05 décembre 2018
Parfum de crise
Crise ou pas crise ? Gouvernement d’affaires courantes ou gouvernement de plein exercice ? Peu importe. Il y aura élections -au pluriel !- en mai 2019, et tous les partis sont en campagne (au moins) depuis le scrutin communal du mois d’octobre !
Celui-ci est d’ailleurs pour beaucoup dans les tensions actuelles car les quatre formations du gouvernement fédéral ont été sanctionnées, à commencer par la NVA et le MR. La fébrilité des uns et des autres est patente et leur volonté de se recentrer sur leur « core business » évidente.
Ainsi, la NVA, parti nationaliste, raciste et xénophobe, qui a souvent essayé de camoufler sa véritable nature, revient maintenant ouvertement à son ADN politique. Les progrès récents du Vlaams Belang ne sont pas étrangers à ce coup de barre, illustré hier par une campagne sur les réseaux sociaux aux visuels ouvertement fascisants ! Un positionnement que Bart De Wever estime sans doute payant dans la perspective de la grande joute du 26 mai prochain…
Le MR n’est pas en reste. Lui qui s’est perdu avec ce parti après avoir juré qu’il ne le ferait jamais, lui qui est le seul parti francophone dans ce gouvernement à large majorité néerlandophone, lui qui a pris un grand coup sur la tête le 14 octobre dernier, lui qui ne cesse de voir son image se dégrader -pas seulement à cause de cette association trouble mais aussi et surtout à cause de la politique de régression en matière sociale et environnementale endossée par son premier ministre !- doit d’urgence se refaire la cerise. Et il ne veut manifestement pas rater l’occasion de montrer qu’il reste un parti « humaniste », respectueux des « engagements internationaux » de la Belgique, et suffisamment viril pour résister politiquement aux diktats de la bande à Francken !
On doute cependant que cela soit suffisant. Car les dirigeants libéraux vont partout clamer que le bilan de cette majorité est quand même excellent et que les réformes qui devaient être menées ont bien été concrétisées ! Ils devront donc assumer la politique de Saint Nicolas en faveur des grandes entreprises, le saut d’index et la lourde fiscalité pour « ceux d’en bas » -notamment le passage de la TVA sur l’électricité de 6 à 21 %, ou la hausse continue des prix des carburants !- , les économies dans la Sécu qui rendent plus chers les soins de santé, ou la poursuite du détricotage des services publics…
A voir comment le mouvement des Gilets Jaunes français a commencé à déborder nos frontières, pas sûr qu’il pourra gagner encore une adhésion suffisante à son maintien aux affaires !
Aux électeurs et aux électrices de ne pas avoir la mémoire courte dans quelques mois.
Et rien n’interdit au mouvement syndical d’enfin mettre son poids social dans le combat contre les politiques libérales que nous subissons depuis trop longtemps.
Peut-être que la mobilisation ascendante contre le dérèglement climatique observée dimanche dernier, et la colère « jaune » contre la dégradation des conditions de vie observée quotidiennement, « boostera » des élites syndicales en plein désarroi stratégique ?
Peut-être …
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02 décembre 2018
Marx dans le texte (19)
« Nous avons vu comment l'argent devient capital, le capital source de plus-value, et la plus-value source de capital additionnel. Mais l'accumulation capitaliste présuppose la présence de la plus-value et celle-ci la production capitaliste qui, à son tour, n'entre en scène qu'au moment où des masses de capitaux et de forces ouvrières assez considérables se trouvent déjà accumulées entre les mains de producteurs marchands. Tout ce mouvement semble donc tourner dans un cercle vicieux, dont on ne saurait sortir sans admettre une accumulation primitive (previous accumulation, dit Adam Smith) antérieure à l'accumulation capitaliste et servant de point de départ à la production capitaliste, au lieu de venir d'elle.
Cette accumulation primitive joue dans l'économie politique à peu près le même rôle que le péché originel dans la théologie. Adam mordit la pomme, et voilà le péché qui fait son entrée dans le monde. On nous en expliqué l'origine par une aventure qui se serait passée quelques jours après la création du monde.
