04 décembre 2022
"BOUQUINAGE" - 77
"Tout à coup, il se prit à lutter avec cette innommable entité qui l'avait assailli et, d'un mouvement qui lui coûta ses dernières forces, il la jeta hors du lit.
Il n'entendit aucun bruit de heurt, mais eut le sentiment que l'ennemi ténébreux avait subi une défaite et souffrait.
Ce fut grâce au clair de lune qui glissait par la porte qu'il put enfin voir quelque chose.
C'était informe et très noir, mais il sentit parfaitement que c'était Mademoiselle Marie qui s'agitait dans ce sombre tourbillon en une souffrance inouïe.
La chose allait pourtant reprendre des forces et, cela aussi, il le sentait. Mais il savait également que, cette fois-ci, il allait être hideusement vaincu dans cette lutte, dont la finale serait pour lui pire que la mort. Soudain il entendit un bruit étrange, merveilleux et à la fois terrible ; une autre présence était là, redoutable au-dessus de toute compréhension.
Le clavecin chanta sur un mode plaintif et très doux, puis la masse noire fondit en une fumée qui suivit le rayon de lune avant de disparaître. Une douceur infinie glissa au cœur de Théodule, le sommeil lui revint immédiatement et le recueillit comme une onde salvatrice.
Mais avant d'y plonger dans la béatitude de l'oubli, il vit une grande ombre s'interposer entre lui et la clarté de la veilleuse.
Il vit une immense figure tournée vers lui, si grande et si grave que tout l'être de Notte en frémit de douleur.
Il sut alors, par une révélation mystérieuse éclose au plus profond de son âme, qu'il venait de se trouver face-à-face avec le Grand Nocturne."
00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
03 décembre 2022
"BOUQUINAGE" - 76
00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
02 décembre 2022
"BOUQUINAGE" - 75
"Le nain s'agita. Encore à demi endormi, il passa ses mains maculées de peinture noire sur sa bouche et son menton, y laissant des traînées noires. Puis il se frotta les yeux, les cernant de noir.
— Salut, me dit-il d'une voix endormie.
— Salut, dis-je. J'aime bien votre tableau.
— Vous voyez ce qu'il signifie ?
— Il signifie sans doute quelque chose de différent pour chaque personne qui le regarde.
— C'est le berceau du chat.
— Ah ! Très bien. Les griffures sont des ficelles, n'est-ce pas ?
— C'est un des plus vieux jeux du monde. Même les Eskimos le connaissent.
— Vous m'en direz tant.
— Depuis peut-être cent mille ans ou plus, les grandes personnes agitent des ficelles entremêlées au nez de leurs enfants.
— Hum.
Newt demeurait blotti dans son fauteuil. Il avança ses mains maculées de peinture comme s'il tendait entre elles un berceau de ficelle.
— Pas étonnant que les gosses deviennent fous en grandissant. Un berceau de chat n'est rien d'autre qu'un faisceau d'X entre les mains de quelqu'un, et les gosses regardent tous ces X, ils les regardent, ils les regardent...
— Et ?
— Et il n'y a pas plus de chat que de berceau."
00:14 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |