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19 janvier 2018

Marx, vous avez dit Karl... (2)

 

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En cinq ans, il était passé de la philosophie contemporaine à la philosophie militante, de la philosophie au communisme, et du rêve à l'action. Philosophe humaniste agissant : tel est bien la définition qu'on peut donner de Karl Marx autour de la trentième année.

 

Luc Somerhausen, 1946

 

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La théorie de Marx est une «critique» dans la mesure où chacun de ses concepts condamne l'ordre existant dans sa totalité.

 

Herbert Marcuse, 1954

 

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Il est peu de personnalités dans l'histoire universelle chez qui l'évolution individuelle se conjugue de façon aussi intime avec celle de l'ensemble de la société.

 

Georg Lukacs, 1955

 

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mandel 1.jpgIl est impossible de dissocier chez Marx le sociologue du révolutionnaire, l'historien de l'économiste. Mais il n'a pu être efficacement, c'est-à-dire scientifiquement, sociologue, historien et surtout révolutionnaire que parce qu'il a été économiste, que parce qu'il a bouleversé la science économique...

 

Ernest Mandel, 1967

 

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Marx savait parler un langage simple, clair et direct mais en même temps il ne faisait aucune concession sur le contenu scientifique de ses théories. Il estimait que les ouvriers avaient droit à la science, et qu'ils pouvaient parfaitement surmonter les difficultés propres à tout exposé vraiment scientifique. Cette règle d'or est et reste plus que jamais une leçon pour nous.

 

Louis Althusser, 1969

 

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Le marxisme est l'ensemble des contresens qui ont été fait sur Marx.

 

Michel Henry, 1976

 

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foucault.jpg

Je ne me sens pas une obligation de fidélité à Marx, mais quand vous regardez les analyses concrètes que fait Marx à propos de 1848, de Louis Napoléon, de la Commune, dans les textes historiques plus que dans les textes théoriques, je crois qu'il replace bien les analyses de pouvoir à l'intérieur de quelque chose qui est fondamentalement la lutte des classes, et qu'il ne fait pas de la lutte des classes une rivalité pour le pouvoir.

 

Michel Foucault, 1977

 

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lefebvre.jpgL'oeuvre de Marx se situe par rapport à notre époque à peu près comme la physique de Newton par rapport à la physique moderne. Pour arriver à celle-ci, il faut passer par celle-là, prendre ses concepts, les modifier, les compléter, les transporter en leur adjoignant d'autres concepts. Ni fétichiser Marx, ni l'envoyer aux poubelles.

 

Henri Lefebvre, 1983

 

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Commémorer Marx selon son génie, ce serait, d'abord, libérer Marx du marxisme en général et de ses diverses moutures. Non pour laver le père fondateur des pêchés commis par des bâtards irrespectueux, débiles ou malhonnêtes et le retrouver dans son authenticité, mais pour faire cesser un mensonge qui a commencé précisément il y a un siècle et qui empoisonne la vie politique contemporaine. Dans les années qui suivirent la mort de Marx et singulièrement depuis 1889, date de la fondation de la IIè Internationale, s'est imposée une fable, bientôt reprise, amplifiée, réactivée : la fusion entre une conception du monde à caractère scientifique née dans la tête d'un (ou deux) homme(s) : LE marxisme, et une force socio-matérielle, produite par l'histoire et productrice d'histoire : le mouvement ouvrier !

 

François Châtelet, 1983

 

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L'attitude anti-étatique de Marx n'a jamais varié. Entre 1843 et 1883, pendant quarante années de son activité publique, tant théorique que politique, Marx considère la lutte contre l'Etat comme la tâche primordiale du prolétariat et comme la condition première de son émancipation. Marx oppose à l'Etat, organisme parasitaire et oppressif, érigé au dessus de la société, dans l'intérêt de la classe économiquement dominante, une société sans classes et sans Etat, d'où seraient bannis les antagonismes sociaux et qu'il qualifie de socialiste.

