Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [107]

 

tardi.jpg"Mourir sur son lieu de travail n'est pas habituel  −c'est même assez rare. Il est de bon ton de se retirer pour mourir. Disparaître à la retraite ou dans le système de santé et soudain un jour être l'objet des conversations à la cafétéria de l'entreprise. «Au fait, t'as entendu que le vieux Karlsson est mort vendredi ? Oui, c'est le coeur. Le syndicat a décidé d'envoyer une couronne pour l'enterrement». Mourir sur son lieu de travail et devant les yeux de ses collègues est autrement plus dérangeant."

 

[Stieg Larsson, La reine dans le palais des courants d’air (Millenium III), 2007]

06 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [106]

 

tardi.jpg"Pourquoi ? Ça empêchent pas les soldats de dormir. Ils assassinent et ils reçoivent des médailles pour le faire. Les bonnes gens du Kansas veulent m'assassiner, et il y a certainement un bourreau qui sera content d'obtenir le boulot. C'est facile de tuer, beaucoup plus facile que de passer un mauvais chèque. Souviens-toi : je n'ai connu les Clutter que durant une heure peut-être. Si je les avais réellement connus, j'imagine que je ressentirais autre chose. J'pense pas que je pourrais vivre avec moi-même. Mais la façon dont ça s'est passé, c'était comme casser des pipes dans un stand de tir."

 

[Truman Capote, De sang froid, 1966]

05 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [105]

 

tardi.jpg"Ses vêtements étaient mouillés, chauds, et ils sentaient mauvais. Du sang. Elle allait mourir.

La mort. Elle allait mourir. Elle le savait. A travers la petite lumière vacillante dans son esprit, elle le sentait.

Quelqu'un l'avait tuée... l'homme qui lui avait pris sa pièce lui avait pris la vie."

 

[Mary Higgins Clark, La nuit du renard, 1977]

04 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [104]

 

tardi.jpg"La mort, c'est mon truc. C'est grâce à elle que je gagne ma vie. Que je bâtis ma réputation professionnelle. Je la traite avec la passion et la précision d'un entrepreneur de pompes funèbres, grave et compatissant quand je suis en présence des personnes en deuil, artisan habile quand je suis seul avec elle. J'ai toujours pensé que, pour s'occuper de la mort, le secret était de la tenir à distance. C'est la règle. Ne jamais la laisser vous souffler dans la figure.

Hélas, cette règle, la même, ne m'a pas protégé. Quand les deux inspecteurs sont venus me chercher et m'ont parlé de Sean, une sorte de paralysie glacée m'a aussitôt envahi."

 

[Michael Connelly, Le poète, 1996]

03 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [103]

 

tardi.jpg"Dans la rue, il commençait à crachiner. Deux cavaliers pressèrent le trot de leurs chevaux et dépassèrent une Ford bringuebalante. Executor ouvrit la porte de la Packard blindée et aida le journaliste à s’asseoir.

− Ça commence à bien faire. Il nous faut de l’action.

− La veuve m’a juré qu’elle et ses amis n’y étaient pour rien.

− Qui alors ?

− Pas la moindre idée. Mais tu as raison. Ça suffit comme ça.

− Personne ne proteste de son innocence tant qu’une accusation n’a pas été lancée. Personne ne donne de réponses si on ne lui pose pas de questions.

− Tu as raison. Il faudrait commencer par là.

− Hier, on a tiré sur le poète et on a failli le tuer. Mettons la pression et voyons si l’Ombre sort de l’obscurité et se montre, dit l’Executor en démarrant.

− L’Ombre ? Quelle Ombre ?

− L’ennemi. C’est comme ça que le poète l’appelle. Quant à notre club de joueurs de dominos, il lui a trouvé un nom encore plus lyrique : l’Ombre de l’ombre.

− Pas mal du tout. On pourrait l’embaucher au journal."

 

[Paco Ignacio Taibo II, Ombre de l’ombre, 1986]

 

 

02 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [102]

 

tardi.jpg"Je raccroche, et je regagne la Voyager sur un nuage. Je ne pourrais pas être plus heureux si j’avais moi-même un boulot. C’est vrai ; enfin, presque vrai. Mais il travaille, il a un poste, il est là où il veut être !

Mon Dieu, je n’ai pas besoin de le tuer.

Oh, c’est super, c’est super. En démarrant la Voyager, en faisant le demi-tour, je souris jusqu’aux oreilles.

Tandis que les kilomètres défilent, que je me rapproche de plus en plus de la maison, le poids me retombe lentement dessus. Encore deux."

 

[Donald Westlake, Le couperet, 1997]

01 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [101]

 

tardi.jpg"Il resta étendu là jusqu’à ce qu’il fût certain que la cour fût vide. Il pensa à l’amour de sa vie et imagina qu’elle était avec lui, la tête reposant sur sa poitrine, lui disant combien elle aimait les sonnets qu’il composait pour elle.

Il se remit enfin debout. C’était dur de marcher ; chaque pas lui déchirait de douleur les entrailles jusqu’à la poitrine. Il se tâta le visage ; ce dernier était couvert de quelque chose de sec qui ne pouvait être que du sang. De la manche, il se frotta le visage avec furie jusqu’à ce que le sang frais coulât des écorchures sur une peau douce. Il se sentit mieux du coup, et le fait qu’il n’ait pas pleuré le fit se sentir encore mieux."

 

[James Ellroy, Lune sanglante, 1984]