04 décembre 2019
26 mai, les jours d'après (XIII)
Paul Magnette redouble d’efforts pour dégager des convergences ouvrant la voie à une majorité avec… la droite libérale ! La perspective d’un gouvernement mettant en œuvre une politique sociale-libérale ne semble pourtant guère émouvoir le «peuple de gauche». Alors que le passé nous apprend que ces gouvernements de coalition sont toujours plus libéraux que sociaux, en témoignent les 26 années consécutives de présence du PS dans un exécutif fédéral (du 9 mai 1988 au 26 mai 2014) ! A l’évidence, du côté du Boulevard de l’Empereur, on joue à fond la carte de l’épouvantail N-VA, alibi idéal pour justifier une nouvelle coalition avec l’Open Vld et le MR…
Manifestement, les grandes envolées de la campagne électorale vont donc une nouvelle fois tomber dans les oubliettes de notre histoire politique. Ainsi, on allait voir ce qu’on allait voir -on promettait notamment de revenir sur les mesures les plus funestes de la «Suédoise» !-, et on découvre maintenant des intentions où il n’est nullement question de rétablir l’âge légal de la retraite à 65 ans ou de réinstaurer un taux de TVA de 6 % sur l’électricité (en lieu et place des actuels 21 % !). Par contre, au nom de la sacro-sainte «compétitivité» capitaliste, il est bel et bien question d’accroître encore les efforts en matière de «flexibilité» du travail, il est bel et bien question de favoriser «la liberté d’entreprendre», et il est bel et bien souhaité une augmentation de la «productivité» générale (ce qui, à l’heure d’une catastrophique «crise écologique» qui menace l’espèce humaine et une bonne partie du vivant, est un tantinet criminel !).
Ajoutons l’absence de mesures sociales fortes, comme un salaire horaire minimum de 14 €, ou de mesures sociales qui auraient également un impact pour le combat contre le «réchauffement climatique», comme une réduction généralisée de la durée du temps de travail !
Ne parlons même pas d’un impôt sur la fortune ou d’une réorientation radicale de notre système fiscal particulièrement inique !
Il n’y a donc rien d’enthousiasmant à attendre de la tambouille politicienne en préparation sous nos yeux. Il n’y aura pas de changements fondamentaux sans mobilisations sociales et sans mobilisations «pour le climat», de grande ampleur.
Car sans luttes il est impossible de modifier les rapports de force et il est impossible de significativement faire «bouger les lignes»…
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25 novembre 2019
26 mai, les jours d'après (XII)
C’est clair comme de l’eau de roche : il n’y aura pas de gouvernement fédéral de plein exercice cette année !
L’Etat Belgique est une nouvelle fois plongé dans une crise aigüe et il devient de plus en plus difficile pour les principaux acteurs politiques de dégager une solution.
Comment expliquer l’embrouillamini actuel ?
Principalement par deux faits essentiels :
1. La «crise de la représentation politique» -sans cesse renforcée par l’incapacité des courants historiques traditionnels à apporter des réponses convaincantes aux déficits sociaux et écologiques, dans un monde en pleine dérive mortifère-, a renforcé l’éclatement du paysage parlementaire d’une part, et d’autre part la méfiance voire le rejet d’un nombre croissant de citoyen(ne)s vis-à-vis de la «gestion de la Cité».
2. Les différentes réformes de l’Etat n’ont jamais débouché sur une vraie stabilisation institutionnelle, et la «question nationale» -sans cesse refoulée mais jamais réellement solutionnée !- continue à peser lourdement.
Les résultats du 26 mai sont particulièrement instructifs concernant ces deux constats.
- Les plus anciennes formations politiques de ce pays ont toutes été sanctionnées et les différents exécutifs qui étaient en place ont encaissé un incontestable revers. Pour ne prendre que l’échelon fédéral, la «coalition suédoise» a perdu 22 sièges ! Et cette dégringolade n’a pas profité aux deux partis socialistes, qui étaient pourtant dans l’opposition, et qui se retrouvent aujourd’hui avec 7 députés de moins qu’il y a 5 ans ! Cette déroute généralisée contraste avec le succès du Vlaams Belang (VB), d’Ecolo-Groen et… du PTB-PVDA ! Ces «vases communicants politiques» ont suscité une petite onde de choc, difficilement occultée par les habituels cris de victoire des uns et des autres lors de la soirée électorale…
- Autre secousse : la confirmation de l’existence de «deux pays» et de deux configurations politiques diamétralement opposées ! Avec le renforcement d’un centre de gravité situé (très) à droite en Flandre ; avec une Wallonie nettement plus à gauche ! Et au Nord, c’est surtout la «droite de la droite » qui a marqué des points ; tandis qu’au Sud, c’est la «gauche de la gauche» qui a le plus progressé ! Le VB est maintenant le deuxième parti de la Chambre (18 députés) et le PTB-PVDA a multiplié par six sa représentation (12 députés pour 2 en 2014 !) !
