à l'esprit le spectacle de Washington et de son armée de soldats déguenillés et mourant de faim à Valley Forge... Je ressentis tout à coup que la révolution devait vivre, malgré une défaite militaire momentanée, malgré les conflits intérieurs. Les gardes rouges me firent réaliser que l'Allemagne ne pourrait jamais conquérir la Russie dans les cent prochaines années..."

 

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