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22 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [122]

 

tardi.jpg"Seuls Kol et Victoria semblaient garder la tête froide, ramener sans cesse les questions pratiques sur le tapis. Kol invita tout le monde à réfléchir sérieusement avant de prendre une décision.

– Un : où, quand, comment on s’y prend pour l’embarquer sans que personne le sache ? Au Touquet ou ailleurs ? Deux : comment on le transporte chez l’Enfant-Loup ? Comment on installe son sous-sol pour qu’il puisse y vivre et bosser ? Comment faire ça sans jamais alerter les flics ?

Tous se regardèrent comme s’ils ne s’étaient jamais vus.

Dylan avoua :

– J’en sais rien, je n’ai jamais enlevé personne.

– Si, tu m’as enlevée ! s’exclama Dorith.

– Et moi aussi ! dit sa soeur en minaudant.

Victoria intervint avant qu’Hurel et Rousseau se lancent sur l’enlèvement des Sabines dont une exposition thématique venait d’être organisée au…

– Pour les recherches, vous n’aurez pas à les faire, annonça-t-elle. C’est fait. J’ai un dossier épais comme ça sur Ramut : adresse, téléphone, mail… tout ce qu’il faut. Je sais même par qui sa femme se fait baiser, le nom, l’adresse, la pension où ils ont placé leur fils. Tout…

– C’est pour le procès ?

Victoria fit non de la tête."

 

[Gérard Mordillat, La brigade du rire, 2015]

 

21 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [121]

 

tardi.jpg"Il hésita entre le ‘’Tabac du Matin’’ et le self-service situé au rez-de-chaussée de l’Humanité. On pouvait y prendre un café, l’emporter à une table sur un plateau et tout en dégustant le liquide brûlant, s’amuser à reconnaître au passage les grandes signatures du journal, les plus illustres figures du Parti Communiste. Thorez, Duclos, même Aragon venaient ici se restaurer entre deux réunions ou attendre que leur article arrive au marbre."

 

[Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, 1983]

20 décembre 2020

IMAGINAIRE(S) [120]

 

tardi.jpg"Le lendemain matin nous avons une gueule de bois carabinée mais nous sommes plutôt contents. On boit du café noir, les Nègres et moi, dans la cuisine. On parle lentement, comme les lendemains de cuite. Je suis content de ce que j’ai fait. Je veux en savoir un peu plus. Ils m’expliquent leur point de vue. Le Zimbabwin, leur contrée, elle s’est libérée et c’est un Front de Libération, le FLZ qui s’est installé au pouvoir. Mais si je comprends bien, il y a une ethnie qui marche sur la gueule des autres, dans le FLZ, et qui pis est, musulmane, tandis que mes deux singes, ils sont moitié féticheurs, moitié marxistes athées. Ils m’expliquent : les musulmans, là-bas, c’est l’équivalent des bourgeois ici, ce sont de grandes familles, des chefferies, de tous temps mouillées avec les expéditions arabes qui descendaient l’Afrique, remontant le Nil et plongeant bien au-delà dans l’intérieur, à travers le Soudan, jusqu’en plein cœur du continent, faire des razzias, kidnapper à grande échelle, des populations entières qui se revendaient sur la mer Rouge, les hommes pour le travail, les femmes aux bordels, les mômes ça dépend.

Mes hôtes, ils ont fait scission, créé le MPLZ, le Mouvement Populaire de Libération Zimbabwite, organisé la guérilla dans le Sud, avec leurs tribus à eux, des chrétiens, des fétichistes. Toutes ces histoires de religions, je dis franchement que ça m’emmerde. Ils disent d’accord, que ce sera extirpé au fur et à mesure du mouvement réel des masses ; qu’eux-mêmes ils sont bien libérés de toutes histoires de transcendance. Mais qu’il faut pas être trop en avant des masses, il semble que c’est Lénine qui l’a dit, je comprends mal quand ils s’échauffent, leur accent est assez ardu.

Combien de temps que je parle ? Une heure ? Deux ? Je n’ai pas dit un mot de l’affaire N’Gustro. Patientez. Tout le décor doit être mis en place, ou vous n’y comprendrez rien que la surface des choses, qui est de peu d’intérêt, réservée aux hebdomadaires."

 

[Jean-Patrick Manchette, L’affaire N’Gustro, 1971]