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10 mars 2017

Journal d'une campagne (14)

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Des écologistes d’EELV choisissent La France insoumise et Mélenchon
10 mars 2017 / Des militants et ex-militants d’Europe Écologie-Les Verts

Le score sans appel de la consultation des électrices et électeurs de « la primaire des écologistes » pour un rassemblement des candidats Mélenchon, Jadot, Hamon a montré leur aspiration majoritaire à l’union de toutes les forces de gauche opposées à l’extrême droite, à la droite et au libéralisme.

Il marque aussi la sortie l’une conception boutiquière de l’autonomie politique dont le fétiche était une candidature à l’élection présidentielle, dans une soumission à la logique de la Ve République. Aujourd’hui, les idées écologistes pollinisent le champ politique et le projet écologiste et social dépasse les limites de l’écologie politique organisée. En intégrant les contenus programmatiques de l’écologie politique, de manière récente et incohérente pour le premier, profonde et durable pour le second, les candidats Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon mirent la candidature écologiste sous pression et finalement en crise.

Pour la majorité des électrices et des électeurs de «la primaire de la Belle Alliance populaire», le bulletin Hamon a été l’occasion de tourner la page du quinquennat Hollande. Un solde de tout compte, en somme. Et une manière d’exprimer une volonté de dépassement et de recomposition politique, fondée sur l’ouverture d’un débat sur la croissance, la place du travail et le revenu universel. Pour autant, la victoire de Benoît Hamon ne règle pas tout, loin de là. Le sentiment que cela ne se joue plus au siège de Solférino est très prégnant dans l’électorat de gauche, qui exprime à la fois un profond désir d’unité et de la méfiance et de l’hostilité à l’égard du Parti socialiste.

Même si la candidature Hamon marque la fin programmée du parti d’Épinay, elle entretient une illusion : celle qui consiste à prétendre que la gauche plurielle, cette coalition de petits partis vassalisés autour du Parti socialiste, constituerait la solution politique à la crise de la gauche et de l’écologie politique. Car Hamon a besoin d’un PS fort pour sa campagne. Or, l’espoir d’une gauche écologiste exige au contraire de s’en affranchir.

 

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L’annonce du retrait du candidat écologiste avec celle d’un accord législatif avec le seul Hamon referme brutalement le piège tendu sur cette double aspiration à l’union et au dépassement. Car cette union à deux relève d’une erreur d’interprétation de ce qui se passe aujourd’hui, d’une sous-estimation de la volonté de changement, de la méfiance à l’égard du Parti socialiste et aussi du caractère unijambiste de la candidature Hamon. Alors qu’il prend position contre le Ceta, le gouvernement de François Hollande se félicite de son adoption. Alors que, notamment après le Brexit, il faut affirmer la nécessaire remise en cause des traités européens, Hamon, faute du soutien du PS, annonce un plan de relance de la construction européenne qui, dans ce cadre, n’a aucune chance d’aboutir. Alors que le viol de Théo émeut et scandalise, la majorité parlementaire où règne un Parti socialiste sans partage vote l’ouverture du feu pour l’ensemble des polices. Cet entre-deux est intenable. Dans tous les cas de figure, il affaiblit et décrédibilise et témoigne qu’incarner la rupture avec celles et ceux qui ont voté et soutenu ce contre quoi nous nous battons est une gageure. C’est même une aberration.

Il est logique que la direction d’EELV veuille préserver les chances de ses parlementaires sortants. Mais, en échange d’un accord électoral national, EELV sacrifie sa participation à la transformation majoritaire de la gauche sur une base écologiste. Comme en 2012, EELV lâche la proie pour l’ombre. Le volet programmatique de l’accord n’ayant, quant à lui et étant donné la réalité de rapports de force qu’Hamon refuse d’envisager et de transformer, aucune chance de n’être jamais appliqué.

