Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05 février 2018

Le Manifeste du Parti Communiste a 170 ans (III)

Thema_Marx_200_01.jpg

 

 

A propos du Manifeste

 

 

Bien que les circonstances aient beaucoup changé au cours des vingt-cinq dernières années, les principes généraux exposés dans ce Manifeste conservent dans leurs grandes lignes, aujourd'hui encore, toute leur exactitude. Il faudrait revoir, çà et là, quelques détails. Le Manifeste explique lui-même que l'application des principes dépendra partout et toujours des circonstances historiques données, et que, par suite, il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. Etant donné les progrès immenses de la grande industrie dans les vingt-cinq dernières années et les progrès parallèles qu'a accomplis, dans son organisation en parti, la classe ouvrière, étant donné les expériences, d'abord de la révolution de février, ensuite et surtout de la Commune de Paris qui, pendant deux mois, mit pour la première fois aux mains du prolétariat le pouvoir politique, ce programme est aujourd'hui vieilli sur certains points. La Commune, notamment, a démontré que "la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'Etat et la faire fonctionner pour son propre compte" (voir La guerre civile en France, Adresse de l'AIT, où cette idée est plus longuement développée). En outre, il est évident que la critique de la littérature socialiste présente une lacune pour la période actuelle, puisqu'elle s'arrête à 1847. Et, de même, si les remarques sur la position des communistes à l'égard des différents partis d'opposition (chapitre IV) sont exactes aujourd'hui encore dans leurs principes, elles sont vieillies dans leur application parce que la situation politique s'est modifiée du tout au tout et que l'évolution historique a fait disparaître la plupart des partis qui y sont énumérés.

Cependant, le Manifeste est un document historique que nous ne nous attribuons plus le droit de modifier. Une édition ultérieure sera peut-être précédée d'une introduction qui comblera la lacune entre 1847 et nos jours; la réimpression actuelle nous a pris trop à l'improviste pour nous donner le temps de l'écrire.



Karl Marx et Friedrich Engels, 1872



marx statue.jpg

 

Bien que le Manifeste soit notre œuvre commune, j'estime néanmoins de mon devoir de constater que la thèse principale, qui en constitue le noyau, appartient à Marx. Cette thèse est qu'à chaque époque historique, le mode prédominant de la production économique et de l'échange, et la structure sociale qu'il conditionne, forment la base sur laquelle repose l'histoire politique de ladite époque et l'histoire de son développement intellectuel, base à partir de laquelle seulement elle peut être expliquée; que de ce fait toute l'histoire de l'humanité (depuis la décomposition de la communauté primitive avec sa possession commune du sol) a été une histoire de luttes de classes, de luttes entre classes exploiteuses et exploitées et opprimées; que l'histoire de cette lutte de classes atteint à l'heure actuelle, dans son développement, une étape où la classe exploitée et opprimée - le prolétariat - ne peut plus s'affranchir du joug de la classe qui l'exploite et l'opprime - la bourgeoisie - sans affranchir du même coup, une fois pour toutes, la société entière de toute exploitation, oppression, division en classes et lutte de classes.



Friedrich Engels, 1888

 

marx statue.jpg



Il nous donne dans sa simplicité classique l'expression réelle de cette situation : le prolétariat moderne est, se pose, croît et se développe dans l'histoire contemporaine comme le sujet concret, comme la force positive, et le communisme devra nécessairement être l'aboutissement de son action inévitablement révolutionnaire. Et c'est pour cela que cette oeuvre, en donnant à sa prédiction une base théorique, et en l'exprimant en formules brèves, rapides, concises et mémorables, forme un recueil, bien plus, une mine inépuisable de graines de pensée, que le lecteur peut féconder et multiplier indéfiniment.



Antonio Labriola, 1895



marx statue.jpg



Cette plaquette vaut des tomes : son esprit fait vivre et se mouvoir, jusqu'à nos jours, l'ensemble du prolétariat organisé et combattant du monde civilisé.

 

Lénine, 1896

 

marx statue.jpg

 

Cet ouvrage expose avec une clarté et une rigueur remarquables la nouvelle conception du monde, le matérialisme conséquent étendu à la vie sociale, la dialectique, science la plus vaste et le plus profonde de l'évolution, la théorie de la lutte des classes et du rôle révolutionnaire dévolu dans l'histoire mondiale au prolétariat, créateur d'une société nouvelle, la société communiste.

 

Lénine, 1913

 

marx statue.jpg

 

A l'heure présente le socialisme est l'ultime planche de salut de l'humanité. Au dessus des remparts croulants de la société capitaliste on voit briller en lettres de feu le dilemme prophétique du Manifeste du Parti Communiste : socialisme ou retombée dans la barbarie !

 

Rosa Luxemburg, 1918

 

marx statue.jpg

 

Le Manifeste n'était pas une révélation, il ne faisait que refléter sous la forme la plus limpide et la plus ramassée les conceptions du monde acquises par ses auteurs. Pour autant qu'on puisse en juger par le style, c'est Marx qui a pris la plus grande part à la rédaction définitive, bien qu'Engels, comme le montre son premier projet, n'ait rien à envier à Marx quant à la compréhension des problèmes, et doive être légitimement considéré comme coauteur à part entière du Manifeste.

 

Franz Mehring, 1918

 

marx statue.jpg

 

Ce document renferme tous les résultats du travail scientifique que Marx et Engels, en particulier le premier, avaient accompli de 1845 à 1847.

 

David Riazanov, 1922

 

marx statue.jpg

 

Quel autre livre pourrait se mesurer même de loin avec le Manifeste communiste ? Cependant, cela ne signifie nullement qu'après 90 années de développement sans exemple des forces productives et de grandioses luttes sociales, le Manifeste n'ait pas besoin de rectifications et de compléments. La pensée révolutionnaire n'a rien de commun avec l'idolâtrie. Les programmes et les pronostics se vérifient et se corrigent à la lumière de l'expérience, qui est pour la pensée humaine l'instance suprême. Des corrections et des compléments, ainsi qu'en témoigne l'expérience historique même, ne peuvent être appliqués avec succès qu'en partant de la méthode qui se trouve à la base du Manifeste.

 

Léon Trotsky, 1937

 

marx statue.jpg

 

Le processus révolutionnaire n'apparaît pas encore, au moment du Manifeste et dans le Manifeste, avec tous ses problèmes et toute son ampleur. Tout en pensant que l'avènement du communisme dépend de conditions multiples et ne peut être que l'aboutissement d'une période historique, Marx semble penser que cet avènement est proche. Il semble imaginer, après la prise du pouvoir politique par le prolétariat, lors d'une crise européenne, une marche continue vers le communisme, sans arrêts, sans régressions momentanées. Il semble donc encore se représenter une période de «révolution permanente» consistant d'abord en une révolution politique, puis en une transformation sociale continue et rapide par le moyen de l'Etat politique ainsi conquis. Seule l'étude du capitalisme, lorsqu'il aura rétabli la situation après l'ébranlement des années 48, permettra à Marx d'approfondir et de différencier ces notions fondamentales ; en particulier, il développera l'analyse de la crise économique dans le Capital. La ligne générale, l'essentiel du Manifeste restera, mais les affirmations qu'il contient dans ce cadre général seront par la suite revues et approfondies (non pas révisées!).

 

Henri Lefebvre, 1947

 

marx statue.jpg

 

Le Manifeste ne contient rien que les auteurs n'aient exprimé auparavant dans d'autres écrits. Mais ils y résumèrent leurs convictions sous une forme accessible à tous et en une langue massive, précise et dégagée de toute formule hégélienne. C'est peut-être, avant tout, la puissance suggestive du style qui a assuré à cet écrit sa place au premier rang des écrits politiques populaires de tous les temps : rien dans ce genre, au cours du XIXème siècle, ne peut lui être comparé. Le Manifeste est un appel enthousiasmant, non un lourd traité de science sociale.

 

Werner Blumenberg, 1962

 

marx statue.jpg

 

Trop d'intellectuels universitaires, dits «sérieux», sont disposés à la rigueur à admirer le Marx scientifique du Capital mais ferment les yeux et font les dégoûtés devant les pages crues et toutes politiques du Manifeste. Celui-ci demeure pour nous un modèle d'intervention pratique du point de vue ouvrier dans la lutte de classes.

 

Mario Tronti, 1966

 

marx statue.jpg

 

 

Le Manifeste n'a pas joué un très grand rôle dans le développement de la Révolution de 1848. Les idées qu'il exprimait étaient très en avance sur la conscience du prolétariat, et les communistes représentaient à l'époque une infime minorité. Mais il venait à point nommé. En juin 1848, la classe ouvrière parisienne montait sur les barricades et sa lutte était maintenant ouvertement dirigée contre la bourgeoisie. L'histoire allait montrer que la question posée désormais était l'antagonisme entre le travail et le capital. Le prolétariat trouvait au moment où il entrait sur la scène politique l'arme décisive qui le mènerait à la victoire. On sait quel rôle le Manifeste a joué par la suite et celui qu'il joue encore dans le monde. Rarement texte n'a connu une telle audience et n'a connu une telle efficacité. Il est un des accoucheurs du monde contemporain.

