29 mars 2015
Incertitude(s)
23 septembre 2014 : concentration « interprofessionnelle » de militants en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).
6 novembre 2014 : manifestation nationale en front commun syndical à Bruxelles.
24 novembre, 1er et 8 décembre 2014 : grèves générales régionales de 24 heures, en front commun syndical.
15 décembre 2014 : grève générale nationale de 24 heures, en front commun syndical.
11 mars 2015 : concentration « interprofessionnelle » de militants en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).
19 mars 2015 : concentration de militants du secteur public en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).
Semaine du 30 mars au 3 avril 2015 : diverses manifestations régionales en front commun syndical (Bruxelles, Liège, Charleroi, etc.)
22 avril 2015 : grève générale de 24 heures de la (seule) CGSP.
Les actions des syndicats ne manquent pas, mais elles sont éparpillées dans le temps et dans l’espace. Cela nuit à la lisibilité de la stratégie syndicale, épuise les militants et démobilise les affiliés, faute de résultats probants.
Car le gouvernement reste ferme sur ses principes et met progressivement en œuvre ses priorités programmatiques, tel le saut d’index qui sera voté tout prochainement à la Chambre !
Charles Michel est désormais plus préoccupé par les frasques de la NVA ou les querelles entre celle-ci et le CD&V, que par une agitation sociale fragmentée, aux objectifs de plus en plus nébuleux.
D’autant que les dirigeants syndicaux ont bien aidé cette coalition en brisant la dynamique de la mobilisation dès le mois de décembre, et en s’enlisant dans une « concertation » contre-productive !
Après des semaines de palabres autour des mesures transitoires nécessaires dans l’application de la politique gouvernementale, après le rejet sans appel de toutes les exigences principales de la CSC et de la FGTB, l’avenir immédiat reste sombre.
La « culture de la résignation » a pris le dessus sur la « culture de combat » ; les appareils n’organisent plus des luttes « pour gagner » mais des luttes « pour témoigner ». Tout se passe comme s’il s’agissait de pouvoir dire que l’on « a fait quelque chose », histoire d’afficher sa bonne conscience, tout en s’abstenant de se donner les moyens de renverser cette coalition NVA-MR pour mettre un terme au nouveau désastre social qui prend forme peu à peu !
La catastrophe est imminente mais la direction de la CSC continue à vouloir « donner une chance à la concertation », à l’instar de sa centrale des services publics qui refuse de répondre positivement à l’appel à la grève générale de la CGSP, tandis que Marc Goblet se dépêche de signer un accord avec les responsables de la mutuelle Solidaris et du PS, afin de « renforcer la protection sociale ». Pour qui veut bien se remémorer le triste bilan d’un quart de siècle de participations gouvernementales des amis d’Elio Di Rupo, voilà qui est proprement consternant !
A l’évidence, le sommet syndical veut éviter un affrontement décisif avec les différents exécutifs de ce pays, à commencer par l’Exécutif fédéral. Il essaie seulement de grappiller quelques miettes en accompagnant les politiques d’austérité qui sont à l’ordre du jour à tous les niveaux de pouvoir et, pour le reste, il se prépare à « faire le gros dos » jusque 2019. En espérant que les prochaines élections législatives favoriseront le retour d’une coalition de « centre gauche », qui frappera un tout petit peu moins fort sur la tête des travailleurs et avec qui l’on pourra discuter un tout petit peu plus de possibles « marges de manœuvre sociales » ! Une illusion à l’aune du bilan de ces trente dernières années…
Certes, ces turpitudes bureaucratiques ont un air de « déjà vu ».
Il est néanmoins toujours surprenant de constater l’inertie générale et l’absence de réactions significatives face à ces mauvais scenarii à répétition.