 

Victor Fay, 1983

 

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L'activité intellectuelle de Marx, qui fusionna rapidement avec son activité pratique en une union homogène qui devait se perpétuer jusqu'à la fin de sa vie, partit de la nécessité de l'émancipation humaine. Elle était en ce sens un produit des idées de liberté qui firent irruption sous les formes les plus diverses en Europe et en Amérique depuis le siècle des Lumières -ou, plus exactement, depuis la Réforme- à travers la Révolution française et ses héritiers, les démocrates révolutionnaires des années 20 et 30 du XIXè siècle, les jeunes-hégéliens et les premiers groupes socialistes. Elle peut être résumée dans l'exigence de «renverser toutes les conditions au sein desquelles l'homme est un être diminué, asservi, abandonné, méprisé» [Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel]. Tout au long de sa vie, Marx est resté fidèle à cet objectif d'émancipation.

 

Ernest Mandel, 1983

 

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Or la pensée de Marx est tout sauf un système clos. Marx a toujours présenté son oeuvre comme une recherche ouverte, comme une conception du monde, de la nature et de l'homme en transformation continue. La méthode de Marx est «un fil conducteur» -pour reprendre ses termes. C'est un outil d'analyse qui a sans cesse besoin d'être affiné pour comprendre le processus historique dans sa détermination concrète, pour saisir les sociétés dans leur totalité et en découvrir les contradictions, pour expliquer et transformer le monde. La pensée de Marx est essentiellement critique. Critique, du verbe grec krinein, juger. Critique radicale car, pour Marx, critiquer c'est remonter à la racine des choses -et mettre ainsi en lumière comment il est possible de les modifier jusqu'à la racine.

 

Pierre Joye, 1983

 

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liebman.jpegPour dissiper le doute sur l'actualité du marxisme -celui de Marx il s'entend- il n'est que de le lire, de constater le mordant de son écriture, sa netteté, son tranchant. Rien ne vit davantage que cette ironie corrosive, cette vigueur tonifiante dont jaillit toujours la critique et quelquefois une espèce de joie, comme un signe de santé, le torrent de l'intelligence qui ne recule devant aucun obstacle, aucun interdit, aucun tabou. A côté de Marx, le lucide de Tocqueville parait mièvre et compassé, et Hugo, qui écrivit pourtant à la même époque et aborda à sa manière les mêmes thèmes, à côté de Marx, Hugo est simplement illisible. On pourrait multiplier les comparaisons. Marx ou l'éternelle jeunesse.

 

Marcel Liebman, 1983

 

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Pour transformer le monde, Marx n'aura cessé, sa vie durant, de l'interpréter.

 

Jean Mortier, 1983

 

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Marx a montré qu'au départ les hommes produisent leur propre histoire. Nous ne vivons pas en société, nous produisons la société pour vivre et nous devons rendre compte de toutes les productions qui font notre être social. L'essence de l'homme, c'est la totalité des rapports sociaux en devenir. Marx l'a formulé avec sa fameuse thèse sur Feuerbach.

 

Maurice Godelier, 1983

 

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L'attitude vis-à-vis de Marx et de son oeuvre comprend, à mon avis, deux aspects complémentaires. D'un côté, il faut restituer cette oeuvre dans toute son ampleur philosophique, scientifique et critique. D'autre part, il faut se servir de cette pensée comme d'un instrument d'analyse, de recherche, de découverte. Cet instrument ne vaut que si l'on s'en sert : il doit perpétuellement s'affirmer.

 

Henri Lefebvre, 1983

 

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Ni Marx ni Engels ne furent des prolétaires (...) Son évolution vers le communisme n'est donc point déterminée par une expérience immédiatement vécue ou par ses propres conditions d'existence misérables (qui sont postérieures à cette adhésion...). Elle est essentiellement déterminée par le résultat d'un travail intellectuel ou par des motivations morales.

 

Ernest Mandel, 1986

 

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bourdieu.jpgPar définition, la science est faite pour être dépassée. Et Marx a assez revendiqué le titre de savant pour que le seul hommage à lui rendre soit de se servir de ce qu'il a fait et de ce que d'autres ont fait avec ce qu'il avait fait pour dépasser ce qu'il a cru faire.