De même, il y avait autrefois, mais il y a bien longtemps de cela, un temps où la société se divisait en deux camps : là, des gens d'élite, laborieux, intelligents, et surtout doués d'habitudes ménagères; ici, un tas de coquins faisant gogaille du matin au soir et du soir au matin. Il va sans dire que les uns entassèrent trésor sur trésor, tandis que les autres se trouvèrent bientôt dénués de tout. De là la pauvreté de la grande masse qui, en dépit d'un travail sans fin ni trêve, doit toujours payer de sa propre personne, et la richesse du petit nombre, qui récolte tous les fruits du travail sans avoir à faire oeuvre de ses dix doigts.
L'histoire du péché théologal nous fait bien voir, il est vrai, comme quoi l'homme a été condamné par le Seigneur à gagner son pain à la sueur de son front; mais celle du péché économique comble une lacune regrettable en nous révélant comme quoi il y a des hommes qui échappent à cette ordonnance du Seigneur.
Et ces insipides enfantillages, on ne se lasse pas de les ressasser. M. Thiers, par exemple, en ose encore régaler les Français, autrefois si spirituels, et cela dans un volume où, avec un aplomb d'homme d'État, il prétend avoir réduit à néant les attaques sacrilèges du socialisme contre la propriété. Il est vrai que, la question de la propriété une fois mise sur le tapis, chacun se doit faire un devoir sacré de s'en tenir à la sagesse de l'abécédaire, la seule à l'usage et à la portée des écoliers de tout âge.
Dans les annales de l'histoire réelle, c'est la conquête, l'asservissement, la rapine à main armée, le règne de la force brutale, qui l'a toujours emporté. Dans les manuels béats de l'économie politique, c'est l'idylle au contraire qui a de tout temps régné. A leur dire il n'y eut jamais, l'année courante exceptée, d'autres moyens d'enrichissement que le travail et le droit. En fait, les méthodes de l'accumulation primitive sont tout ce qu'on voudra, hormis matière à idylle.
Le rapport officiel entre le capitaliste et le salarié est d'un caractère purement mercantile. Si le premier joue le rôle de maître et le dernier le rôle de serviteur, c'est grâce à un contrat par lequel celui-ci s'est non seulement mis au service, et partant sous la dépendance de celui-là, mais par lequel il a renoncé à tout titre de propriété sur son propre produit. Mais pourquoi le salarié fait-il ce marché ? Parce qu'il ne possède rien que sa force personnelle, le travail à l'état de puissance, tandis que toutes les conditions extérieures requises pour donner corps à cette puissance, la matière et les instruments nécessaires à l'exercice utile du travail, le pouvoir de disposer des subsistances indispensables au maintien de la force ouvrière et à sa conversion en mouvement productif, tout cela se trouve de l'autre côté.
Au fond du système capitaliste, il y a donc la séparation radicale du producteur d'avec les moyens de production. Cette séparation se reproduit sur une échelle progressive dès que le système capitaliste s'est une fois établi; mais comme celle-là forme la base de celui-ci, il ne saurait s'établir sans elle. Pour qu'il vienne au monde, il faut donc que, partiellement au moins, les moyens de production aient déjà été arrachés sans phrase aux producteurs, qui les employaient à réaliser leur propre travail, et qu'ils se trouvent déjà détenus par des producteurs marchands, qui eux les emploient à spéculer sur le travail d'autrui. Le mouvement historique qui fait divorcer le travail d'avec ses conditions extérieures, voilà donc le fin mot de l'accumulation appelée « primitive » parce qu'elle appartient à l'âge préhistorique du monde bourgeois.
L'ordre économique capitaliste est sorti des entrailles de l'ordre économique féodal. La dissolution de l'un a dégagé les éléments constitutifs de l'autre.Quant au travailleur, au producteur immédiat, pour pouvoir disposer de sa propre personne, il lui fallait d’abord cesser d'être attaché à la glèbe ou d'être inféodé à une autre personne; il ne pouvait non plus devenir libre vendeur de travail, apportant sa marchandise partout où elle trouve un marché, sans avoir échappé au régime des corporations, avec leurs maîtrises, leurs jurandes, leurs lois d'apprentissage, etc. Le mouvement historique qui convertit les producteurs en salariés se présente donc comme leur affranchissement du servage et de la hiérarchie industrielle. De l*autre côté, ces affranchis ne deviennent vendeurs d'eux-mêmes qu'après avoir été dépouillés de tous leurs moyens de production et de toutes les garanties d'existence offertes par l'ancien ordre des choses. L'histoire de leur expropriation n'est pas matière à conjecture - elle est écrite dans les annales de l'humanité en lettres de sang et de feu indélébiles.
