23 février 2018
Marx dans le texte (3)
Pour l'Allemagne, la critique de la religion est finie en substance. Or, la critique de la religion est la condition première de toute critique.
(...)
Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : l'homme fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. La religion est en réalité la conscience et le sentiment propre de l'homme qui, ou bien ne s'est pas encore trouvé, ou bien s'est déjà reperdu. Mais l'homme n'est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu'ils constituent eux-mêmes un monde faux. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification. C'est la réalisation fantastique de l'essence humaine, parce que l'essence humaine n'a pas de réalité véritable. La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde, dont la religion est l’arôme spirituel.
La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple.
Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé à une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole.
La critique a effeuillé les fleurs imaginaires qui couvraient la chaîne, non pas pour que l'homme porte la chaîne prosaïque et désolante, mais pour qu'il secoue la chaîne et cueille la fleur vivante. La critique de la religion désillusionne l'homme, pour qu'il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu'il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n'est que le soleil illusoire qui se meut autour de l'homme, tant qu'il ne se meut pas autour de lui-même.
L'histoire a donc la mission, une fois que la vie future de la vérité s'est évanouie, d'établir la vérité de la vie présente. Et la première tâche de la philosophie, qui est au service de l'histoire, consiste, une fois démasquée l'image sainte qui représentait la renonciation de l'homme à lui-même, à démasquer cette renonciation sous ses formes profanes. La critique du ciel se transforme ainsi en critique de la terre, la critique de la religion en critique du droit, la critique de la théologie en critique de la politique.
(...)
Mais dès que la réalité sociale et politique moderne est elle-même soumise à la critique, dès que, par conséquent, la critique s'élève à des problèmes vraiment humains, elle se trouve en dehors du statu quo allemand, à moins de prendre son objet par le petit coté. Un exemple ! Le rapport de l'industrie, du monde de la richesse en général, au monde politique est un problème capital des temps modernes. Sous quelle forme ce problème commence-t-il à préoccuper les Allemands ? Sous la forme des tarifs protectionnistes, du système prohibitif de l'économie nationale. La teutomanie a passé des hommes dans la matière, si bien qu'un beau jour nos chevaliers du coton et nos héros du fer se virent métamorphosés en patriotes. On commence donc à reconnaître en Allemagne la souveraineté du monopole à l'intérieur en lui attribuant la souveraineté à l'extérieur. On commence donc à faire en Allemagne ce par quoi l'on a fini en France ou en Angleterre. L'ancien ordre pourri, contre lequel ces peuples se révoltent en théorie, et qu'ils supportent simplement comme l'on supporte des chaînes, est salué en Allemagne comme l'aube naissante d'un bel avenir, qui ose encore à peine passer de la théorie astucieuse à la pratique brutale. Tandis qu'en France et en Angleterre le problème se pose sous la forme économie politique ou pouvoir de la Société sur la richesse, il se pose en Allemagne sous cette forme économie nationale ou pouvoir de la propriété privée sur la nationalité. Il s'agit donc, en France et en Angleterre, d'abolir le monopole qui a été poussé jusqu'à ses dernières conséquences ; et il s'agit en Allemagne d'aller jusqu'aux dernières conséquences du monopole. Là, il s'agit de la solution, ici il ne s'agit encore que de la collision. Et nous voyons suffisamment, par cet exemple, sous quelle forme les problèmes modernes se posent en Allemagne ; et cet exemple nous montre que notre histoire, semblable à une jeune recrue, n'a eu jusqu'ici que la tâche de ressasser des histoires banales.
Si tout le développement allemand ne dépassait donc pas le développement politique allemand, un Allemand pourrait intervenir dans les problèmes du temps présent tout au plus comme un Russe y interviendrait. Mais si l'individu particulier n'est pas lié par les limites de la nation, la nation tout entière est encore bien moins affranchie par l'affranchissement d'un individu. Les Scythes n'ont pas progressé d'un seul pas vers la culture grecque du fait que la Grèce compte un Scythe au nombre de ses philosophes.
Par bonheur, nous autres Allemands ne sommes pas des Scythes.
