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03 janvier 2018

2018, année du bicentenaire de la naissance de Marx

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Karl Marx ! Huit lettres qui claquent tel un étendard dans la tempête. Un prénom et un nom qui ont échappé depuis longtemps à l'homme qui les a portés au coeur du bouillonnant XIXème siècle, dans son Allemagne natale comme dans ses pays d'exil : la France, la Belgique et finalement l'Angleterre, après de nouveaux passages dans la capitale française, au moment des ébranlements révolutionnaires et contre-révolutionnaires de 1848-1849, en Europe.

marx j.jpgUne personnalité historique incontournable dont il sera à nouveau beaucoup question dans les prochains mois car, le 5 mai 2018, il y aura exactement 200 ans que Marx vit le jour à Trèves (en Rhénanie).

On a évidemment déjà amplement disserté et discouru sur Marx tout au long du XXème siècle jusqu'à nos jours. De manière dithyrambique pour les uns, tandis que les autres s'efforçaient de le disqualifier par tous les moyens, n'hésitant pas à lui imputer une responsabilité dans l'émergence des régimes «totalitaires» le siècle dernier, et pour les crimes perpétrés dans les «pays du socialisme réellement existant» ! Une querelle absurde concernant un homme décédé en 1883, 34 ans avant la première «révolution communiste», celle d'Octobre 1917 en Russie ! Et une polémique qui ne risque pas de s'éteindre puisqu'elle permet d'accréditer l'idée qu'il ne peut exister d'alternative démocratique au capitalisme.

Certes, cet anniversaire n'influencera pas la folle trajectoire d'une humanité engagée dans une voie sans issue, celle de l'accumulation illimitée du capital et de la marchandisation généralisée du monde, celle d'un productivisme et d'un consumérisme irrationnels, destructeurs des ressources vitales de la planète. Mais si notre futur est compromis, il reste toujours de notre ressort d'inverser la marche du capitalisme financier globalisé vers le désastre !

L'avenir n'est donc pas définitivement hypothéqué. Mais pas sans l'oeuvre de Marx qui conserve une réelle pertinence pour comprendre les contradictions de notre société dans la perspective de la changer, radicalement. Même si elle ne fournit pas de recettes ou de réponses définitives pour résoudre nos problèmes actuels et pour relever les défis de notre époque. Inutile de chercher dans ses textes la moindre appréciation sur le «réchauffement climatique» ni la moindre considération sur la «révolution numérique»...

De quel Marx s'agit-il ?

D'abord, d'un Marx débarrassé du «marxisme» ! Lui, n'a jamais prétendu être le propagateur d'un nouvel évangile, le communisme. Lui, n'a jamais revendiqué la paternité d'une «doctrine», par essence fermée à toutes les interrogations critiques. Et jamais on ne trouvera sous sa plume les termes onomastiques qui furent d'abord utilisés par ses adversaires politiques ! [1] Il est, par ailleurs, devenu difficile d'encore se réclamer d'un «marxisme» au singulier tant les interprétations des écrits de Marx ont été multiples et tant les courants politiques «de gauche» qui s'en réclament ont proliféré au cours d'une histoire particulièrement agitée des «mouvements ouvriers» de tous les pays. A l'évidence, il existe aujourd'hui presque autant de «marxismes» qu'il existe de «marxistes» ! Et cette situation n'a pas peu contribué à rendre parfois illisible les apports décisifs du théoricien allemand (et de son ami Friedrich Engels).

