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09 décembre 2018

Chronique d'une crise gouvernementale annoncée (II)

 

Le gouvernement MR-NVA a vécu. Inutile de s'attarder ici sur les implications technico-constitutionnelles engendrées par cette crise : les ministres du parti nationaliste officiellement «démissionnaires» plutôt que «révoqués», Michel en visite au Palais pour confirmer la formation d'un «gouvernement minoritaire», les astuces pour maintenir la fameuse «parité linguistique» en son sein, la nouvelle répartition des «portefeuilles ministériels», etc.

 

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Ce qui importe, c'est la signification politique de ces événements qui se déroulent sous nos yeux et qui sont répercutés comme jamais, minute après minute, ère des «réseaux sociaux» oblige.

 

  1. La «Suédoise» trébuche sur un tard. Durant quatre ans, les quatre partis qui la composaient se sont parfaitement entendus pour concrétiser leurs objectifs nuisibles, unis par une commune adhésion à la doctrine néo-libérale, et soutenus inconditionnellement par un patronat particulièrement agressif. Un inventaire à la Prévert n'est pas nécessaire car personne n'a oublié le saut d'index et le blocage des salaires, les augmentations de la fiscalité indirecte qui ont provoqué une hausse substantielle du coût de l'énergie -comme la fameuse TVA sur l'électricité, repassée de 6 à 21 % !-, les «économies» dans la Sécu au détriment des malades et des chômeurs, l'affaiblissement continu du secteur public ou le détricotage forcené de notre système des retraites ! Dans le même temps, les cadeaux aux entreprises sont restés la règle : baisses des cotisations sociales, réductions fiscales diverses, complaisance persistante envers la grande fraude fiscale et la fuite des capitaux. Et bien sûr, pas question d'impôt sur la fortune !

  2. Cette coalition des droites n'a pas focalisé son action uniquement sur le «socio-économique». Au delà de quelques frictions sémantiques, la politique xénophobe de Théo Francken en matière d'asile et de gestion des migrations, n'a jamais été remise en cause par ses partenaires ! Et dans le domaine «environnemental», l'Exécutif fédéral a failli dans la «lutte contre le réchauffement climatique» : il n'a rien entrepris de sérieux pour réduire les émissions de CO2 de la Belgique ; il s'est abstenu d'investir dans des énergies renouvelables ; il n'a pas favorisé des solutions alternatives comme la consolidation d'une véritable offre quantitative et qualitative dans le domaine des transports collectifs, afin d'éviter le recours massif aux véhicules privés ; et il a délibérément pataugé sur la «problématique du nucléaire». Enfin, sur le «plan démocratique», la dérive «sécuritaire» a été accélérée, le «terrorisme islamiste» servant entre autre d'alibi pour renforcer un «arsenal juridique répressif» apte à se retourner contre les citoyens et les mouvements sociaux, et justifiant même la présence de l'armée dans nos rues !

  3. Ces précieux «acquis», soutenus et encouragés par les dominants, sont revendiqués aujourd'hui d'une même voix par les (ex- ?) comparses qui, comme Edith Piaf, ne regrettent rien ! Ce qui a été engrangé au profit de l'oligarchie ne sera pas contesté de sitôt car, si l'on est attentif aux discours actuels de l'opposition, il est peu probable que les mesures funestes adoptées au cours de cette législature soient réellement remises sur la table par les futures coalitions. Seul le PTB s'est engagé à cet égard, mais étant donné les rapports de force électoraux du moment, il existe très peu de chances de le voir intégrer une équipe gouvernementale fédérale dans un bref délai !

  4. Pourquoi de telles turbulences maintenant, alors que cette coalition avait affiché sa cohésion depuis 2014 ? Parce qu'en politique, aucun « déterminisme » -fut-il économique- ne peut totalement évacuer «l'événementiel», aucune « rationalité » n'est à l'abri de l'irruption du «symbolique». Or, les élections (communales) ont récemment livré leur verdict, et l'on sait que celles-ci constituent le seul «sondage» qui compte pour les partis. Comme le scrutin du 14 octobre dernier a sanctionné un recul des formations gouvernementales, et en premier lieu un tassement significatif de la NVA et du MR, comme le prochain retour aux urnes est proche (le 26 mai 2019, au plus tard !), les états-majors se sont rapidement agités. Les progrès du Vlaams Belang, parti d'extrême-droite et parti raciste décomplexé, n'ont évidemment pas échappé à Bart De Wever et à ses amis. Et c'est à ce moment, électoralement délicat, que le «pacte mondial pour les migrations» onusien, destiné à encourager les Etats à coopérer plus, et qui ne semblait guère les émouvoir jusqu'ici, est revenu sur le devant de la scène. En effet, celui-ci doit être formellement «ratifié» le 19 décembre à New-York, et avant cette session, une réunion internationale, destinée à confirmer l'adhésion -non contraignante !- des différents pays à ce pacte, était planifiée ce lundi 10 décembre, à Marrakech. Il était donc devenu difficile pour la NVA, dans ce contexte post-électoral chahuté, de regarder ailleurs en se laissant fustiger par le VB. D'autant que d'autres pays, dans la foulée de l'inquiétant Donald Trump, comme l'Autriche et la Hongrie -dirigées par des forces «amies»-, ont annoncé qu'ils ne signeraient pas ce document ! Dès lors, plus question de tergiverser pour la direction nationaliste qui a mis son veto au respect d'un engagement pris, il y a quelques mois, par le premier ministre, au nom de la Belgique (et, par conséquent aussi, à l'époque, au nom de son gouvernement) ! Du côté du MR, une même obligation de se refaire la cerise auprès de l'électorat wallon et bruxellois. Lui qui avait déjà renié sa parole de ne jamais s'associer à la NVA, lui qui a souvent été dénoncé comme étant le bagagiste des nationalistes, dont la seule utilité était de servir de caution francophone dans l'Exécutif fédéral, ne pouvait perdre la face, une fois de plus. Chacun restant ferme sur ses positions, l'embardée était devenue inévitable et ce qui devait advenir est arrivé !

  5. Finalement, tout cette tragi-comédie n'a pas débouché sur une chute pure et simple de Michel 1er et l'organisation d'élections anticipées. Ni même sur la mise en route d'un gouvernement en «affaires courantes». Non, nous aurons bel et bien un gouvernement Michel bis, qui sera un «gouvernement minoritaire». Il ne s'agit pas d'un fait anodin, car les trois partis demeurés au pouvoir pourront continuer à concrétiser leur oeuvre néfaste. Pour autant, naturellement, qu'ils trouvent des appuis «extérieurs». Ce qui n'a rien d'extravagant : les ténors du parti démissionnaire ont d'ores et déjà annoncé qu'ils pourraient voter certaines «réformes», notamment celles qu'ils ont contribuées à élaborer durant les dernières années ! Il n'y aura donc pas de changement, si ce n'est un changement dans la continuité. Charles Michel vient d'ailleurs de le confirmer, au cours d'une conférence de presse : son deuxième gouvernement veut «une politique socio-économique forte». Une traduction de ce que cela signifie dans la bouche d'un ultra-libéral est superflue...

  6. La gamelle prise par l'attelage des droites ne paraît pas donner beaucoup de tonus à ses adversaires. Certes, les principaux responsables politiques, relégués dans l'opposition depuis plus de quatre ans, y vont tous de leurs commentaires, parfois ironiques, parfois cinglants, parfois péremptoires. Mais curieusement, pas grand monde ne se positionne clairement pour une disparition immédiate du gouvernement sortant et, in fine, partiellement sorti ! Tout se passe comme si la capacité de nuisance de Michel et consorts était définitivement annihilée et, par conséquent, tout se passe comme si chaque parti allait maintenant pouvoir se consacrer tranquillement à la longue campagne électorale qui est devant nous !

  7. Comme analysé plus haut, rien n'est plus trompeur. Relever sa garde serait donc une erreur. Certes, il n'y a de toute façon aucune illusion démesurée à entretenir sur l'opposition parlementaire, ni au demeurant sur le PS ou sur Ecolo. Quant au PTB, avec ses deux élus (sur 150 !), il pèse trop peu pour infléchir quoi que ce soit à ce niveau. Reste le mouvement syndical et les mouvements sociaux. CSC et FGTB organisent dès demain une semaine «d'actions» avec comme apothéose des grèves ce vendredi 14 décembre. Un plan de mobilisation largement insuffisant et rituel. Chaque année, à quelques jours de la fête de Noël, les syndicats descendent dans la rue, et chaque année cette petite poussée de fièvre sociale reste sans lendemains ! J'ai suffisamment critiqué cette attitude et je n'y reviendrai pas ici. Mais, cette fois, les syndicats n'ont pas le monopole de la rue. Le mouvement des « Gilets jaunes », initié en France, a franchi la frontière et débordé en Wallonie. Certes, il n'est pas aussi massif chez nous, mais nul ne peut dire en cet instant quelle sera son évolution. Ce serait l'occasion pour les syndicalistes de se nourrir d'une combativité «spontanée», qui vient «d'en bas», pour établir une convergence qui pourrait servir de point d'appui pour développer une mobilisation bien plus ample, capable de chasser ce nouvel avatar d'un gouvernement Michel ! C'est urgent. Nous ne pouvons laisser aux gouvernants actuels six mois supplémentaires pour leurs mauvais coups, par exemple sur le dossier des pensions ! Mettons à profit les difficultés (passagères) de nos adversaires politiques.

  8. Et la «question nationale» dans cet embrouillamini ? Michel Ier et ses comparses avaient réussi à reléguer «l'institutionnel» au second plan, préférant mettre l'accent sur les «priorités en matière de redressement économique et des finances publiques». Avec le pas de côté forcé de la NVA, la boîte de Pandore pourrait à nouveau s'ouvrir. D'autant qu'un tassement éventuel de la NVA le 26 mai, au plus grand bénéfice du VB par exemple, conduirait immanquablement Bart De Wever à se recentrer sur le core business de sa formation. Il n'attendra d'ailleurs pas le résultat de ces élections ; dès la campagne électorale qui prendra rapidement son essor après la trêve des confiseurs, la question de l'indépendance (ou d'une autonomie renforcée) de la Flandre reviendra sur le devant de la scène. Et il n'est pas certain qu'un «donnant-donnant» avec le MR ne soit pas envisageable à ce niveau. En échange d'un appui sur le socio-économique ou la politique migratoire, la NVA pourrait avoir un droit de regard sur une éventuelle liste d'articles de la Constitution susceptibles d'être révisés lors de la législature à venir. En tout état de cause, ce serait une erreur de laisser encore et toujours l'initiative sur ce terrain à la droite nationaliste. Quand la «gauche wallonne» prendra-t-elle cette question à bras-le-corps ? Dans le cadre de l'Etat Belgique, même dans sa configuration fédérale actuelle, aucune «politique progressiste» n'est possible, tant le poids de la droite flamande est grand, et tant il détermine le centre de gravité politique de ce pays ! Il est temps de donner à la Wallonie les moyens de changer vraiment de cap, soit par le confédéralisme, soit par l'indépendance si cela s'avère nécessaire !

 

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