De même que les anciens peuples ont vécu leur préhistoire dans l'imagination, dans la mythologie, nous autres Allemands nous avons vécu notre post-histoire dans la pensée, dans la philosophie. Nous sommes les contemporains philosophiques du temps présent, sans en être les contemporains historiques. La philosophie allemande est le prolongement idéal de l'histoire allemande. Lorsque, au lieu des œuvres incomplètes de notre histoire réelle, nous critiquons donc les œuvres posthumes de notre histoire idéale, la philosophie, notre critique est en plein milieu des questions dont le présent dit : that is the question. Ce qui, chez les peuples avancés, constitue un désaccord pratique avec l'ordre social moderne, cela constitue tout d'abord en Allemagne, où cet ordre social n'existe même pas encore, un désaccord critique avec le mirage philosophique de cet ordre social.
La philosophie du droit, la philosophie politique allemande est la seule histoire allemande qui soit au niveau avec le présent moderne officiel. Le peuple allemand est donc forcé de lier son histoire de rêve à son ordre social du moment et à soumettre à la critique, non seulement cet ordre social existant, mais encore sa continuation abstraite. Son avenir ne peut se limiter ni à la négation directe de son ordre juridique et politique réel, ni à la réalisation directe de son ordre juridique et politique idéal. La négation directe de son ordre réel, il la possède en effet dans son ordre idéal, et la réalisation directe de son ordre idéal, il l'a déjà presque dépassée dans l'idée des peuples voisins. C'est donc à juste titre qu'en Allemagne le parti politique pratique réclame la négation de la philosophie. Son tort consiste, non pas à formuler cette revendication, mais à s'arrêter à cette revendication qu'il ne réalise pas et ne peut pas réaliser sérieusement. Il se figure effectuer cette négation en tournant le dos à la philosophie et en lui consacrant, à mi-voix et le regard ailleurs, quelques phrases banales et pleines de mauvaise humeur. Quant aux limites étroites de son horizon, la philosophie ne les compte pas non plus dans le domaine de la réalité allemande, ou bien va jusqu'à les supposer sous la pratique allemande et les théories dont elle fait usage. Vous demandez que l'on prenne comme point de départ de réels germes de vie, mais vous oubliez que le véritable germe de vie du peuple allemand n'a poussé jusqu'ici que sous le crâne de ce même peuple. En un mot : vous ne pouvez supprimer la philosophie sans la réaliser.
La même erreur, mais avec des facteurs inverses, fut commise par le parti politique théorique, qui date de la philosophie.
Dans la lutte actuelle, ce parti n'a vu que la lutte critique de la philosophie contre le monde allemand ; et il n'a pas considéré que la philosophie passée fait elle-même partie de ce monde et en est le complément, ne fût-ce que le complément idéal. Critique envers son adversaire, il ne le fut pas envers lui-même : il prit, en effet, comme point de départ, les hypothèses de la philosophie ; mais, ou bien il s'en tint aux résultats donnés par la philosophie, ou bien il alla chercher autre part des exigences et des résultats pour les donner comme des exigences et des résultats immédiats de la philosophie, bien qu'on ne puisse – leur légitimité supposée – les obtenir au contraire que par la négation de la philosophie telle qu'elle fut jusqu'ici, c'est-à-dire de la philosophie en tant que philosophie. Nous nous réservons de donner un tableau plus détaillé de ce parti. Son principal défaut peut se résumer comme suit : Il croyait pouvoir réaliser la philosophie, sans la supprimer.
La critique de la philosophie du droit et de la philosophie politique allemande, à laquelle Hegel a donné la formule la plus logique, la plus riche, la plus absolue, est à la fois l'analyse critique de l'État moderne et de la réalité qui s'y trouve liée et la négation catégorique de toute la manière passée de la conscience juridique et politique allemande, dont l'expression la plus universelle, l'expression capitale élevée au rang d'une science, est précisément la philosophie spéculative du droit. Si l'Allemagne seule a pu donner naissance à la philosophie spéculative du droit, cette pensée transcendante et abstraite de l'État moderne dont la réalité reste un au-delà, cet au-delà ne fût-il situé que de l'autre côté du Rhin, réciproquement, la représentation allemande de l'État moderne, cette représentation qui fait abstraction de l'homme réel, n'était, elle aussi, possible que parce que et autant que l'État moderne fait lui-même abstraction de l'homme réel, ou ne satisfait tout l'homme que de façon imaginaire. En politique, les Allemands ont pensé ce que les autres peuples ont fait. L'Allemagne a été leur conscience théorique. L'abstraction et la présomption de sa pensée ont toujours marché de pair avec le caractère exclusif et trop compact de leur réalité. Si donc le statu quo de l'ordre politique allemand exprime le parachèvement de l'ancien régime, ce qui constitue une écharde dans le corps de l'État moderne, le statu quo de la science politique allemande exprime l'inachèvement de l'État moderne, ce qui constitue la nature morbide de son corps.
