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17 mars 2021

LA COMMUNE DE PARIS - 1871 [XIV]

 

DITS ET ECRITS [2]

 

Samedi 18 mars, vers 3 heures du matin. Quatre mille hommes de troupe se massent au pied de la butte Montmartre, entament sa difficile ascension : il s’agit de reprendre les canons de la Garde nationale qui y sont parqués sous une surveillance négligente.

(…) Le sommet de la butte est conquis vers 7 heures 30.

(…) A Belleville, aux Buttes-Chaumont, à la Villette, la même opération est conduite par six mille hommes. Pour protéger leurs arrières, des troupes occupent la Cité, centre administratif de la capitale, la place de l’Hôtel de Ville et celle de la Bastille, neutralisent le faubourg Saint-Antoine et le 11e arrondissement.

A Montmartre pendant ce temps, il s’agit de descendre les canons du haut de la butte, par les pentes difficiles des petites rues. L’opération prend un retard catastrophique. Le tocsin sonne, le rappel bat, le peuple se réveille. Une foule de femmes, d’enfants, de gardes nationaux afflue sur la butte, qui est reconquise à 10 h 30 : les soldats du 88e se sont débandés, d’autres ont mis la crosse en l’air. Le général Lecomte qui les commande est fait prisonnier.

(…) Vers 16 heures, Clément Thomas, qui avait été sous le siège un médiocre général de la Garde nationale, et qui avait participé à la répression de l’insurrection de juin 1848, reconnu par un vieux républicain, est arrêté boulevard de Clichy. On conduit les deux généraux à un petit poste de la garde, au 6 de la rue des Rosiers. Vers 17 heures, c’est le drame : ils sont exécutés sommairement par un peloton confus de gardes nationaux et de lignards mêlés. Colère de foule : ce sang fut le seul à couler ce jour-là, avec celui d’un garde national, Turpin, sur la butte, et d’un colonel de cavalerie, tué place Pigalle.

Dès 9 heures, les troupes avaient dû également abandonner la Villette. Le 11e arrondissement s’est couvert de barricades, rue de la Roquette, au faubourg Saint-Antoine. A Belleville, fortement barricadé aussi, les soldats se sont laissé désarmer. Partout la troupe a fraternisé, place de la Bastille, place du Château-d’Eau [actuelle place de la République], au Luxembourg.

(…) Il n’y avait eu en somme que riposte à ce que Paris pouvait, non sans raison, considérer comme une tentative de coup d’Etat, réédition du 2 Décembre, monarchiste cette fois.

(…) Thiers prend une prudente fuite vers 16 heures, gagne Versailles, laissant l’ordre d’évacuation générale pour 18 heures.

La ville s’ébranle alors vraiment. Des colonnes populaires, pourtant à peine organisées, hésitantes, s’emparent sans coup férir des principales casernes, de la préfecture de police, du quartier général de la Garde nationale, place Vendôme. Quelques bataillons épars paradent devant l’Hôtel de Ville, plutôt pacifiquement. A 20 heures, Vinoy n’en donne pas moins l’ordre de l’évacuer : Ferry ne le fera qu’à 22 heures. Le Comité central de la Garde nationale s’y installe à minuit. Il n’avait joué dans la journée à peu près aucun rôle. Le voici maître inattendu de la capitale.

Jacques Rougerie

 

 

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[ROUGERIE Jacques, Paris insurgé. La Commune de 1871, Découverte Gallimard, Paris, 2019, pages 23-29]

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