 

Pierre Bourdieu, 1987

 

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Généralement, il n'abandonne pas ce pour quoi il s'était passionné : Marx n'est pas l'homme des reniements. La pensée de la liberté est la constante profonde de toute son oeuvre et de toute son action. S'il pense une liberté qui ne se ramène pas purement et simplement à la compréhension de la nécessité, sa pensée est nécessairement une pensée du possible.

 

Michel Vadée, 1992

 

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derrida.jpg

Pas sans Marx, pas d'avenir sans Marx. Sans la mémoire et sans l'héritage de Marx, de son génie, de l'un au moins de ses esprits. Car ce sera notre hypothèse ou plutôt notre parti pris : il y en a plus d'un et il doit y en avoir plus d'un.

 

 

 

Jacques Derrida, 1993

 

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Marx a assumé son rôle d'intellectuel sans partager les ambitions et les prébendes de l'intelligentsia, mais sans non plus singer la condition ouvrière. Le véritable engagement pour Marx n'était pas politique au sens de l'adhésion à un parti «compris dans le sens essentiellement éphémère», mais révolutionnaire, par appartenance au «parti au sens éminemment historique».

 

Louis Janover, 1994

 

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rubel.jpgLa carrière de Marx se présente comme la quête tourmentée d'une harmonie existentielle entre l'action politique et la création théorique. L'inachèvement de la théorie est en quelque sorte la rançon des échecs politiques du mouvement ouvrier auquel Marx a tenu à s'identifier . Restée un «torse», l'oeuvre scientifique n'en continue pas moins à être présente et entière comme appel révolutionnaire lancé à l'humanité en péril de mort.

 

Maximilien Rubel, 1994

 

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Faisant le bilan de son rapport à Hegel dans ses textes de jeunesse, Marx utilise sans hésitation l'expression d' «impératif catégorique», par laquelle Kant désignait la source de l'action morale. Chez Marx il s'agit de l'impératif de supprimer toutes les conditions dans lesquelles l'homme est un être humilié, asservi, abandonné et méprisable. Cette préoccupation éthique traverse toute l'oeuvre jusqu'au Capital.

 

Maximilien Rubel, 1995

 

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Marx a été avant tout un analyste et un théoricien de la société capitaliste. Il s'est gardé de toute spéculation concernant l'avenir.

 

Jacques Bidet, 1995

 

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Marx nous a offert un authentique principe d'intelligibilité du social en désignant l'infrastructure matérielle comme fondement caché de la société.

 

Robert Fossaert, 1997

 

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Tout le projet de Marx a consisté à débusquer, derrière la trompeuse apparence, les rapports sociaux fondamentaux. Dans le capitalisme, seul le travail est source et mesure de la valeur, et le profit se forme comme un surplus.

 

Michel Husson, 2002

 

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Marx-Engels n'étaient pas hostiles à la démocratie représentative en tant que telle, mais soucieux de multiplier les instances de décision à tous les niveaux de la vie sociale, particulièrement à la base.

 

Jacques Texier, 2002

 

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L'actualité de Marx, c'est celle du capital lui-même. Car, s'il fut un formidable penseurbensa.jpg de son époque, s'il a pensé avec son temps, il a aussi pensé contre et au-delà de son temps, de manière intempestive. Son corps-à-corps, théorique et pratique, avec son ennemi irréductible, la puissance impersonnelle du capital, le porte jusqu'à notre présent. Son actualité d'hier fait son actualité d'aujourd'hui.

 

 

 

Daniel Bensaid, 2009

 

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pena-ruiz.jpgKarl Marx n'a jamais confondu la fermeté sur les exigences de lucidité et les principes de l'émancipation avec un quelconque sectarisme doctrinal. Quant à son projet politique, fondé sur l'humanisme et la solidarité à l'égard des exploités, il fut toujours celui d'une émancipation multiforme des individus et des peuples. Il n'avait pas d'autre horizon que celui d'une société affranchie des conflits de classe et réconciliée de ce fait avec elle-même. La classe ouvrière, écrivait Marx, est une classe universelle : à travers sa propre émancipation, elle permet l'émancipation de tous. Le dominé n'aspire pas à prendre la place du dominant, mais à éradiquer cette domination. Comme le chante l'hymne de Pottier et Degeyter, «l'Internationale sera le genre humain».

 

Henri Pena-Ruiz, 2012

 

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Trois grands thèmes centraux développés par Marx restent valides. Le premier est l'analyse des classes comme outil central de compréhension des sociétés. Le deuxième est la critique du capitalisme comme forme spécifique de société de classes. Le troisième est la possibilité de voir émerger une alternative d'émancipation de la société capitaliste.

 

Erik Olin Wright, 2017

 

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Ce qui est pertinent dans son oeuvre aujourd'hui, c'est sa façon d'analyser les formesdardot.jpeg que prend la lutte sociale. Son idée est que la lutte transforme les conditions de la lutte en même temps que les acteurs de cette lutte. L'émancipation, pense-t-il, ne vient pas après la lutte, ce n'est pas pour le lendemain, ce n'est pas seulement un «but». Contrairement à beaucoup de marxistes pour qui les classes préexistent à la lutte, Marx pense que les classes se constituent de et par la lutte, à travers la lutte. C'est de la lutte que les acteurs s'émancipent.

 

Pierre Dardot, 2017

 

 

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Isabelle_Garo.jpgUne pensée en révolution permanente.

 

Isabelle Garo, 2017

 



 

 

 

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18 janvier 2018

Marx, vous avez dit Karl... (1)

Thema_Marx_200_01.jpg

 

 

Ce ne serait pas un mal, mon cher Karl, si tu voulais bien écrire un peu plus lisiblement.

 

Heinrich Marx, 1837

 

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Tu me connais, mon cher Karl, je ne me suis ni entêté ni prisonnier de préjugés. Que tu orientes ta carrière vers telle ou telle matière, cela m'est au fond égal. La seule chose qui me tienne naturellement à coeur, par amour de toi, c'est que tu choisisses ce qui correspond le mieux aux dispositions de ton esprit.

 

Heinrich Marx, 1837

 

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jenny.jpegAh, mon amour, mon amour adoré, voilà que tu te mêles à présent de politique. C'est bien ce qui peut te faire rompre le cou, mon Karl, songe seulement que tu as quelqu'un qui t'aime ici, qui espère et se lamente, et qui dépend entièrement de ton destin.

 

Jenny von Wesphalen, 1841

 

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Bien que révolutionnaire en diable le Dr Marx est un des esprits les plus pénétrants que je connaisse.

 

Georges Jung, 1841

 

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Marx est de nouveau ici. Dernièrement j'ai fait une excursion avec lui pour jouir une fois encore de beaux paysages. Ce fut un délicieux voyage. Nous étions comme d'habitude très gais. A Godesberg nous louâmes deux ânes et galopâmes à fond de train autour de la montagne et à travers le village. Les bourgeois de Bonn qui se trouvaient là nous regardaient avec un air plus scandalisé que jamais. Nous poussions des cris de joie, tandis que les ânes répondaient par des braiments.

 

Bruno Bauer, 1842

 

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C'est un phénomène qui m'a fait une impression énorme. En bref, vous pouvez vous moses_hess.jpgattendre à rencontrer le plus grand -peut être le seul authentique philosophe de l'actuelle génération (...). Le Dr Marx (tel est le nom de mon idole) est encore un très jeune homme de 24 ans. Il portera à la religion et à la philosophie médiévale leur coup de grâce. Il allie le plus profond sérieux philosophique avec l'esprit le plus mordant. Imagine-toi Rousseau, Voltaire, Holbach, Lessing, Heine et Hegel réunis en une seule et même personne -je dis bien réunis et non juxtaposés- et tu as le Dr Marx.

