31 octobre 2016
CETA : tout reste possible !
Justin Trudeau est venu à Bruxelles ce dimanche 30 octobre.
Le premier ministre canadien a vu et a vaincu.
Temporairement.
La signature officielle du CETA entre son pays et l’Union européenne a bien été entérinée. Mais la route vers sa ratification définitive reste longue, fort longue.
Le texte du CETA doit désormais être ratifié par le Parlement européen, probablement début 2017. Ensuite, et ensuite seulement, ce « traité de libre échange » pourra être mis en œuvre… provisoirement et partiellement !
Car les 38 assemblées nationales et régionales de l’ensemble des pays de l’Union devront à leur tour se prononcer, ce qui devrait prendre quelques années supplémentaires…
De plus, la Cour européenne de justice devra valider les très contestés « mécanismes d’arbitrage » prévus par le CETA. Un rejet de ceux-ci repousserait tout ce beau monde à la case départ !
On le voit, rien n’est définitivement joué.
Il subsiste de réelles possibilités pour mettre en échec ce « cheval de Troie » au service des multinationales, destiné à ouvrir la voie à d’autres traités de même nature, à commencer par le TTIP.
Tout va dépendre, en premier lieu, du maintien et du renforcement des mobilisations sociales et citoyennes. Tout dépendra ensuite de leur aptitude à pouvoir trouver les relais institutionnels indispensables et les débouchés politiques capables d’imposer un changement de cap radical.
L’épisode de la (courte) résistance wallonne vient d’indiquer que ces perspectives ne sont pas irréalistes.
Je reprends donc la conclusion de ma précédente contribution : ce n’est qu’un début continuons le combat !
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28 octobre 2016
Un échec source d'espoir ?
Le gouvernement wallon a fini par céder.
La guerre des déclarations entre Paul Magnette et Charles Michel -« nous avons obtenu de grandes avancées »/ «Le CETA n’a pas été modifié d’une virgule »- ne peut occulter cette réalité.
Les « traités » de ce type ne sont ni amendables, ni négociables !
Dès qu’il est question d’un « traité de libre-échange », les voyants doivent automatiquement passer au rouge. Car dans le « capitalisme globalisé », la « liberté » est d’abord la liberté du capital, c’est-à-dire la liberté pour les puissants d’écraser les plus faibles.
Pour l’oligarchie financière, l’enjeu est ici encore de permettre aux sociétés multinationales/transnationales de pouvoir disposer des mains libres pour agir comme bon leur semble, en ce y compris face aux « Etats » !
Inutile donc de semer la confusion et de laisser croire que « libre échange » pourrait signifier, moyennant quelques ajustements juridiques, « juste échange » !
Pour autant, la « résistance wallonne », même de courte durée, n’a pas été inutile.
Pas pour ce qu’elle a engrangé -je laisse les « experts » gloser à ce sujet- mais pour le signal politique qui a pu être lancé lors de cette confrontation. Ce précédent aura, en effet, des répercussions au niveau international, car il vient d’être démontré qu’il est possible de contester le rouleau compresseur néo-libéral et de glisser un grain de sable dans une machinerie destinée à broyer les peuples.
Portés par la mobilisation de la société civile et d’un grand nombre de mouvements sociaux, le parlement et l’exécutif wallons ont un moment fait front.
Certes, il était difficile d’attendre d’un gouvernement composé du PS et du Cdh (le Cdh, allo quoi…) une lutte jusqu’au-boutiste. D’autant que les pressions ont été gigantesques et d’autant que les Wallons et les Francophones de Belgique étaient isolés. La Flandre, très à droite [1], n’admettant pas la rébellion venant du « sud » du pays. Et le gouvernement fédéral, dominé par les trois principaux partis flamands avec le MR à leur service, exigeant dès le départ la signature du traité telle qu’elle était prévue.
Mais cet épisode laisse entrevoir ce que pourrait être une contestation institutionnelle, s’appuyant sur une large mobilisation populaire, menée dans plusieurs pays ou dans l’un des grands pays de l’UE.
Jean-Luc Mélenchon vient ainsi de réaffirmer que, lui président, ce fameux CETA, ainsi bien sûr que le TTIP, ne seraient en aucun cas ratifiés par la France.
