Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27 mars 2020

La pathologie capitaliste

 

Pandémie du Covid-19.  

Des millions de contaminés et des dizaines de milliers de morts, sans doute beaucoup plus prochainement ! 

Un virus qui n’a pas été pris au sérieux dès sa propagation et qui est aujourd’hui actif sur l’ensemble de la planète. 

L'impréparation des Etats. Des secteurs publics et hospitaliers qui manquent de moyens, lourdement pénalisés par des politiques austéritaires et ‘’d’assainissement des finances publiques’’ généralisées, sacralisées par l’Union Européenne et ailleurs dans le monde au nom du respect d’une même bible ‘’(néo-)libérale’’ !  

Avec aujourd’hui des conséquences terriblement concrètes, dramatiques : une pénurie de lits d’hôpitaux, une pénurie d’installations de soins intensifs, une pénurie de respirateurs, une pénurie de masques, une pénurie de réactifs et un nombre largement insuffisant de tests !  

Et un personnel des soins de santé sous-payé, déconsidéré et en nombre insuffisant. Un personnel qui paie l’addition d’années de discrédit, de mépris, de coupes budgétaires sévères et de ‘’rationalisations structurelles’’ à répétition. Un personnel au bord de l’épuisement qui, néanmoins, affronte courageusement l’épreuve. 

Dans ces conditions, le bilan humain s’alourdira encore dans les prochaines semaines. 

Bien sûr, la faute des responsables politiques -chefs d’Etats et gouvernements- est lourde. Ils ont ‘’merdé’’ ! Il faut le dire et il faut le répéter. Et il est exclu d’oublier leur comportement, de leur accorder maintenant la moindre confiance, de leur remettre le moindre ‘’chèque en blanc’’ 

Mais cela n’épuise pas la question. Car cette caste politique est tout entière dévouée aux intérêts des puissants, d’une oligarchie financière internationale, d’une classe bourgeoise toujours dirigeante ! Il y a longtemps que ces hommes et ces femmes, qui font une carrière ministérielle, ont adhéré aux fins et aux moyens capitalistes. Il y a longtemps qu’ils ont intériorisé la doctrine de la ‘’concurrence libre et non faussée’’. Il y a longtemps qu’ils considèrent les êtres humains comme une ‘’variable d’ajustement’’ du processus d’‘’accumulation du capital’’ ! 

Pour ce monde ‘’d’en haut’’, seul le profit est aujourd’hui tabou et l’appât de gains illimités réservés à une minorité privilégiée ne saurait être remis fondamentalement en question ! D’ailleurs, les principaux instruments idéologiques et répressifs sont d’ores et déjà mobilisés pour neutraliser toute contestation ! Car les possédants savent que l’un des enseignements de cette crise, qui annonce déjà une dépression économique et financière de grande ampleur, risque d’être l’exigence renforcée d’un changement de société radical ! 

D’autant que nous sommes entrés dans une autre impasse que d’aucuns essaient d’invisibiliser ou de nier : le désastre écologique, avec l’emblématique ‘’crise du réchauffement climatique’’ !  

Au vu de la gestion calamiteuse de l’actuelle pandémie et de l’impéritie de nos gouvernants, on peut anticiper sans peine les cataclysmes qui attendent l’espèce humaine demain, si l’on ne se débarrasse pas de ce ‘’mode de production et d’échange’’ mortifère, si l’on ne met pas un terme aux choix des dominants et aux orientations mises en œuvre dans les différents pays pour les satisfaire… 

Le capitalisme n’est pas la solution mais le problème, et pour résoudre un problème il faut s’en débarrasser !  

Il n’y a plus de temps à perdre !