- Au total, 12 formations se partagent les 150 sièges du Parlement fédéral ! Certes, à l’exception du groupe présidé par Raoul Hedebouw, tous placent leur action et leur projet politiques dans le cadre du capitalisme, jugé «indépassable» ! Mais il existe néanmoins entre ces forces des différences programmatiques et des sensibilités diverses sur les problématiques économiques, sociales, écologiques, sociétales et institutionnelles…
- Les deux partis dominants sont directement contestés sur leur identité revendiquée. En Flandre, sur sa «droite», la N-VA doit tenir compte du retour en forme du VB ! En Wallonie-Bruxelles, sur sa «gauche», le PS doit prendre en considération la progression significative du PTB !
- Les différents exécutifs des entités fédérées sont au travail, sur la base d’orientations divergentes. Ce qui ne devrait pas constituer un handicap dans un Etat fédéral assumé, mais ce qui reste une difficulté en Belgique lorsque des configurations antagoniques doivent se retrouver et se confronter, afin de constituer une majorité gouvernementale suffisamment cohérente pour tenir la distance d’une législature !
C’est dans ce contexte particulièrement complexe qu’«informateurs», «démineurs», «explorateurs», «formateurs» -peu importe le terme retenu- cherchent «la» formule qui permettra de (re)mettre sur les rails un exécutif fédéral disposant d’un appui majoritaire à la Chambre des représentants, capable de rencontrer peu ou prou les aspirations populaires et à même de répondre de manière satisfaisante à l’impatience grandissante de celles et ceux «d’en bas».
Sans surprise, depuis des mois, les observateurs et les médias dominants ont demandé au PS et à la N-VA de s’associer. Et sans surprise, cette perspective peine à se concrétiser car tout ce beau monde marche sur des œufs. Bart de Wever et consorts, sous la menace du VB, ne peuvent se permettre d’importantes concessions, ni sur le plan socio-économique, ni sur le plan de la gestion des migrations, ni bien sûr sur le plan institutionnel ! Le PS, qui a dénoncé durant cinq ans la connivence du MR avec les nationalistes flamands et qui a gauchi son programme pour damer le pion au PTB, ne peut se permettre de trop vite rétropédaler ! Histoire d’éviter une rupture supplémentaire avec sa base la plus militante et avec les ailes syndicales les plus combatives !
Paul Magnette tente donc d’enclencher un «plan B», à savoir une majorité «arc-en-ciel» reprenant socialistes, écologistes et… libéraux ! Il n’exclut d’ailleurs pas des apports du CD&V, de Défi et… du Cdh !
La difficulté est ici de persuader des partis flamands à monter au Fédéral tout en étant minoritaires dans leur propre communauté, et qui se retrouveront donc sous le feu d’un puissant bloc N-VA/VB !
Difficulté mais pas impossibilité : en 2014, l'hypothèse d'une participation gouvernementale du MR, ultra minoritaire dans la partie francophone du pays, était considérée comme une opération «kamikaze» et l’on sait ce qu’il en est finalement advenu : Michel Ier !
L’Open Vld semble d’ailleurs ne plus fermer la porte, la perspective d’un poste de premier ministre n’est sans doute pas étrangère à ce positionnement recalibré.
Certes, la perspective d’une N-VA rejetée dans l’opposition ne fera pas pleurer dans les chaumières progressistes. Mais un gouvernement «arc-en-ciel» serait un gouvernement comprenant plusieurs partis de… la défunte «Suédoise» ! Et qui peut croire que c’est en s’associant avec les libéraux et/ou le CD&V que l’on pourra changer de cap politique ?
D’autant que la Commission européenne presse la Belgique de respecter les règles de l’UE en matière de déficit budgétaire. Traduction : il ne faut pas relacher les efforts, ce qui pour les libéraux de toutes obédiences et de tous les pays signifie poursuite des politiques «austéritaires» !