Plus que jamais, il nous faut maintenir notre pugnacité, garder notre volonté frondeuse, et rester dans l’esprit « soixante-huitard » : ce n’est qu’un début continuons le combat…
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[1] La répartition des 124 élus du parlement flamand est la suivante : NVA (43) ; CD&V (27) ; Open-VLD (19) ; SPA (18) ; Groen (10) ; VB (6) et UF (1). La « gauche », SPA et Groen, ne dispose donc que de 22,6 % des mandats de députés de Flandre !
Ci-dessous, le point de vue de la plateforme
No transat
CETA & TTIP
Le combat n’est pas terminé !
L’origine du combat
En 2011, lorsque nous lancions la plateforme No Transat ! pour alerter des dangers de possibles tractations politiques entre l’Union européenne et les Eats-Unis (tractations faites à la demande de puissantes multinationales), on pouvait nous prendre pour des illuminés (le TTIP n’avait pas encore d’existence officielle) ou de doux rêveurs (comment allions-nous intéresser l’opinion publique ET les acteurs politiques aux enjeux démocratiques, écologiques et sociaux de tels accords négociés en secret dans de hautes sphères ?).
En 2013, le lancement officiel des négociations sur le TTIP nous donnait raison sur le 1er point (non, nous n’étions pas des illuminés…) tandis que de nombreux mouvements sociaux – à commencer par l’Alliance D19-20 – décidaient d’entrer dans la danse militante contre l’austérité et le TTIP. Quant au CETA, le « petit » frère du TTIP, on doit sa découverte à la vigilance du CNCD. Tous ensemble, nous avons milité durant ces années pour faire sortir de l’ombre les enjeux citoyens de ces traités, sans jamais ménager ni notre peine intellectuelle (analyse et décryptage des textes) ni notre temps militant (conférences et formations, actions et manifestations, auditions parlementaires…). Récemment, le collectif www.stopttip.be a vu le jour, incluant en son sein tout ce que la société civile belge (francophone et néerlandophone) compte comme organisations militantes (syndicats, mutuelles, ONG, asbl défendant les droits de l’homme, le social ou l’environnement).
Oui mais… Tout ça pour conduire à quoi ?
Quels résultats concrets ?
La 1ère avancée obtenue par la mobilisation anti-CETA/TTIP fut de convaincre la presse d’arrêter de copier/coller les déclarations lénifiantes de la Commission européenne, pour laisser place à quelques arguments contradictoires. Certes, les médias n’ont jamais vraiment parlé de nos griefs à l’encontre du shopping législatif ou de la coopération réglementaire prévue par le CETA et le TTIP, mais ils ont quand même abondamment parlé du problème des Tribunaux d’arbitrage privés, découvert le principe des listes négatives (libéralisant par défaut tout secteur non protégé par un gouvernement au moment de la signature de l’accord) et donné du crédit aux risques de nivellement par le bas de normes sociales, sanitaires et écologiques.
Une 2ème avancée obtenue par la mobilisation anti-CETA/TTIP fut d’imposer à la Commission européenne une première réforme - certes cosmétique - des Tribunaux d’arbitrage, le RDIE (Règlements des Différends Investisseurs-états) laissant place à l’ICS (Investment Court System) avec davantage de transparence dans la procédure et la possibilité d’aller en appel des décisions. Le système n’en reste pas moins une « justice sur mesure » trop favorable aux multinationales.