Celles et ceux qui ont pris part aux primaires et qui aujourd’hui entérinent l’accord négocié par Yannick Jadot et son équipe sont à la marge du grand mouvement de colère, car ils considèrent que le jeu politique tel qu’il est, peut encore leur permettre d’être représentés. Ils sont prêts à faire crédit encore une fois au système. Pourtant, si l’affaire Fillon prend de telles proportions, c’est que la colère de nos concitoyen.ne.s est à son paroxysme. Elle contribue au rejet de la politique, à l’abstentionnisme, au sentiment qui se généralise du « tous pourris », à l’éloignement du vote des jeunes et des milieux populaires. Tout se conjugue : crise de régime, crise sociale, crise écologique. La gauche écologiste ne peut se reconstruire qu’en prenant véritablement en compte cette défiance politique et cette colère sociale. Face aux grands bouleversements planétaires, nous avons besoin d’une force politique capable de se déployer à la fois horizontalement et verticalement, et qui combatte l’accaparement des ressources et de la politique par les multinationales et les oligarchies.

Aujourd’hui, une plèbe mondialisée et déstructurée politiquement s’affronte à la globalisation capitaliste dans des conditions extrêmement difficiles. Nous avons besoin d’un nouveau bloc social qui se forme autour des classes moyennes en déclassement et des classes populaires intégrées ou exclues du processus productif. Rompre avec les élites en exprimant la révolte de celles et ceux d’en bas est le principal objectif de la période. Pourquoi les zadistes, les révolté.e.s contre la loi Travail et son monde, les «nuitsdeboutistes», les jeunes des quartiers populaires, les chômeuses, les chômeurs et les précaires, les « amianté.e.s », « les silicosé.e.s », et les victimes de la pollution voudraient-elles/ils prendre les mêmes pour recommencer la même chose ?

Pour autant, nous sommes comme tou.te.s les écologistes, pessimistes quand nous voyons les avancées de la catastrophe écologique qui nous guette et nous rêvons en même temps d’un futur désirable.

C’est pourquoi nous participerons à la dynamique populaire et citoyenne, écologiste et sociale qui accompagne la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle que nous considérons comme une étape importante dans l’émergence d’un mouvement politique radical, qui veut faire de l’écologie politique une matrice, capable de se déployer horizontalement et d’associer les partis sans y être soumis.

Victime d’années d’errances stratégiques de la direction d’EELV, faite de petits calculs et de renoncements, du discrédit croissant de ce mouvement chez nos concitoyen.ne.s et de la vampirisation de son contenu programmatique par d’autres candidat.e.s, la candidature EELV à l’élection présidentielle n’avait pas beaucoup d’espace ni de socle pour s’affirmer. La seule solution qui respecte à la fois le refus des militant.e.s d’EELV, exprimé au moment du Congrès, de toutes négociations avec les socialistes et notre engagement politique d’écologistes : c’est la construction partout, avec la gauche de transformation sociale et écologiste qui s’est opposée au quinquennat de François Hollande, d’une majorité alternative.

Par conséquent, si nous avons soutenu les appels au rassemblement et face à un accord EELV-Hamon, nous faisons le choix du bulletin Mélenchon et appelons tou.te.s les écologistes qui choisiraient une écologie de transformation à nous rejoindre.



Pour signer ce texte, merci d’adresser un message à :
pouruneecologieinsoumise@gmail.com

Les premier.e.s signataires sont

Olivier Agullo, enseignant-chercheur, militant EELV, groupe local (GL) Marseille nord, ex-élu EELV à la Communauté urbaine de Marseille ;
Francine Bavay, militante EELV, GL Paris 11, membre du Conseil Fédéral (CF) Laurent Saint–André, militant EELV, GL Paris 10 ;
Noël Burch, cinéaste/écrivain, militant EELV dans le 2e arrondissement Ludovic Cherpin, militant EELV, 8e circonscription du Rhône ;
Daniel Compère, militant EELV, membre du Conseil fédéral, du Bureau exécutif régional et du Conseil politique régional Nord–Pas-de-Calais, conseiller municipal à Mouvaux (59) ;
Sergio Coronado, militant EELV, membre du Conseil fédéral, député des Français de l’étranger ;
Vincent David, ex-militant EELV, paysan bio (Charente–Maritime) ;
Brigitte Diaz, ex-candidate EELV aux élections départementales (Bouches-du-Rhône) ;
Thierry Dudit, militant EELV, GL Les Trois-Vallées, candidat investi sur la 5e circonscription de Seine-et-Marne ;
Noémie Dupré, militante EELV, GL Seine-et-Forêt, candidate investie sur la 2e circonscription de Seine-et-Marne ;
Patrick Farbiaz, militant EELV, GL Paris 20, membre du Conseil fédéral ;
Sébastien Gavignet, ex-porte-parole EELV Champagne-Ardennes ;
Benjamin Giron, militant EELV, membre du Bureau exécutif régional Rhône-Alpes ;
Sylvain Kerspern, militant EELV, secrétaire du groupe local Melun-Val-de-Seine ;
Fatna Lazreg, militante EELV, GL Melun-Val-de-Seine, ex-conseillère régionale Île-de-France ;
Corinne Lehl, militante EELV, conseillère de la métropole de Lyon, coresponsable de la Commission nationale culture d’EELV ;
Janick Magne, coopératrice EELV Hors-de-France, candidate EELV aux législatives de 2012 dans la 11e circonscription des Français de l’étranger ;
Renaud Mandel, militant EELV, GL Paris 20, travailleur social, syndicaliste CGT, militant des droits humains ;
Bénédicte Monville-De Cecco, militante EELV, conseillère régionale Île-de-France, membre du Conseil fédéral, secrétaire départementale pour la Seine-et-Marne ;
Matthieu Ponchel, militant EELV, membre du Bureau exécutif parisien d’EELV ;
Sébastien Scognamiglio, militant EELV, syndicaliste, GL Boulogne-Billancourt ;
Claude Soudan, militante EELV, conseillère municipale EELV en Lozère ;
Pierre Tripier, militant EELV sociologue, GL Boulogne-Billancourt ;
Michel Thomas, militant EELV, membre du Conseil fédéral, Champagne-Ardennes ;
Gianni Vacca, militant EELV, GL Boulogne-Billancourt

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Appel des historiens : Dans la dynamique de la France insoumise !

Depuis plus de quarante ans, la France et l'Europe se sont enfoncées dans une «crise» sans fin, entraînant la relégation d'un nombre croissant de salariés et de territoires. Depuis quatre décennies, un chômage de masse s’est installé, tandis que les politiques n’ont cessé de rogner l’État social et que les inégalités et les discriminations se sont creusées. Quarante années de chômage de masse, d’abandon de territoires entiers, de dénonciation rituelle du coût du travail, de destruction des conquêtes sociales au nom de la modernité libérale, de la stigmatisation de l'Autre (social, culturel ou religieux).

Mais la crise est aussi globale : elle a des soubassements matériels avec l’extraction excessive de matières premières, la destruction généralisée des écosystèmes et le réchauffement climatique. Elle revêt une dimension sociale avec les inégalités croissantes que symbolise la classe capitaliste mondialisée et arrogante, avec en version française et médiatement survendue : Macron. Elle est enfin politique avec la concentration croissante du pouvoir et le rôle scandaleux des grandes entreprises mondialisées qu’aucun État n’ose plus affronter et contrôler.

Nous ne voulons plus de cette xénophobie d’État, de cette lâcheté consistant à s’en prendre toujours d'abord aux travailleurs, aux pauvres, aux immigrés ou aux réfugiés tout en continuant de protéger les puissants et les nantis.

Nous ne voulons plus de ces reniements sempiternels, qui nous imposent toujours davantage de libéralisme et font le jeu des puissants et de l’extrême droite, toujours hideuse et haineuse.

Nous ne voulons plus de ce parti « socialiste » et n’oublions rien de ces dernières années : le transfert de 40 milliards d’euros aux entreprises, l’étranglement financier de la Grèce en révolte, le soutien insensé à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et à l’EPR de Flamanville, les lois Macron et El Khomry, les syndicalistes de Goodyear ou d’Air France traînés au tribunal, le projet de déchéance de la nationalité, l’étranglement de la Sécurité sociale, les morts de Rémi Fraisse et d'Adama Traoré, le viol de Théo K., la réforme du collège, les lois Fioraso qui ne cessent de détruire l’Université, l’alignement sur la politique américaine, les rodomontades qui finissent en pantalonnades, et tant de ministres ridicules et odieux qui prolongent un état d’urgence aussi inefficace que liberticide.

Tout le monde en est d'accord, les élections présidentielles de mai 2017 s'annoncent déterminantes. Pourtant beaucoup acceptent d'entrer dans des calculs stériles sur le moins pire des scénarios tandis que d'autres spéculent sur la candidature Macron repeint en « modernisateur » ou sur le candidat sorti des primaires du PS, Benoît Hamon, oubliant qu’il a été ministre de Ayrault et de Valls jusqu’en septembre 2014. De fait, l'électorat est déboussolé par un champ politique en ruines après 5 ans où le PS a disposé de tous les pouvoirs.

Pour le moment, nous constatons qu'au-delà de la dispersion et de la division régnant dans les milieux acquis à la lutte, à la résistance, dominent la faiblesse relative des mobilisations sociales et l'immensité de ceux qui sont et restent éloignés de la politique et de ses enjeux.

Que faire ?

Pouvons-nous rester inertes face à la progression de l’ultra-droite, risquer de laisser les sociaux-libéraux ou les néo-libéraux en position de poursuivre leur entreprise de destruction de toutes les formes de société solidaire, des héritage de deux siècles de conquêtes sociales progressistes, et de négation des valeurs d’égalité et de justice ?

Déjà dans le passé, il y a eu des périodes où l’urgence historique semblait ainsi s’imposer ; dans certains cas, il y eut réaction, riposte et résilience, dans d’autres ce furent au contraire l’aveuglement, l’impuissance et le désespoir qui l’emportèrent.

Nous croyons que nous vivons une telle époque, décisive. Nous pensons que, pour la France, les prochains mois seront décisifs. Nous pensons que cette campagne de 2017 doit nous permettre de sortir de l'isolement, de nous situer dans des perspectives collectives, de penser ensemble des transformations politiques, sociales et écologiques auxquelles nous aspirons, d'assurer ensemble et dans la confrontation des identités qui nous façonnent le nécessaire rassemblement de toutes les forces disponibles.

 

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Aussi, parce qu’elle nous paraît offrir un levier dans ces perspectives, les animateurs du Groupe d’Histoire Sociale (GHS) – association éditrice de la revue Histoire & Sociétés – et des historiens venus d’horizon très divers ont-ils décidé de se mobiliser pour soutenir le mouvement incarné par la France insoumise et par la candidature de Jean-Luc Mélenchon.

Il ne s’agit pas de s’en remettre à un homme providentiel, mais de choisir une voie nouvelle, audacieuse et déterminée, émancipatrice toujours, en articulant question sociale et question écologique. Il s’agit d’œuvrer et de militer pour expliquer en quoi le programme L’avenir en commun manifeste une compréhension des défis à résoudre et des solutions à inventer, faisant ainsi appel à l’intelligence et à la mobilisation collectives.

Encore plus qu’en 2012, c’est de la mobilisation de chacun, engagé dans une dynamique collective, qu’adviendra la véritable alternative.  

Voilà pourquoi nous nous adressons à tous ceux – amis, collègues de travail, voisins – qui ont en commun des combats et des engagements et qui veulent s’inscrire dans une action collective pour soutenir la dynamique démocratique et populaire qu’incarne la France insoumise.

@GHS18

Appuyons partout la candidature de Jean-Luc Mélenchon et faisons campagne en sa faveur !

 
Premiers signataires  


Le Groupe d’histoire sociale ;
Fabien Archambault (Université de Limoges); Dominique Assayag (Paris); Jean-Numa Ducange (Université de Rouen); Colette Gachet-Beckers (prof. honoraire, lycée Louis-Jouvet, Taverny); François Guedj (lycée Paul Valéry, Paris 12e); Jérôme Martin (lycée Jean Renoir, Bondy, 93); François-Xavier Nérard (Université Paris 1); Michel Pigenet (Université Paris 1); Michel Pinault (historien des sciences, Paris); Colette Pipon (lycée Prieur de la Côte d’Or, Auxonne); Hugo Poulet (lycée Jean Renoir, Bondy, 93); Monique Rolland-Simion (Université de Rouen); Xavier Vigna (Université de Bourgogne); Julien Vincent (Université Paris 1).