 

Moses Hess, 1842

 

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Souvent il est ivre, souvent il flâne toute la journée. Mais quand il a un travail à faire, il y passe le jour et la nuit. Il n'a pas d'heure fixe, pour dormir et se lever, souvent il reste debout toute la nuit et, à midi, il s'étend sur un sofa, tout habillé, et dort jusqu'au soir, indifférent aux allées et venues autour de lui. Sa femme, cultivée et charmante, s'est habituée à cette vie de bohème et semble s'être faite à cette misère. Ses enfants sont très beaux, avec les yeux intelligents de leur père. Comme mari et comme père, Marx, en dépit de son caractère sauvage, est le plus tendre et le plus docile des hommes.

 

Wilhelm Stieber, 1850

 

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bakounine.jpgMarx était beaucoup plus avancé que je ne l'étais, comme il reste encore aujourd'hui non pas plus avancé, mais incomparablement plus savant que moi. Je ne savais alors rien de l'économie politique, je ne m'étais pas encore défait des abstractions métaphysiques, et mon socialisme n'était que d'instinct. Lui, quoique plus jeune que moi, était déjà un athée, un matérialiste savant et un socialiste réfléchi. Ce fut précisément à cette époque qu'il élabora les premiers fondements de son système actuel. Nous nous vîmes assez souvent car je le respectais beaucoup pour sa science et pour son dévouement passionné et sérieux, quoique toujours mêlé de vanité personnelle, à la cause du prolétariat, et je cherchais avec avidité sa conversation toujours instructive et spirituelle lorsqu'elle ne s'inspirait pas de haine mesquine, ce qui arrivait hélas trop souvent. Jamais pourtant il n'y eut d'intimité franche entre nous. Nos tempéraments ne se supportaient pas.

 

Michel Bakounine, 1871

 

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Cher Monsieur, je vous remercie de l'honneur que vous m'avez fait en m'envoyant votre grand oeuvre sur le capital ; et je voudrais de tout coeur être plus digne de le recevoir en comprenant davantage l'importante et profonde question de l'économie politique. Bien que nos recherches aient été si différentes, je crois que nous désirons tous deux sérieusement l'extension du savoir et que c'est à coup sûr cela qui accroîtra à long terme le bonheur de l'humanité.

 

Charles Darwin, 1873

 

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Friedrich_Engels.jpgMarx était avant tout un révolutionnaire. Contribuer d'une façon ou d'une autre, au renversement de la société capitaliste et des institutions d'Etat qu'elle a créées, collaborer à l'affranchissement du prolétariat moderne auquel il avait donné le premier la conscience de sa propre situation et de ses besoins, la conscience des conditions de son émancipation, telle était sa véritable vocation. La lutte était son élément.

 

Friedrich Engels, 1883

 

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Karl Marx est une des rares personnalités qui furent à même d'occuper une place de premier plan à la fois dans les sciences et dans l'activité publique ; ils les liait de façon si intime qu'il est impossible de bien le comprendre si on sépare le savant du lutteur socialiste.

 

(...)

 

A part les poètes et les romanciers, Marx avait un moyen original de se distraire : les mathématiques, pour lesquelles il avait une prédilection toute particulière. L'algèbre lui apportait même un inconfort moral ; elle le soutenait aux moments les plus douloureux de son existence mouvementée.

 

(...)

 

Marx ne permettait à personne de mettre de l'ordre, ou plutôt du désordre dans ses livres et ses papiers. Car leur désordre n'était qu'apparent, en réalité tout était à sa place.

 

Paul Lafargue, 1890

 

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Le style de Marx, c'est Marx lui-même. On lui a reproché d'avoir voulu enfermer le maximum de sens dans un minimum de mots ; or c'est précisément ce qui distingue Marx.

 

Wilhelm Liebknecht, 1896

 

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Son langage était bref, suivi d'une logique implacable ; il ne disait jamais des choses inutiles. Chaque phrase contenait une pensée, formant un maillon nécessaire dans la chaîne des arguments. Marx n'avait rien d'un rêveur.