Autre victoire sur la Commission européenne : poussés dans le dos par leur opinion publique, plusieurs états (dont l’Allemagne) ont fait savoir qu’ils voulaient que le CETA soit reconnu comme un accord « mixte » (c’est-à-dire mettant en jeu des compétences européennes ET nationales). La mort dans l’âme, la Commission européenne s’est résignée à cette proposition (qui impliquait ipso facto de prendre en compte l’avis des Parlements nationaux) sans s’imaginer un seul instant que cela pourrait bloquer la procédure de ratification dès son arrivée en Conseil européen. Mais voilà : alors que l’unanimité des états-membres était requise pour dire oui à cet accord mixte, plusieurs entités fédérées belges (Parlement wallon, Parlement bruxellois, Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles) ont fait savoir que leur opposition au CETA, exprimée de longue date, n’avait pas changé d’un iota. Et ce fut l’ouverture d’un psychodrame…
Côté officiel, les pleurs et lamentations ont côtoyé les pressions, ultimatums et autres couteaux sous la gorge de l’entité honnie entre toutes : le gouvernement wallon. Pour nous, ce fut une sacrée victoire : alors que les traités bilatéraux d’investissements passaient généralement le cap du Conseil européen comme une lettre à la poste, un gouvernement élu s’opposait enfin à la ratification du CETA ! Et provoquait un débat public qui a fait la une des journaux du monde entier... C’est, en soi, une immense victoire pour nous tous qui mobilisons contre le CETA, TTIP et autres TISA depuis des années.
Mais, aujourd’hui, que penser de l’accord « CETA bis » négocié par la Région wallonne avec le Canada, la Commission européenne et les autres entités décisionnelles belges ?
Qu’a obtenu le gouvernement wallon (et les autres entités fédérées) ?
Négocié par le gouvernement wallon avec le Canada, un « Instrument interprétatif commun » va être annexé au CETA. Valable pour toutes les parties prenantes de l’accord, ce document important va limiter la casse « libéralisation / privatisation / mise en concurrence » dans des secteurs importants : marchés publics, secteur de l’eau, services publics et (pour la seule Belgique) sécurité sociale. Dans tous ces domaines, le gouvernement wallon semble avoir obtenu [1] de sérieuses garanties pour les autorités publiques à pouvoir réguler (y compris en renationalisant des secteurs privatisés) en fonction de l’intérêt général. De même, les tristement célèbres Tribunaux d’arbitrage privés vont devoir être revus, dans le but d’en faire des Tribunaux pleinement publics, priés de ne pas accepter les plaintes abusives des multinationales (face à des législations sociales ou environnementales). Si on doit saluer cette avancée, le problème de base n’a pas changé : on crée un système judiciaire spécialement dédié aux conflits états-Investisseurs, et seuls ces derniers peuvent déposer plainte en prenant pour référence juridique les traités commerciaux internationaux (dont l’ADN est bien plus favorable aux investisseurs que celui des Constitutions nationales). Enfin, l’accord belgo-belge stipule que la Belgique demandera à la Cour de Justice européenne de se prononcer sur la légalité des nouvelles procédures d’arbitrage, tandis que les Régions pourront imposer à la Belgique de ne pas ratifier définitivement le CETA en cas d’évaluation négative dans les mois ou les années qui viennent.
Que reste-t-il comme problèmes ?
Ces aménagements du texte ne sont pas rien. Ce sont des « avancées » qui limitent sérieusement la « casse sociale » initialement promise par le CETA. Ce dernier est-il pour autant un bon accord politique qu’on devrait s’empresser de ratifier ? Plusieurs raisons nous poussent à dire « pas si vite ! ».
Premièrement, c’est durant une petite dizaine de jours que les négociateurs bruxellois et wallons ont cherché à aménager un texte négocié durant plusieurs années et… long de 1.600 pages. Il est difficile, dans un tel contexte, de modifier en profondeur les lignes de force initiales du CETA.
