24 février 2019
La campagne en folie (5)
Olivier Chastel a donc quitté la présidence du MR pour être remplacé par... Charles Michel, qui conserve bien sûr son portefeuille de premier ministre (en «affaires courantes»). On reprend donc les mêmes et on recommence, à moins que ce ne soit le contraire... La trajectoire des libéraux fait penser à ces séries TV qui comportent des milliers d'épisodes, avec de multiples rebondissements incompréhensibles, dans le cadre d'un scénario qui a perdu tout fil conducteur cohérent depuis la 126ème semaine de diffusion ! Bref, Charles Michel avait promis qu'il ne reprendrait plus la tête du parti avant de nouvelles élections... Voilà qu'il change maintenant d'avis. Pas de quoi fouetter le chat de sa mère ! Après tout, ce Pinocchio à l'âme espiègle avait annoncé ubi et orbi qu'il ne gouvernerait jamais avec la NVA, ou que le MR ne toucherait ni au système d'indexation ni à l'âge de la retraite ! Mais ne pinaillons pas. Chastel s'éclipsant, il fallait bien un poids lourd pour le remplacer. Et même du très lourd. Car figurez-vous qu'Olivier s'efface parce qu'il dit devoir se consacrer pleinement à sa propre campagne (européenne) et qu'il serait insensé -selon lui- de penser pouvoir mener correctement les deux tâches de front ! Fort bien, voilà un homme raisonnable, conscient de ses limites et de la durée d'une journée qui dépasse rarement les 24 heures ! Mais Charles, lui, par contre, cumulera sans aucun problème le poste de numéro un de l'Exécutif fédéral avec celui de numéro un du MR ! Il faut croire qu'être le premier responsable de ce pays est un aimable (et bien ennuyeux) passe temps, qui laisse beaucoup de loisirs. Et ce n'est pas tout : il est également candidat aux élections législatives (tête de liste dans le Brabant Wallon) ! Et bien, il en a de l'énergie ce jeune papa ! Il faudra qu'il nous explique ce qu'il prend, car c'est de la bonne... Plus sérieusement, tous ces jeux de chaises musicales indiquent que le MR est aux abois et essaie de sauver la mise en faisant appel à ses traditionnelles «locomotives électorales» (impossible, en effet, de détecter le moindre «renouvellement» à la lecture des différentes têtes de listes retenues pour le 26 mai) ! Petite question subsidiaire, en ces temps de crise du «pouvoir d'achat» et de mécontentement syndical : ce cumul de fonctions aujourd'hui assumé se double-t-il d'un cumul de revenus pour l'intéressé ?
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Suite au mouvement de grève du mercredi 13 février, et en pleine période pré-électorale, le gouvernement semble vouloir lâcher un peu de lest au sujet de la négociation du prochain accord interprofessionnel : l'augmentation des salaires pourrait ainsi s'élever à... 1,1% sur deux ans, au lieu des 0,8 % retenus jusqu'ici. Soit une augmentation possible de... 0,55 % par an ! Quelle générosité ! Alors que la part salariale dans le PIB est déjà au plus bas, notamment à cause de la politique austère imposée aux travailleurs par la coalition «suédoise». On ose espérer que les dirigeants syndicaux opposeront une fin de non recevoir au patronat et à leur commis Charles Michel, et accentueront la pression dans les prochaines semaines pour obtenir plus, beaucoup plus ! Ce ne serait qu'un juste retour des choses après tant d'années de régression sociale...
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La N-VA confirme qu'elle ne veut pas de sortie du nucléaire à l'horizon 2025 et propose même de construire une nouvelle centrale en Belgique ! Un effet de la ligne «éco-réaliste» revendiquée haut et fort par Bart De Wever. Et surtout un reflet du déni persistant des nationalistes flamands quant aux dangers qui menacent la planète ! Le nucléaire, outre son coût financier et sécuritaire exorbitant, outre sa dépendance en matière d'approvisionnement, pose la dramatique question de la gestion de ses déchets durablement dangereux, véritable épée de Damoclès pour d'innombrables générations futures. Cette prise de position délibérément à contre courant -parmi tant d'autres !- aboutira-t-elle à l'exclusion de la N-VA de négociations pour la constitution d'un Exécutif fédéral le lendemain du 26 mai ? Rien n'est moins sûr, tant la volonté du MR et du... PS de rester ou de revenir aux affaires est grande, au prix de n'importe quelle acrobatie politicienne...
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Dans un entretien accordé au quotidien Le Soir ce samedi 23 février, le porte-parole du PTB, Raoul Hedebouw, a martelé fort justement qu'une «véritable politique climatique n'était pas compatible avec le capitalisme» ! Et il n'a pas manqué de critiquer Ecolo, un parti qui effectivement essaie sans cesse de ménager la chèvre de l'écologie et le chou du capital. Jean-Marc Nollet a répliqué aussitôt : pour lui, il faut «quitter les postures pour trouver des solutions ensemble». Du simple bon sens ? On pourrait le croire sauf que la direction des «Verts» a une conception très large de cet «ensemble». Dans la lutte contre le «réchauffement climatique», elle est ainsi disposée à constituer un grand front englobant non seulement la droite mais aussi le patronat, c'est-à-dire les tenants du productivisme et les champions d'une croissance obstinée ! Une alliance plutôt logique de la part d'un parti qui n'a aucun scrupule à préconiser des mesures coûteuses pour le plus grand nombre, comme les «taxes carbone»...
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Climat toujours, Charles Michel menace ! La Belgique, isolée, ne peut mettre en oeuvre de politique ambitieuse dans ce domaine sans quoi les pertes d'emplois seront nombreuses (remarquons au passage qu'il entretient ainsi son profil auto-proclamé de «Monsieur jobs, jobs, jobs »...) ; selon lui, seule une convergence au niveau européen permettra d'éviter ce scénario catastrophe. Laissons ici de côté la problématique de la «reconversion» qui ne semble pas effleurer le nouveau président du MR ! Et prenons note de la traditionnelle manoeuvre de diversion destinée à éviter de prendre ses propres responsabilités, et à refiler par la même occasion la patate chaude à un autre niveau décisionnel ! Certes, ce combat vital pour l'humanité doit être mené à l'échelle internationale, car les gaz à effets de serre ne connaissent pas les frontières et le réchauffement climatique n'épargnera pas le royaume si nous faisons preuve de bonne volonté. Mais personne ne peut tranquillement attendre une synchronisation planétaire avant d'agir. Il y a urgence et donc obligation de passer à l'action immédiatement sans attendre les plus réticents. Il n'existe aucune honte à montrer la voie à suivre...
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Paul Magnette, Olivier Chastel, Benoit Lutgen : ces trois anciens présidents de parti seront «têtes de liste» aux élections européennes du 26 mai. Les mauvaises langues s'étonneront que le Parlement européen serve d'instance de recyclage pour politiciens en quête de mandats rémunérateurs... En tout cas, on ne peut parler de vent de fraîcheur dans le chef des partis traditionnels ! Même Ecolo reconduira comme premier de cordée son député sortant Philippe Lamberts. Et la relégation des femmes aux places secondaires n'échappera à aucun observateur attentif ! Le PTB ne sauve d'ailleurs pas la mise du côté francophone car lui aussi a désigné un chef de meute pour mener cette campagne européenne: Marc Botenga. La lutte pour une véritable parité -qui ne consiste pas seulement à alterner candidatures masculines et féminines, fortuitement toujours dans le même ordre !- a de beaux jours devant elle !
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17 février 2019
"Dérèglement climatique" : changer de cap politique, vite !
Le «réchauffement climatique» de notre planète est irréversible. La seule question qui reste en suspens est celle du niveau de l'augmentation de la température moyenne de la terre d'ici la fin de ce siècle : + 2 ° ? + 3 ° ? + 4 ° ? + 5 ° ?
C'est dire l'importance des politiques qui doivent être mises en oeuvre pour limiter ce processus désastreux et l'ampleur des catastrophes qui en découleront inévitablement.
Point positif
La prise de conscience du danger augmente dans la population mondiale. Partout des mobilisations «pour le climat» se développent et la jeunesse -qui est l'avenir de l'humanité !- se mobilise dans de nombreux pays, notamment de manière remarquée et remarquable en Belgique !