Où reste par exemple la « gauche syndicale » ? En dehors de la FGTB de Charleroi qui continue à appeler à un rassemblement large autour d’une « alternative anticapitaliste », son silence est plutôt bruyant. Et quelques voix dispersées qui se font entendre de ci de là, ou quelques coups de gueule sur Facebook, ne constituent pas une lame de fond . Ni au sein du « syndicat socialiste » ni au sein du « syndicat chrétien » !
La gauche politique est tout aussi erratique. Bien sûr, PTB-GO a réalisé une petite percée lors du scrutin du 25 mai dernier. Mais avec 2 sièges sur 150 au Parlement fédéral, la route demeure longue. D’autant que ces deux députés se comportent surtout comme des super « délégués syndicaux », moins comme des « représentants du peuple » qui proposent une stratégie et une alternative politiques d’ensemble face à la crise « globale » du capitalisme, et face à sa trajectoire mortifère pour la planète humaine ! D’autant aussi que la « Gauche d’ouverture » est passée à la trappe du compte « profits et pertes » ! Question de priorités peut-être, payante à court terme sans doute, mais aléatoire à plus longue échéance…
Dans ces conditions, il serait exagéré d’affirmer que nous sommes toujours à la « croisée des chemins » ou que tout peut encore « basculer ».
Beaucoup d’interrogations subsistent, beaucoup de débats devront encore être menés, beaucoup de décisions devront être prises et matérialisées.
Des solutions de rechange sont-elles possibles dans un délai raisonnable au « niveau belge », avec une Flandre où le centre de gravité politique stationne continuellement à droite ? Comment se positionner vis-à-vis du « droit (démocratique) des peuples à l’autodétermination » ? La voie d’un « confédéralisme » assumé peut-elle ébranler les fortifications de la bourgeoisie, en ouvrant une brèche dans un « fédéralisme d’union » contraignant et en créant de plus grandes possibilités de changement en Wallonie, le maillon le plus faible des dominants ?
La « gauche de gauche » doit-elle se résigner à l’éclatement perpétuel ou travailler sans tarder à un véritable rassemblement large dans la perspective de la constitution d’une « nouvelle force politique », à gauche du PS et d’Ecolo ? Que peuvent nous apprendre Syriza et Podemos, par exemple ?
Quelle articulation entre mouvements sociaux (comme ToutAutreChose), partis et syndicats ?
La concrétisation d’une alternative de gauche est-elle « réaliste » dans le cadre de l’Union européenne actuelle ? Quelle attitude vis-à-vis de l’Euro ? [Ce qui se passe en Grèce aujourd’hui sera certainement lourd d’enseignements pour le futur…]
Quel programme de rupture avec le capitalisme et quelle stratégie de transformation adaptée à notre « société réellement existante » en ce début de XXIème siècle ?
Autant de questions difficiles qui attendent toujours des réponses convaincantes.
Un autre monde doit être possible mais il subsiste énormément d’obstacles. Et ni la « Méthode Coué », ni les « yaka », ni les « fautque » ne peuvent vraiment nous aider sur le chemin escarpé que nous devrons emprunter pour l’atteindre, ici ou ailleurs, demain ou après-demain…
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Dans quelques heures...
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24 mars 2015
1905, première vague révolutionnaire
Il y a 110 ans, la Russie de l’autocrate absolu Nicolas II était secouée par un puissant tourbillon révolutionnaire, douze ans avant Octobre 1917.
Une date est restée dans l’histoire, celle du 9 janvier 1905 (selon le calendrier « julien » qui était en vigueur au pays des Romanov, le 22 janvier selon notre calendrier « grégorien »).
Ce jour, un dimanche, une immense foule tenta de rejoindre en procession le Palais d’Hiver pour remettre au Tsar une pétition revendicative (liant aspects démocratiques, politiques et économiques), sous la conduite d’un pope orthodoxe, Georges Gapone. Mais les dizaines de milliers de « manifestants » seront arrêtés par la troupe qui ouvrira le feu et chargera la foule pour la sabrer, faisant des centaines de victimes, hommes, femmes et enfants.
C’est autour de ce drame et de ce personnage controversé que Jean-Jacques Marie nous livre un récit passionnant des événements qui ébranlèrent une première fois la terre russe, au début du siècle dernier.
Le « Dimanche Rouge » sera considéré par beaucoup -de Jaurès à l’empereur d’Allemagne Guillaume II, de Lénine à Soljenitsyne- comme un tournant majeur dans l’histoire de la Russie et, par conséquent, dans l’histoire de l’Europe.
Une date charnière, au même titre que le 14 juillet français, symboliquement inaugurale de la geste révolutionnaire.
Et comme le précise l’auteur, « une onde de choc qui balaie les convictions, les traditions, les habitudes. Des milliers d’hommes sont prêts désormais à écouter la propagande des révolutionnaires, qu’ils tenaient jusqu’alors à l’écart ».
Jean-Jacques Marie retrace donc l’itinéraire de ce prêtre hors norme (qui intéressait Lénine), et nous plonge dans l’histoire tumultueuse de cette période de la Révolution russe, moins connue que celle de la Révolution bolchévique de 1917.
Il revient sur cette époque d’industrialisation de la Russie, de développement de la classe et du mouvement ouvriers. De la politique de conquêtes territoriales vers l’Orient, des tensions et puis de la guerre avec le Japon. De l’agitation sociale et des soulèvements dans les campagnes. De la grève générale, des comités de grève et de la naissance des « soviets ». De la réaction du régime, des massacres, des arrestations massives, des procès et des déportations en Sibérie. De l’antisémitisme et des pogromes. De la politique terroriste du Parti Socialiste Révolutionnaire et de l’émergence de la social démocratie, éclatée entre Bolchéviks et Menchéviks.
Et puis Gapone, fils d’un cosaque et d’une paysanne, séminariste (ce que fut aussi un certain Staline, mais ceci est une autre histoire), influencé par Toltstoï, homme d’action plutôt que théoricien, confronté rapidement avec les réalités de la misère populaire, fondateur de « sociétés ouvrières » avec l’appui de l’Okhrana (la police politique du tsarisme), désireuse de créer et de contrôler un « mouvement ouvrier monarchiste » pour éloigner les travailleurs des intellectuels et des partis en lutte contre l’autocratie !
Gapone, qui deviendra un électron libre, incontrôlable, à la popularité grandissante, et qui se retrouvera à la tête des masses en ce funeste dimanche du mois de janvier 1905.
Gapone, qui échappera à la mort et devra se cacher avant de fuir à l’étranger.
Gapone, qui rencontrera alors dans l'émigration les représentants des différentes tendances du mouvement révolutionnaire, notamment Plekhanov et Lénine.
Gapone, qui oscillera un moment entre la social-démocratie et les socialistes révolutionnaires pour finalement rejoindre ces derniers, avant de les quitter 5 semaines plus tard !
Gapone, qui évoluera ensuite vers la droite quand le balancier de l’histoire s’orientera à gauche.
Gapone qui tournera le dos à la révolution au moment ou celle-ci prend forme.
Gapone, qui se perdra dans des intrigues, sera manipulé par le pouvoir après avoir été amnistié, considéré comme un traître et assassiné par des proches, en mars 1906, lorsque la vague révolutionnaire aura déjà reflué, victime des coups de la répression.
On le voit, un livre foisonnant.
Un livre qui constitue un éclairage utile concernant la trajectoire d’une personnalité historique qui, bien que finalement éphémère, aura joué un rôle loin d’être anodin.
Un livre qui présente un vaste panorama d'un épisode annonciateur de la grande lueur de 1917, fondatrice du « court XXème siècle ».
Un livre passionnant pour tous les amateurs de l’histoire du mouvement ouvrier et des révolutions, pour tout amateur d’histoire, tout simplement…
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Jean-Jacques Marie, Le Dimanche Rouge, Larousse, Paris, 2008, 18 €
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