 

Emile Bottigelli, 1967

 

marx statue.jpg

 

Le Manifeste n'a pas son origine dans un certain nombre d'esquisses rédigées indépendamment les unes des autres par Marx-Engels ou dans l'unique esquisse d'Engels d'octobre-novembre 1847, mais remonte à un projet de profession de foi de juin 1847 auquel participa Engels et qui fut soumis aux communes pour discussion.

 

Bert Andréas, 1972

 

marx statue.jpg

 

Le Manifeste n'est pas une simple exposition de doctrine -ce qui a été la manière la plus courante de le traiter, en dehors des circonstances de temps et de lieu- mais la plate-forme programmatique et politique des communistes en vue d'une révolution spécifique, celle dont l'explosion leur paraît imminente dans certains pays et proches dans d'autres.

 

Fernando Claudin, 1976

 

marx statue.jpg

 

Ce ne sont pas les classiques qui peuvent nous dire ce que nous avons à faire aujourd'hui ; c'est ce que nous avons à faire aujourd'hui qui nous dit ce qui demeure vivant chez eux.

 

Lucien Sève, 1983

 

marx statue.jpg

 

Si, dans l'Idéologie allemande et surtout dans Misère de la philosophie, Marx a redécouvert la politique en tant que moyen nécessaire de la révolution prolétarienne, cette démarche se confirme et s'amplifie dans le Manifeste Communiste, qui réintroduit même la notion d'Etat, constamment critiquée auparavant. Préparée par les oeuvres antérieures, cette insistance sur la dimension politique marque une étape importante dans l'évolution de la pensée marxienne.

 

Maurice Barbier, 1992

 

marx statue.jpg

 

Le Manifeste Communiste est un des principaux textes de l'histoire mondiale. C'est le document fondateur du courant communiste (marxiste-révolutionnaire) du mouvement ouvrier. En rupture avec toutes les autres idéologies en vogue au début du XIXème siècle, il donne pour la première fois une base rationnelle, objective, scientifique à l'existence et à l'activité de la classe ouvrière. Dans ce sens, il s'agit aussi d'un tournant capital dans l'histoire du mouvement ouvrier naissant. Voilà pour le contenu. Et puis il y a le style. La force du raisonnement est portée par un élan et une pugnacité sans pareil. Les contemporains, de haut en bas de l'échelle sociale, ne s'y sont pas trompés.

 

François Vercammen, 1998

 

marx statue.jpg

 

Quand la lutte quitte le champ de l'analyse historique pour intégrer le présent, le Manifeste est un document sur les choix, les possibilités, et a fortiori les certitudes. Entre «maintenant» et ce temps imprévisible où «au cours du développement» apparaîtra «une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous», se trouve le domaine de l'action politique.

 

Eric Hobsbawm, 1998

 

marx statue.jpg

 

Le Manifeste est l'illustration développée de la thèse d'une révolution communiste, imminente et inéluctable. En même temps, la portée de ce texte dépasse largement la conjoncture de sa commande, en raison de l'écho et de la diffusion considérables qu'il connaîtra, le plus souvent longtemps après sa rédaction (...). Texte de loin le plus célèbre de Marx -et l'on oublie souvent la part prise par Engels à sa rédaction-, souvent lu comme le bréviaire des révolutions passées et à venir, il doit être pour cette raison tout spécialement replacé dans son contexte historique ainsi que dans le mouvement propre de la recherche marxienne de cette époque.

 

Isabelle Garo, 2000

 

marx statue.jpg

 


 

C'est un texte fondateur, inaugural, déclaratif. Prophétique et performatif, il mêle inextricablement le constat de ce qui est et l'énoncé de ce qui doit être, le pronostic et le programme, la déduction logique et le but de l'effort à fournir. Le déclarer actuel ou dépassé n'a guère de sens : ces jugements supposent un simple jeu d'avancées et de retards sur un même fil chronologique du temps. Or, le Manifeste brise cette ligne temporelle et s'offre aux perpétuelles remises en jeu de sa réception.

 

Daniel Bensaid, 2000

 

 

00:33 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

Les commentaires sont fermés.