22 mars 2023
"BOUQUINAGE" - 185
"Dictature du prolétariat, nous disait-on. Nous sommes de plus en plus loin du compte. De plus en plus, c’est “la dictature de la bureaucratie sur le prolétariat”.
Car le prolétariat n’a même plus la possibilité d’élire un représentant qui défende ses intérêts lésés. Les votes populaires, ouverts et secrets, sont une dérision, une frime : toutes les nominations, c’est de haut en bas qu’elles se décident, qu’elles se font. Le peuple n’a le droit d’élire que ceux qui sont par avance choisis. Le prolétariat est joué. Bâillonné, ligoté de toutes parts, la résistance lui est devenue à peu près impossible. Ah ! la partie a été bien menée, bien gagnée par Staline ; aux grands applaudissements des communistes du monde entier qui croient encore, et croiront longtemps que, en U.R.S.S. du moins, ils ont remporté la victoire, et considèrent comme des ennemis et des traîtres tous ceux qui n'applaudissent pas."
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21 mars 2023
"BOUQUINAGE" - 184
"Je ne souhaite pas rejeter l'importance de l'élément individuel dans l'histoire. Ni Staline ni moi-même n'avons les positions actuelles par accident. Mais nous n'avons pas créé ces positions. Chacun de nous a été pris dans ce drame pour la représentation d'idées et de principes précis. À leur tour, ces idées et principes ne sont pas tombés du ciel, mais ont de profondes racines sociales. C'est pourquoi on doit prendre, non l'abstraction psychologique de Staline en tant qu'“homme”, mais sa personnalité historique concrète comme dirigeant de la bureaucratie soviétique. On ne peut comprendre les actes de Staline qu'en partant des conditions d'existence de la couche de nouveaux privilégiés, avide de pouvoir, avide de confort matériel, inquiète pour ses positions, craignant les masses et haïssant mortellement toute opposition."
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20 mars 2023
"BOUQUINAGE" - 183
"L'erreur fondamentale de la théorie Lénine-Trotsky est précisément que, tout comme Kautsky, ils opposent la démocratie à la dictature. “Dictature ou démocratie”, ainsi se pose la question pour les bolcheviks comme pour Kautsky. Ce dernier se prononce bien entendu pour la démocratie, et même pour la démocratie bourgeoise, puisqu'il l'oppose à la transformation socialiste. Lénine-Trotsky se prononcent au contraire pour la dictature d'une poignée de personnes, c'est-à-dire pour la dictature selon le modèle bourgeois. Ce sont là deux pôles opposés, tout aussi éloignés l'un et l'autre de la véritable politique socialiste. Le prolétariat, une fois au pouvoir, ne peut, suivant le bon conseil de Kautsky, renoncer à la transformation socialiste sous prétexte que “le pays n'est pas mûr” et se vouer à la seule démocratie, sans se trahir lui-même et sans trahir en même temps l'Internationale et la révolution. Il a le devoir et l'obligation, justement, de se mettre immédiatement, de la façon la plus énergique, la plus inexorable, la plus brutale, à l'application des mesures socialistes, et, par conséquent, d'exercer la dictature, mais une dictature de classe, non celle d'un parti ou d'une clique, dictature de classe, c'est-à-dire avec la publicité la plus large, la participation la plus active, la plus illimitée, des masses populaires, dans une démocratie complète. “En tant que marxistes, nous n'avons jamais été idolâtres de la démocratie formelle”, écrit Trotsky. Assurément, nous n'avons jamais été idolâtres de la démocratie formelle. Mais du socialisme et du marxisme non plus, nous n'avons jamais été idolâtres.
(…)
La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les membres d'un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n'est pas la liberté. La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement. Non pas par fanatisme de la “justice”, mais parce que tout ce qu'il y a d'instructif, de salutaire et de purifiant dans la liberté politique tient à cela et perd de son efficacité quand la “liberté” devient un privilège."
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