 

rues-desertes.jpg

12:34 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

26 mars 2020

Orwell, 1903-1950 (VI)

orwell 1.jpg

 

ORWELL
DANS
LE
TEXTE (5)

 

 

 

[George Orwell, Ecrits politiques (1928-1949), Agone, Marseille, 2009]

 

Dans toute compétition, il y a forcément un gagnant et un perdant. (…) Voilà, en deux mots, la source de tout le mal (p.8)

… dans les quartiers riches la police ne tolère généralement aucune mendicité, même déguisée. D’où il résulte que les mendiants de Londres vivent surtout des pauvres (p.27)

… il est facile de prévoir que, tôt ou tard, les Birmans, comme il arrive dans tous les pays surpeuplés, se verront dépossédés de leurs terres, réduits à l’état de semi-esclaves au service du capitalisme et auront, par surcroît, à souffrir du chômage. Ils découvriront alors ce dont ils se doutent à peine à l’heure actuelle, à savoir que tout ce qui constitue la richesse de leur pays  -les puits de pétrole, les mines, la mouture du riz, sa vente et son exportation-  est entre les mains britanniques (p.45-46)

Pour commencer, cela devrait ouvrir les yeux du monde extérieur à ce qui est déjà évident pour de nombreux observateurs en Espagne : que le gouvernement actuel a davantage de points de ressemblance que de différences avec le fascisme. (Ce qui ne signifie pas qu’il faille abandonner la lutte contre le fascisme bien plus cru de Franco et d’Hitler. J’ai moi-même commencé à comprendre dès le mois de mai la tendance fasciste du gouvernement, mais je désirais retourner au front, et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait.) Deuxièmement, l’élimination du POUM annonce l’attaque imminente contre les anarchistes. Ce sont eux les véritables ennemis que craignent les communistes, bien plus que le POUM numériquement insignifiant (p.61)

La guerre civile n’était pas seulement une guerre mais aussi une révolution. (…) Depuis lors, et surtout depuis décembre de l’année dernière, le véritable combat du gouvernement espagnol a été d’écraser la révolution et de tout remettre dans l’état où il était auparavant. Ils ont plus ou moins réussi à le faire et ont maintenant installé un terrible règne de terreur dirigé contre quiconque est soupçonné de réelles sympathies révolutionnaires (p.64)

J’ai eu la chance de pouvoir sortir d’Espagne mais beaucoup de mes amis et connaissances sont toujours en prison et je crains fort que certains d’entre eux risquent d’être abattus, non pour une infraction quelconque mais pour s’être opposé au parti communiste (…) ce que j’ai vu là-bas m’a tellement secoué que j’écris et que j’en parle à tout le monde. Naturellement, je suis en train d’écrire un livre sur ce sujet (p.65)

Entre-temps, il semble presque impossible de faire imprimer quoi que ce soit à ce sujet (p.68)

Lorsque la révolution a éclaté, les travailleurs, dans beaucoup de régions d’Espagne, ont établi les prémices d’un gouvernement du peuple : ils ont saisi des terres et des usines, ont mis en place des comités locaux, etc. Le gouvernement, qui est en grande partie contrôlé par le parti communiste, a réussi à défaire une grande partie de tout ça, d’abord en demandant aux travailleurs de ne pas compromettre la guerre et, plus tard, quand il s’est senti plus fort, par la force (p.71)

Ce qui en ressort  -c’est en tout cas ainsi que je le vois-  c’est que le fascisme n’a pas de contraire réel excepté le socialisme. On ne peut pas se battre contre le fascisme au nom de la ‘’démocratie’’ parce que ce nous appelons démocratie, dans un pays capitaliste, ne peut exister que tant que les choses vont bien ; dans les moments de difficulté, elle se transforme immédiatement en fascisme. La seule chose qui peut empêcher cela est pour les travailleurs de garder le pouvoir entre leurs propres mains (p.72)

En conséquence, la seule existence du gouvernement de Front populaire suffisait à soulever le problème le plus compliqué de notre époque : comment effectuer des changements fondamentaux par des méthodes démocratiques (p.78)

Le rôle du journaliste est agréablement stimulant : il doit écrire des articles de propagande. Etrangement, il est possible qu’il se trompe. Nous ne savons pas encore à quoi ressemble un bombardement aérien à grande échelle, et la prochaine guerre risque d’être fort désagréable, même pour les journalistes. Mais ces gens-là, qui sont nés dans l’intelligentsia aisée et sentent dans leurs os qu’ils appartiennent à une classe privilégiée, ne sont pas vraiment capables de prévoir ce genre de choses. La guerre a lieu sur le papier et ils sont donc capables de décider que telle ou telle guerre est ‘’nécessaire’’ sans ressentir plus de danger personnel qu’en déplaçant une pièce d’échecs (p.93)