Sans rentrer dans tous les détails, on peut dire que les enjeux suivants restent problématiques :
1) Le « shopping législatif » sort renforcé : aujourd’hui, le marché unique européen met déjà en concurrence les systèmes fiscaux, sociaux et environnementaux non harmonisés à l’échelle européenne. Plutôt que de solutionner ce problème crucial en optant (par exemple) pour une harmonisation fiscale, l’Union européenne va élargir le shopping législatif au Canada en ratifiant le CETA (et à d’autres pays au fur et à mesure que de nouveaux accords de « libre-échange » seront engrangés) ;
2) Le problème des listes négatives demeure : si certains domaines importants (sécurité sociale, services publics, marchés publics) ont été préservés grâce aux négociations imposées par la Région wallonne, il n’en reste pas moins que le principe des listes négatives (qui font de la libéralisation et de la mise en concurrence le principe de fonctionnement « par défaut » de l’économie) reste acté dans le CETA. Ce qui constitue un important recul par rapport aux anciens traités internationaux ;
3) La coopération réglementaire fait toujours du CETA un accord vivant : même si elle n’a pas stricto sensu force de loi, la coopération réglementaire ouvre une sorte de droit de négociation permanent à des instances technocratiques UE-Canada dans de nombreux domaines ayant un impact sur l’emploi, l’environnement ou notre alimentation. Qui plus est, des principes telle que l’évaluation « coût-bénéfice » des « obstacles non-tarifaires » (sic) au commerce ou la volonté de traquer les « coûts inutiles » de recherches scientifiques menées séparément en Europe et au Canada poussent clairement à confier davantage d’initiatives, de discussions et de négociations à des instances transatlantiques, opaques et non élues, loin de tout contrôle démocratique ;
4) L’enjeu climatique : alors qu’il faudrait réduire de toute urgence l’empreinte écologique de l’humanité et le réchauffement climatique (qui créent déjà des drames sociaux et des réfugiés climatiques), le CETA continue d’internationaliser des secteurs d’activités (notamment l’agriculture) au détriment de l’emploi local et du contrôle des émissions de CO2. C’est, en soi, parfaitement absurde !
Quel bilan, quel avenir ?
On doit saluer le travail fait par les Parlements wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et les gouvernements qui s’en sont faits les porte-parole, car ils ont été les seuls à oser mettre le doigt sur certaines « questions qui fâchent », quitte à s’attirer moult critiques et pressions diplomatiques, affairistes, médiatiques…
À l’inverse, les « avancées obtenues » n’empêchent pas le CETA de porter certains défauts et déséquilibres inhérents à son acte de naissance (des années de négociations opaques, menées par des technocrates à la demande de firmes multinationales).
En 2011, nous avons été parmi les premiers à lancer l’alerte.
Aujourd’hui, nous continuerons à faire un travail d’analyse et de vulgarisation, notamment pour expliquer de façon simple et accessible les enjeux démocratiques, écologiques et sociaux de ce « CETA bis ».
Demain, avec toutes celles et tous ceux qui le désirent, nous continuerons à mobiliser pour obtenir davantage de changements et de meilleures réformes dans la manière d’organiser le commerce mondial. Ce qui, en l’état, continue de passer par le refus des CETA, TISA et autres TTIP.
[1] La formulation se veut prudente… étant donné le peu de temps pour prendre connaissance des documents (et leur articulation juridique avec le Traité en lui-même…).
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23 octobre 2016
Le « fédéralisme » à l’épreuve du CETA
Il y aurait beaucoup à dire (et à écrire) sur la récente passe d’armes autour du CETA.
Une bataille a été gagnée ; pas la guerre !
Elle a été riche en enseignements sur la globalisation du capitalisme et les mauvaises manières politiques utilisées pour imposer les conséquences de celle-ci dans tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens.
Mais, et ce sera l’objet de mon propos ici, cette échauffourée en dit long aussi sur nos propres tensions « nationales ».
La Wallonie est montée au front, pas la Flandre ni l’Etat Belgique dominé par celle-ci !
Certes, il y a également des opposants aux différents « traités » en gestation dans les coulisses internationales, au nord du pays ; à commencer par les organisations syndicales ! Mais ceux-ci n’ont pu compter sur des « relais politiques » suffisamment consistants, et leurs préoccupations n’ont donc pas été relayées sur le « terrain de leurs institutions »…
Le bras de fer engagé entre l’Exécutif wallon et l’autorité européenne est ainsi un révélateur supplémentaire des contradictions qui travaillent –de longue date- notre réalité, avec la coexistence de deux peuples aux trajectoires dissemblables nourrissant des rapports de forces internes divergents.
Le centre de gravité politique en Flandre se situe nettement à droite, le centre de gravité politique en Wallonie est positionné plus à gauche. La droite nationaliste et libérale donne le ton en Flandre tandis que la gauche (de gouvernement) est aux manettes en Wallonie !
Une petite parenthèse : sans les avancées dans la « fédéralisation » du pays au cours des 40 dernières années, il n’existerait ni « régions », ni « communautés », ni « parlements régionaux » ni «parlements communautaires », ni « gouvernements régionaux » ni « gouvernements communautaires ».
Aujourd’hui, il n’y aurait donc pas un parlement et un gouvernement (wallons) pour rejeter le CETA, et celui-ci aurait bel et bien été ratifié dans le cadre d’un « Etat unitaire », tel que nous l’avons connu à l’époque de la « Belgique de papa », lorsqu’il était dominé par le CVP !
Ces derniers jours (il est instructif de le noter), avec ou sans CVP, de terribles pressions ont d’ailleurs été exercées sur les parlementaires et ministres wallons en provenance de Flandre et de l’Exécutif fédéral composé, pour rappel, de trois partis flamands et du seul MR francophone (minoritaire en Wallonie !).
Cet épisode confirme l’importance du « droit démocratique des peuples à l’autodétermination », même si les réponses apportées à ce droit fondamental, chez nous, s’avèrent jusqu’ici insuffisantes et boiteuses (les 6 « grandes réformes de l’Etat » ont alimenté une certaine confusion institutionnelle [1] ).
A l’évidence, la classe dominante se serait volontiers passée de ce « petit caillou dans la chaussure » que constitue la contestation wallonne du CETA, une contestation majoritaire dans la société civile et dans les institutions ad hoc.
Ce qui démontre que la reconnaissance de la « question nationale » (le landernau politique et les médias ont toujours préféré parler de « problèmes communautaires ») et de la nécessité d’y apporter des réponses adéquates, constituerait un élément important dans la définition d’une stratégie de transformation de la société, ici et maintenant.
A condition, naturellement, que la gauche abandonne sa frilosité en la matière [2] et n’hésite pas à emprunter la voie « confédéraliste » pour revendiquer une véritable « autonomie/indépendance » pour les peuples actuellement regroupés dans cet ectoplasme étatique qu’est la Belgique !
Ceux-ci doivent pouvoir « disposer d’eux-mêmes », (re)conquérir une authentique souveraineté pour se dégager des tutelles géostratégiques, politiques, économiques et culturelles qui représentent autant d’obstacles à leur émancipation…
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[1] Je ne m’attarderai pas dans cet article sur la problématique de la « Communauté française », rebaptisée « Fédération Wallonie-Bruxelles », une « entité » qui, selon moi, devrait être supprimée !
[2] Le « belgicanisme » du PTB, qui n’est rien d’autre qu’un « nationalisme belge », est assez consternant. Ce parti revendique même la « refédéralisation » des principales compétences acquises par les différentes entités, à rebours de l’histoire ! Et, manifestement, il ne se pose guère de questions concernant sa propre réalité : ses parlementaires sont issus de Wallonie et de Bruxelles, uniquement. ! Il ne devrait pas non plus lui échapper, lui qui aime maintenant commenter les sondages, que ceux-ci le gratifient d’un joli 15 % en Wallonie pour 3 % seulement en Flandre ! De quoi susciter quelques interrogations qui dépassent les sempiternelles lamentations sur la « manipulation médiatique », non ?
RESOUDRE LA QUESTION NATIONALE
POUR RENFORCER LES TRAVAILLEURS !
La « question nationale » (QN, ou les « problèmes communautaires » dans la novlangue des « élites ») a déjà fait couler des tonnes d’encre. Il est vrai qu’elle est aussi vieille que la Belgique et qu’elle taraude ses différentes composantes depuis maintenant 186 ans !
Je ne vais évidemment pas épuiser cette problématique en quelques lignes, juste pointer quelques éléments du débat, de manière forcément schématique.
- La QN n’est pas un artifice ou une taquinerie de l’histoire, mais la matérialisation d’une conflictualité issue de la cohabitation obligée de deux peuples, dans le cadre de la constitution d’un « Etat tampon » sous l’égide des grandes puissances européennes de l’époque. Avec une Flandre plus « rurale » et une Wallonie plus « industrielle », et une domination linguistique imposée par une bourgeoisie francophone (désireuse d’utiliser le facteur de la langue pour créer un « sentiment national belge ») se superposant, pour les Flamands, à l’exploitation économique et sociale du « prolétariat » propre au capitalisme.
- La responsabilité du mouvement ouvrier « socialiste» (lui aussi sous hégémonie francophone) dans cette configuration particulière entre dominants et dominés, est grande. Son refus, ou son absence de volonté, à prendre en considération cette « oppression » spécifique du peuple flamand, a favorisé l’emprise du catholicisme et permis l’émergence d’un « mouvement national flamand » marqué à droite. Pendant des décennies, l’action de celui-ci a été vertébrée par des exigences« culturelles et linguistiques » légitimes, non sans succès d’ailleurs. Ce long combat, mené sous la direction d’une droite prenant plus en compte cette dimension revendicative « nationale », couplé à l’incapacité de « la gauche » à prendre rapidement la mesure de cet enjeu, a forgé les rapports de forces qui, aujourd’hui encore, sont décisifs en Flandre. C’est la négation de la QN qui a donné à la droite toute sa vitalité, pas sa reconnaissance !
- Le « mouvement wallon», qui s’est -notamment- construit en contrepoint de ce « mouvement flamand », a connu une évolution structurelle et politique significative, avec les guerres mondiales du 20ème siècle, et singulièrement au lendemain de la seconde conflagration planétaire, avec la « question royale » et la grève de 1960-1961. L’émergence du courant « renardiste » et la revendication du « fédéralisme et des reformes de structure » ont donné, durant cette période, une assise populaire large à ce mouvement.
- Les multiples conflits autour de la QN ont débouché sur un lent processus de dislocation de l’ « Etat Belgique ». Depuis près d’un demi -siècle, différentes « réformes institutionnelles » majeures ont contribué à façonner le visage de l’actuel « Etat fédéral ».
- Chacun est libre d’adopter la « politique de l’autruche» devant cette dynamique ou de se réfugier dans une attitude passéiste. Mais il s’agit de positionnements contreproductifs, car il est parfaitement illusoire de vouloir faire tourner la roue de l’histoire dans un sens inversé, il est vain d’exiger le démantèlement des importants changements institutionnels accumulés pour en revenir à un « Etat unitaire » tel qu’il existait à l’époque d’un Gaston Eyskens !
- Nous vivons, en 2016, dans un « Etat fédéral» (appellation contrôlée depuis 1993), organisé autour d’ «entités fédérées » qui ont acquis des compétences substantielles dans des matières économiques, fiscales, sociales ou culturelles.
- Mais ce « fédéralisme de papa», suis-je tenté d’écrire, ne peut être l’épilogue définitif de notre évolution institutionnelle. Le « droit des peuples à l’autodétermination » reste un droit démocratique essentiel, et rien de ce qui relève de la démocratie ne peut être ignoré par celles et ceux qui sont engagés dans la longue lutte pour l’émancipation humaine. Le processus à l’œuvre n’a pas encore atteint le bout d’une logique d’autodétermination populaire.
- A l’évidence, la « 6ème réforme de l’Etat» n’est pas la Der des Ders ; il y en aura d’autres. Il revient à la gauche de s’y préparer en s’engageant en faveur d’une perspective garantissant une pleine souveraineté des peuples. Ce qui passe naturellement par une rupture conséquente avec un « belgicanisme » désuet, et sa prétention à sauvegarder l’unité fictive de ce pays, voire sa monarchie (par définition archaïque) !
- Ce n’est pas le point de vue d’un parti comme le PTB, qui a toujours été indisposé par cette QN, source selon lui de la « division des travailleurs» ! Il ne veut pas comprendre que le mouvement ouvrier flamand est plus faible et plus « droitier » parce qu’il subit aussi le poids (entre autre idéologique) d’une droite qui a prospéré sur le « communautaire », et que celle-ci continuera à s’affirmer tant que la QN subsistera, d’une manière ou d’une autre. Une fois que les « régions » seront devenues totalement autonomes, il ne sera plus possible de prétendre que ce sont les Wallons responsables des « maux de la Flandre ». Sans son bouc émissaire favori, le roi nationaliste sera alors nu ! Ce qui divise les travailleurs du Nord et du Sud, ce n’est pas la QN, c’est l’absence de solution véritable à cette QN !
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