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07 novembre 2017

Renouveler notre logiciel politique

Ah ! ils nous en ont fait approuver des massacres
Que certains continuent d'appeler des erreurs
Une erreur, c'est facile comme un et deux font quatre
Pour barrer d'un seul trait des années de terreur
Ce socialisme était une caricature
Si les temps ont changé, des ombres sont restées
J'en garde au fond du cœur la sombre meurtrissure
Dans ma bouche, à jamais, la soif de vérité

 

Jean Ferrat, Le bilan

 

 

Putilov.jpg

 

 

Il y a 100 ans, un immense espoir. Une révolution populaire authentique. Les révolutionnaires au pouvoir !

Et puis, déceptions.

Pas de «dictature du prolétariat» mais une dictature sur le prolétariat. Pas de grand bond en avant démocratique, mais l'anesthésie des formes et des organes d'auto-organisation du peuple. Pas d'Assemblée constituante mais l'extinction du pluralisme politique et l'interdiction progressive de toutes les formations, socialistes comprises.

Et aussi, création d'une police politique. Arrestations arbitraires. Procès expéditifs et truqués. Tortures. Disparitions. Exécutions sommaires. Premières déportations vers des camps. Ecrasement de toute opposition. Cronstadt.

Et puis, contrôle total de l'Etat par un parti unique, le Parti communiste. Mise au pas des oppositions internes. Interdiction des tendances et fractions. Monolithisme idéologique.

Certes, des explications existent. Et de taille. Le climat de violence extrême de l'époque. La première guerre mondiale de l'histoire, boucherie d'une ampleur inédite. Une «paix infâme» imposée par l'empire allemand. La guerre civile et l'intervention des puissances impérialistes. La contre-révolution à l'offensive, sur tous les fronts. Le chaos généralisé, dans un pays souffrant déjà de retards économiques. Une classe ouvrière famélique et une immense paysannerie. La «révolution mondiale» qui ne vient pas. L'inexpérience des nouveaux dirigeants.

 

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Mais des explications ne peuvent constituer des justifications.

Les Bolchéviks au pouvoir ont très vite tourné le dos aux idéaux des Bolchéviks dans l'opposition. Les proclamations programmatiques volontaristes ont cédé le pas aux «nécessités de l'urgence », rapidement transformées en un système figé et durable de mesures arbitraires. Une politique dure, coercitive, est mise en oeuvre pour rester aux commandes, coûte que coûte.

Dès lors, la révolution se métamorphose en contraire d'une révolution. Ses accents libertaires s'évaporent. Une bureaucratie tenace se déploie sur tout le territoire.

Se constitue alors le terreau sur lequel va prospérer le «stalinisme». Entre les années trente et les premières années post-révolutionnaires, pas de changement de nature mais un énorme changement d'échelle. Avec un ordre répressif qui frappera finalement des «communistes» eux-mêmes, dont la plupart des grandes figures de 1917 !

Totalitarisme, goulag, nomenklatura tentaculaire, victimes innombrables : tout cela ne contrariera pas, durant des décennies, au sein même des mouvements ouvriers, la ténacité d'innombrables soutiens aveuglés, ne tarissant pas d'éloges sur un prétendu «bilan globalement positif» des pays du «socialisme réellement existant» !

 

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Impossible ici d'entrer dans les détails des 74 années tumultueuses qui ont précédé la disparition de l'URSS, issue des «10 jours qui ébranlèrent le monde». Entraînant d'ailleurs dans sa chute le bloc des régimes structurellement assimilés au lendemain de la seconde guerre, qui ne pouvaient décidément exister sans la «protection du Grand Frère» !

Au total donc, un gâchis terrible. Avec de lourdes conséquences pour le mouvement social opposé au capitalisme depuis tant de décennies. Car avec l'échec du «projet émancipateur» au XXème siècle, c'est la perspective de solutions de rechange crédibles à l'oppression et à l'exploitation capitalistes qui a été discréditée. De nos jours, il est devenu bien difficile de se revendiquer positivement du communisme !

Bien sûr, 2017 n'est pas/plus 1917 ! La différence ? Cent ans ! Boutade ? Non ! En un siècle, que de bouleversements gigantesques, avec des avancées sociales et démocratiques indéniables, issues de la lutte des classes.