 

Marx dans imprimerie.jpg

 

Ensuite, d'un Marx qui n'est pas réduit à un penseur en chambre, distant du bruit et de la fureur du monde. Marx était avant tout un militant révolutionnaire ! Il considérait que son travail théorique devait être mis au service de la lutte de la classe ouvrière. Marx n'écrivait pas pour être publié dans la Bibliothèque de la Pléiade ! Il n'a pas consacré de nombreuses années de son existence pour accoucher de son opus magnum, Das Kapital, dans le but de laisser une oeuvre majeure destinée à être étudiée dans les universités du futur, aux côtés de celles de Platon, Aristote, Spinoza, Kant ou Pascal !  Non, Marx était profondément impliqué dans les combats de son temps. Du libéralisme de gauche au communisme, de la «gauche hégélienne» à la Ligue des Communistes, de la «Société universelle des communistes révolutionnaires» à 9782253014911-fr.jpgl'Association Internationale des Travailleurs, de la révolution de 1848 à la Commune de Paris, Marx (et Engels) s'est (se sont) engagé(s) durant plus de 40 ans pour essayer de commencer à changer le monde. Concrètement. Car Marx refusait de «faire bouillir les marmites de l'histoire» et il n'épousait pas la démarche d' «utopistes» s'acharnant à dessiner les contours d'une société future idéale.

En 2018, l'actualité de Marx reste l'actualité persistante de la domination du capital et des luttes multiformes contre cette domination.

Oui, le capitalisme a évolué au cours de ces deux siècles, notamment sous la pression des batailles menées par les salariés, qui leur ont permis d'arracher d'importantes conquêtes sociales et politiques. Oui, il est devenu de plus en plus complexe, et oui il a perfectionné ses méthodes pour consolider son hégémonie idéologique et assurer sa pérennité. Mais il n'est pas parvenu à surmonter ses contradictions et ses turbulences, il n'a pas abandonné ses caractéristiques essentielles :

 

  • Le capitalisme demeure un système de production marchande généralisée.

  • Le capitalisme demeure un système reposant sur la propriété privée des principaux moyens de production. Les grandes structures économiques n'appartiennent pas à la collectivité et ne sont pas contrôlées par le plus grand nombre. Elles sont toujours concentrées dans les mains d'une minorité de possédants. Corollaire : la persistance de la «séparation des producteurs d'avec les moyens de production».

  • Le capitalisme demeure un système qui a pour seul «mobile social» l'argent. La course aux profits, la priorité à la rentabilité financière, la rémunération maximale du capital, constituent des dogmes intangibles. Au prix du maintien de l'étau de l'exploitation et du renouvellement de mécanismes alimentant de gigantesques inégalités.

  • Le capitalisme demeure un système obsédé par la compétitivité où la concurrence reste l'alpha et l'omega de son développement. Ainsi encouragée, la lutte de tous contre tous favorise les comportements égoïstes au détriment de la solidarité et des coopérations entre êtres humains.

  • Le capitalisme demeure un système où rien n'est jamais acquis définitivement et où toutes les conquêtes historiques peuvent être remises en cause à n'importe quel moment, en fonction d'une conjoncture et de rapports de force donnés.

 

marx oeil.jpgC'est dire si les travaux de Marx, ses intuitions et ses recommandations, représentent encore maintenant un point d'appui et des éléments de réflexion utiles dans la difficile recherche de solutions de rechange au désordre du capital. Et plus que jamais, sa méthode d'analyse des rapports sociaux constitue un fil conducteur précieux pour celles et ceux qui s'emploient à bouleverser un statu quo mortifère.

L'héritage de Marx, c'est l'héritage d'une pensée critique et révolutionnaire, pleine de vitalité, mobilisée pour transformer la société, rompre avec la domination bourgeoise, et ouvrir le chemin à l'abolition du salariat et à l'émancipation humaine.

Un vaste chantier toujours ouvert 200 ans après sa naissance.