Car le développement le plus sinistre des vingt dernières années a été la propagation du racisme jusque sur le territoire européen lui-même (p.102)

Le véritable problème se joue entre le socialisme démocratique et une forme de société de caste rationalisée. La première solution a plus de chance de réussir si les pays occidentaux, où les idées démocratiques sont profondément gravées dans l’esprit des gens ordinaires, ne sont pas privés de toute influence (p.104)

Une fois la guerre commencée, la neutralité n’existe plus. Toutes les activités sont des activités de guerre. Qu’on le veuille ou non, on est obligé d’aider soit son propre camp soit celui de l’ennemi (p.105)

… une importante découverte psychologique faite par les nazis  -ou en tout cas qu’ils ont appliquée : qu’on peut sans danger prêcher des politiques contradictoires aussi longtemps qu’on dit aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre (p.113)

Nous ne pouvons pas battre Hitler sans passer par la révolution ni consolider notre révolution sans battre Hitler (p.124-125)

Les Etats totalitaires peuvent faire de grandes choses, mais il y a une chose qu’ils ne peuvent pas faire : ils ne peuvent pas donner un fusil à l’ouvrier d’usine et lui dire de le rapporter chez lui pour le mettre dans sa chambre à coucher. Ce fusil accroché au mur de l’appartement de l’ouvrier ou dans la maison du paysan est le symbole de la démocratie. Notre tâche est de vérifier qu’il est toujours là (p.144)

L’expérience montre que les êtres humains peuvent supporter énormément de choses tant qu’ils ont l’impression d’être traités avec justice (p.155)

Pour le dire crûment, le choix est entre le socialisme et la défaite. Nous devons aller de l’avant, ou périr (p.171)

Ce que l’Angleterre n’a jamais eu, c’est un parti socialiste qui soit sérieux et qui tienne compte des réalités contemporaines. (…) En conséquence, le peu de sentiment révolutionnaire qui existait à gauche s’est dispersé dans différentes impasses, dont la plus importante était le parti communiste. Dès le début, le communisme a été une cause perdue en Europe occidentale, et les partis communistes des divers pays ont rapidement dégénéré pour n’être que des agences publicitaires du régime russe (p.172)

Lorsque le véritable mouvement socialiste anglais apparaîtra (…) il traversera toutes les divisions existantes entre les partis. Il sera à la fois révolutionnaire et démocratique (p.173)

Tous les socialistes, et je dirais même quelle que soit leur tendance, sont persuadés que le destin et donc le véritable bonheur de l’homme se trouve dans une société de communisme pur, c’est-à-dire une société où tous les êtres humains sont plus ou moins égaux, où personne n’a le pouvoir d’opprimer quiconque, où les motifs économiques ont cessé d’agir, où les hommes sont mus par l’amour et la curiosité et non par la cupidité et la terreur. Tel est notre destin et il est impossible d’y échapper ; mais comment l’atteindre, et dans combien de temps ? Cela dépend de nous. Le socialisme -la propriété centralisée des moyens de production, plus la démocratie politique- est l’étape nécessaire menant au communisme, exactement comme le capitalisme était l’étape nécessaire après le féodalisme (p.176-177)

Le capitalisme, lui, ne laisse aucune place aux relations humaines ; la seule loi qu’il connaît est l’accumulation incessante des bénéfices (p.177)

On peut définir le nazisme comme un collectivisme oligarchique (p.181)

Les croyances humaines ne sont pas si crûment dépendantes des circonstances matérielles qu’elles puissent changer d’un jour à l’autre, ou même d’une année à l’autre. Un professeur de science naufragé sur une île déserte sera peut-être réduit à la condition d’un sauvage, mais il ne deviendra pas un sauvage. Il ne se mettra pas à croire, par exemple, que le Soleil tourne autour de la Terre. Lorsque notre révolution sera accomplie, notre structure sociale et économique sera totalement différente, mais nous conserverons un bon nombre de façons de penser et de nous comporter que nous avons acquises à une période antérieure. Les nations n’effacent pas si facilement leur passé (p.183-184)

Et au moment où j’écris, j’ignore ce que nous pouvons faire, politiquement, sinon diffuser aussi largement que possible les trois idées suivantes : 1. le progrès de l’humanité peut être bloqué pendant des siècles si nous ne parvenons pas à éliminer Hitler, ce qui signifie que la Grande-Bretagne doit gagner la guerre ; 2. la guerre ne peut pas être gagnée à moins de faire quelques pas en direction du socialisme ; 3. aucune révolution n’a de chance de réussir en Angleterre si elle ne tient pas compte du passé de l’Angleterre (p.185)

Si aucun homme n’est jamais motivé que par des intérêts de classe, pourquoi chaque homme prétend-il toujours qu’il est motivé par autre chose ? Apparemment parce que les êtres humains ne peuvent agir pleinement que lorsqu’ils pensent qu’ils n’agissent pas pour des raisons économiques. Mais ceci devrait suffire en soi-même à suggérer qu’il faudrait prendre au sérieux les motivations ‘’superstructurelles’’ (p.219)

Soit nous vivons tous dans un monde honnête, soit personne n’y vit (p.222)

En pratique, on ne parvient jamais à la société parfaite, et le terrorisme employé dans ce but n’engendre rien d’autre qu’un besoin de terrorisme sans cesse renouvelé (p.248)

Les révolutions doivent se faire, il ne peut pas y avoir de progrès moral sans changements économiques drastiques, et pourtant le révolutionnaire s’active pour rien s’il perd contact avec la décence ordinaire humaine. D’une façon ou d’une autre, il nous faut résoudre le dilemme de la fin et des moyens (p.253)

Un socialiste n’est pas obligé de croire que la société humaine peut réellement devenir parfaite, mais la très grande majorité des socialistes croit vraiment qu’elle pourrait être bien meilleure qu’elle ne l’est à présent, et que la plupart des maux dont les hommes sont responsables proviennent des effets pervers de l’injustice et de l’inégalité. Le fondement du socialisme est l’humanisme. (…) Il ne fait aucun doute que la pensée orthodoxe socialiste, qu’elle soit réformiste ou révolutionnaire, a perdu une partie des qualités messianiques qu’elle possédait il y a trente ans (p.255)

En ce moment, l’utopisme a du mal à se transformer en un mouvement politique bien défini. Partout, les masses cherchent la sécurité plus qu’elles ne veulent l’égalité, et elles n’ont pas compris l’importance, pour elles, de la liberté de parole et de la presse (p.257)

(…) nous pouvons être certains que, d’ici peu, trois pays, peut être davantage, posséderont le moyen de se réduire mutuellement en poussière. Pas plus de quelques centaines de ces bombes, lancées sur les grandes villes et sur les grandes régions industrielles, suffiraient à nous faire revenir à des conditions de sauvagerie primitive (p.278)

Seuls parmi les grands pays du monde, les Etats-Unis n’ont pas souffert trop gravement de la guerre -en fait, ils sont devenus bien plus puissants à cause d’elle (p.287)

Le monde sera divisé en trois camps et, finalement, en deux camps, car la Grande-Bretagne, qui n’est pas assez puissante pour rester seule, finira par s’intégrer au système américain (p.288)

L’époque où le monde pouvait consister en un patchwork de petits Etats réellement indépendants est terminée (p.289)

La majorité des gens ne sait pas ce que le socialisme veut dire, bien que l’opinion publique soit prête à des mesures essentiellement socialistes telles que la nationalisation des mines, des chemins de fer, des services publics et de la terre. Toutefois, il est peu probable qu’il existe un désir très répandu d’une égalité sociale complète. (…) Le parti travailliste, dans l’esprit de l’homme ordinaire, ne signifie pas républicanisme, et encore moins le drapeau rouge, les barricades et le règne de la terreur : il signifie le plein-emploi, la distribution gratuite de lait dans les écoles, trente shillings par semaine pour les retraités et, en général, la justice pour les travailleurs (p.297)