Mais aussi avec la domination consolidée d'un capitalisme -financiarisé et globalisé- plus arrogant que jamais, l'hégémonie de l'idéologie «néo-libérale», la colonisation de l'imaginaire collectif, la promotion de l'individualisme et de l'affrontement de tous contre tous, le développement du productivisme et d'un consumérisme aliénant, de sombres perspectives pour le devenir de notre espèce, hypothéqué par le dérèglement climatique et la crise sans précédent des écosystèmes !

C'est dire si les enjeux -en terme d'émancipation humaine et de sauvegarde d'un environnement viable- ne sont pas moins grands aujourd'hui que lors de l'Octobre rouge.

En prenant appui sur les enseignements des échecs de toutes les tentatives de transformation sociale et politique tout au long du «court XXème siècle», il importe maintenant de préparer l'avenir en construisant des alternatives «révolutionnaires» adaptées à notre époque et à nos sociétés. Un vaste chantier qui mobilise déjà divers mouvements dans de nombreux pays.

 

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Comme le proclamait la jeunesse, il y a près de 50 ans, lors d'un joli mois de mai : «ce n'est qu'un début, le combat continue».

Une formule toujours d'actualité, et pour un bon bout de temps...

 

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06 novembre 2017

100 années de controverses (I)

Comme attendu, la commémoration du centenaire de la Révolution d'Octobre 1917 entraîne la multiplication de publications de toute nature : rééditions, livres inédits, numéros spéciaux de revues.Ainsi que la programmation de nombreux documentaires  et émissions de télévision, disponibles ensuite sur le net. L'occasion de se rappeler que cet événement majeur a fait couler beaucoup d'encre depuis un siècle, et suscité d'âpres débats et de virulentes polémiques. Rapide survol avec des extraits choisis. En toute subjectivité bien entendu...

 

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Or, la dictature du prolétariat, c'est-à-dire l'organisation de l'avant-garde des opprimés en classe dominante pour mater les oppresseurs, ne peut se borner à un simple élargissement de la démocratie. En même temps qu'un élargissement considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches, la dictature du prolétariat apporte une série de restrictions à la liberté pour les oppresseurs, les exploiteurs, les capitalistes. Ceux-là, nous devons les mater afin de libérer l'humanité de l'esclavage salarié; il faut briser leur résistance par la force ; et il est évident que, là où il y a répression, il y a violence, il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de démocratie.

Lénine, 1917

 

En tant que parti politique, nous ne pouvons pas être tenus pour responsables du cours de l'histoire. Mais nous n'en sommes que plus responsables devant notre classe : la rendre capable de mener à bien sa mission à travers toutes les déviations du cheminement historique, voilà notre devoir fondamental.

Léon Trotsky, 1917

 

Révolution permanente ou massacre permanent ! Telle est la lutte dont l'enjeu est le sort de l'humanité !

 

Léon Trotsky, 1917

 

Les magnifiques événements de Russie agissent sur moi comme un élixir de vie. C’est bien pour nous tous un message de salut qui nous vient de là-bas ; je crains que, tous autant que vous êtes, vous ne sachiez pas en apprécier l’importance, et que vous ne sentiez pas assez que c’est notre propre cause qui triomphe là-bas. Ces événements auront, devront nécessairement avoir un effet salvateur sur le monde entier ; il faut que leur rayonnement atteigne l’Europe entière. J’ai la conviction inébranlable qu’une nouvelle époque commence, et que la guerre ne peut plus durer longtemps.

Rosa Luxemburg, 1917

 

La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les membres d'un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n'est pas la liberté. La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement. Non pas par fanatisme de la "justice", mais parce que tout ce qu'il y a d'instructif, de salutaire et de purifiant dans la liberté politique tient à cela et perd de son efficacité quand la"liberté" devient un privilège.

Rosa Luxemburg, 1918

 

rosa-lux_0.pngL'erreur fondamentale de la théorie Lénine-Trotsky est précisément que, tout comme Kautsky, ils opposent la démocratie à la dictature. "Dictature ou démocratie", ainsi se pose la question pour les bolcheviks comme pour Kautsky. Ce dernier se prononce bien entendu pour la démocratie, et même pour la démocratie bourgeoise, puisqu'il l'oppose à la transformation socialiste Lénine-Trotsky se prononcent au contraire pour la dictature d'une poignée de personnes, c'est-à-dire pour la dictature selon le modèle bourgeois. Ce sont là deux pôles opposés, tout aussi éloignés l'un et l'autre de la véritable politique socialiste. Le prolétariat, une fois au pouvoir, ne peut, suivant le bon conseil de Kautsky, renoncer à la transformation socialiste sous prétexte que "le pays n'est pas mûr" et se vouer à la seule démocratie, sans se trahir lui-même et sans trahir en même temps l'Internationale et la révolution. Il a le devoir et l'obligation, justement, de se mettre immédiatement, de la façon la plus énergique, la plus inexorable, la plus brutale, à l'application des mesures socialistes, et, par conséquent, d'exercer la dictature, mais une dictature de classe, non celle d'un parti ou d'une clique, dictature de classe, c'est-à-dire avec la publicité la plus large, la participation la plus active, la plus illimitée, des masses populaires, dans une démocratie complète. "En tant que marxistes, nous n'avons jamais été idolâtres de la démocratie formelle", écrit Trotsky. Assurément, nous n'avons jamais été idolâtres de la démocratie formelle. Mais du socialisme et du marxisme non plus, nous n'avons jamais été idolâtres.

Rosa Luxemburg, 1918

 

Toute la tragédie du moment est précisément due à ce que la minorité dirigeante du parti guidée par Lénine n'a rien d'autre à proposer que des paroles.

Nicolas Boukharine, 1918

 

J'ai assisté au Congrès des Soviets, j'ai entendu Trotsky, le grand dictateur visible, car Lénine se montre très rarement. Ce sont ces deux hommes qui mènent tout. Ils reconstruisent un Etat centralisé comme l'ancien régime, mais inspiré d'une âme socialiste.

Pierre Pascal, 1918

 

Quoi qu'on pense du bolchévisme, il est indéniable que la révolution russe est un des grands événements de l'histoire de l'humanité et la venue au pouvoir des Bolchéviks est un fait d'importance mondiale.

John Reed, 1919

 

La révolution française avait proclamé les droits de l'homme, la révolution bolchévique proclame les droits de l'Etat sur l'homme.

Albert Londres, 1920

 

kropotkine.jpegLes Bolchéviks sont les jésuites de l'Eglise socialiste, ils croient en la devise jésuite selon laquelle la fin justifie les moyens.Leur but étant le pouvoir politique, ils ne reculent devant rien. Mais les moyens employés ont brisé l'énergie des masses et terrorisé le peuple. Et sans le peuple, sans la participation directe des masses dans la reconstruction du pays, rien d'essentiel ne peut être accompli. Les Bolchéviks ont été portés au sommet par la puissante vague de la révolution. Une fois au pouvoir, ils se sont retournés contre la vague.

Pierre Kropotkine, 1920

 

Nous avons passé pas mal de temps à discuter et je dois dire que, maintenant, il vaut beaucoup mieux «discuter avec les fusils» qu'avec les thèses préconisées par l'opposition. Il ne faut plus d'opposition, camarades, ce n'est pas le moment ! Ou bien par ici, ou bien par là, avec un fusil et pas avec l'opposition. Cela découle de la situation objective, ne vous en prenez à personne. Camarades, nous n'avons pas besoin d'opposition à présent ! Et je crois que le congrès devra arriver à cette conclusion, il devra conclure que l'opposition à présent est finie et bien finie, nous en avons assez des oppositions !

Lénine, 1921

 

Parler d’un « État ouvrier », c’est une abstraction ! Lorsque nous parlions de l’État ouvrier en 1917, c’était normal ; mais aujourd’hui, lorsque l’on vient nous dire : « Pourquoi défendre la classe ouvrière, et contre qui, puisqu’il n’y a plus de lenine.jpgbourgeoisie, puisque l’État est un État ouvrier », on se trompe manifestement car cet État n’est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic… En fait, notre État n’est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c’est une première chose… Notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique. Et c’est cette triste, comment dirais-je, étiquette, que nous avons dû lui apposer. Voilà la transition dans toute sa réalité… Notre État est tel aujourd’hui que le prolétariat totalement organisé doit se défendre, et nous devons utiliser ces organisations ouvrières pour défendre les ouvriers contre leur État et pour que les ouvriers défendent notre État.

Lénine, 1921

 

Il n'est pas vrai que le peuple russe soit en lutte. Au contraire, la vérité à ce sujet, c'est qu'il a été quasiment exproprié et que l'Etat bolchévique -tout comme un propriétaire industriel bourgeois- se sert du sabre et du canon pour le maintenir dans cette condition. Dans le cas bolchévique, leur tyrannie est marquée par une idéologie propre à bouleverser le monde : c'est ainsi qu'ils ont réussi à aveugler les masses. C'est justement parce que je suis une révolutionnaire que je refuse de me ranger aux côtés de la classe dirigeante, qui en Russie s'appelle Parti communiste.

Emma Goldman, 1922

 

Il faut reconnaître que la politique prolétarienne du parti est déterminée actuellement non par ses effectifs mais par l'autorité immense et sans partage de cette couche très mince que l'on peut appeler la vieille garde du parti.

Lénine, 1922

 

Les masses se rendent compte du caractère réactionnaire du régime bolchévique : son régime de terreur et de persécution des non-communistes est condamné. La torture, dans les prisons politiques de la dictature et dans les camps de concentration du Grand Nord et de Sibérie, réveille les consciences des progressistes du monde entier. Dans presque tous les pays, des associations de défense et d'aide aux prisonniers politiques de Russie se sont constituées, pour demander leur libération et le rétablissement de la liberté d'opinion et d'expression.

Emma Goldman, 1925

 

 

De la démocratie du parti, il ne reste que des souvenirs dans la mémoire de la vieille génération. Avec elle, la démocratie des soviets, des syndicats, des coopératives, des organisations sportives et culturelles s’est évanouie. La hiérarchie des secrétaires domine tout et tous. Le régime avait acquis un caractère totalitaire plusieurs années avant que le terme ne nous vint d’Allemagne. « A l’aide des méthodes démoralisantes qui transforment les communistes pensants en automates, tuent la volonté, le trotsky5.jpgcaractère, la dignité humaine», écrivait Rakovsky en 1928, « la coterie gouvernante a su devenir une oligarchie inamovible et inviolable ; et elle s’est substituée à la classe et au parti». Depuis que ces lignes indignées ont été écrites, la dégénérescence a fait d’immenses progrès. La Guépéou est devenu le facteur décisif de la vie intérieure du parti. Si Molotov a pu, en mars 1936, se féliciter devant un journaliste français de ce que le parti gouvernant ne connaisse plus de luttes fractionnelles, c’est uniquement parce que les divergences de vues y sont désormais réglées par l’intervention mécanique de la police politique. Le vieux parti bolchevique est mort, aucune force ne le ressuscitera.

Léon Trotsky, 1936

 

souvarine.jpgLa vie intérieure de la Russie dite soviétique, terme impropre car depuis longtemps les soviets ont cessé d’exister, est dominée dans les dernières années par une véritable extermination de la «vieille garde» bolcheviste, c’est-à-dire des anciens cadres politiques dont le rôle s’identifie à l’histoire même de la révolution d’Octobre. Cette immolation a lieu sous des formes diverses, par de multiples procédés au nombre desquels les récents procès de Moscou, peut-être les plus terrifiants mais non les seuls efficaces (car bien d’autres communistes et révolutionnaires de toutes nuances périssent, anonymes, par la faim, le froid, l’épuisement, la maladie, dans des bagnes de toutes sortes, sans passer par aucun appareil judiciaire).

Boris Souvarine, 1937

 

Aussi n'existe-t-il nulle part dans le monde de contradiction aussi flagrante entre la théorie officielle et la vie réelle, entre les espoirs et leur réalisation, entre les mots et les actes. Mais l'idéologie officielle est la seule admise en URSS, ce qui fait que la vie politique et sociale en Russie est pénétrée de mensonge à un degré inouï. Cela se voit à chaque pas, cela se sent chez tous les citoyens, quelle que soit leur condition, cela frappe chez l'orateur à la tribune, aux premiers mots qu'il prononce. Cette contradiction terrible m'a poursuivi tout au long des dix années que j'ai vécues en URSS.

 

Ante Ciliga, 1937

 

 

 

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15 août 2017

Autour d'un centenaire (4)

REVOLUTION...S

 

werth livre.jpgL'histoire de la révolution russe n'est pas l'histoire d'un peuple rassemblé derrière un parti uni pour la conquête du pouvoir et l'édification du socialisme.

En réalité, en pleine guerre mondiale, le régime autocratique de Nicolas II se désagrège et s'effondre, balayé par «une révolution sociale, multiforme et autonome».

C'est la complexité de ce processus que Nicolas Werth tente de nous restituer dans un livre de synthèse [1] .

L'auteur souligne que 1917 découla finalement d'une convergence temporaire entre une volonté politique (celle de Lénine et ses camarades) et une multitude de mouvements contestataires ; et chacun de ceux-ci avait «sa propre temporalité, sa dynamique interne, ses aspirations qui ne sauraient être réduites ni aux slogans bolchéviks ni à l'action politique de ce parti ».

Parmi les différentes expressions de ce «foisonnement», il pointe :

  • Les soldats, majoritairement des paysans sous l'uniforme, épuisés par trois années de conflit meurtrier et qui aspirent à la cessation rapide des hostilités.

  • La paysannerie qui déclenche une vaste «jacquerie» à l'encontre des propriétaires fonciers, bien sûr, mais aussi contre toute ingérence étatique et contre toute emprise de «la ville».

  • Un «mouvement ouvrier» confronté à un patronat intransigeant, qui développe un programme révolutionnaire spécifique articulé autour de mots d'ordre comme «le contrôle ouvrier» et «tout le pouvoir aux soviets».

  • Les nations et les peuples allogènes de l'empire, en voie de disparition, engagés dans un combat pour leur «émancipation».

 

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Telle est, pour Werth, la toile de fond du «coup d'Etat minutieusement  préparé» qui permit aux Bolcheviks de s'emparer du pouvoir le 25 octobre (7 novembre) 1917.

L'auteur détaille, en huit chapitres rondement menés, les événements et leur épilogue qui furent un véritable coup de tonnerre dans une époque qui n'en manquait pourtant pas.

Pour conclure, il consacre un neuvième et dernier volet aux «débats et controverses» suscités par cette irruption révolutionnaire, prélude au «court vingtième siècle» (Hobsbawm).

Il distingue «trois grands courants interprétatifs» : l'historiographie soviétique, l'historiographie libérale et l'historiographie qualifiée de « révisionniste », qui est apparue dans les années 1960-1970, aux Etats-Unis.

Pour la première, Octobre confirmerait «les lois de l'histoire découvertes par Marx» et traduirait le triomphe d'un parti d'un type nouveau, le parti «léniniste», formation disciplinée, centralisée et monolithique, mobilisée par un seul but : la révolution.

Pour la seconde, Octobre constituerait seulement un «accident malencontreux de l'histoire» dû à des circonstances exceptionnelles.

Pour la troisième, soucieuse d'analyser le processus en «partant d'en-bas», Octobre fut bien un mouvement de masse mais confisqué par une minorité agissante.

On suivrait volontiers l'historien si son propos était moins partiel et partial. Pourquoi oublier d'autres analyses et grilles interprétatives, issues notamment du «mouvement communiste» ou de «la gauche», comme celles des courants «trotskystes» et «libertaires» ?

Ainsi, quand Werth martèle que le Parti Bolchévik n'était pas ce parti homogène et uni vanté par les «historiens soviétiques», mais une formation politique profondément divisée, il se contente -désolé pour l'expression - d'enfoncer une porte ouverte !

lénine 1.jpgIl suffit de lire la monumentale «histoire de la révolution russe» de Léon Trotsky [2] pour s'en convaincre. Un Trotsky qui explique longuement les confrontations internes et la lutte opiniâtre menée par Lénine pour «réarmer le parti».

Werth détaille enfin les différents points de vue concernant « l'échec du gouvernement provisoire » ou la question de « la violence » dans le processus révolutionnaire russe, pour conclure par un coup de chapeau à... François Furet, dénonciateur tardif du «mythe révolutionnaire» -qui trouverait sa source dans la révolution française !-  et féroce pourfendeur du «communisme» [3].

Mais ceci est une autre histoire autour d'une séquence historique qui fait toujours débat, cent ans plus tard...

 

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[1] Werth Nicolas, Les révolutions russes, PUF (Que sais-je ?), Paris 2017.

Agrégé d'histoire et directeur de recherche au CNRS, Werth a participé au fameux et très polémique «Livre noir du communisme» (Laffont, Paris 1997) . Néanmoins, sa contribution à cette édifiante «brique» était plus intéressante que celle d'un Stéphane Courtois, par exemple.

[2] Trotsky Léon, Histoire de la révolution russe, Seuil, Paris, 1950.

[Egalement disponible en poche (2 volumes), toujours au Seuil (Point/Politique en 1967 et Point/Essai en 1995)].

Véritable «chef d'oeuvre de la littérature marxiste», cette volumineuse histoire reste incontournable, même si un siècle plus tard et les progrès de la recherche historique aidant, ce «témoignage» fécond mérite discussion(s).

[3] Furet François, Le passé d'une illusion, Laffont/Calmann-Lévy, Paris, 1995.

Comme beaucoup d'anciens militants staliniens repentis (il quitta le PCF en 1959), Furet fut un féroce détracteur de l'URSS et des pays du «socialisme réellement existant»...

 

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