Jusqu’où PS/SPA/ECOLO/GROEN sont-ils disposés à continuer dans cette voie, alors que le (re)financement des services publics, de la Sécurité sociale, de mesures d’ampleur contre le «réchauffement climatique», de la lutte contre la pauvreté et les inégalités…, est pressant ?
Notre histoire politique nous enseigne qu’il ne faut pas trop entretenir d’illusions quant à la fermeté de ces formations «de gauche» ! Pour autant, construire un accord de majorité reste extrêmement compliqué et tout reste possible, en ce compris l’organisation de nouvelles élections !
Mais ce serait une erreur de regarder passivement cette agitation politicienne et d’attendre tranquillement que la situation se décante. Absence de gouvernement fédéral ou pas, seules les mobilisations sociales de toute nature permettent de construire des rapports de force qui seront indispensables dans les mois et les années à venir…
@
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21 novembre 2019
26 mai, les jours d'après (XI)
Après cinq années, ou presque (!), de gouvernement N-VA/MR, le déficit public est en hausse et devrait atteindre les 11 milliards € en 2020 ! Un échec retentissant pour les partis de droite s’érigeant volontiers en champions de la «bonne gouvernance». Et leur incapacité à rester unis jusqu’au bout d’une simple législature n’a évidemment pas contribué à améliorer cette situation budgétaire.
La Commission européenne en profite pour pointer du doigt une fois encore la Belgique pour l’insuffisance de la réduction de sa dette publique et son incapacité à revenir à l’équilibre structurel.
Il n’en fallait pas plus pour que les libéraux de toute obédience et des observateurs complaisants appellent déjà le futur gouvernement fédéral à prendre des mesures fortes et douloureuses (pour la population s’entend, naturellement !)
Ce matin encore, sur les antennes de la RTBF, un chroniqueur expliquait que des «arbitrages» seraient nécessaires, faute de moyens suffisants !
Cette petite musique n’a certes rien d’originale mais elle mérite une réponse claire.
Il ne s'agit pas de mettre en concurrence des besoins sociaux et des souffrances, il ne s'agit pas de trancher entre des désarrois et des inquiétudes, il ne s’agit pas de se résigner à de nouveaux sacrifices ! Il s'agit de rencontrer les légitimes demandes de la société, ce qui passe notamment -notamment !- par un refinancement de l'ensemble des services publics et parastataux !
Impossible à financer ? Tiens donc…
Trouver des milliards € pour acheter des engins de mort (avions F35) ? No problemo !
Laisser la fraude fiscale et la fuite des capitaux proliférer (des dizaines de milliards € chaque année !) ? No problemo !
Arroser les grandes entreprises en multipliant les cadeaux fiscaux ? No problemo !
Payer des salaires exorbitants aux CEO des entreprises dites «publiques» ? No problemo !
Verser des millions € à des créatures politiques comme Stéphane Moreau et ses comparses affairistes ? No problemo !
Mais dégager des moyens pour la SNCB, la justice, le secteur des soins de santé, l’enseignement : problemo !
Mais opter résolument pour d’indispensables investissements dans des mesures ambitieuses pour contrer le réchauffement climatique : problemo !
Mais pour éradiquer la pauvreté, résoudre la question du chômage de masse et de l’exclusion sociale : problemo !
En réalité, le vrai courage d’une prochaine majorité fédérale ne consistera pas à partager la misère, il sera d'aller chercher l'argent là où il se trouve en surabondance afin de permettre un véritable changement de cap !
En rééquilibrant la fiscalité. En taxant la fortune et les gros patrimoines. En refinançant la Sécu par le paiement de justes «cotisations sociales» (salaire différé des travailleurs !) par les employeurs. En se donnant les moyens d'enrayer la criminalité en col blanc et d’éradiquer les innombrables fraudes des détenteurs de capitaux qui enlèvent de considérables moyens financiers à la collectivité.
Et puis, surtout, il faut cesser de s'incliner devant les diktats de l'Union européenne et avoir l’audace de dénoncer des «règles» inacceptables en matière d'«orthodoxie budgétaire» (les fameux 3 % !). Ce qui passe par la contestation des traités qui appauvrissent les peuples et détruisent les écosystèmes !
En d’autres termes, il faut cesser de se résigner à l'austérité sans fin pour le plus grand nombre afin d'enrichir toujours plus une minorité de privilégiés !
Assez d'arbitrages bidons, place à de vraies politiques alternatives qui n'hésitent pas à prendre les problèmes à la racine, c'est-à-dire à remettre radicalement en question les politiques de rapine d'une oligarchie financière parasitaire.
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