 

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[1] Voir à ce sujet le remarquable article écrit en 1978 par George Haupt, «Marx et le marxisme», repris dans George Haupt, L'historien et le mouvement social, Maspéro, Paris, 1980, pages 77-107

 

 

 

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08 novembre 2017

100 années de controverses (II)

 

Comme attendu, la commémoration du centenaire de la Révolution d'Octobre 1917 entraîne la multiplication de publications de toute nature : rééditions, livres inédits, numéros spéciaux de revues. Ainsi que la programmation de nombreux documentaires et émissions de télévision, disponibles ensuite sur le net. L'occasion de se rappeler que cet événement majeur a fait couler beaucoup d'encre depuis un siècle, et suscité d'âpres débats et de virulentes polémiques. Rapide survol avec des extraits choisis. En toute subjectivité bien entendu...

 

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Les chefs du bolchevisme des grandes années n’ont manqué ni de savoir ni d’intelligence, ni d’énergie : ils ont manqué d’audace révolutionnaire toutes les fois qu’il eût fallu chercher (après 1918) des solutions dans la liberté des masses et non dans la contrainte gouvernementale. Ils ont systématiquement bâti non l’Etat-Commune qu’ils avaient annoncé, mais un Etat fort, au sens vieux du mot, fort de sa police, de sa censure, de ses monopoles, de ses bureaux tout-puissants.

Victor Serge, 1938



Il ne faut pas commettre l'erreur de croire que l'évolution russe dépendait uniquement de la présence de tel ou tel individu, de la vilenie ou de la noblesse (selon le point de vue de chacun) de Staline, par exemple. Si Lénine avait vécu, les choses n'auraient sans doute pas été très différentes.

James Burnham, 1940



Dans deux domaines capitaux, le léninisme aboutit en effet à un échec. Il n'a pas réussi à répondre aux nombreuses interrogations que pose la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière en système capitaliste avancé. Il n'est pas davantage parvenu à poser correctement les problèmes de construction d'une société prolétarienne. En particulier : une fois passée la période des grandes conquêtes révolutionnaires, Lénine a gravement sous-estimé l'importance de la démocratie ouvrière : il n'a pas compris à quel point était indispensable une opposition soumettant le pouvoir, quel qu'il soit, à une vigilante et incessante critique.

Marcel Liebman, 1976



Finalement, le développement du mouvement de masse en RDA et en Tchécoslovaquie, et la croissance réelle, bien que plus lente, du mouvement de masse en URSS et dans plusieurs autres pays d'Europe de l'Est pourraient déboucher dans les années à venir sur la victoire de la révolution politique. Réalisée sur une base matérielle et culturelle beaucoup plus élevée que celle de la Russie de 1917, ou de l'Europe de l'Est de 1945, sans parler de la Chine de 1949, elle confronterait rapidement les masses laborieuses du monde avec un modèle de société plus libre, plus juste et plus égalitaire que le capitalisme le plus développé.

mandel 1.jpgLa crise de crédibilité du projet socialiste serait ainsi définitivement surmontée. C'est ainsi qu'apparaît la nature contradictoire de cette crise de crédibilité. Elle résulte de la banqueroute irrémédiable du stalinisme et du post-stalinisme, de toute tentative d'imposer aux masses des projets politiques sans leur libre consentement majoritaire. Mais elle débouche non seulement sur le rejet résolu de tout "verticalisme", elle intègre aussi une dimension anti-bureaucratique puissante et durable à la conscience de classe élémentaire d'une grande majorité du prolétariat. Ce rejet de la manipulation bureaucratique libère et libérera des forces colossales, qui peuvent se réorienter vers une action émancipatrice contestant la société bourgeoise dans son ensemble.

Tout ce processus contradictoire traduit historiquement la capacité auto-critique et auto-rectificatrice des révolutions prolétariennes, que Marx avait déjà soulignée dans le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte. Il assure, lui aussi, l'avenir du communisme. Mieux, il implique la possibilité, voire la probabilité de la victoire.

Mais, à une condition: que les communistes/socialistes révolutionnaires se dégagent définitivement de toute théorie et de toute pratique substitutionniste, paternaliste, autoritaire à l'égard du mouvement d'émancipation des salariés, sans pour autant retomber dans le spontanéisme.

Ernest Mandel, 1989



Si le stalinisme n’était, comme certains le soutiennent ou le concèdent, qu’une simple «déviation» ou «un prolongement tragique» du projet communiste, il faudrait en tirer les conclusions les plus radicales quant au projet lui-même.

C’est bien d’ailleurs ce que visent les promoteurs du Livre noir. On pourrait s’étonner en effet du ton de guerre froide, passablement anachronique, de Stéphane Courtois et de certains articles de presse. Alors que le capitalisme, pudiquement rebaptisé «démocratie de marché», se proclame volontiers sans alternative après la désintégration de l’Union soviétique, vainqueur absolu de la fin de siècle, cet acharnement révèle en réalité une grande peur refoulée : la crainte de voir les plaies et les vices du système d’autant plus criants qu’il a perdu, avec son double bureaucratique, son meilleur alibi. Il importe donc de procéder à la diabolisation préventive de tout ce qui pourrait laisser entrevoir un autre avenir possible.

C’est en effet au moment où sa contrefaçon stalinienne disparaît dans la débâcle, où s’achève sa confiscation bureaucratique, que le spectre du communisme peut à nouveau revenir hanter le monde.

Combien d’anciens staliniens zélés, faute d’avoir su distinguer stalinisme et communisme, ont-ils cessé d’être communistes en cessant d’être staliniens, pour rallier la cause libérale avec la ferveur des convertis ? Stalinisme et communisme ne sont pas seulement distincts, mais irréductiblement antagoniques. Et le rappel de cette bensaid.jpgdifférence n’est pas le moindre devoir que nous ayons envers les nombreuses victimes communistes du stalinisme.

Le stalinisme n’est pas une variante du communisme, mais le nom propre de la contre-révolution bureaucratique. Que des militants sincères, tout à l’urgence de la lutte contre le nazisme, ou se débattant dans les conséquences de la crise mondiale de l’entre-deux-guerres, n’en aient pas pris immédiatement conscience, qu’ils aient continué à offrir généreusement leurs «existences déchirées», ne change rien à l’affaire.

Daniel Bensaid, 1997



Quand on examine l'histoire de la révolution d'Octobre, il faut se garder d'oublier qu'elle a eu des adversaires révolutionnaires qui avaient une base et une légitimité. Une base, car au cours de l'année 1918, lorsque se multiplièrent les réquisitions forcées et que s'instaura la terreur bolchévique, un nouveau basculement se produisit dans l'opinion et un nombre croissant de soviets élirent des majorités menchéviques et SR. Qu'a fait alors le pouvoir bolchévik ? Il a dissout ces soviets ou les a empêché de siéger. Dès 1918 donc, la pratique du pouvoir soviétique et du parti unique se mit en place, en éliminant y compris ceux qui étaient prêts à former une opposition constructive. Dans ce sens, le bolchévisme a toujours tourné le dos au mouvement d'auto-émancipation des masses populaires, quand il ne pouvait pas l'instrumentaliser.

Claudie Weil, 1997



Si le spectre communiste avait eu raison des puissances du capital au terme d'une guerre civile particulièrement meurtrière, une apparition effrayante, sorte d'image inversée, reflet négatif déformé, était née de ce combat. Le communisme était hanté à son tour par un spectre, celui d'une bureaucratie qui le parasitait progressivement. Le communisme de guerre avait eu raison de la guerre, mais peut être aussi du communisme.

Olivier Besancenot, 2017



La NEP était absolument justifiée par la nécessité de remettre l’industrie en marche, y compris avec des investissements étrangers, et de relancer la production agricole en en redonnant la maîtrise à une paysannerie payant l’impôt. Mais la meilleure protection contre les dérives ultérieures de cette NEP (l’enrichissement rapide de certains koulaks, paysans moyens et commerçants) résidait sans doute dans un régime réactivé d’ouverture politique parallèlement à cette ouverture économique. Une NEP politique pour tous les partisans de la révolution, après la victoire sur la contre-révolution interne et externe. Cela aurait stimulé une renaissance de la vie politique, soviétique, syndicale, associative qui aurait trouvé dans la renaissance de ses droits une motivation pour accompagner la réactivation de l’économie et du pays.

