04 avril 2015
Sereine inquiétude
Désarroi.
Tel semble être le mot qui résume le mieux la situation politique actuelle en Belgique.
Beaucoup de militants, de syndicalistes, de travailleurs et de citoyens ne comprennent pas. Ou ne comprennent plus.
Il est chaque jour question de « mécontentement généralisé » et de « mobilisation sociale » ; pourtant, semaine après semaine, le gouvernement de Charles Michel s’affirme et met en œuvre méthodiquement son programme !
Après le saut d’index, voici en effet qu’il confirme le « relèvement de l’âge légal de la retraite à 67 ans » et l’accentuation de la « lutte contre la fraude sociale » (principalement dans le collimateur : les chômeurs !)
Il y aurait donc un « problème » et le plus grand nombre en serait conscient, sauf que plus personne ne sait à quel saint se vouer pour le résoudre…
En réalité, il n’y a pas une mais des difficultés. Fortement imbriquées.
Tant que la « concertation sociale » (l’accompagnement de la crise du capitalisme et des politiques austéritaires) reste l’horizon et la stratégie des syndicats, il y a souci !
Tant que les « actions » contre la coalition NVA-MR se limitent à des processions dans les rues de nos « grandes » villes, ou à des grèves générales épisodiques, il y a souci !
Tant que les « alternatives » se résument à quelques « aménagements » d’un système qui entraîne l’humanité vers le désastre, il y a souci !
Tant que la « gauche de gauche » s’avère incapable de se rassembler, et tant que le PTB manœuvre pour s’installer seul dans le paysage institutionnel, il y a souci !
Tant que des contestataires continuent à croire qu’il suffit de hurler sur les réseaux sociaux pour se faire entendre, il y a souci !
Tant que la majorité des électeurs continuera à soutenir dans les isoloirs la droite, il y a souci !
Tant que la plupart reste convaincue que le « bonheur » se trouve dans la recherche d’un « hédonisme consumériste » et le repli sur la « sphère privée », il y a souci !
Cela ne signifie pas qu’il faut définitivement « désespérer Billancourt », mais cela signifie que toutes les incantations du monde sont insuffisantes pour nous sortir des impasses actuelles et reprendre la progression vers un « ailleurs » et un « autrement » !
La route est longue et il n’existe aucun raccourci pour aller plus vite et mieux.
Ce serait donc une erreur de perdre maintenant toute lucidité pour se précipiter dans une fuite en avant sans perspectives concrètes d’un véritable changement.
L’impatience est mauvaise conseillère ; elle ne peut se substituer à une « réflexion » et à un « agir » à la hauteur des lourds défis de l’époque…
@
12:49 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
03 avril 2015
Marx, enfants admis !
“Visite d’un jeune libertin à Blaise Pascal”, « Diogène, l’homme chien », « La folle journée du professeur Kant », « La confession de Saint Augustin » : voilà quelques titres publiés par la maison d’édition « Les petits Platons ».
Inutile d’être un universitaire de haut vol pour « capter » la nature de cette série : nous sommes pile poil dans le domaine de la philosophie et ces ouvrages s’adressent aux plus jeunes, « petits » ne renvoyant pas ici à un dilemme lié à la taille mais bien à un critère d’âge.
De fait, le public cible est un public âgé de 9 à 14 ans ; il n’est toutefois pas interdit de lire ces « petits » livres jusqu’à 99 ans ! C’est même conseillé.
« Le fantôme de Karl Marx », écrit par Ronan de Calan et abondamment illustré par Donatien Mary, est un conte inédit pour enfants qui pourrait débuter par le traditionnel « il était une fois », mais qui est introduit pour la circonstance par un « Guten Tag ! » que l’on imagine sonore.
« Bonjour ! N’aie pas peur, ce n’est qu’un drap ! Mon nom est Karl Marx. Je ne suis plus tout jeune, je fêterai bientôt mes deux cents ans. Mais ne crois pas que je suis déjà mort pour errer ainsi comme un fantôme. Ne crois pas ceux qui le disent, le répètent et aiment tant à le répéter ».