Quant aux capitalistes entrepreneurs, ces nouveaux potentats avaient non seulement à déplacer les maîtres des métiers, mais aussi les détenteurs féodaux des sources de la richesse. Leur avènement se présente de ce côté-là comme le résultat d'une lutte victorieuse contre le pouvoir seigneurial, avec ses prérogatives révoltantes, et contre le régime corporatif avec les entraves qu'il mettait au libre développement de la production et à la libre exploitation de l'homme par l'homme. Mais les chevaliers d'industrie n'ont supplanté les chevaliers d'épée qu'en exploitant des événements qui n'étaient pas de leur propre fait. Ils sont arrivés par des moyens aussi vils que ceux dont se servit l'affranchi romain pour devenir le maître de son patron.
L'ensemble du développement, embrassant à la fois le genèse du salarié et celle du capitaliste, a pour point de départ la servitude des travailleurs; le progrès qu'il accomplit consiste à changer la forme de l'asservissement, à amener la métamorphose de l'exploitation féodale en exploitation capitaliste. Pour en faire comprendre la marche, il ne nous faut pas remonter trop haut. Bien que les premières ébauches de la production capitaliste aient été faites de bonne heure dans quelques villes de la Méditerranée, l'ère capitaliste ne date que du XVI° siècle. Partout où elle éclot, l'abolition du servage est depuis longtemps un fait accompli, et le régime des villes souveraines, cette gloire du moyen âge, est déjà en pleine décadence.
Dans l'histoire de l'accumulation primitive, toutes les révolutions qui servent de levier à l'avancement de la classe capitaliste en voie de formation font époque, celles, surtout qui, dépouillant de grandes masses de leurs moyens de production et d'existence traditionnels, les lancent à l'improviste sur le marché du travail. Mais la base de toute cette évolution, c'est l'expropriation des cultivateurs.
Elle ne s'est encore accomplie d'une manière radicale qu'en Angleterre : ce pays jouera donc nécessairement le premier rôle dans notre esquisse. Mais tous les autres pays de l'Europe occidentale parcourent le même mouvement, bien que selon le milieu il change de couleur locale, ou se resserre dans un cercle plus étroit, ou présente un caractère moins fortement prononcé, ou suive un ordre de succession différent. »
[Karl Marx, Le Capital, Livre 1, 1867 - Traduction Joseph Roy revue par l'auteur]
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02 novembre 2018
Le PS fidèle... à la droite !
Toutes les «négociations» pour constituer des «majorités de gauche», dans les communes où il était théoriquement possible d'aboutir, ont échoué !
Négociations avec des guillemets grands comme l'Atomium évidemment, car les dés étaient pipés dès le début. Le PS voulait la continuité avec ses pratiques et ses choix politiques passés. Il ne pouvait donc pas s'associer avec un parti exigeant des ruptures et tourné vers un autre avenir, comme le PTB. Ce dernier -lui- n'avait d'ailleurs pas l'intention d'abandonner ses engagements de la campagne et il ne souhaitait pas se perdre dans la traditionnelle tambouille politicienne qui sied tant aux vieilles formations, historiquement en déclin.
Dernière embardée en date : Liège ! Le bourgmestre sortant, Willy Demeyer, a joué son (mauvais) coup en deux temps : il s'est d'abord débarrassé de Raoul Hedebouw et ses camarades, à l'issue de trois «tours de table», avant de précipiter le CDH et Vert Ardent (Ecolo, relooké pour la circonstance) dans l'opposition, afin de pouvoir renouer avec ses vieux complices du MR ! L'équipe gagnante -de sous !- de Publifin est ainsi reconstituée, à l'image de l'habituelle majorité provinciale.
Le MR semble décidément être le «maître achat» du PS. A Molenbeek aussi, après les gesticulations médiatiques de Catherine Moureaux, seront célébrées les retrouvailles des deux partis. Bien que battue, la formation d'Olivier Chastel gardera donc de nombreux strapontins dans de nombreuses villes grâce à l'habileté manoeuvrière des troupes du madré Di Rupo.
Pour que rien ne change il faut... que rien ne change !
Cet épisode post-électoral illustre bien l'éternel jeu de dupes d'un petit monde où les renvois d'ascenseur sont fréquents et où les associations «contre nature» sont monnaie courante... Assurément, un avant-goût de ce qui risque de se produire après les élections du 26 mai 2019 !
Car, dans l'état actuel des rapport de forces -avec un PS avide de pouvoir et infecté par le libéralisme, et avec des amis syndicalistes qui grondent seulement le temps d'un buzz-, la politique de collaboration de classes a encore de beaux jours devant elle. A la plus grande satisfaction des dominants, faut-il le préciser !
Puissent les citoyens/électeurs en être conscients et tirer les conclusions qui s'imposent dans quelques mois...
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DISCREDITER LE CHANGEMENT !
Parmi les reproches adressés au PTB figure le caractère «irréaliste» de son programme. Un grand classique des tenants du désordre établi, repris hélas par nombre de personnes intoxiquées par ce discours rituel matraqué à l'encontre de tout qui propose des changements.
Les «promesses» du parti de la «gauche radicale» seraient donc impossibles à mettre en oeuvre car elles coûteraient trop à la collectivité ! L'exemple de la «gratuité des bus» préconisée par le PTB est ainsi souvent brocardé par ses détracteurs...
C'est vraiment étrange. Dans cette société, mettre en avant des revendications favorables aux salariés, aux allocataires sociaux, aux plus pauvres est toujours une hérésie financière. Mais quand il s'agit de mesures en faveur des puissants, alors tout redevient miraculeusement possible. Des réductions de cotisations patronales ? No problemo ! Des mécanismes fiscaux profitables aux grandes entreprises, comme les «intérêts notionnels» ? No problemo ! Entraver la lutte contre la fuite des capitaux ou bloquer toute perspective d'un impôt sur la fortune ? No problemo ! Trouver des milliards pour acheter des engins de mort, avions ou blindés ? No problemo !
En réalité, il n'existe pas de problèmes de «moyens» dans un pays aussi riche. Il n'existe que des choix politiques ! Et, actuellement, ceux-ci correspondent le plus souvent aux intérêts des privilégiés de l'oligarchie !
Face aux donneurs de leçons qui ronchonnent quotidiennement, face aux admirateurs du système qui répètent en boucle qu'il faut être «raisonnable» et qu'il n'est pas sérieux de vouloir sortir des clous budgétaires -imposés notamment par l'Union européenne-, face aux larbins qui radotent au sujet de la mise en danger de «notre compétitivité», rien de doit être cédé !
L'art d'une politique alternative est précisément de rendre possible ce qui est indispensable, sur le plan social ou sur celui de la transition écologique. Ce qui nécessite de mettre fin aux décisions coûteuses en faveur d'une minorité de nantis ! Ce qui implique d'effectuer d'autres choix que ceux mis en oeuvre depuis des décennies !
Et c'est justement ce que propose le PTB, ce qui explique sans nul doute l'opération de dénigrement orchestrée de concert par les médias et le landerneau politique...
Autre grief : le PTB serait trop intransigeant et rétif à tout compromis. Une peu surprenante réprimande de la part des champions de la compromission et des arrangements entre petits amis pour se partager les avantages «du pouvoir» ! Qu'un parti s'efforce de rester fidèle aux engagements pris devant l'électorat, qu'un parti veuille mettre en adéquation ses paroles et ses actes, qu'un parti refuse de renier ses perspectives transformatrices, -patatras- voilà qui est inconcevable !
Il est maintenant urgent de mettre fin à la doxa thatchérienne du TINA («There is no alternative/ Il n'existe pas d'alternative» -au capitalisme, s'entend !-) et d'ouvrir la voie aux solutions de rechange. A tous les niveaux, naturellement : du régional à l'Europe, sans oublier le fédéral. Ce qui devra passer aussi par un renversement de table électoral.
Il n'y aura aucune raison de s'en priver en mai 2019...
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