Mais c’est le contraire qui fut mis en œuvre. D’abord, par la terrible répression contre les marins et les ouvriers de Kronstadt. Quels que soient les dangers que ces derniers faisaient courir à la révolution en s’insurgeant, la violence de cette répression était injustifiable. Ensuite, par un «processus de répression moléculaire» qui s’étend dans le pays comme le rapporte Boris Souvarine. Enfin par les décisions du Xe congrès bolchévique qui vont étouffer la discussion politique dans le parti et dans le pays. L’interdiction des tendances et fractions au sein du Parti devenu communiste répondait sans doute à la crainte d’un déchirement ou d’une explosion après les crises qui l’avaient traversé. Le remède fut évidemment pire que le mal. De plus, il entérina, hors du Parti et pour toute la société, le monolithisme d’un Parti unique encadré par ces mesures disciplinaires.

A la fin des années vingt, quand Staline et sa bureaucratie nourrie de ces «règles» mettront le Parti en coupe réglée, ils n’auront pas à aller chercher loin pour trouver ces justifications «léninistes», que Lénine mettait en cause à la fin de sa vie et que Trotsky commença trop tard à dénoncer.

Charles Michaloux et François Sabado, 2017



Je voudrais insister sur un point qui aujourd’hui, depuis l’apparent triomphe du capitalisme à l’échelle mondiale, semble oublié : la révolution russe de 1917 est un événement sans précédent dans l’histoire de l’espèce humaine.

Alain Badiou, 2017



Les échecs révolutionnaires accumulés depuis 1917 ont rendu les militants sceptiques. Le mot même de communisme a perdu sa force émancipatrice telle qu’elle avait été forgée dès 1840.

Michèle Riot-Sarcey, 2017



Ce siècle est clos et, s’il est un modèle dont il faut s’abstraire, peut-être est-ce du bolchevisme, quelle qu’ait été sa grandeur. Non pas se débarrasser du communisme, mais de la forme que le XXe siècle lui donna.

Roger Martelli, 2017



 

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07 novembre 2017

Renouveler notre logiciel politique

Ah ! ils nous en ont fait approuver des massacres
Que certains continuent d'appeler des erreurs
Une erreur, c'est facile comme un et deux font quatre
Pour barrer d'un seul trait des années de terreur
Ce socialisme était une caricature
Si les temps ont changé, des ombres sont restées
J'en garde au fond du cœur la sombre meurtrissure
Dans ma bouche, à jamais, la soif de vérité

 

Jean Ferrat, Le bilan

 

 

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Il y a 100 ans, un immense espoir. Une révolution populaire authentique. Les révolutionnaires au pouvoir !

Et puis, déceptions.

Pas de «dictature du prolétariat» mais une dictature sur le prolétariat. Pas de grand bond en avant démocratique, mais l'anesthésie des formes et des organes d'auto-organisation du peuple. Pas d'Assemblée constituante mais l'extinction du pluralisme politique et l'interdiction progressive de toutes les formations, socialistes comprises.

Et aussi, création d'une police politique. Arrestations arbitraires. Procès expéditifs et truqués. Tortures. Disparitions. Exécutions sommaires. Premières déportations vers des camps. Ecrasement de toute opposition. Cronstadt.

Et puis, contrôle total de l'Etat par un parti unique, le Parti communiste. Mise au pas des oppositions internes. Interdiction des tendances et fractions. Monolithisme idéologique.

