29 janvier 2014
Lettre à Paul Magnette, président ff du PS
Cher Paul Magnette,
Vous n’êtes pas seulement le bourgmestre de la ville de Charleroi, vous remplacez également à la tête du PS, Elio Di Rupo, « empêché » pour les raisons que nous savons.
Après d’autres partis, le vôtre sacrifiera aussi à la tradition et organisera dans quelques minutes, au Botanique, un événement mondain où vous aurez l’occasion de présenter vos bons vœux.
Mais le contenu de votre discours ne sera peut-être plus une surprise, maintenant que vous avez accordé un entretien à La Libre Belgique (édition de ce matin), où vous livrez généreusement ce qui semble être la « substantifique moelle » de votre message des temps présents.
Cette sortie médiatique a au moins le mérite de la clarté : comme Edith Piaf, vous ne regrettez rien !
Lorsque vous parlez du bilan du gouvernement dirigé par votre prédécesseur, vous semblez même euphorique. Fier en tout cas d’avoir effectué, je reprends votre formule, elle est forte, le « dirty work » (le sale boulot) !
Je suis persuadé que les travailleurs et les allocataires sociaux qui subissent, depuis tant d’années, le poids de la crise et son cortège de mesures d’austérité, apprécieront votre approche virile de la communication.
Ainsi, vous estimez que le PS a « pris ses responsabilités » et a « tenu ses engagements », d’où sans doute votre audace assumée. Pour vous, la politique menée n’était pas une politique « de centre droit » mais une politique "centriste". Je ne vais pas discutailler sur le vocabulaire, mais ce qui est évident, et là nous sommes sur la même longueur d’ondes, ce n’était pas une politique de gauche !
Vous concédez, sur le bout des lèvres toutefois, que « certaines réformes » n’ont pas été réalisées de « gaité de cœur », comme par exemple la « limitation des allocations de chômage ». Démontrant par là votre sens certain de l'euphémisme...
Pour le reste tout va bien : le pays est « stabilisé », les finances publiques ont « tenu », il y a eu une « réforme bancaire », et la Wallonie dispose de son « Plan Marshall ». Pas un mot sur le niveau de pauvreté qui n’a jamais été aussi élevé et qui touche 15 % de la population, pas un mot sur les inégalités croissantes, pas un mot sur le véritable bilan anti-social de cette coalition gouvernementale dirigée par votre patron.
Mais vous avez beau asséner que les « politiques d’austérité de la commission européenne » ont été rejetées, les faits sont têtus. Les deux dernières années ont été douloureuses pour nos concitoyens, très douloureuses : plus de 22 milliards € « d’économies » ! Une ardoise payée essentiellement par vos supposés électeurs, à la pleine satisfaction des grands groupes financiers, des grandes entreprises et des nantis. Car ceux-ci, en effet, ne paient toujours quasiment aucun impôt, car les intérêts notionnels ont été préservés, car la Belgique reste un paradis fiscal pour les riches. Gérard Depardieu, l’ami de votre sympathique bourgmestre d’Estaimpuis, peut le confirmer avec un sourire carnassier. Tout ce beau monde a même bénéficié au cours de cette législature de nouvelles réductions de cotisations, c'est-à-dire en fait d’une baisse supplémentaire du « salaire solidarisé » des travailleurs.
Lesquels doivent se contenter d’une indigeste soupe à la grimace : les salaires sont bloqués et les syndicats n’ont plus de marge pour négocier des conventions collectives fructueuses. L’index, lui, a été soldé. Il est vrai qu’il n’est plus à une manipulation près ! Et que dire des chômeurs, sinon qu’ils sont emportés par la tourmente de l’austérité : la dégressivité de leurs maigres allocations est renforcée et, dans moins d’un an, 55.000 d’entre eux iront frapper à la porte des CPAS, ce qui inquiète jusqu’à vos proches de la direction de la FGTB !
Cerise sur ce gâteau particulièrement épicé : vous avez ratifié, sans état d’âme particulier, le « Traité budgétaire européen » (TSCG), véritable Cheval de Troie de l’ultra-libérale UE actuelle, qui représente une nouvelle déclaration de guerre aux peuples, condamnés à subir pendant de nombreuses années encore une politique « austéritaire » très dure, destinée à sauvegarder les intérêts des banques, la rentabilité de la finance, les profits de la bourgeoisie…
Enfin, selon vos dires, vous aimeriez voir émerger, au lendemain du scrutin, un « Olivier » (coalition PS-CDH-Ecolo) au niveau fédéral. Vous restez néanmoins prudent, et pour cause. Ce positionnement électoraliste et taquin ne bluffe plus les observateurs attentifs. Car votre partenaire privilégié est, en réalité, le MR, avec qui le PS est associé aux affaires depuis longtemps.
Ce n’est pas le « premier citoyen » de la plus grande ville de Wallonie qui me contredira, vous qui êtes « marié », pour le meilleur et pour le pire, avec les amis d’Olivier Chastel.
Cher Paul Magnette,
Il y a un siècle, « l’Internationale socialiste » sombrait. Ses différentes composantes se regroupaient en rangs serrés derrière leur propre classe dominante pour envoyer les travailleurs à la guerre. De chair à profits le prolétariat devenait aussi de la chair à canons !
Aujourd’hui, cent ans plus tard, les mêmes partis de cette même « Internationale » ont capitulé partout devant la crise du capitalisme, et ils endossent ,« fièrement » à vous entendre, des politiques de destruction de l’Etat social et de démantèlement des plus belles conquêtes du mouvement ouvrier !
Je pense que vous pourrez aisément comprendre que la coupe est pleine. Et vous n’êtes pas sans savoir que beaucoup veulent se détourner d’une formation politique qui les mène en bateau depuis trop longtemps déjà. Des citoyens(ennes), des travailleurs(euses), des militant(e)s du mouvement syndical.
Certes, face à la montée d’une « gauche de gauche » qui se rassemble, , vous allez nous interpréter vos vieux tubes, en premier lieu celui du « vote utile ». Mais le disque commence à être rayé, et de plus en plus de personnes comprennent que le « moindre mal » que vous prétendez incarner est souvent le plus court chemin vers le pire. Ce qui se passe en France, avec votre camarade François Hollande, illustre tristement cette réalité, dans un pays où le PS au pouvoir n’a même pas l’alibi de devoir composer avec des gouvernements de coalition !
En cette période finissante de vœux, je ne vous souhaiterai donc rien de particulier.
Je voudrais simplement vous dire ma conviction de renforcer la gauche en votant… vraiment à gauche !
Ce qui ne passe pas par un appui au PS, mais par un soutien à une gauche qui est restée fidèle à la défense des intérêts populaires fondamentaux, une gauche qui n’est pas au service des puissants, une gauche qui assume les alternatives indispensables face aux recettes de ce néo-libéralisme, qui bénéficie tant de votre indulgence active.
Il ne faudra pas manquer le rendez-vous du 25 mai, nous sommes d’accord.
Mais ce sera celui-fixé par la liste PTB-GO !
Cordialement,
Alain Van Praet
18:13 Publié dans Politique | Lien permanent | Facebook | |