La spécificité remarquable de la presse britannique dans son ensemble est son extrême concentration ; il y a relativement peu de journaux et ils appartiennent pour la plupart à un tout petit cercle de personnes (p.329)

Votre question sur la Ferme des animaux. Bien sûr j’ai conçu ce livre en premier lieu comme une satire sur la révolution russe. Mais, dans mon esprit, il avait une application plus large dans la mesure où je voulais montrer que cette sorte de révolution (une révolution violente menée comme une conspiration par des gens qui n’ont pas conscience d’être affamés de pouvoir) ne peut conduire qu’à un changement de maîtres. La morale, selon moi, est que les révolutions n’engendrent une amélioration radicale que si les masses sont vigilantes et savent comment virer leurs chefs dès que ceux-ci ont fait leur boulot. Le tournant du récit, c’est le moment où les cochons gardent pour eux le lait et les pommes (Kronstadt). Si les autres animaux avaient eu alors la bonne idée d’y mettre le holà, tout se serait bien passé. Si les gens croient que je défends le statu quo, c’est, je pense, parce qu’ils sont devenus pessimistes et qu’ils admettent à l’avance que la seule alternative est entre la dictature et le laisser-faire. Dans le cas des trotskistes s’ajoute une complication particulière : ils se sentent responsables de ce qui s’est passé en URSS jusqu’en 1926 environ, et ils doivent faire l’hypothèse qu’une dégénérescence soudaine a eu lieu à partir de cette date (p.347)

Mon roman récent, 1984, n’a pas été conçu comme une attaque contre le socialisme ou contre le parti travailliste britannique (dont je suis un sympathisant) mais comme une dénonciation des perversions auxquelles une économie centralisée peut être sujette et qui ont déjà été partiellement réalisées dans le communisme et le fascisme. Je ne crois pas que le type de société que je décris arrivera nécessairement, mais je crois (compte tenu, bien entendu, du fait que ce livre est une satire) que quelque chose qui y ressemble pourrait arriver. Je crois également que les idées totalitaires ont partout pris racine dans les esprits des intellectuels, et j’ai essayé de pousser ces idées jusqu’à leurs conséquences logiques. L’action du livre se déroule en Grande Bretagne, pour souligner que les peuples de langue anglaise ne sont pas par nature meilleurs que les autres, et que le totalitarisme, s’il n’est pas combattu, pourrait triompher partout (p.358)

 

GO EP.jpg

 

 

 

 

 

18 mars 2020

Démocratie et pandémie

1800x1200_coronavirus_1.jpg

 

 

La lutte contre la pandémie du coronavirus est évidemment une priorité, mais les discours bellicistes des pouvoirs politiques et des médias dominants ne sont pas le fruit d’une étourderie !

Il s’agit de construire un récit, non dénué d’arrières pensées idéologiques (comme tout récit), celui d’une société ‘’en guerre’’ qui :

1°) nécessite des mesures d’exception ‘’verticalistes’’, c’est-à-dire des dispositions imposées du ‘’haut’’ (gouvernements et ‘’experts’’ qui les entourent) vers le ‘’bas’’ (la population ‘’ignorante’’ ou ‘’insouciante’’

2°) mobilise un discours impératif ‘’d’unité nationale’’ pour forcer une posture ‘’unanimiste’’ qui annihile, ou relègue à la marge, tout questionnement et toute démarche critiques concernant le traitement politique de cette inquiétante crise sanitaire.

Il est évidemment exclu pour les dominants d’encourager le moindre processus d’auto-organisation populaire, même si en dépit de consignes strictes, des actes de solidarité et d’entraide se déploient ‘’spontanément’’ dans les profondeurs de la société !

Aujourd’hui, au motif de se ‘’serrer les coudes’’ contre l’invasion du covid-19, les décisions antidémocratiques se banalisent : interdiction des rassemblements et des manifestations, interdiction d’activités publiques, ‘’pouvoirs spéciaux’’ accordés aux exécutifs et mise entre parenthèses des assemblées parlementaires, etc.

