08 décembre 2018
"Grand baromètre" du Soir : un éparpillement qui annonce de longues nuits de négociation !
Il est évidemment préférable de voir le PTB et Ecolo progresser, plutôt que le MR ou la NVA ! Toutefois, si les élections du 26 mai devaient confirmer ce sondage et cette projection en sièges au Parlement fédéral -ce qui est loin d’être certain, car six mois c’est long et la campagne peut toujours être bousculée par l’imprévisible !-, force est de constater que les négociations post-électorales seront mouvementées !
La coalition actuelle (NVA-MR-OPEN VLD-CD&V) perd sa majorité : 70 députés sur 150 ! Qu'elle pourrait regagner avec l’appui du CDH , qui jure pourtant ses grands dieux qu’il ne s’associera jamais avec le parti de Bart De Wever. Mais nous n'avons pas oublié que c’est exactement ce qu’avaient déclaré les ténors du MR avant les législatives de 2014 ! Avec le résultat que l’on sait…
Il n’existe cependant pas d’alternative «à gauche» : même si on considère que celle-ci comprend les écologistes, les socialistes et le PTB-PVDA, on arrive à… 59 sièges, moins encore que la majorité sortante !
Et une tripartite traditionnelle (socialistes, libéraux, CDH et CD&V) ? Elle aurait une courte majorité : 76 élus, ce qui est un peu juste pour une législature d’une durée de 5 ans !
Maintenant des formules « inédites » sont à nouveau possibles (socialistes avec la NVA, un scenario exclu par Paul Magnette -également en désaccord avec son président sur ce point- mais…) !
Et puis surtout, ne perdons pas de vue l’impact de la formation des coalitions dans les entités fédérées et ses inévitables effets collatéraux…
Bref, la constitution d’un prochain gouvernement fédéral s’annonce mouvementée. Comme toujours… Pas sûr que le peuple s’y retrouve. Comme toujours aussi…
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PS : l'extrême-droite (PP et VB) totaliserait pour sa part 11 sièges. Et si l'on devait suivre celles et ceux qui considèrent que la NVA est, aujourd'hui, également un parti de cette nature, l'on arrive à... 40 sièges de députés (38 pour la seule Flandre !). Pas de quoi pavoiser, naturellement !
[Projection réalisée par Pascal Delwit, ULB]
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05 décembre 2018
Parfum de crise
Crise ou pas crise ? Gouvernement d’affaires courantes ou gouvernement de plein exercice ? Peu importe. Il y aura élections -au pluriel !- en mai 2019, et tous les partis sont en campagne (au moins) depuis le scrutin communal du mois d’octobre !
Celui-ci est d’ailleurs pour beaucoup dans les tensions actuelles car les quatre formations du gouvernement fédéral ont été sanctionnées, à commencer par la NVA et le MR. La fébrilité des uns et des autres est patente et leur volonté de se recentrer sur leur « core business » évidente.
Ainsi, la NVA, parti nationaliste, raciste et xénophobe, qui a souvent essayé de camoufler sa véritable nature, revient maintenant ouvertement à son ADN politique. Les progrès récents du Vlaams Belang ne sont pas étrangers à ce coup de barre, illustré hier par une campagne sur les réseaux sociaux aux visuels ouvertement fascisants ! Un positionnement que Bart De Wever estime sans doute payant dans la perspective de la grande joute du 26 mai prochain…
Le MR n’est pas en reste. Lui qui s’est perdu avec ce parti après avoir juré qu’il ne le ferait jamais, lui qui est le seul parti francophone dans ce gouvernement à large majorité néerlandophone, lui qui a pris un grand coup sur la tête le 14 octobre dernier, lui qui ne cesse de voir son image se dégrader -pas seulement à cause de cette association trouble mais aussi et surtout à cause de la politique de régression en matière sociale et environnementale endossée par son premier ministre !- doit d’urgence se refaire la cerise. Et il ne veut manifestement pas rater l’occasion de montrer qu’il reste un parti « humaniste », respectueux des « engagements internationaux » de la Belgique, et suffisamment viril pour résister politiquement aux diktats de la bande à Francken !
On doute cependant que cela soit suffisant. Car les dirigeants libéraux vont partout clamer que le bilan de cette majorité est quand même excellent et que les réformes qui devaient être menées ont bien été concrétisées ! Ils devront donc assumer la politique de Saint Nicolas en faveur des grandes entreprises, le saut d’index et la lourde fiscalité pour « ceux d’en bas » -notamment le passage de la TVA sur l’électricité de 6 à 21 %, ou la hausse continue des prix des carburants !- , les économies dans la Sécu qui rendent plus chers les soins de santé, ou la poursuite du détricotage des services publics…
A voir comment le mouvement des Gilets Jaunes français a commencé à déborder nos frontières, pas sûr qu’il pourra gagner encore une adhésion suffisante à son maintien aux affaires !
Aux électeurs et aux électrices de ne pas avoir la mémoire courte dans quelques mois.
Et rien n’interdit au mouvement syndical d’enfin mettre son poids social dans le combat contre les politiques libérales que nous subissons depuis trop longtemps.
Peut-être que la mobilisation ascendante contre le dérèglement climatique observée dimanche dernier, et la colère « jaune » contre la dégradation des conditions de vie observée quotidiennement, « boostera » des élites syndicales en plein désarroi stratégique ?
Peut-être …
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02 décembre 2018
Marx dans le texte (19)
« Nous avons vu comment l'argent devient capital, le capital source de plus-value, et la plus-value source de capital additionnel. Mais l'accumulation capitaliste présuppose la présence de la plus-value et celle-ci la production capitaliste qui, à son tour, n'entre en scène qu'au moment où des masses de capitaux et de forces ouvrières assez considérables se trouvent déjà accumulées entre les mains de producteurs marchands. Tout ce mouvement semble donc tourner dans un cercle vicieux, dont on ne saurait sortir sans admettre une accumulation primitive (previous accumulation, dit Adam Smith) antérieure à l'accumulation capitaliste et servant de point de départ à la production capitaliste, au lieu de venir d'elle.
Cette accumulation primitive joue dans l'économie politique à peu près le même rôle que le péché originel dans la théologie. Adam mordit la pomme, et voilà le péché qui fait son entrée dans le monde. On nous en expliqué l'origine par une aventure qui se serait passée quelques jours après la création du monde.
De même, il y avait autrefois, mais il y a bien longtemps de cela, un temps où la société se divisait en deux camps : là, des gens d'élite, laborieux, intelligents, et surtout doués d'habitudes ménagères; ici, un tas de coquins faisant gogaille du matin au soir et du soir au matin. Il va sans dire que les uns entassèrent trésor sur trésor, tandis que les autres se trouvèrent bientôt dénués de tout. De là la pauvreté de la grande masse qui, en dépit d'un travail sans fin ni trêve, doit toujours payer de sa propre personne, et la richesse du petit nombre, qui récolte tous les fruits du travail sans avoir à faire oeuvre de ses dix doigts.
L'histoire du péché théologal nous fait bien voir, il est vrai, comme quoi l'homme a été condamné par le Seigneur à gagner son pain à la sueur de son front; mais celle du péché économique comble une lacune regrettable en nous révélant comme quoi il y a des hommes qui échappent à cette ordonnance du Seigneur.
Et ces insipides enfantillages, on ne se lasse pas de les ressasser. M. Thiers, par exemple, en ose encore régaler les Français, autrefois si spirituels, et cela dans un volume où, avec un aplomb d'homme d'État, il prétend avoir réduit à néant les attaques sacrilèges du socialisme contre la propriété. Il est vrai que, la question de la propriété une fois mise sur le tapis, chacun se doit faire un devoir sacré de s'en tenir à la sagesse de l'abécédaire, la seule à l'usage et à la portée des écoliers de tout âge.
Dans les annales de l'histoire réelle, c'est la conquête, l'asservissement, la rapine à main armée, le règne de la force brutale, qui l'a toujours emporté. Dans les manuels béats de l'économie politique, c'est l'idylle au contraire qui a de tout temps régné. A leur dire il n'y eut jamais, l'année courante exceptée, d'autres moyens d'enrichissement que le travail et le droit. En fait, les méthodes de l'accumulation primitive sont tout ce qu'on voudra, hormis matière à idylle.
Le rapport officiel entre le capitaliste et le salarié est d'un caractère purement mercantile. Si le premier joue le rôle de maître et le dernier le rôle de serviteur, c'est grâce à un contrat par lequel celui-ci s'est non seulement mis au service, et partant sous la dépendance de celui-là, mais par lequel il a renoncé à tout titre de propriété sur son propre produit. Mais pourquoi le salarié fait-il ce marché ? Parce qu'il ne possède rien que sa force personnelle, le travail à l'état de puissance, tandis que toutes les conditions extérieures requises pour donner corps à cette puissance, la matière et les instruments nécessaires à l'exercice utile du travail, le pouvoir de disposer des subsistances indispensables au maintien de la force ouvrière et à sa conversion en mouvement productif, tout cela se trouve de l'autre côté.
Au fond du système capitaliste, il y a donc la séparation radicale du producteur d'avec les moyens de production. Cette séparation se reproduit sur une échelle progressive dès que le système capitaliste s'est une fois établi; mais comme celle-là forme la base de celui-ci, il ne saurait s'établir sans elle. Pour qu'il vienne au monde, il faut donc que, partiellement au moins, les moyens de production aient déjà été arrachés sans phrase aux producteurs, qui les employaient à réaliser leur propre travail, et qu'ils se trouvent déjà détenus par des producteurs marchands, qui eux les emploient à spéculer sur le travail d'autrui. Le mouvement historique qui fait divorcer le travail d'avec ses conditions extérieures, voilà donc le fin mot de l'accumulation appelée « primitive » parce qu'elle appartient à l'âge préhistorique du monde bourgeois.
L'ordre économique capitaliste est sorti des entrailles de l'ordre économique féodal. La dissolution de l'un a dégagé les éléments constitutifs de l'autre.Quant au travailleur, au producteur immédiat, pour pouvoir disposer de sa propre personne, il lui fallait d’abord cesser d'être attaché à la glèbe ou d'être inféodé à une autre personne; il ne pouvait non plus devenir libre vendeur de travail, apportant sa marchandise partout où elle trouve un marché, sans avoir échappé au régime des corporations, avec leurs maîtrises, leurs jurandes, leurs lois d'apprentissage, etc. Le mouvement historique qui convertit les producteurs en salariés se présente donc comme leur affranchissement du servage et de la hiérarchie industrielle. De l*autre côté, ces affranchis ne deviennent vendeurs d'eux-mêmes qu'après avoir été dépouillés de tous leurs moyens de production et de toutes les garanties d'existence offertes par l'ancien ordre des choses. L'histoire de leur expropriation n'est pas matière à conjecture - elle est écrite dans les annales de l'humanité en lettres de sang et de feu indélébiles.
Quant aux capitalistes entrepreneurs, ces nouveaux potentats avaient non seulement à déplacer les maîtres des métiers, mais aussi les détenteurs féodaux des sources de la richesse. Leur avènement se présente de ce côté-là comme le résultat d'une lutte victorieuse contre le pouvoir seigneurial, avec ses prérogatives révoltantes, et contre le régime corporatif avec les entraves qu'il mettait au libre développement de la production et à la libre exploitation de l'homme par l'homme. Mais les chevaliers d'industrie n'ont supplanté les chevaliers d'épée qu'en exploitant des événements qui n'étaient pas de leur propre fait. Ils sont arrivés par des moyens aussi vils que ceux dont se servit l'affranchi romain pour devenir le maître de son patron.
L'ensemble du développement, embrassant à la fois le genèse du salarié et celle du capitaliste, a pour point de départ la servitude des travailleurs; le progrès qu'il accomplit consiste à changer la forme de l'asservissement, à amener la métamorphose de l'exploitation féodale en exploitation capitaliste. Pour en faire comprendre la marche, il ne nous faut pas remonter trop haut. Bien que les premières ébauches de la production capitaliste aient été faites de bonne heure dans quelques villes de la Méditerranée, l'ère capitaliste ne date que du XVI° siècle. Partout où elle éclot, l'abolition du servage est depuis longtemps un fait accompli, et le régime des villes souveraines, cette gloire du moyen âge, est déjà en pleine décadence.
Dans l'histoire de l'accumulation primitive, toutes les révolutions qui servent de levier à l'avancement de la classe capitaliste en voie de formation font époque, celles, surtout qui, dépouillant de grandes masses de leurs moyens de production et d'existence traditionnels, les lancent à l'improviste sur le marché du travail. Mais la base de toute cette évolution, c'est l'expropriation des cultivateurs.
Elle ne s'est encore accomplie d'une manière radicale qu'en Angleterre : ce pays jouera donc nécessairement le premier rôle dans notre esquisse. Mais tous les autres pays de l'Europe occidentale parcourent le même mouvement, bien que selon le milieu il change de couleur locale, ou se resserre dans un cercle plus étroit, ou présente un caractère moins fortement prononcé, ou suive un ordre de succession différent. »
[Karl Marx, Le Capital, Livre 1, 1867 - Traduction Joseph Roy revue par l'auteur]
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