Point négatif
L'inertie persistante des gouvernants qui refusent de traduire en actes leurs beaux discours dans les «sommets» régulièrement organisés pour débattre de cette inquiétante perspective ! Pas tellement parce qu'ils seraient complètement ignorants de la menace, mais surtout parce qu'ils sont d'abord au service du capital et d'une oligarchie financière qui refusent toute remise en cause fondamentale de leur modèle productiviste générateur de plantureux profits !
L'agenda politique, marqué entre autre par les élections européennes du 26 mai, contraint les différents partis à sortir un peu plus du bois et à se positionner sur les défis du «dérèglement climatique». D'autant que chez nous se dérouleront également des élections législatives et régionales !
La mega campagne électorale ainsi engagée pousse chaque formation à présenter son programme en matière «écologique» et à décliner ses principales propositions pour changer la funeste trajectoire actuelle.
Un exercice d'autant plus obligé que les sondages -avec toutes les réserves d'usage qui s'imposent !- annoncent une «vague verte» !
Je ne discuterai pas, ici et maintenant, les mesures avancées par les uns et les autres, lesquelles par ailleurs restent parfois floues ou ambiguës. Sans doute que la phase de décantation n'a pas encore été menée à son terme dans tous les états-majors concernés...
J'y reviendrai donc prochainement.
Mais je veux souligner d'emblée un aspect important : l'adhésion d'une majorité populaire est indispensable pour marquer des points dans ce combat ; on ne pourra jamais inverser la funeste dérive actuelle sans l'appui et l'engagement du plus grand nombre.
Il est donc nécessaire de mettre en oeuvre des alternatives positives, à distance de toute «écologie punitive» !
Pas question, par exemple, d'imposer de nouvelles «taxes carbone» ou une fiscalité injuste pour celles et ceux qui souffrent déjà ! Pas question d'ajouter de l'austérité à l'austérité ! Pas question d'aggraver les orientations socialement rétrogrades privilégiées par les différentes majorités fédérales depuis des décennies !
J'insiste, car il s'agit naturellement d'une ligne de démarcation politiquement décisive : l'illusion d'un «capitalisme vert» -avec sa poudre de perlimpinpin recommandée par les charlatans du «libéralisme vert»- nous conduit directement dans le mur. Seule une alternative «écosocialiste» -s'appuyant sur un dispositif cohérent en matière de «transition énergétique» et de «planification écologique»- peut rompre avec les turpitudes du mode de production/consommation dominant...
Pour l'instant, sans entrer de manière trop approfondie et dans le détail de solutions de rechange, je voudrais insister sur quelques axes/pistes qui me paraissent essentiels.
[Je ne fixe aucune date pour ne pas enfermer le débat dans une question de calendrier. Il est évident que l'ensemble des mesures préconisées -ici et... ailleurs, car ce qui suit n'est pas un programme exhaustif!- doit être concrétisé le plus rapidement possible ; raison pour laquelle de meilleurs rapports de force doivent être construits dans les délais les plus brefs, ce qu'ont bien compris les jeunes qui descendent dans la rue semaine après semaine...]
Ce qui est pressant :
} Sortie des énergies carbonées et du nucléaire. Objectif : 100 % d'énergies renouvelables.
} Socialisation du secteur de l'énergie ; mettre fin aux politiques de «libéralisation des marchés».
} Relance des transports publics : réouverture des lignes, points d'arrêt et gares supprimés au cours des dernières décennies ; augmentation significative de l'offre ; gratuité inconditionnelle.
} Mise en place d'infrastructures favorisant et sécurisant la mobilité douce (vélo...).
} Rénovation écologique du bâti/habitat, grand émetteur de gaz à effet de serre. Plan d'isolation public pour éliminer les «passoires thermiques».
} Contre l'agrobusiness, privilégier une agriculture paysanne écologique : produire qualitatif pour se nourrir qualitatif.
} Préserver la biodiversité. Refus des OGM, interdiction des pesticides.
} Eradication de la maltraitance animale. Protection des espèces en voie de disparition.
} Relocalisation de la production. Priorité aux circuits courts.
} Réduire le transport routier, développer le transport ferroviaire et maritime.
} Favoriser le rail au détriment du transport aérien.
} Sortie des industries nuisibles, comme l'industrie de l'armement. Avec reconversion garantie pour le personnel de ces secteurs.
} Interdiction de la publicité commerciale.
} En finir avec l'obsolescence programmée, notamment en allongeant la période de garantie des marchandises fabriquées aujourd'hui pour ne pas durer.
} Refuser le tout jetable.
} Décentralisation maximale des emplois décentralisables (administrations, services...) afin de limiter la mobilité professionnelle. Supprimer les véhicules de société (de confort).
} Réduction généralisée du temps de travail (sans pertes de revenus) : produire moins mais mieux.
} Justice climatique internationale : donner les moyens aux pays du Sud de se développer de manière soutenable ; mettre fin au pillage de leurs ressources et au commerce inéquitable.
} Abolir les «traités de libre échange» et stopper le déménagement permanent des marchandises au niveau mondial au profit des multinationales.
} Constitutionnaliser le principe d'une «règle verte» : ne plus prélever davantage que ce que la nature est capable de reconstituer, ni produire plus que ce qu'elle est en état de supporter.
Clairement, tout ceci ne se fera pas sur un simple claquement de doigts !
Changer de modèle de production, de consommation et d'échange nécessite du temps et de la cohérence. C'est précisément aux «politiques», en connexion directe avec le(s) peuple(s), de relever ce défi et d'agir en conséquence.
Sans tarder, car les aiguilles du chrono tournent...
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16:20 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
15 février 2019
Réchauffement climatique et mobilisation populaire
La mobilisation continue, massive et auto-organisée des jeunes «pour le climat» constitue un fait inédit important. Elle secoue positivement l'inertie des gouvernants/décideurs. Elle a le mérite d'attirer spectaculairement l'attention sur la nécessité d'une indispensable et radicale «modification des lignes» en matière de protection de notre «écosystème» . Et elle favorise un vaste débat dans la société.
C'est d'ailleurs pourquoi elle inquiète tant les puissants, peu friands d'agitation réellement démocratique, toujours susceptible de créer de «l'instabilité» inopportune pour leur business !
Ce n'est donc pas un hasard si des contre-feux ont d'ores et déjà été allumés pour préserver d'immuables privilèges de classe et de pouvoir.
Ainsi, d'aucuns s'efforcent d'infantiliser la population pour la convaincre qu'elle est la principale responsable de cette «crise écologique» qui ne peut plus être minimisée.
Cette manoeuvre, destinée à culpabiliser le plus grand nombre, n'est évidemment pas anodine. Le but est de faire accepter à chacun(e) de nouvelles mesures draconiennes d'austérité -repeintes en vert pour la circonstance !- au nom de la sauvegarde de la planète, «notre bien commun».
Nous présenter la facture de l'impasse environnementale actuelle afin d'épargner les véritables responsables de celle-ci, tel est le défi relevé par des «élites» qui ont les moyens de leurs ambitions !
Cette offensive idéologique ininterrompue exige une riposte.
Commençons par appeler un chat un chat, et une diversion une diversion ! Les grands coupables de l' «écocide» en cours ne sont pas les individus, et leurs efforts personnels de rédemption verte -aussi louables et pertinents soient-ils !- ne permettront pas, in fine, d'éradiquer le péril.
La très lourde responsabilité du cul-de-sac actuel est bel et bien celle d'un mode de production/consommation qui a un nom : le capitalisme ! Lequel n'acceptera jamais une remise en cause inconditionnelle de sa nature profonde ! Car le principal mobile de ce système est l'accumulation illimitée d'argent ! Il n'a qu'une seule véritable obsession : la croissance... des profits ! Et peu lui importe le bien-être, l'épanouissement, le bonheur ou le futur des femmes et des hommes qu'il spolie !
Le cap doit donc être maintenu, sans fléchir. Il faut continuer à produire toujours plus, n'importe quand, n'importe comment et n'importe quoi. Il faut sans relâche inciter les «consommateurs» à acheter de manière compulsive un maximum de marchandises, afin que le pognon continue à couler à flots dans les coffres-forts de la classe possédante !
Tant qu'il n'y aura pas rupture anticapitaliste, l'humanité continuera à être sacrifiée sur l'autel de l'intangible finalité de la rentabilité financière à (très) court terme.
Or, le «capitalisme vert» est un fantasme qui semble bien durable !
Las, beaucoup continuent à le propager, même dans le «mouvement contre le réchauffement climatique». Beaucoup persistent à ignorer la responsabilité «systémique» décisive de la dérive mortifère accélérée de notre temps. Et beaucoup colportent une vision d'un monde désormais séparé en deux blocs. Mais attention, il ne s'agit plus de la «vieille» division entre bourgeoisie et prolétariat, ni celle plus récente entre oligarchie et peuple ! Non, il s'agit d'une opposition articulée autour de la priorité écologique (au demeurant incontestable), entre les informés et les ignorants (du dossier), entre les conscients et les insouciants (du danger), entre les éclairés (des effets nocifs de la surconsommation) et les obscurantistes (du consumérisme). Et comme il y a urgence -il est même sans doute déjà bien tard pour empêcher le basculement redouté...- le délai nécessaire pour convaincre est décrété épuisé !
Dès lors, ces belles âmes estiment qu'il va falloir agir vite pour protéger l'espèce humaine de ses propres turpitudes (recyclage de cette vieille antienne consistant à vouloir faire le bonheur des gens contre eux-mêmes!), en prenant d'autorité des mesures fortes et décomplexées contre «ceux-d'en bas» pour finalement épargner «ceux d'en haut» !
L'épisode de la «taxe carbone» sur le diesel automobile -qui a servi de détonateur au mouvement des «gilets jaunes» en France- est illustratif de cette orientation austéritaire qui n'empêchera toutefois pas la catastrophe annoncée de se produire. N'en déplaise aux inconditionnels du libéralisme de toute obédience qui font obstinément confiance à ses recettes éculées pour résoudre les phases critiques d'une conjoncture.
Sans un changement de logiciel socio-économique et des choix énergétiques qui en découlent, aucune réponse crédible n'est envisageable, à terme.
Le capitalisme (vert) n'est pas un débouché au bouleversement climatique ! Il doit par conséquent être combattu pied à pied parce qu'il nourrit l'illusion d'être la solution alors qu'il est en réalité le problème !
Un mot concernant les théories d'un «effondrement» imminent et les prévisions d'une apocalypse incontournable pour l'espèce humaine.
Les tenants de cette conception catastrophiste considèrent qu'il est maintenant trop tard pour inverser le cours de notre destinée et qu'un «écroulement systémique global» est inéluctable ! Il ne s'agit donc plus de lutter contre le réchauffement climatique, il ne s'agit plus de tenter d'arrêter la course folle vers l'abîme, il s'agit de se préparer à la chute finale devenue inévitable (et même pour certains imminente !), afin d'en minorer les effets...
Pour ce courant, il est aujourd'hui impossible de structurer une opinion majoritaire autour de l'exigence d'affronter les urgences écologiques, et les débats concernant une «transition énergétique» sont désormais incongrus car cette perspective sera trop longue à mettre en oeuvre !
L'action de masse, et sa traduction éventuelle dans le champ institutionnel, est jugée dépassée et les réponses collectives inopérantes. L'heure d'un Big Bang militant est arrivée, et il appartient maintenant à une minorité engagée (et parfois enragée ?) -qui elle a compris pleinement les enjeux vitaux de l'heure !- de promouvoir des actes de rébellion afin de montrer le chemin à suivre.
Bref, au nom de la nécessité de renouveler l'approche du combat pour sauver la terre et les espèces qui la peuplent, voilà une bien ancienne «conception avant-gardiste» qui revient à la surface après avoir déjà été largement expérimentée sur d'autres terrains politiques, en particulier au vingtième siècle, avec des échecs retentissants à la clé !
Je ne sous-estime pas le risque d'une fin tragique [1], mais pour autant, je ne partage aucunement cette approche inspirée par l'effroi.
Il ne peut exister d'alternative que démocratique !
La société ne peut être transformée et le monde ne peut être changé si une majorité de la population mondiale ne le souhaite pas !
Sans une adhésion et une mobilisation massives, point d'issue défendable.
Car l'autre voie serait celle d'un projet totalitaire, celle d'une dictature d'un groupe restreint «détenteur de la vérité», qui serait seul autorisé à l'imposer à l'ensemble de la collectivité !
Ne pas permettre au plus grand nombre d'intervenir directement dans les domaines qui le concernent directement et qui déterminent son destin, conduira immanquablement à une déconvenue lourde de conséquences pour notre avenir ! Une minorité, aussi perspicace soit-elle, ne peut se substituer à l'immense majorité !
Il faut tirer à cet égard les enseignements du XXème siècle et de l'insuccès notoire des « projets émancipateurs ». Aucune dictature -brune, bleue, rouge ou... verte- ne peut répondre avec succès aux défis et aux enjeux d'une période historique ! Et aucune fin ne justifie les moyens, les moyens mobilisés devant toujours être en adéquation avec les fins visées [2] !
Une humanité différente, plus respectueuse des êtres humains et de la nature, débarrassée des affres du capital, de la lutte de tous contre tous et de la frénésie de l'enrichissement personnel, ne pourra être édifiée avec des méthodes autoritaires, brutales, despotiques !
Mais personne ne souhaite cela, me direz-vous ?
Pas sûr ! Ne fut-ce qu'inconsciemment...
Et puis des dynamiques nauséabondes peuvent se matérialiser à travers certains choix et certaines dérives d'une «écologie punitive», pour ne pas parler de «sectes vertes» prétextant savoir ce qui est bon pour la planète et pour les gens... à leur place !
Alors, de deux choses l'une : ou il est possible de construire des mobilisations et des majorités populaires capables de mener la lutte pour un sauvetage climatique efficient ; ou il est impossible de le faire dans les délais requis, et dans ce cas, désolé, l'avenir s'annonce encore plus sombre que ce que les porte-parole des théories catastrophistes appréhendent...
Il n'existe aucun raccourci dans les confrontations politiques, ni aucune astuce permettant d'éviter un travail de construction «hégémonique» en faveur de projets de société «révolutionnaires» respectueux des êtres humains et de la nature, nécessairement en rupture avec les pratiques productivistes guidées par la recherche précipitée d'un maximum de gains financiers !
Bref, et ce sera ma conclusion stratégique provisoire : évitons le piège du «substitutisme» !
On ne remplacera pas le peuple comme acteur historique central par des minorités hardies qui s'octroieraient le droit de parler et d'agir à sa place !
Il n'existe pas de solution de rechange acceptable en dehors d'une dynamique de masse, et tout engagement (salutaire et stimulant) de groupes d'éclaireurs militants ne peut être fécond que dans un cadre mobilisateur plus ample...
Il serait dès lors contre-productif de refuser de s'investir encore -au nom d'une hypothétique (proche) fin du (d'un) monde- pour gagner l'hégémonie, idéologique, culturelle, politique... même si cet engagement est chronophage !
Ce n'est pas gagné ? Bien sûr ! C'est mal parti ? A l'évidence ! Mais la difficulté de réussir n'autorise pas l'enfermement dans un « avant-gardisme sui generis» synonyme d'impasse anti-démocratique...
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[1] En réalité, la principale menace pour l'espèce humaine n'est pas (seulement) «la crise du réchauffement climatique» ! Le danger numéro un reste une guerre nucléaire intégrale, car dans ce cas de figure, vu le stock d'armement accumulé depuis la fin du second conflit mondial, quelques minutes -au maximum quelques heures !- suffiront pour supprimer les conditions de toute vie sur terre ! Curieusement, ce péril semble de plus en plus négligé et ne suscite plus guère aujourd'hui de mobilisations significatives. Le temps des grandes manifestations du puissant «mouvement de la paix», que j'ai connues naguère, notamment dans les années 80 du siècle dernier, paraît ainsi révolu. Tout se passe comme si la chute du Mur de Berlin et l'évaporation de l'URSS avaient mis fin à toute menace militaire généralisée ! C'est gravement sous-estimer le caractère irrationnel du capitalisme globalisé et de ses dirigeants actuels ! Et penser que l'on peut accumuler des «armes de destruction massive» (pour reprendre le concept cyniquement popularisé par l'ineffable Colin Powell), sans qu'elles ne soient jamais utilisées, est un pari audacieux que je me garderai bien de tenir...
[2] Il n'est pas inutile de relire le vieux Trotsky concernant cette «dialectique de la fin et des moyens», souvent caricaturée par ses détracteurs ! Voir : TROTSKY Léon, Leur morale et la nôtre, Editions de la Passion, Paris, 2003. Ou, pour le dialogue à ce sujet avec le philosophe pragmatique Dewey : DEWEY John et TROTSKY Léon, Leur morale et la nôtre, La Découverte, Paris, 2014.
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