Dans le même temps, tout est mis en œuvre pour infantiliser et discipliner le corps social : l’heure n’est donc plus à l’exercice légitime des droits démocratiques des citoyen(ne)s, l’heure n’est donc plus aux revendications ou à la défense de ce qui a été conquis, l’heure est aux interdits et aux injonctions : restez chez vous !

Restez chez-vous, faites ce que bon vous semble  -ou presque !-, mais faites-le dans vos murs :  ressortez vos jeux de société, bricolez ou lancez-vous dans un nettoyage de printemps, regardez la télévision et/ou surfez sur votre terminal ! D’ailleurs, en guise de compensation pour votre nouvelle existence monacale, et afin de tuer ‘’l’ennui’’, vous bénéficiez même de certaines largesses : ainsi par exemple, Canal + propose dès maintenant ses programmes en clair 24h/24 ; ainsi les opérateurs téléphoniques vous offrent des ‘’accès illimités’’ au Net ou des GB de data supplémentaires pour vos mobiles ; ainsi des plateformes de streaming diffusant des programmes pour enfants sont mises à la disposition des familles…

Elle n’est pas belle la vie ?

Evidemment, il y a des exceptions à cet enfermement contraint généralisé. On ne peut laisser les gens mourir de faim ou sans soins. Ils sont donc ‘’autorisés’’ à se déplacer pour se procurer de l’alimentation, des médicaments ou consulter un médecin. Ils peuvent également prendre un bol d’air limité à… deux personnes ! Et pour faire respecter ces ‘’règles’’, la police veillera au grain et n’hésitera pas à verbaliser. Mieux vaut s’habituer immédiatement à la présence massive d’uniformes dans nos rues et au quadrillage serré du territoire !

On ne peut même pas exclure à l’avenir, en cas d’aggravation de la situation, une intervention de l’armée, comme lors des lendemains d’attentats terroristes !

Et puis surtout, le principal (pour les décideurs) :  il faut continuer à faire ‘’tourner l’économie’’, il faut continuer à travailler pour produire des marchandises et assurer la ‘’profitabilité’’ des entreprises !

Par tous les moyens possibles : le ‘’télétravail’’ pour toutes celles et tous ceux qui ont recours aux ‘’écrans’’ dans leur activité professionnelle, en prenant des mesures de ‘’social distancing’’ et d’hygiène pour les autres !

Mais en dépit de cette bienveillance vis-à-vis de l’activité économique, certaines entreprises devront néanmoins êtres mises à l’arrêt, pénalisant en premier lieu les salariés renvoyés au chômage !

Et puis, il y a les invisibles, les exclus du circuit économique, les chômeurs et les précaires, les pauvres et les SDF. Pour eux, ces temps de restrictions supplémentaires seront encore plus difficiles.

Enfin, à cette crise sanitaire viendront inévitablement se superposer d’autres crises, économique et financière. Sans oublier, chez nous, la ‘’crise de régime’’ qui reste pendante et qui gardera sa complexité malgré l’actuelle ‘’union nationale’’ de façade !

Bien entendu, tout ceci aura un coût.

Enorme.

Se posera à ce moment la question du paiement de cette lourde facture, et il ne faut pas être un prophète pour deviner que les forces de droite mettront tout en œuvre pour présenter l’addition à celles et ceux qui subissent pourtant déjà des cures ‘’austéritaires’’ depuis des décennies !

C’est dire si cette ‘’union sacrée’’ que d’aucuns s’efforcent de bétonner à l’occasion de l’actuelle pandémie ne doit pas faire illusion.

Le mouvement syndical, les mouvements sociaux, les mouvements de lutte contre le ‘’réchauffement climatique’’ ont grandement intérêt à ne pas se laisser anesthésier et à préparer la reprise des mobilisations dès la fin de la crise du coronavirus, car aucun répit ne sera accordé par les possédants et les gouvernants à leur service, qui n’ont que faire de la ‘’justice sociale’’ ou de la ‘’justice climatique’’ 

 

15:17 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |