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25 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 219

"Il alla examiner les fenêtres. Son travail avait été bien fait. Chaque ouverture était obstruée. Il voulut redoubler encore de précautions. Il prit des cales, des bouts de métal et de bois, et les fixa sur les côtés des planches pour les renforcer. Ses coups de marteau masquaient un peu le bruit des oiseaux, le frottement, le tapotement et, plus menaçant encore - il ne voulait pas que sa femme et ses enfants l'entendissent -, le tintement du verre brisé."

 

 

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24 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 218

 

"Tel est en général le monde des adversaires de la violence politique : ils la repoussent tant qu'il s'agit de modifier ce qui existe, mais pour la défense de l'ordre, ils ne reculent pas devant la répression la plus implacable."

 

 

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23 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 217

"L'extension moderne du marché unifie toutes les créations artistiques comme objets de consommation de masse. Dans les arts nobles, ça signifie que les pauvres accrochent dans leurs chiottes la reproduction des œuvres que les riches accrochent dans leurs chiottes sous leur forme originale. Pour les arts populaires, ça signifie qu'ils sont saisis par le marché et subissent le même sort : les pauvres lisent des bandes dessinées imprimées à des millions d'exemplaires, pendant que les riches spéculent sur des planches originales. La situation en est arrivée au point que certains dessinateurs réalisent des planches de BD qui ne font partie d'aucune histoire en BD effectivement réelle, et les vendent à la fois aux riches, comme planche originale, et aux pauvres comme reproduction d'une planche originale qui n'a à proprement parler ni queue ni tête, puisqu'elle ne fait partie d'aucune BD effectivement réelle. De même, une revue moderniste m'a demandé si je n'avais pas à lui fournir quelques pages d'un brouillon sans rapport avec aucun des mes ouvrages publiés, qu'elle se proposait d'imprimer. Un cadre de la Série Noire me disait très justement : “Votre problème, c'est que vous pouvez à présent écrire n'importe quoi, publier des pages blanches ou des reproductions photographiques de vos étrons, ça se vendra plus ou moins, mais ça se vendra.” Quand je dis que le mouvement du capital tend à valoriser tout, je ne rigole pas, parce qu'il n'y a vraiment pas de quoi rire.

Quant à la question d'une éventuelle littérature progressiste, elle est ridicule car, en supposant qu'un texte de gauche vaut mieux qu'un texte de droite, elle oublie que les textes, pas plus que les hommes, ne sont ce qu'ils disent être, c'est-à-dire qu'elle abandonne toute critique de l'idéologie et qu'elle se trouve donc en plein idéalisme, et en retrait sur ce que nos meilleurs porte-parole, Marx et Engels, écrivaient dès la première moitié du dix-neuvième siècle."

 

 

 

 

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22 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 216

"Les enfants vinrent à notre rencontre. Ils avaient bien l'air de pensionnaires d'une institution, dans leur uniforme, les garçons en chemise de coton bleu et pantalon de flanelle grise, les filles en jupe courte, plissée et grise, et blouson jaune clair.

Jusqu'alors, je n'avais vu que de loin les visages des deux Enfants qui se tenaient devant la salle.

 

À leur approche, je trouvai la ressemblance entre eux plus grande encore que je ne m'y attendais. Tous les quatre avaient le même teint bronzé. La luminescence de leur peau, qu'on avait pu remarquer à leur naissance, était fortement diminuée par le hâle du soleil, mais il en restait assez pour attirer l'attention. Ils avaient les mêmes cheveux blond foncé, les mêmes nez droits et minces, et les mêmes petites bouches. Ce qui leur donnait le plus l'aspect d'“étrangers” était sans conteste la façon dont leurs yeux étaient disposés, qui ne rappelait en rien une race déterminée habitant une région précise. C'était une simple impression. Rien ne me permettait de distinguer un garçon d'un autre, et, n'étaient les cheveux, je n'aurais pas pu distinguer avec certitude un garçon d'une fille.

Bientôt, je pus voir leurs yeux. J'avais oublié qu'ils étaient déjà extraordinaires quand ils étaient bébés, et je me les rappelais comme étant jaunes. Mais ils étaient plus que cela : l'or de leurs yeux était étincelant. Étrange en effet. Mais si on mettait de côté cette notion d'étrangeté, ils étaient d'une étonnante beauté : ces yeux avaient l'air de gemmes vivantes.

Je continuais à les regarder, fasciné, pendant qu'ils parvenaient à notre hauteur. Ils ne faisaient guère attention à nous, et étaient encore moins embarrassés par nos regards. Ayant accordé à la voiture un bref coup d’œil, ils s'engagèrent sur le chemin d'Hickham."

 

 

 

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21 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 215

"En ne proposant que la dévalorisation du travail et la mise en coupe réglée de la nature, le capitalisme est dépourvu de tout projet émancipateur, de toute capacité de compromis, et ce n’est pas la multiplication des smartphones et des tablettes, dont l’obsolescence est encore plus rapide que l’innovation technique, qui peut redonner du sens. Pas de projet, pas de sens, même si le capitalisme avait encore un avenir, il n’y a plus d’avenir dans le capitalisme."

 

 

 

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20 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 214

"Martins n'était pas arrivé au deuxième étage qu'il avait déjà la certitude qu'il ne trouverait pas Lime, mais ce silence était plus profond que la simple absence... Il savait qu'il ne trouverait Harry Lime nulle part à Vienne, et lorsqu'il atteignit le troisième palier et vit un grand nœud noir au bouton de la porte, il comprit qu'il ne le rencontrerait plus sur terre."

 

 

 

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19 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 213

"Il leva le flacon et dit :

— À Lewis Carroll.

Comme c'était un toast, je le priai d'attendre un instant, débouchai vivement ma bouteille de whisky et la levai aussi. Il n'y avait pas de raison que je ne participe pas à ce toast, du moment que mes lèvres de néophyte ne profanaient pas l'élixir sacré, quel qu'il fût, que contenait la fiole.

Nous trinquâmes, flacon contre bouteille, et il avala le tout selon sa stupéfiante méthode.

J'étais en train de reboucher la bouteille de whisky quand Yehudi Smith mourut.

Il lâcha le flacon marqué “BUVEZ-MOI” et porta une main à sa gorge, mais je crois bien qu'il était mort avant que la fiole ne s'écrase sur le plancher. Il grimaçait de douleur, mais il ne dut pas souffrir plus d'une fraction de seconde. Ses yeux grands ouverts devinrent vitreux et fixes. Et sa chute fit trembler toute la maison."

 

 

 

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18 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 212

 

"Trotsky n'était pas seulement un théoricien marxiste, un dirigeant politique, un leader de masse, un chef militaire et un brillant orateur, mais aussi l'une des plus fines plumes de son temps —“le plus grand écrivain européen vivant” au dire de Bertolt Brecht [propos rapportés par Walter Benjamin, Selected Writings, volume 2, partie 2, 1931-1934]. Ses descriptions de l'état d'esprit des masses en mouvement dans La Révolution Russe (1930-1932), mais aussi ses innombrables portraits de personnalités aussi différentes que Jean Jaurès, Gueorgui Plekhanov, Julius Martov, Édouard Herriot ou Adolf Hitler, révèlent des talents d'analyse et d'observation hors pair.

Ses lectures de Tolstoï, de Pilniak, de Blok, d'Essenine, de Maïakovski, mais aussi d'auteurs étrangers comme Céline, Malaquais, Malraux, London ou Silone, traduisent une attention particulière aux conditions de production, à la qualité artistique et aux résonances sociales de leurs œuvres, comme à l'inscription de celles-ci dans le temps long de la littérature universelle (Littérature et Révolution, 1924). Son intérêt pour le futurisme ou le surréalisme, mais aussi pour la psychanalyse, de même que sa défense intransigeante de la liberté de création artistique, font de Trotsky une figure assez exceptionnelle parmi les dirigeants communistes du premier vingtième siècle."

 

 

 

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