 

Friedrich Lessner, 1898

 

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jaurès1.jpgC'est le mérite décisif de Marx, le seul peut-être qui résiste pleinement à l'épreuve de la critique et aux atteintes profondes du temps, d'avoir rapproché et confondu l'idée socialiste et le mouvement ouvrier.

 

Jean Jaurès, 1901

 

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La profondeur de la pensée de Marx ne tient pas seulement à son génie mais au fait qu'il éclaire sans cesse toutes les questions qu'il traite à partir des perspectives historiques les plus vastes et en montrant les connexions dialectiques.

 

Rosa Luxemburg, 1902

 

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plekhanov.jpg

A la fois militant et penseur, il n'a pas seulement organisé et formé les premiers cadres de l'armée internationale des ouvriers : en collaboration avec son fidèle ami Friedrich Engels, il a forgé pour elle l'arme intellectuelle qui lui a permis d'infliger à l'adversaire une multitude de défaites, et qui le temps aidant, lui donnera la victoire totale. Si le socialisme est devenu une science, nous le devons à Karl Marx.

 

Georges Plekhanov, 1903

 

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Kautsky.jpgMarx fut le premier qui insista sur le rôle important des syndicats dans la lutte des classes du prolétariat et cela dès 1846 (...) Tandis qu'il travaillait au Capital (...), il prévoyait déjà la société par actions et les cartels modernes. Pendant la guerre de 1870-1871, il présageait que la prépondérance dans le mouvement socialiste allait désormais passer de la France à l'Allemagne. En janvier 1873, il prédisait la crise qui commença peu de mois après. On peut en dire autant d'Engels. Même lorsqu'ils se trompaient, leur erreur recelait quelque idée juste et profonde.

 

Karl Kautsky, 1909

 

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Marx a continué et parachevé les trois principaux courants d'idées du XIXème siècle, qui appartiennent aux trois pays les plus avancés de l'humanité : la philosophie classique allemande, l'économie politique classique anglaise et le socialisme français, lié aux doctrines révolutionnaires françaises en général.

 

Lénine, 1914

 

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Marx a été grand, son action a été féconde, non point tant parce qu'il a inventé à partir de rien, non point tant parce qu'il a tiré de son imagination une vision originale de l'histoire, mais bien parce que le fragmentaire, l'inachevé, tout ce qui n'était pas encore mûr, est devenu chez lui maturité, système, prise de conscience. Sa prise de Antonio.jpgconscience personnelle peut devenir celle de tout le monde, elle est déjà devenue celle de beaucoup ; voilà pourquoi ce n'est pas seulement un penseur mais un homme d'action ; il est aussi grand dans l'action que dans la pensée, ses livres ont transformé le monde comme ils ont transformé la pensée. Marx, c'est l'entrée de l'intelligence dans l'histoire de l'humanité, c'est l'avènement de la conscience.

 

Antonio Gramsci, 1918

 

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Ce qui fait sans conteste l'incomparable grandeur de Marx, c'est qu'en lui le penseur et l'homme d'action étaient indissolublement liés, qu'ils se complétaient et se renforçaient mutuellement. Mais il n'en est pas moins certain que le militant, chez lui, a toujours pris le pas sur le penseur.

 

Franz Mehring, 1918

 

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Marx et Engels furent des révolutionnaires jusque dans la moelle des os.

 

Léon Trotsky, 1929

 

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Trotsky-191x300.jpgL'erreur de Marx-Engels quant aux délais historiques découlait d'une part de la sous-estimation des possibilités inhérentes au capitalisme, et d'autre part de la sur-estimation de la maturité révolutionnaire du prolétariat.

 

Léon Trotsky, 1937

 

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Secondaire aussi de constater que certaines prévisions de Marx et d'Engels n'ont pas été confirmées par l'histoire et que par contre bien des faits se sont produits qu'ils n'avaient pas prévus...Marx et Engels furent trop grands -trop intelligents- pour se croire infaillibles et prétendre au prophétisme.Il est vrai -mais il n'importe- que leurs continuateurs n'ont pas toujours été à la hauteur de leurs sagesse.

 

Victor Serge, 1938

 

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La théorie et la pratique révolutionnaires ont donc formé de tout temps chez Marx une totalité indivisible, et c'est cette totalité qui constitue aujourd'hui l'élément vivant dans ce que Marx nous a légué.

 

Karl Korsh, 1938

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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03 janvier 2018

2018, année du bicentenaire de la naissance de Marx

Thema_Marx_200_01.jpg

 

Karl Marx ! Huit lettres qui claquent tel un étendard dans la tempête. Un prénom et un nom qui ont échappé depuis longtemps à l'homme qui les a portés au coeur du bouillonnant XIXème siècle, dans son Allemagne natale comme dans ses pays d'exil : la France, la Belgique et finalement l'Angleterre, après de nouveaux passages dans la capitale française, au moment des ébranlements révolutionnaires et contre-révolutionnaires de 1848-1849, en Europe.

marx j.jpgUne personnalité historique incontournable dont il sera à nouveau beaucoup question dans les prochains mois car, le 5 mai 2018, il y aura exactement 200 ans que Marx vit le jour à Trèves (en Rhénanie).

On a évidemment déjà amplement disserté et discouru sur Marx tout au long du XXème siècle jusqu'à nos jours. De manière dithyrambique pour les uns, tandis que les autres s'efforçaient de le disqualifier par tous les moyens, n'hésitant pas à lui imputer une responsabilité dans l'émergence des régimes «totalitaires» le siècle dernier, et pour les crimes perpétrés dans les «pays du socialisme réellement existant» ! Une querelle absurde concernant un homme décédé en 1883, 34 ans avant la première «révolution communiste», celle d'Octobre 1917 en Russie ! Et une polémique qui ne risque pas de s'éteindre puisqu'elle permet d'accréditer l'idée qu'il ne peut exister d'alternative démocratique au capitalisme.

Certes, cet anniversaire n'influencera pas la folle trajectoire d'une humanité engagée dans une voie sans issue, celle de l'accumulation illimitée du capital et de la marchandisation généralisée du monde, celle d'un productivisme et d'un consumérisme irrationnels, destructeurs des ressources vitales de la planète. Mais si notre futur est compromis, il reste toujours de notre ressort d'inverser la marche du capitalisme financier globalisé vers le désastre !

L'avenir n'est donc pas définitivement hypothéqué. Mais pas sans l'oeuvre de Marx qui conserve une réelle pertinence pour comprendre les contradictions de notre société dans la perspective de la changer, radicalement. Même si elle ne fournit pas de recettes ou de réponses définitives pour résoudre nos problèmes actuels et pour relever les défis de notre époque. Inutile de chercher dans ses textes la moindre appréciation sur le «réchauffement climatique» ni la moindre considération sur la «révolution numérique»...

De quel Marx s'agit-il ?

D'abord, d'un Marx débarrassé du «marxisme» ! Lui, n'a jamais prétendu être le propagateur d'un nouvel évangile, le communisme. Lui, n'a jamais revendiqué la paternité d'une «doctrine», par essence fermée à toutes les interrogations critiques. Et jamais on ne trouvera sous sa plume les termes onomastiques qui furent d'abord utilisés par ses adversaires politiques ! [1] Il est, par ailleurs, devenu difficile d'encore se réclamer d'un «marxisme» au singulier tant les interprétations des écrits de Marx ont été multiples et tant les courants politiques «de gauche» qui s'en réclament ont proliféré au cours d'une histoire particulièrement agitée des «mouvements ouvriers» de tous les pays. A l'évidence, il existe aujourd'hui presque autant de «marxismes» qu'il existe de «marxistes» ! Et cette situation n'a pas peu contribué à rendre parfois illisible les apports décisifs du théoricien allemand (et de son ami Friedrich Engels).