Pour signer: groupehistoiresociale18@gmail.com

 

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Agenda

 

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08 mars 2017

Journal d'une campagne (13)

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Gérard Miller : " Est-il encore permis de voter à gauche quand on est de gauche ? "


Le Monde, jeudi 9 mars 2017 (Tribune)

 


Miller.jpgAinsi donc, parmi d'autres hommes de gauche insoupçonnables, Patrick Braouezec, ancien député et maire communiste, "mesurant les conséquences dramatiques d'un second tour droite-extrême droite", vient d'annoncer dans Le Monde daté du 8 mars qu'il votera pour Emmanuel Macron dès le premier tour. Et ceci après avoir commencé par ces mots : "Chacun connaît mes convictions et mes engagements". 

Je l'avoue : les bras m'en tombent !


Jusque-là, l'élection présidentielle permettait d'appliquer un principe simple, que d'aucuns avaient résumé par une formule : "Au premier tour on choisit, au second on élimine." Sous-entendu : si le candidat qu'on pense être le meilleur n'est pas qualifié au terme du premier tour, on peut éventuellement voter au second pour celui qui semble un moindre mal, mais après avoir commencé en tout cas par voter "selon ses convictions et ses engagements".


Comme beaucoup à gauche, c'est ainsi que j'ai toujours procédé, soutenant au premier tour le candidat de mon choix (Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon…) et votant au second pour le socialiste arrivé en tête (Ségolène Royal, François Hollande…)


Or voilà que cette conception démocratique du vote est désormais caduque pour un certain nombre d'électeurs de gauche, et qu'il leur paraît nécessaire d'en soutenir une autre, supposée plus réaliste parce que fondée sur les sondages. Et tel vieux militant du PS, approuvant Braouezec, de m'expliquer sans sourciller qu'il votera lui aussi pour Macron qu'il n'apprécie guère, et ce pour les mêmes raisons qui l'ont conduit à voter à la primaire de droite pour Alain Juppé, qu'il déteste.


Dans le passé, j'avais déjà entendu brandir l'argument du vote utile pour justifier quelques cabrioles électorales, mais je dois dire que je n'avais jamais été confronté à l'élaboration de stratagèmes aussi tortueux !


Tout cela n'est pourtant pas un hasard. Cette confusion des esprits ne signe rien d'autre que l'actuelle victoire idéologique de la droite, qui pousse désormais des hommes et des femmes de gauche à cultiver la finasserie et le paradoxe comme les formes ultimes du pragmatisme.


J'ai par exemple sous les yeux la "lettre à Jean-Luc Mélenchon" que Raphaël Glucksmann a publiée le 4 mars sur le site de L'Obs. Sur huit paragraphes, cinq sont dithyrambiques. Le leader de La France Insoumise, écrit d'emblée Glucksmann, est tout bonnement "le meilleur". Et il ne mégote pas sur les arguments pour justifier un tel éloge !


Il explique que c'est "l'enfant chéri des noces de la littérature et de l'histoire", de très loin le plus érudit de tous les candidats. Il ajoute que c'est le plus politique, au sens le plus noble du terme, "à mille lieues des arrangements d'appareils moribonds", et le "dernier héritier d'une grande et belle tradition".


Et puis surtout, il rappelle que c'est celui qui a eu raison avant les autres. "Raison sur le rassemblement de notables passés en un siècle de Jaurès à Séguéla, incapables de transformer une société qui, in fine, leur convient parfaitement", etc. Bref, il se fait le plus efficace des agents électoraux et dès lors, s'il était une conclusion logique qu'on pouvait attendre d'une telle apologie, c'était bien celle de voter pour Mélenchon !


Eh bien, pas du tout ! Rappelant le sacrifice de François Bayrou, voilà le jeune essayiste qui évoque un "sortilège étrange" frappant cette élection, ce sont les termes employés par le rationaliste qu'il est. Et que veut d'après lui ledit sortilège ? Que les plus dignes des candidats renoncent à se présenter. D'où cette adresse à Mélenchon qu'on peut ainsi formuler : "Retirez-vous, Jean-Luc, puisque vous êtes le meilleur".


On en conviendra : cette dialectique est incroyable. En fait, tout repose sur une affirmation dont je vois bien qu'elle semble évidente à Glucksmann comme à Braouezec : Mélenchon (et pas davantage Hamon) ne peut pas être élu président, alors autant qu'il oublie son programme et ses électeurs avec. A suivre un tel raisonnement, on se demanderait même pourquoi continuent de se présenter à la présidentielle des candidats qui, d'après les sondages, ne sont pas assurés d'être au second tour.


Or, il y a pourtant au moins une raison : c'est qu'une élection démocratique suppose la confrontation des idées, et pas la prise en compte anticipée d'un résultat aléatoire. Il n'y a rien de plus insupportable que les évidences qu'on veut nous faire gober : qu'il n'y a pas d'autre système possible que le libéralisme, pas d'autre Europe possible que celle d'Angela Merkel, et pas d'autres candidats sérieux que ceux dont les sondages nous disent qu'ils seront au second tour.


Que celui qui soutient en connaissance de cause le programme de Macron vote pour lui, quoi de plus normal ? Mais au nom de quoi les électeurs potentiels de La France Insoumise devraient-ils renoncer ainsi à soutenir le candidat qui leur semble justement "le meilleur" ? Au lieu de tympaniser les oreilles de Mélenchon qui poursuit son bonhomme de chemin sans rien cacher de ce qu'il est et veut, est-ce qu'il ne serait pas plus juste de commencer par demander à tous ceux qui ont accepté de participer à la primaire organisée par le Parti socialiste de soutenir Hamon, sans lui tirer dans le dos ? Et je ne parle même pas de la conduite indigne de ceux qui eux aussi ont filé chez Macron, mais après avoir reproché tant et plus à Mélenchon de ne pas jouer le jeu de la primaire !


Bref, on l'aura compris, je suis résolument pour que les électeurs de gauche ne votent pas sous la pression de certitudes qui n'en sont pas. Aux Etats-Unis, les partisans d'Hillary Clinton eux aussi n'ont cessé de vanter sa stature présidentielle, reprochant à Bernie Sanders de ne pas se rendre à l'évidence. Résultat : Trump a été élu et chacun s'est alors posé la question de savoir si Sanders n'aurait pas été un bien meilleur candidat.


Voilà, pour que le meilleur gagne, encore faut-il qu'il se présente et que ceux qui devraient le soutenir ne renient pas leurs "convictions et engagements". En ce qui me concerne, pas question en tout cas de laisser BVA et l'IFOP guider ma main : au premier tour, je voterai pour le candidat dont le programme convient vraiment à l'homme de gauche que je reste : Jean-Luc Mélenchon.


Gérard Miller

 

 

 

AGENDA

 

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26 février 2017

Journal d'une campagne (12)

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COMMUNIQUÉ DE JEAN-LUC MELENCHON

 

J’ai rencontré Benoît Hamon vendredi soir. Longuement et sereinement nous avons fait l’examen de la situation. Nous avons fait le tour de nos convergences et de nos divergences.

À cinquante jours du premier tour, il n’est pas possible de régler la différence qui, par exemple, nous sépare sur la question essentielle de l’Europe.

Je n’ai pas été surpris qu’il me confirme sa candidature et il ne l’a pas été que je lui confirme la mienne. Nous sommes convenus d’un code de respect mutuel dans la campagne.

Plus que jamais, la tâche de la « France insoumise » et de ses alliés est de convaincre cette moitié des Français qui n’a pas encore fait de choix de vote. Dans les cités et les entreprises, à la ville et dans le monde rural, par le débat et la formation mutuelle, faisons de cette élection un moment victorieux de mobilisation et d’adhésion à un projet construit : « L’Avenir en commun ».

 

JLM/26.02.2017

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