Après cette entrée en matière sans fard, l’auteur enchaîne rapidement par une histoire mélancolique de paysans de Silésie « expropriés, exilés, ruinés et exploités », métamorphosés par la force du marché capitaliste en drapiers de Silésie, et sauvagement réprimés à la moindre tentative de rébellion ! Une illustration sanglante de la dure conflictualité entre « Monsieur Das Kapital » et les « ouvriers affamés et révoltés ».
Le récit peut alors dérouler son fil. Quelques pages suffisent pour aborder quelques concepts importants de l’œuvre marxienne : la « marchandise », la « valeur d’usage », la « valeur d’échange », le « prolétariat », la « force de travail », « l’exploitation », les « rapports de production », la « lutte des classes », …
La lecture est agréable, par la force des choses rapide : une soixantaine de pages parsemées de très nombreux dessins joliment évocateurs.
Il est évidemment difficile, dans ce type d’exercice ludique, d’éviter les « simplismes ». Mais l’essentiel est ailleurs : le but est de favoriser une première approche d’une œuvre majeure pour des jeunes, d’éveiller leur intérêt , de mobiliser leur attention, et ainsi peut-être les stimuler à pousser leur découverte un peu plus loin un peu plus tard !
Un livre à offrir à vos jeunes enfants ou… petits enfants. Pour qu’ils le lisent ou pour que vous le leur lisiez.
Une petite drôlerie pour terminer : « les droits de reproduction et de traduction sont réservés pour tous les pays, y compris l’URSS ». L’URSS ? Oui, car il s’agit d’une référence explicite à la « loi 49956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ». Cela ne nous rajeunit pas ! Raison de plus pour dévorer cet opuscule, en guise de cure de jouvence…
@
Ronan de Calan et Donatien Mary, Le fantôme de Karl Marx, Les petits Platons, Paris, 2011, 14 €
19:23 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
29 mars 2015
Incertitude(s)
23 septembre 2014 : concentration « interprofessionnelle » de militants en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).
6 novembre 2014 : manifestation nationale en front commun syndical à Bruxelles.
24 novembre, 1er et 8 décembre 2014 : grèves générales régionales de 24 heures, en front commun syndical.
15 décembre 2014 : grève générale nationale de 24 heures, en front commun syndical.
11 mars 2015 : concentration « interprofessionnelle » de militants en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).
19 mars 2015 : concentration de militants du secteur public en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).
Semaine du 30 mars au 3 avril 2015 : diverses manifestations régionales en front commun syndical (Bruxelles, Liège, Charleroi, etc.)
22 avril 2015 : grève générale de 24 heures de la (seule) CGSP.
Les actions des syndicats ne manquent pas, mais elles sont éparpillées dans le temps et dans l’espace. Cela nuit à la lisibilité de la stratégie syndicale, épuise les militants et démobilise les affiliés, faute de résultats probants.
Car le gouvernement reste ferme sur ses principes et met progressivement en œuvre ses priorités programmatiques, tel le saut d’index qui sera voté tout prochainement à la Chambre !
Charles Michel est désormais plus préoccupé par les frasques de la NVA ou les querelles entre celle-ci et le CD&V, que par une agitation sociale fragmentée, aux objectifs de plus en plus nébuleux.
D’autant que les dirigeants syndicaux ont bien aidé cette coalition en brisant la dynamique de la mobilisation dès le mois de décembre, et en s’enlisant dans une « concertation » contre-productive !
Après des semaines de palabres autour des mesures transitoires nécessaires dans l’application de la politique gouvernementale, après le rejet sans appel de toutes les exigences principales de la CSC et de la FGTB, l’avenir immédiat reste sombre.
La « culture de la résignation » a pris le dessus sur la « culture de combat » ; les appareils n’organisent plus des luttes « pour gagner » mais des luttes « pour témoigner ». Tout se passe comme s’il s’agissait de pouvoir dire que l’on « a fait quelque chose », histoire d’afficher sa bonne conscience, tout en s’abstenant de se donner les moyens de renverser cette coalition NVA-MR pour mettre un terme au nouveau désastre social qui prend forme peu à peu !
La catastrophe est imminente mais la direction de la CSC continue à vouloir « donner une chance à la concertation », à l’instar de sa centrale des services publics qui refuse de répondre positivement à l’appel à la grève générale de la CGSP, tandis que Marc Goblet se dépêche de signer un accord avec les responsables de la mutuelle Solidaris et du PS, afin de « renforcer la protection sociale ». Pour qui veut bien se remémorer le triste bilan d’un quart de siècle de participations gouvernementales des amis d’Elio Di Rupo, voilà qui est proprement consternant !