 

Marx dans imprimerie.jpg

 

Ensuite, d'un Marx qui n'est pas réduit à un penseur en chambre, distant du bruit et de la fureur du monde. Marx était avant tout un militant révolutionnaire ! Il considérait que son travail théorique devait être mis au service de la lutte de la classe ouvrière. Marx n'écrivait pas pour être publié dans la Bibliothèque de la Pléiade ! Il n'a pas consacré de nombreuses années de son existence pour accoucher de son opus magnum, Das Kapital, dans le but de laisser une oeuvre majeure destinée à être étudiée dans les universités du futur, aux côtés de celles de Platon, Aristote, Spinoza, Kant ou Pascal !  Non, Marx était profondément impliqué dans les combats de son temps. Du libéralisme de gauche au communisme, de la «gauche hégélienne» à la Ligue des Communistes, de la «Société universelle des communistes révolutionnaires» à 9782253014911-fr.jpgl'Association Internationale des Travailleurs, de la révolution de 1848 à la Commune de Paris, Marx (et Engels) s'est (se sont) engagé(s) durant plus de 40 ans pour essayer de commencer à changer le monde. Concrètement. Car Marx refusait de «faire bouillir les marmites de l'histoire» et il n'épousait pas la démarche d' «utopistes» s'acharnant à dessiner les contours d'une société future idéale.

En 2018, l'actualité de Marx reste l'actualité persistante de la domination du capital et des luttes multiformes contre cette domination.

Oui, le capitalisme a évolué au cours de ces deux siècles, notamment sous la pression des batailles menées par les salariés, qui leur ont permis d'arracher d'importantes conquêtes sociales et politiques. Oui, il est devenu de plus en plus complexe, et oui il a perfectionné ses méthodes pour consolider son hégémonie idéologique et assurer sa pérennité. Mais il n'est pas parvenu à surmonter ses contradictions et ses turbulences, il n'a pas abandonné ses caractéristiques essentielles :

 

  • Le capitalisme demeure un système de production marchande généralisée.

  • Le capitalisme demeure un système reposant sur la propriété privée des principaux moyens de production. Les grandes structures économiques n'appartiennent pas à la collectivité et ne sont pas contrôlées par le plus grand nombre. Elles sont toujours concentrées dans les mains d'une minorité de possédants. Corollaire : la persistance de la «séparation des producteurs d'avec les moyens de production».

  • Le capitalisme demeure un système qui a pour seul «mobile social» l'argent. La course aux profits, la priorité à la rentabilité financière, la rémunération maximale du capital, constituent des dogmes intangibles. Au prix du maintien de l'étau de l'exploitation et du renouvellement de mécanismes alimentant de gigantesques inégalités.

  • Le capitalisme demeure un système obsédé par la compétitivité où la concurrence reste l'alpha et l'omega de son développement. Ainsi encouragée, la lutte de tous contre tous favorise les comportements égoïstes au détriment de la solidarité et des coopérations entre êtres humains.

  • Le capitalisme demeure un système où rien n'est jamais acquis définitivement et où toutes les conquêtes historiques peuvent être remises en cause à n'importe quel moment, en fonction d'une conjoncture et de rapports de force donnés.

 

marx oeil.jpgC'est dire si les travaux de Marx, ses intuitions et ses recommandations, représentent encore maintenant un point d'appui et des éléments de réflexion utiles dans la difficile recherche de solutions de rechange au désordre du capital. Et plus que jamais, sa méthode d'analyse des rapports sociaux constitue un fil conducteur précieux pour celles et ceux qui s'emploient à bouleverser un statu quo mortifère.

L'héritage de Marx, c'est l'héritage d'une pensée critique et révolutionnaire, pleine de vitalité, mobilisée pour transformer la société, rompre avec la domination bourgeoise, et ouvrir le chemin à l'abolition du salariat et à l'émancipation humaine.

Un vaste chantier toujours ouvert 200 ans après sa naissance.

 

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[1] Voir à ce sujet le remarquable article écrit en 1978 par George Haupt, «Marx et le marxisme», repris dans George Haupt, L'historien et le mouvement social, Maspéro, Paris, 1980, pages 77-107

 

 

 

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