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31 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [131]

 

tardi.jpg"Vous connaissez tous ma devise ? Elle est la même que celle des Kennedy : «ne jamais se laisser abattre !»"

 

[Frédéric Dard, Les vacances de Bérurier, 1969]

30 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [130]

 

tardi.jpg"Au milieu de la rue, à la sortie du bourg, cerné par les corbeaux déchaînés, un corps. Un cadavre. Tressautant sous les coups de bec des charognards.

Albert s’est précipité pour consoler sa compagne. D’un regard, il me passa muettement son bâton de maréchal.

Le couteau à la main, j’ai gagné le milieu de la chaussée et j’ai progressé lentement, tout à fait comme le shérif, toujours dans le même western, avançant, inquiet, vers le lieu du duel final, regardant de tous côtés, marchant droit, sur ses gardes.

Vers les trois autres baraques, rien. Personne.

Le cadavre était déjà bien entamé. Les corbeaux se sont peu à peu éloignés. Mais pas très loin.

J’ai alors reconnu le jogging et, au milieu de la bouillie du crâne écrasé, les petites tresses africaines de ce jeune homme parti, déjà des siècles, avec la jeune fille au pull rouge et trois autres types dont je ne me souvenais qu’à peine…

– C’est le jeune, le type en jogging, j’ai annoncé en rejoignant le groupe.

Nadine pleurait doucement dans les bras de son mec.

Nous avons décidé de ne pas traîner, d’agir vite. Avec méthode. Un tracteur, une voiture ; il y avait donc de l’essence pour continuer notre minable périple ; et plein d’objets et d’outils qui pouvaient se transformer en armes de défense.

Il devenait flagrant que, désormais, nous en aurions besoin."

 

[Jean-Bernard Pouy, Train perdu wagon mort, 2003]

 

29 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [129]

 

tardi.jpg"Un quart d’heure plus tard, la voiture de Meunier s’arrête devant chez Grignard. Il est déjà dans le jardinet. Chapeau gris. Manteau croisé. Il sort. Il vérifie sa boîte à lettres. Il en retire quelques prospectus qu’il consulte en ouvrant la portière. Il se laisse tomber dans la voiture. Petit Boulot a enfilé le veston de Jojo et son couvre-chef. Ça fait la blague pendant quinze secondes, le temps que la chignole démarre. Grignard s’apprête à tempêter. Il relève la tête, n’y comprend rien, regarde dehors les maisons qui défilent et se retourne affolé vers                l’arrière :

– Mais qui êtes-vous ?

Couteau sur la gorge. Gargouillis du député. Les paroles ne servent plus à rien. Les mots vont se faire rares. La place est à la violence. On est embringués sur des rails. Action. Maintenant, action. C’est la politique qui avait introduit la parole."

 

[Jean Vautrin, A bulletins rouges, 1973]

28 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [128]

 

tardi.jpg"Lomron sortit de la salle, alla dans les toilettes et versa son café court sans sucre dans le lavabo. Il se regarda dans la glace. On avait progressé. Le meurtre semblait lié à une affaire de piratage informatique. Mais tu ne sais toujours rien sur la femme aux boucles d’oreille. Il ouvrit sa main. La boucle avait imprégné sa paume. Une blessure en creux. Il pensa à la stigmatisation de saint Thomas. Il vit les chairs pincées sous les électrodes. Les mains, les pieds, le flanc. Les supplications. Lomron sentit revenir les tremblements. Il se passa la tête sous l’eau. Maintenant il avait froid. Il retourna à la salle informatique."

 

[Daniel Picouly, Les larmes du chef, 1994]

27 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [127]

 

tardi.jpg"Et il la résume. En huit points qui tombent dans notre pénombre comme autant de chefs d'accusation.

1) Benjamin Malaussène, Contrôle Technique au Magasin, grande boutique piégée depuis sept mois par un tueur inconnu, se trouve présent sur le lieu de chaque explosion.

2) Quand ce n'est pas lui, c'est sa sœur Thérèse.

