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03 août 2016

Un "vrai faux" roman fantastique

malpertuis.jpgLorsque j’étais adolescent, il était aisé de se procurer les livres de Jean Ray [1], alors édité par les éditions Gérard (collection Marabout) [2].

Puis sont venues les années 80 et l’épuisement éditorial des écrits de ce « maître des effrayants vertiges » [3] .

C’est dire si l’initiative de l’éditeur Alma de proposer une « collection Jean Ray », ambitionnant d’offrir une « édition intégrale » de ses « romans, contes et récits » vient à point.

C’est « La Cité de l’indicible peur » qui a été choisie comme première publication de cette série prometteuse [4].

En deux mots, « Sigma » Triggs, après une carrière terne dans la police londonienne, prend sa retraite à Ingersham, petite bourgade anglaise, peuplée de notables, où les jours sont rythmés par une routine toute provinciale.

Son arrivée va coïncider avec le déclenchement d’une série d’événements tragiques et une accumulation de décès suspects. La terreur s'empare de la population d’autant que les fantômes, qui font partie de la tradition britannique, ne sont jamais bien loin. La peur de la peur est omniprésente et oblige notre improbable détective à investiguer, parfois à son corps défendant, et au péril de sa propre vie.

Rassurez-vous : je ne vais pas tomber dans le piège du spoiler et je n’en dirai pas plus.

Une précision pour les inquiets : ce roman ne joue pas seulement sur le registre de l’angoisse ; il est même souvent drôle, à la limite de la parodie [5]

Une lecture idéale pour laisser vagabonder votre imagination en cette période estivale.

Et puis c’est l’occasion de (re-)découvrir un écrivain « belge » de grand talent…

 

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la cité de l'indicible peur.jpg

 

[1] De son vrai nom Raymond Jean Kremer, ce Gantois né en 1887, est l’auteur d’innombrables récits  – en néerlandais et en français, notamment-  sous de nombreux pseudonymes, comme John Flanders pour ses écrits dans la langue de Vondel et Jean Ray pour ses œuvres littéraires rédigées dans la langue de Voltaire.

[2] J’avoue une réelle nostalgie pour la « Bibliothèque Marabout série Fantastique » et la « Bibliothèque Marabout série Science-Fiction » qui m’offrirent de belles heures de lecture (au détriment des études !), et me permirent de  découvrir une série d’écrivains :  Stevenson, de Ghelderode, Owen, Shelley, Lewis, Belletto, Bradbury, Asimov,  Anderson, Van Vogt, Klein, ... . Et bien évidemment le chef d’œuvre de Bram Stoker, Dracula, aujourd’hui encore l’un de mes romans préférés.

[3]  Hormis les pléthoriques aventures d'« Harry Dickson, le Sherlock Holmès américain »,  régulièrement ré-édité  (http://jeanray.noosfere.org/dickson.htm ). Ce personnage n’est pas une création de Jean Ray. Il s’agissait à l’origine d’écrits allemands (s’inscrivant dans la vague littéraire  apocryphe  suscitée par le célèbre limier de Conan Doyle) qu’il traduisit, avant de les retravailler et d’écrire de nouveaux récits de ce détective.  Pour plus de détails, voir également : http://jeanray.noosfere.org/dickson.htm

[4] Jean Ray, La cité de l’indicible peur, Alma Editeur,  Paris, 2016, 18 €

[5] Le livre a été librement adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky, qui a transposé l’action dans la France rurale. Ce long métrage de 1964, repris sous le titre La grande frousse, fut caviardé par les producteurs qui voulaient atténuer certains aspects « subversifs » du film. Le truculent Mocky se désolidarisera de cette version et remontera le film en 1972, en reprenant le titre original du livre. A noter la participation de Raymond Queneau pour les dialogues.

 Concernant  cette œuvre cinématographique et ses péripéties, voir : http://jpierre-mocky.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=60

 

 

 

31 janvier 2016

Engouement[s] et dénigrement[s] autour d’une révolution

aunoble.jpgLe centenaire de la révolution russe approche et l’on peut attendre un petit regain d’intérêt (financier ?) dans le monde de l’édition. Même si « les dix jours qui ébranlèrent le monde » (John Reed), et leurs conséquences, ont déjà fait couler beaucoup d’encre, notamment en France.

L’historien Eric Aunoble publie une étude intéressante (1) où il s’attache à retracer la réception plurielle de l’octobre rouge dans les nombreux écrits hexagonaux qui lui ont été consacré, mais également dans les arts comme le cinéma ou la littérature (romans et bandes dessinées, …).

Des lectures multiples, des courants d’extrême-droite à l’«école totalitarienne », de la doxa « stalinienne » (PCF) à la doxa « trotskiste », en passant par des courants plus marginaux ou longtemps ignorés, comme les anarchistes.

L’auteur s’emploie à démontrer que ce séisme révolutionnaire et la trajectoire de lenine-balai.gifl’Union soviétique ont surtout été au cœur des débats lorsqu’ils rencontraient des « préoccupations nationales ».

Une réalité aujourd’hui frappée de caducité tant « les traces de la révolution russe sont devenues quasiment indécelables dans la culture contemporaine », et parce que la conjoncture est marquée par « le recul général de la politisation et de la conscience historique », une époque où « le fil de la transmission militante a été rompu depuis longtemps ».

La « dernière génération d’octobre » (Benjamin Stora) se serait donc éteinte ou serait, à tout le moins, en voie d’extinction.

Ce qui n’enlève rien aux qualités de ce panorama bibliographique et critique, qui apporte un éclairage souvent pertinent sur les nombreuses thèses qui se sont opposées tout au long d’un «court vingtième siècle» (Eric Hobsbawm).

Naturellement, avec l’effondrement de l’URSS se sont également effondrées les « études soviétiques » en France (contrairement au monde anglo-saxon).

Nous n’entrerons pas ici dans une discussion détaillée des différents points de vue et analyses développés dans cet ouvrage stimulant.

Nous aurons largement l’occasion de revenir, dans les prochains mois, sur des bouleversements qui agirent pour beaucoup comme un « élixir de vie » (Rosa Luxemburg)

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 (1) Aunoble Eric, La Révolution russe, une histoire française, La fabrique, 2016, 14 €