Certes, des explications existent. Et de taille. Le climat de violence extrême de l'époque. La première guerre mondiale de l'histoire, boucherie d'une ampleur inédite. Une «paix infâme» imposée par l'empire allemand. La guerre civile et l'intervention des puissances impérialistes. La contre-révolution à l'offensive, sur tous les fronts. Le chaos généralisé, dans un pays souffrant déjà de retards économiques. Une classe ouvrière famélique et une immense paysannerie. La «révolution mondiale» qui ne vient pas. L'inexpérience des nouveaux dirigeants.

 

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Mais des explications ne peuvent constituer des justifications.

Les Bolchéviks au pouvoir ont très vite tourné le dos aux idéaux des Bolchéviks dans l'opposition. Les proclamations programmatiques volontaristes ont cédé le pas aux «nécessités de l'urgence », rapidement transformées en un système figé et durable de mesures arbitraires. Une politique dure, coercitive, est mise en oeuvre pour rester aux commandes, coûte que coûte.

Dès lors, la révolution se métamorphose en contraire d'une révolution. Ses accents libertaires s'évaporent. Une bureaucratie tenace se déploie sur tout le territoire.

Se constitue alors le terreau sur lequel va prospérer le «stalinisme». Entre les années trente et les premières années post-révolutionnaires, pas de changement de nature mais un énorme changement d'échelle. Avec un ordre répressif qui frappera finalement des «communistes» eux-mêmes, dont la plupart des grandes figures de 1917 !

Totalitarisme, goulag, nomenklatura tentaculaire, victimes innombrables : tout cela ne contrariera pas, durant des décennies, au sein même des mouvements ouvriers, la ténacité d'innombrables soutiens aveuglés, ne tarissant pas d'éloges sur un prétendu «bilan globalement positif» des pays du «socialisme réellement existant» !

 

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Impossible ici d'entrer dans les détails des 74 années tumultueuses qui ont précédé la disparition de l'URSS, issue des «10 jours qui ébranlèrent le monde». Entraînant d'ailleurs dans sa chute le bloc des régimes structurellement assimilés au lendemain de la seconde guerre, qui ne pouvaient décidément exister sans la «protection du Grand Frère» !

Au total donc, un gâchis terrible. Avec de lourdes conséquences pour le mouvement social opposé au capitalisme depuis tant de décennies. Car avec l'échec du «projet émancipateur» au XXème siècle, c'est la perspective de solutions de rechange crédibles à l'oppression et à l'exploitation capitalistes qui a été discréditée. De nos jours, il est devenu bien difficile de se revendiquer positivement du communisme !

Bien sûr, 2017 n'est pas/plus 1917 ! La différence ? Cent ans ! Boutade ? Non ! En un siècle, que de bouleversements gigantesques, avec des avancées sociales et démocratiques indéniables, issues de la lutte des classes.

Mais aussi avec la domination consolidée d'un capitalisme -financiarisé et globalisé- plus arrogant que jamais, l'hégémonie de l'idéologie «néo-libérale», la colonisation de l'imaginaire collectif, la promotion de l'individualisme et de l'affrontement de tous contre tous, le développement du productivisme et d'un consumérisme aliénant, de sombres perspectives pour le devenir de notre espèce, hypothéqué par le dérèglement climatique et la crise sans précédent des écosystèmes !

C'est dire si les enjeux -en terme d'émancipation humaine et de sauvegarde d'un environnement viable- ne sont pas moins grands aujourd'hui que lors de l'Octobre rouge.

En prenant appui sur les enseignements des échecs de toutes les tentatives de transformation sociale et politique tout au long du «court XXème siècle», il importe maintenant de préparer l'avenir en construisant des alternatives «révolutionnaires» adaptées à notre époque et à nos sociétés. Un vaste chantier qui mobilise déjà divers mouvements dans de nombreux pays.

 

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Comme le proclamait la jeunesse, il y a près de 50 ans, lors d'un joli mois de mai : «ce n'est qu'un début, le combat continue».

Une formule toujours d'actualité, et pour un bon bout de temps...

 

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