3) La dénommée Thérèse Malaussène, mineure de dix-sept ans et trois mois, semble avoir prévu le moment et le lieu de la quatrième explosion -détail qui peut intriguer tout fonctionnaire de police rétif à l'astro-logique.

4) Jérémy Malaussène, mineur, 11 ans et dix mois, a incendié son collège au moyen d'une bombe artisanale dont un des composants chimiques au moins à déjà été utilisé par le tueur du Magasin.

5) La topographie du magasin semble singulièrement intéresser la famille, si on en juge par le nombre de photographies trouvées dans le cartable de la cadette des sœurs, Clara Malaussène, 15 ans et huit mois, agrandissements photographiques découverts lors d'une perquisition opérée au domicile de la famille, mandat délivré le..., etc.

6) Le plus jeune des enfants Malaussène rêve depuis des mois "d'ogres Noël ", thématique sinistre qui n'est pas sans rapport avec les photographies (non-moins sinistres) découvertes sur les lieux de la dernière explosion.

7) La grossesse de la sœur Louna Malaussène, 26 ans, infirmière, est à l'origine d'une rencontre entre Benjamin Malaussène et le professeur Léonard, victime de la troisième explosion.

8) Le chien de la famille lui-même (âge et race indéterminés), ne semble pas étranger à l'affaire, victime qu’il fut d'une crise nerveuse sur le lieu d'un des meurtres. (L’analyse des photos découvertes dans les wouataires de l’exposition suédoise, révèle, au moins, sur l'une d'entre elles, la présence d'un chien atteint d'une affection similaire.)"

 

[Daniel Pennac, Au bonheur des ogres, 1985]

 

 

 

26 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [126]

 

tardi.jpg"Avant que j’aie pu esquisser un geste, elle plongea la main dans son sac et en sortit un petit pistolet nickelé qu’elle dirigea sur moi.

Ma première impression ne m’avait pas trompé : cette femme était très dangereuse. Il faisait trop sombre pour que je puisse lire ses intentions dans son regard, mais son intonation laissait deviner une détermination farouche, quasi obsessionnelle, à la limité de l’hystérie.

– Je suis venue pour vous tuer, Baraudy. J’aurais pu le faire tout à l’heure, devant tout le monde, et c’était mon but. Ça m’aurait fait plaisir de vous vider mon chargeur dans le ventre et de vous voir vous tortiller sur ce parquet bien ciré, avec votre belle chemise et votre beau costume blanc souillés de sang et de vomissures, au milieu de vos invités en train de bouffer des petits fours et de boire du champagne…

Pas de doute, j’avais affaire à une cinglée."

 

[Gérard Delteil, La confiance règne, 1991]

 

25 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [125]

tardi.jpg"Faty hocha la tête d’un air à la fois grave et enfantin, et Teissère, attendri, songea : ‘’je t’aiderai, mon petit garçon. Parce que tu sais, tout est tellement crado. Des tueurs, des voyous, des pédés, des vicieux, du sperme, des putes, des macs, de la schnouf, du fric, des cons… Des coups de feu, de surin, d’acide, de rasoir, de pic à glace… Si tu savais ce que c’est qu’une vie de flic !’’

Son cadet passait près d’eux. Teissère le happa et le prit aussi par les épaules.

Il était un peu gêné, mais ce geste, il le retenait depuis des années.

Il les serra très fort, ses deux fils. Ils étaient tous trois épaule contre épaule. Heureux.

Et c’était Noël. Un Noël blanc, même !

Des minutes comme celles-ci, ça valait bien cinquante-cinq ans de merde, non ?"

 

[Frédéric H. Fajardie, Gentil, Faty !, 1981]

 

24 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [124]

 

tardi.jpg"Les cordes crissaient sur le bois du petit cercueil. Les deux employés municipaux se tenaient de chaque côté de la fosse et hissaient la charge en cadence. Après deux ou trois mouvements, le cercueil fut posé sur le sol, près de la plaque tombale de granit.

- Alors ? demanda l'un des employés. Il s'essuya le front du revers de la manche, rejetant sa casquette en arrière.

Roland Gabelou eut un instant de passage à vide."

 

[Thierry Jonquet, La Bête et la Belle, 1985]