29 mars 2015
Dans quelques heures...
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24 mars 2015
1905, première vague révolutionnaire
Il y a 110 ans, la Russie de l’autocrate absolu Nicolas II était secouée par un puissant tourbillon révolutionnaire, douze ans avant Octobre 1917.
Une date est restée dans l’histoire, celle du 9 janvier 1905 (selon le calendrier « julien » qui était en vigueur au pays des Romanov, le 22 janvier selon notre calendrier « grégorien »).
Ce jour, un dimanche, une immense foule tenta de rejoindre en procession le Palais d’Hiver pour remettre au Tsar une pétition revendicative (liant aspects démocratiques, politiques et économiques), sous la conduite d’un pope orthodoxe, Georges Gapone. Mais les dizaines de milliers de « manifestants » seront arrêtés par la troupe qui ouvrira le feu et chargera la foule pour la sabrer, faisant des centaines de victimes, hommes, femmes et enfants.
C’est autour de ce drame et de ce personnage controversé que Jean-Jacques Marie nous livre un récit passionnant des événements qui ébranlèrent une première fois la terre russe, au début du siècle dernier.
Le « Dimanche Rouge » sera considéré par beaucoup -de Jaurès à l’empereur d’Allemagne Guillaume II, de Lénine à Soljenitsyne- comme un tournant majeur dans l’histoire de la Russie et, par conséquent, dans l’histoire de l’Europe.
Une date charnière, au même titre que le 14 juillet français, symboliquement inaugurale de la geste révolutionnaire.
Et comme le précise l’auteur, « une onde de choc qui balaie les convictions, les traditions, les habitudes. Des milliers d’hommes sont prêts désormais à écouter la propagande des révolutionnaires, qu’ils tenaient jusqu’alors à l’écart ».
Jean-Jacques Marie retrace donc l’itinéraire de ce prêtre hors norme (qui intéressait Lénine), et nous plonge dans l’histoire tumultueuse de cette période de la Révolution russe, moins connue que celle de la Révolution bolchévique de 1917.
Il revient sur cette époque d’industrialisation de la Russie, de développement de la classe et du mouvement ouvriers. De la politique de conquêtes territoriales vers l’Orient, des tensions et puis de la guerre avec le Japon. De l’agitation sociale et des soulèvements dans les campagnes. De la grève générale, des comités de grève et de la naissance des « soviets ». De la réaction du régime, des massacres, des arrestations massives, des procès et des déportations en Sibérie. De l’antisémitisme et des pogromes. De la politique terroriste du Parti Socialiste Révolutionnaire et de l’émergence de la social démocratie, éclatée entre Bolchéviks et Menchéviks.
Et puis Gapone, fils d’un cosaque et d’une paysanne, séminariste (ce que fut aussi un certain Staline, mais ceci est une autre histoire), influencé par Toltstoï, homme d’action plutôt que théoricien, confronté rapidement avec les réalités de la misère populaire, fondateur de « sociétés ouvrières » avec l’appui de l’Okhrana (la police politique du tsarisme), désireuse de créer et de contrôler un « mouvement ouvrier monarchiste » pour éloigner les travailleurs des intellectuels et des partis en lutte contre l’autocratie !
Gapone, qui deviendra un électron libre, incontrôlable, à la popularité grandissante, et qui se retrouvera à la tête des masses en ce funeste dimanche du mois de janvier 1905.
Gapone, qui échappera à la mort et devra se cacher avant de fuir à l’étranger.
Gapone, qui rencontrera alors dans l'émigration les représentants des différentes tendances du mouvement révolutionnaire, notamment Plekhanov et Lénine.
Gapone, qui oscillera un moment entre la social-démocratie et les socialistes révolutionnaires pour finalement rejoindre ces derniers, avant de les quitter 5 semaines plus tard !
Gapone, qui évoluera ensuite vers la droite quand le balancier de l’histoire s’orientera à gauche.
Gapone qui tournera le dos à la révolution au moment ou celle-ci prend forme.
Gapone, qui se perdra dans des intrigues, sera manipulé par le pouvoir après avoir été amnistié, considéré comme un traître et assassiné par des proches, en mars 1906, lorsque la vague révolutionnaire aura déjà reflué, victime des coups de la répression.
On le voit, un livre foisonnant.
Un livre qui constitue un éclairage utile concernant la trajectoire d’une personnalité historique qui, bien que finalement éphémère, aura joué un rôle loin d’être anodin.
Un livre qui présente un vaste panorama d'un épisode annonciateur de la grande lueur de 1917, fondatrice du « court XXème siècle ».
Un livre passionnant pour tous les amateurs de l’histoire du mouvement ouvrier et des révolutions, pour tout amateur d’histoire, tout simplement…
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Jean-Jacques Marie, Le Dimanche Rouge, Larousse, Paris, 2008, 18 €
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19 mars 2015
Affamer les affameurs !
Cet opuscule reprend deux nouvelles de Jack London publiées en 1909, la première étant la plus connue.
Dans celle-ci, l’écrivain socialiste décrit une immense grève générale qui frappe l’ensemble des Etats-Unis, quelques années après le tremblement de terre de San Francisco ; un séisme succédant ainsi à un autre !
La bourgeoisie est désorientée. Notamment Corf qui, lorsqu’il était étudiant, avait publié un article intitulé « le rêve de Debs » (titre éponyme de ce récit de London), où il considérait la grève générale imaginée par le syndicaliste révolutionnaire comme une pure chimère.
Au début, la grève est pacifique. Les ouvriers endimanchés se promènent tranquillement. Bien préparés depuis des mois par la direction de leur syndicat, ils ne manquent pas du nécessaire et peuvent affronter cette épreuve en position de force !
Ensuite, peu à peu, s’installent pénurie de vivres et famine, qui vont précipiter les plus miséreux et les classes privilégiées dans la violence. La lutte vitale pour la nourriture sème alors la confusion et la mort. Même les militaires chargés de maintenir l’ordre succombent à la frénésie de la chasse aux victuailles. Tout y passe, à commencer par le bétail dans les campagnes.
Après plusieurs mois de chaos, la classe dominante devra céder et le syndicalisme victorieux imposera aux bourgeois sa propre « tyrannie ».
London mythifie l’arme décisive par excellence de la classe ouvrière. Ici, pas besoin de piquets, la grève est vraiment totale : pas un travailleur ne travaille ; même les chauffeurs et domestiques des nantis ont arrêté toute activité.
Il nous décrit une grève « idéale » qui, faut-il le préciser, n’a jamais été concrétisée dans l’histoire, surtout à l’échelle d’un pays aussi vaste. Le mouvement est d’ailleurs facilité par la faiblesse de la bourgeoisie et de ses forces répressives, incapables de s’y opposer (elles auraient pu utiliser la brutalité pour s’emparer des provisions stockées dans les foyers ouvriers et contrôlées par le syndicat, mais elles ne tentent rien !).
Néanmoins, Jack London ne soulève pas explicitement la problématique d’une grève générale révolutionnaire avec prise du pouvoir politique à la clé, et édification du socialisme.
La seconde nouvelle, intitulée « Au Sud de la Fente », est politiquement moins ambitieuse.
La Fente est une voie du tram qui sépare le nord (« Les beaux quartiers bourgeois ») du sud de San Francisco (« Les quartiers ouvriers »).
Elle met en scène Frédérick Drummond et Bib Bill Totts, en fait un même homme avec deux identités différentes.
Quand il vit dans le nord de la ville, il est un sociologue conservateur, froid et distant, tandis que dans le sud, il se métamorphose pour devenir un ouvrier, fier de sa classe, syndicaliste passionné, qui n’hésite pas à faire le coup de poing contre les « jaunes » dans les mouvements de grèves.
Dans un premier temps, l’intellectuel Drummond voulait seulement s’immerger dans le monde du travail pour l’étudier, écrire des livres et donner des cours inspirés de son dur apprentissage des réalités de la classe laborieuse.
Mais il devient progressivement un prolétaire, ayant des difficultés à retourner à sa confortable vie bourgeoise, d’autant que Totts a fait la connaissance d’une militante à la forte personnalité, qui tombe amoureuse de lui !
Finalement, notre héros qui semblait d’abord opter pour une vie sans souci finira par préférer la vie prolétarienne, et il deviendra un dirigeant syndical de premier plan !
Un véritable Dr Jekyll et Mr Hyde de la lutte des classes, à moins que ce personnage fictif n’évoque de manière « subliminale » Jack London lui-même ?
Un petit livre plaisant pour nourrir imagination et... réflexion !
@
Jack London, Grève Générale, Libertalia, 2008, 8 €
(illustrations de Romualo Gleyse)
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