A l’évidence, le sommet syndical veut éviter un affrontement décisif avec les différents exécutifs de ce pays, à commencer par l’Exécutif fédéral. Il essaie seulement de grappiller quelques miettes en accompagnant les politiques d’austérité qui sont à l’ordre du jour à tous les niveaux de pouvoir et, pour le reste, il se prépare à « faire le gros dos » jusque 2019. En espérant que les prochaines élections législatives favoriseront le retour d’une coalition de « centre gauche », qui frappera un tout petit peu moins fort sur la tête des travailleurs et avec qui l’on pourra discuter un tout petit peu plus de possibles « marges de manœuvre sociales » ! Une illusion à l’aune du bilan de ces trente dernières années…
Certes, ces turpitudes bureaucratiques ont un air de « déjà vu ».
Il est néanmoins toujours surprenant de constater l’inertie générale et l’absence de réactions significatives face à ces mauvais scenarii à répétition.
Où reste par exemple la « gauche syndicale » ? En dehors de la FGTB de Charleroi qui continue à appeler à un rassemblement large autour d’une « alternative anticapitaliste », son silence est plutôt bruyant. Et quelques voix dispersées qui se font entendre de ci de là, ou quelques coups de gueule sur Facebook, ne constituent pas une lame de fond . Ni au sein du « syndicat socialiste » ni au sein du « syndicat chrétien » !
La gauche politique est tout aussi erratique. Bien sûr, PTB-GO a réalisé une petite percée lors du scrutin du 25 mai dernier. Mais avec 2 sièges sur 150 au Parlement fédéral, la route demeure longue. D’autant que ces deux députés se comportent surtout comme des super « délégués syndicaux », moins comme des « représentants du peuple » qui proposent une stratégie et une alternative politiques d’ensemble face à la crise « globale » du capitalisme, et face à sa trajectoire mortifère pour la planète humaine ! D’autant aussi que la « Gauche d’ouverture » est passée à la trappe du compte « profits et pertes » ! Question de priorités peut-être, payante à court terme sans doute, mais aléatoire à plus longue échéance…
Dans ces conditions, il serait exagéré d’affirmer que nous sommes toujours à la « croisée des chemins » ou que tout peut encore « basculer ».
Beaucoup d’interrogations subsistent, beaucoup de débats devront encore être menés, beaucoup de décisions devront être prises et matérialisées.
Des solutions de rechange sont-elles possibles dans un délai raisonnable au « niveau belge », avec une Flandre où le centre de gravité politique stationne continuellement à droite ? Comment se positionner vis-à-vis du « droit (démocratique) des peuples à l’autodétermination » ? La voie d’un « confédéralisme » assumé peut-elle ébranler les fortifications de la bourgeoisie, en ouvrant une brèche dans un « fédéralisme d’union » contraignant et en créant de plus grandes possibilités de changement en Wallonie, le maillon le plus faible des dominants ?
La « gauche de gauche » doit-elle se résigner à l’éclatement perpétuel ou travailler sans tarder à un véritable rassemblement large dans la perspective de la constitution d’une « nouvelle force politique », à gauche du PS et d’Ecolo ? Que peuvent nous apprendre Syriza et Podemos, par exemple ?
Quelle articulation entre mouvements sociaux (comme ToutAutreChose), partis et syndicats ?
La concrétisation d’une alternative de gauche est-elle « réaliste » dans le cadre de l’Union européenne actuelle ? Quelle attitude vis-à-vis de l’Euro ? [Ce qui se passe en Grèce aujourd’hui sera certainement lourd d’enseignements pour le futur…]
Quel programme de rupture avec le capitalisme et quelle stratégie de transformation adaptée à notre « société réellement existante » en ce début de XXIème siècle ?
Autant de questions difficiles qui attendent toujours des réponses convaincantes.
Un autre monde doit être possible mais il subsiste énormément d’obstacles. Et ni la « Méthode Coué », ni les « yaka », ni les « fautque » ne peuvent vraiment nous aider sur le chemin escarpé que nous devrons emprunter pour l’atteindre, ici ou ailleurs, demain ou après-demain…
@
00:30 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |