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08 décembre 2014

Doutes, interrogations, bifurcations

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« Si le gouvernement met une tax shift  [glissement de la fiscalité du travail vers le capital]  à l’ordre du jour, la CSC serait prête à s’asseoir à la même table que le gouvernement et à prendre ses responsabilités » (1) « Nous avons reçu le mandat de suspendre l’action du 15 décembre et de la déplacer en 2015 si un signal arrive cette semaine du gouvernement concernant un impôt sur la fortune » (2) « On est pourtant clair : on ne demande pas le retrait des mesures, mais au moins leur suspension » (3)

Décidément, certains dirigeants syndicaux soufflent le chaud et le froid.  Il est parfois question dans leurs déclarations de « grève générale illimitée », mais ils donnent aussitôt l’impression de chercher une porte de sortie en espérant que Michel Ier les aide à la trouver !

Toutefois, ce scénario providentiel a un adversaire de taille : la NVA !

Le CD&V et les Libéraux  -habitués de longue date à gouverner-  sont en effet capables de manœuvrer. Ils n’ont jamais hésité, dans le passé, à lâcher un peu de lest pour contenir une contestation sociale et mettre dans leur poche l’une ou l’autre organisation syndicale. Mais le parti de Bart De Wever, novice gouvernemental de la droite extrême,  ne veut abandonner aucune des mesures prévues dans le programme des coalisés, ni faire le moindre  geste pour « équilibrer » la facture salée présentée à la population !

Difficile, dans ces conditions,  pour les décideurs syndicaux de planifier un atterrissage en douceur après la grève générale nationale du mois de décembre !

manifestation 6 novembre 14.jpgFaute de marge de manoeuvre, ils sont maintenant confrontés à un dilemme : soit poursuivre et amplifier la mobilisation contre la coalition des droites, avec le risque de perdre le contrôle de la situation ; soit mettre fin sèchement au mouvement des grèves et devoir ainsi assumer une défaite lourde de conséquences pour les travailleurs avec ou sans emploi (leur « base » !), et singulièrement délétère pour le système de la « concertation à la belge », érigé par beaucoup  en « modèle » universel ! 

Or, à l’évidence, le rêve des piliers de cette majorité gouvernementale est  de frapper durement les syndicats  afin de garder les mains libres dans le déploiement de politiques destinées à casser les derniers vestiges de « l’Etat social ». Les  remises en cause du « droit de grève » au nom du « droit au travail » illustrent bien  cette volonté d’en découdre de manière frontale !

Une autre difficulté : là où ils sont encore au pouvoir, les « amis » et les « relais » du PS mettent également en œuvre des politiques de « rigueur budgétaire » ( !), qui sont loin d’être indolores pour les citoyens, même si leur vigueur est un ton en dessous de l’austérité imposée par la machine de guerre fédérale. Un fait qui handicape la perspective d’une alternative convaincante.

Les données de l’actuelle conjoncture étant ce qu’elles sont, que pouvons-nous dès lors attendre et que devons nous tenter d’impulser dans les semaines à venir ?

1.       Les actions. Jamais dans notre histoire sociale, une grève nationale grève générale pour la justice sociale.jpginterprofessionnelle au finish n’a été décrétée par le sommet du front commun syndical. En sera-t il autrement en 2014-2015, alors que la crise et les politiques « austéritaires » successives ont infligé au syndicalisme de nombreux revers et l’ont affaibli ? Plutôt aléatoire, on en conviendra ! Une telle issue est envisageable pour autant qu’elle soit portée par une lame de fond venant « d’en bas ».  Il n’est pas certain que nous en sommes à ce stade aujourd’hui malgré les provocations répétées du gouvernement NVA-MR. Mais celui-ci n’est pas à l’abri du dérapage de trop et il suffit parfois d’un événement « inattendu »  pour bouleverser une donne.

2.      L’alternative. Il reste beaucoup de travail pour la construire.  Ainsi, la réalité parlementaire indique que socialistes, écologistes et PTB-PVDA disposent aujourd’hui de 50 députés à la Chambre. 50 sur 150 (4) ! Et face à une « gauche gestionnaire et de droite », la « gauche de gauche » reste fortement minoritaire malgré la belle percée électorale du PTB-GO dans le sud du pays. L’urgence commande cependant d’avancer pas à pas, sans attendre l’avènement d’une solution de rechange crédible.  La priorité est de mettre en échec la droite gouvernementale en empêchant qu’elle concrétise ses objectifs, ce qui passera inévitablement par sa chute. Ensuite ? Tout ne sera pas résolu, miraculeusement. Cette menace éventuellement écartée, d’autres feront rapidement leur apparition. En cas d’élections, et en cas de défaite des partis de l’actuelle coalition au pouvoir (ce qui n’est pas assuré), le PS pourrait remonter au fédéral dans le cadre d’une tripartite traditionnelle. Nous ne serions pas débarrassés de l‘austérité et la lutte pour la défense des acquis/conquis restera alors indispensable. Des combats qui devront être combinés avec le travail de construction d’une solide  force politique « anticapitaliste ». Ce qui est loin d’être évident tant un changement de rapports de forces à l’intérieur de la gauche est nécessaire pour encourager un changement de cap de la « gauche de gouvernement », et rendre ainsi possible l’émergence d’un débouché politique inédit. Et pour rendre l’équation un peu plus ardue, il reste une autre inconnue épineuse : vu la configuration politique de la Flandre, la perspective d’une hégémonie de la gauche au niveau de la Belgique dans son ensemble est improbable dans un délai raisonnable.  Celle-ci pourrait se matérialiser plus rapidement en Wallonie. Naturellement cette perspective pose immédiatement la question du confédéralisme. Un tabou pour tous les belgicains (« nationalistes belges »), y compris de gauche voire d’extrême-gauche !

 

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Force est donc de constater que nous nous situons au cœur de nœuds extrêmement complexes. Le déroulement des événements et les prises de position quotidiennes des uns et des autres paraissent souvent déconcertants, et il n’est pas facile de trouver une issue enfin favorable au plus grand nombre.

Tout est évidemment plus simple pour celles et ceux qui sont persuadés que le capitalisme constitue la « fin de l’histoire » et qu’il n’existera jamais d’alternative à celui-ci, ou pour celles et ceux  -moins nombreux il est vrai-   qui sont convaincus de l’imminence du « grand soir » et du caractère superfétatoire de toute autre considération.

Les incertitudes du moment devront vite trouver des réponses adéquates, histoire d’éviter des désillusions supplémentaires.

Le défi est de taille pour tous les partisans d’une transformation radicale de la société, et le dénouement de l’affrontement actuel pourrait peser lourd sur la traduction concrète d’une réponse authentiquement de gauche face aux crises qui déstabilisent les salariés et les allocataires sociaux.

Plus que jamais, l’avenir s’écrit au présent.

Un autre rendez-vous à ne pas manquer…

 

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Notes

 

(1)    Marc Leemans, président de la CSC, L’Echo, 25/11/2014.

(2)   Jan Vercamst, président de la CGSLB,  Le Vif, 7/12/2014

(3)   Marc Goblet, secrétaire général de la FGTB, Sud Presse, 8/12/2014

(4)   Dans l’entité fédérée wallonne, le rapport de forces est moins défavorable, même si les 36 députés du PS, d’Ecolo et du PTB-GO  -sur 75 !-  ne constituent pas (encore) une majorité. Il n’empêche que les perspectives de la constitution d’un « gouvernement des gauches » sont ici meilleures. Ce qui ouvre le débat sur la question nationale et remet sur le devant de la scène la revendication démocratique du droit à l’autodétermination des peuples.

 

 

 

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