Par le seul fait qu'elle est l'adversaire déclaré de l'ancien mode de la conscience politique allemande, la critique de la philosophie spéculative du droit ne s'égare pas en elle-même, mais en des tâches dont la solution ne peut être donnée que par un moyen : la pratique.
La question se pose donc : l'Allemagne peut-elle arriver à une pratique à la hauteur des principes, c'est-à-dire à une révolution qui l'élèvera, non seulement au niveau officiel des peuples modernes, mais à la hauteur humaine, qui sera le proche avenir de ces peuples ?
Il est évident que l'arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes ; la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle ; mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu'elle pénètre les masses. La théorie est capable de pénétrer les masses dès qu'elle procède par des démonstrations ad hominem, et elle fait des démonstrations ad hominem dès qu'elle devient radicale. Être radical, c'est prendre les choses par la racine. Or, pour l'homme, la racine, c'est l'homme lui-même. Ce qui prouve jusqu'à l'évidence le radicalisme de la théorie allemande, donc son énergie pratique, c'est qu'elle prend comme point de départ la suppression absolument positive de la religion. La critique de la religion aboutit à cette doctrine, que l'homme est, pour l'homme, l'être suprême. Elle aboutit donc à l'impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l'homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable, qu'on ne peut mieux dépeindre qu'en leur appliquant la boutade d'un Français à l'occasion de l'établissement projeté d'une taxe sur les chiens « Pauvres chiens ! on veut vous traiter comme des hommes ! »
Même au point de vue historique, l'émancipation théorique présente pour l'Allemagne une importance spécifiquement pratique. En effet, le passé révolutionnaire de l'Allemagne est théorique, c'est la Réforme. À cette époque, la révolution débuta dans la tête d'un moine ; aujourd'hui, elle débute dans la tête du philosophe.
(...)
Mais une révolution radicale allemande semble se heurter à une difficulté capitale.
En effet, les révolutions ont besoin d'un élément passif, d'une base matérielle. La théorie n'est jamais réalisée dans un peuple que dans la mesure où elle est la réalisation des besoins de ce peuple. Le désaccord énorme entre les revendications de la pensée allemande et les réponses de la réalité allemande aura-t-il comme correspondant le même désaccord de la société bourgeoise avec l'État et avec elle-même ? Les besoins théoriques seront-ils des besoins directement pratiques ? Il ne suffit pas que la pensée recherche la réalisation, il faut encore que la réalité recherche la pensée.
Mais l'Allemagne n'a pas gravi les degrés intermédiaires de l'émancipation politique en même temps que les peuples modernes. Et même les degrés, auxquels elle s'est élevée théoriquement, elle ne les a pas encore atteints dans la pratique. Et comment pourrait-elle, en un saut périlleux, franchir ses propres barrières, mais aussi les barrières des peuples modernes, c'est-à-dire des barrières dont elle doit, dans la réalité, éprouver et poursuivre l'établissement comme une émancipation de ses barrières réelles ? Une révolution radicale ne peut être que la révolution de besoins radicaux, dont il semble précisément qu'il manque les conditions et les lieux d'éclosion.
Mais l'Allemagne, Si elle n'a fait qu'accompagner de l'activité abstraite de la pensée le développement des peuples modernes, sans prendre de part active dans les luttes réelles de ce développement, a partagé les souffrances de ce développement, sans en partager les jouissances ni la satisfaction partielle. À l'activité abstraite d'une part correspond la souffrance abstraite d'autre part. Et un beau jour, l'Allemagne se trouvera donc au niveau de la décadence européenne, avant d'avoir jamais été au niveau de l'émancipation européenne. On pourra la comparer à un fétichiste, qui se meurt des maladies du christianisme.
Si l'on considère tout d'abord les gouvernements allemands, on se rend compte que les circonstances actuelles, la situation de l'Allemagne, l'étiage de la culture allemande, enfin un heureux instinct les poussent à combiner les défauts civilisés du monde politique moderne, dont nous ne possédons pas les avantages, avec les défauts barbares de l'ancien régime, dont nous jouissons pleinement, de telle sorte que l'Allemagne doit participer de plus en plus, sinon à l'intelligence, du moins à la déraison des formations politiques dépassant son statu quo. Y a-t-il par exemple, de par le monde, un pays qui partage avec autant de naïveté que l'Allemagne soi-disant constitutionnelle toutes les illusions du régime constitutionnel, sans en partager les réalités ? Ou bien, le gouvernement allemand ne dut-il pas nécessairement avoir l'idée d'allier les tourments de la censure avec les tourments des lois françaises de septembre, qui supposent la liberté de la presse ? De même qu'au Panthéon romain l'on trouvait les dieux de toutes les nations, on trouvera dans le Saint-Empire germanique tous les péchés de toutes les formes d'État. Cet éclectisme atteindra une hauteur insoupçonnée jusqu'ici. Nous en avons la garantie, notamment dans la gourmandise politico-esthétique d'un roi allemand, qui pense jouer tous les rôles de la royauté, de la royauté féodale ou bureaucratique, absolue ou constitutionnelle, autocratique ou démocratique. Si ce n'est par l'intermédiaire du peuple, du moins en propre personne. Si ce n'est pour le peuple, du moins pour lui-même. L’Allemagne, en tant que personnification du vice absolu du présent politique, ne pourra démolir les barrières spécifiquement allemandes, sans démolir la barrière générale du présent politique.
Ce qui est, pour l'Allemagne, un rêve utopique, ce n'est pas la révolution radicale, l'émancipation générale et humaine, c'est plutôt la révolution partielle, simplement politique, la révolution qui laisse debout les piliers de la maison. Sur quoi repose une révolution partielle, simplement politique ? Sur ceci : une fraction de la société bourgeoise s'émancipe et accapare la suprématie générale, une classe déterminée entreprend, en partant de sa situation particulière, l'émancipation générale de la société. Cette classe émancipe la société tout entière, mais uniquement dans l'hypothèse que la société tout entière se trouve dans la situation de cette classe, qu'elle possède donc ou puisse se procurer à sa convenance par exemple l'argent ou la culture.
Il n'est pas de classe de la société bourgeoise qui puisse jouer ce rôle, à moins de faire naître en elle-même et dans la masse un élément d'enthousiasme, où elle fraternise et se confonde avec la société en général, s'identifie avec elle et soit ressentie et reconnue comme le représentant général de cette société, un élément où ses prétentions et ses droits soient en réalité les droits et les prétentions de la société elle-même, où elle soit réellement la tête sociale et le cœur social. Ce n'est qu'au nom des droits généraux de la société qu'une classe particulière peut revendiquer la suprématie générale. Pour emporter d'assaut cette position émancipatrice et s'assurer l'exploitation politique de toutes les sphères de la société dans l'intérêt de sa propre sphère, l'énergie révolutionnaire et la conscience de sa propre force ne suffisent pas. Pour que la révolution d'un peuple et l'émancipation d'une classe particulière de la société bourgeoise coïncident, pour qu'une classe représente toute la société, il faut, au contraire, que tous les vices de la société soient concentrés dans une autre classe, qu'une classe déterminée soit la classe du scandale général, la personnification de la barrière générale ; il faut qu'une sphère sociale particulière passe pour le crime notoire de toute la société, si bien qu'en s'émancipant de cette sphère on réalise l'émancipation générale. Pour qu'une classe soit par excellence la classe de l'émancipation, il faut inversement qu'une autre classe soit ouvertement la classe de l'asservissement. L'importance générale négative de la noblesse et du clergé français avait comme conséquence nécessaire l'importance générale positive de la bourgeoisie, la classe la plus immédiatement voisine et opposée.
Tout d'abord, n'importe quelle classe particulière de l'Allemagne manque de la logique, de la pénétration, du courage, de la netteté qui pourraient la constituer en représentant négatif de la société. Mais il lui manque tout autant cette largeur d'âme qui s'identifie, ne fût-ce que momentanément, avec l'âme populaire, cette génialité qui pousse la force matérielle à la puissance politique, cette hardiesse révolutionnaire qui jette à l'adversaire cette parole de défi : Je ne suis rien et je devrais être tout. L'essence de la morale et de l'honnêteté allemandes, des classes aussi bien que des individus, est constituée par cet égoïsme modeste qui fait valoir et permet qu'on fasse valoir contre lui-même son peu d'étendue. La situation réciproque des différentes sphères de la société allemande n'est donc pas dramatique, mais épique. Chacune de ses sphères se met à prendre conscience d'elle-même et à s'établir à côté des autres avec ses revendications particulières, non pas à partir du moment où elle est opprimée, mais à partir du moment où, sans qu'elle y ait contribué en rien, les circonstances créent une nouvelle sphère sociale sur laquelle elle pourra, à son tour, faire peser son oppression. Même le sentiment moral de la classe moyenne allemande n'a d'autre base que la conscience d'être la représentante générale de la médiocrité étroite et bornée de toutes les autres classes. Ce ne sont donc pas seulement les rois allemands qui montent mal à propos sur le trône ; chaque sphère de la société bourgeoise subit une défaite avant d'avoir remporté de victoire ; elle élève sa propre barrière, avant d'avoir abattu la barrière qui la gêne ; elle fait valoir toute l'étroitesse de ses vues, avant d'avoir pu faire valoir sa générosité ; et ainsi, l'occasion même d'un grand rôle est toujours passée avant d'avoir existé, et chaque classe, à l'instant précis où elle engage la lutte contre la classe supérieure, reste impliquée dans la lutte contre la classe inférieure. C'est pourquoi les princes sont en lutte avec la royauté, la bureaucratie avec la noblesse, le bourgeois avec eux tous, tandis que le prolétaire commence déjà la lutte contre le bourgeois. La classe moyenne ose à peine, en se plaçant à son point de vue, concevoir l'idée de l'émancipation, que déjà le développement de la situation sociale ainsi que le progrès de la théorie politique font voir que ce point de vue est déjà suranné ou du moins problématique.
En France, il suffit qu'on soit quelque chose, pour vouloir être tout. En Allemagne, personne n'a le droit d'être quelque chose, à moins de renoncer à tout. En France, l'émancipation partielle est la raison de l'émancipation universelle. En Allemagne, l'émancipation universelle est la condition sine qua non de toute émancipation partielle. En France, c'est la réalité, en Allemagne, c'est l'impossibilité de l'émancipation progressive qui doit enfanter toute la liberté. En France, toute classe du peuple est idéaliste politique, et elle a d'abord le sentiment d'être non pas une classe particulière, mais la représentante des besoins généraux de la société. Le rôle d'émancipateur passe donc successivement, dans un mouvement dramatique, aux différentes classes du peuple français, jusqu'à ce qu'il arrive enfin à la classe qui réalise la liberté sociale, non plus en supposant certaines conditions extérieures à l'homme et néanmoins créées par la société humaine, mais en organisant au contraire toutes les conditions de l'existence humaine dans l'hypothèse de la liberté sociale. En Allemagne, où la vie pratique est aussi peu intellectuelle que la vie intellectuelle est peu pratique, aucune classe de la société bourgeoise n'éprouve ni le besoin ni la faculté de l'émancipation universelle, jusqu'à ce qu'elle y soit forcée par sa situation immédiate, par la nécessité matérielle, par ses chaînes mêmes.
Où donc est la possibilité positive de l'émancipation allemande ?
Voici notre réponse. Il faut former une classe avec des chaînes radicales, une classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une classe qui soit la dissolution de toutes les classes, une sphère qui ait un caractère universel par ses souffrances universelles et ne revendique pas de droit particulier, parce qu'on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi, une sphère qui ne puisse plus s'en rapporter à un titre historique, mais simplement au titre humain, une sphère qui ne soit pas en une opposition particulière avec les conséquences, mais en une opposition générale avec toutes les suppositions du système politique allemand, une sphère enfin qui ne puisse s'émanciper, sans s'émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans, par conséquent, les émanciper toutes, qui soit, en un mot, la perte complète de l'homme, et ne puisse donc se reconquérir elle-même que par le regain complet de l'homme. La décomposition de la société en tant que classe particulière, c'est le prolétariat.
Le prolétariat ne commence à se constituer en Allemagne que grâce au mouvement industriel qui s'annonce partout. En effet, ce qui forme le prolétariat, ce n'est pas la pauvreté naturellement existante, mais la pauvreté produite artificiellement ; ce n'est pas la masse machinalement opprimée par le poids de la société, mais la masse résultant de la décomposition aiguë de la société, et surtout de la décomposition aiguë de la classe moyenne. Ce qui n'empêche pas, cela va de soi, la pauvreté naturelle et le servage germano-chrétien de grossir peu à peu les rangs du prolétariat.
Lorsque le prolétariat annonce la dissolution de l'ordre social actuel, il ne fait qu'énoncer le secret de sa propre existence, car il constitue lui-même la dissolution effective de cet ordre social. Lorsque le prolétariat réclame la négation de la propriété privée, il ne fait qu'établir en principe de la société ce que la société a établi en principe du prolétariat, ce que celui-ci, sans qu'il y soit pour rien, personnifie déjà comme résultat négatif de la société. Le prolétariat se trouve alors, par rapport au nouveau monde naissant, dans la même situation juridique que le roi allemand par rapport au monde existant, quand il appelle le peuple son peuple ou un cheval son cheval. En déclarant le peuple sa propriété privée, le roi énonce tout simplement que le propriétaire privé est roi.
De même que la philosophie trouve dans le prolétariat ses armes matérielles, le prolétariat trouve dans la philosophie ses armes intellectuelles. Et dès que l'éclair de la pensée aura pénétré au fond de ce naïf terrain populaire, les Allemands s'émanciperont et deviendront des hommes.
Résumons le résultat. L'émancipation de l'Allemagne n'est pratiquement possible que si l'on se place au point de vue de la théorie qui déclare que l'homme est l'essence suprême de l'homme. L'Allemagne ne pourra s'émanciper du Moyen Age qu'en s'émancipant en même temps des victoires partielles remportées sur le Moyen Age. En Allemagne, aucune espèce d'esclavage ne peut être détruite, sans la destruction de tout esclavage. L'Allemagne qui aime aller au fond des choses ne peut faire de révolution sans tout bouleverser de fond en comble. L'émancipation de l'Allemand, c'est l'émancipation de l'homme. La philosophie est la tête de cette émancipation, le prolétariat en est le cœur. La philosophie ne peut être réalisée sans la suppression du prolétariat, et le prolétariat ne peut être supprimé sans la réalisation de la philosophie.
Quand toutes les conditions intérieures auront été remplies, le jour de la résurrection allemande sera annoncé par le chant éclatant du coq gaulois.
[Contribution à la critique de la philosophie du droit politique de Hegel, Introduction, 1843]
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20 février 2018
Marx dans le texte (2)
La presse en Hollande aurait provoqué la révolution belge ! Quelle presse ? La presse réformatrice ou la presse réactionnaire ? Question que nous pouvons aussi poser au sujet de la France, et si l'orateur blâme, par exemple, la presse cléricale belge, qui fut en même temps démocratique, qu'il s'en prenne également à la presse cléricale en France, qui fut en même temps absolutiste. Toutes deux ont concouru à la chute de leurs gouvernements. En France, ce n'est pas la liberté de la presse qui a provoqué des révolutions, c'est la censure.
Cela dit, il n'en reste pas moins que la révolution belge apparut d'abord comme une révolution spirituelle, une révolution de la presse. C'est en ce sens seulement que l'on peut affirmer que la presse a fait la révolution belge. Faut-il l'en blâmer ? La révolution doit-elle d'emblée prendre figure matérielle ? Frapper au lieu de parler ? Le gouvernement peut matérialiser une révolution spirituelle ; une révolution matérielle doit d'abord spiritualiser le gouvernement.
La révolution belge est un produit de l'esprit belge. C'est pourquoi la presse, qui est, de nos jours, la plus libre des manifestations de l'esprit, a aussi sa part dans la révolution belge. La presse belge ne serait pas la presse belge, si elle était restée à l'écart de la révolution tout comme la révolution belge ne serait pas belge si elle n'avait pas été en même temps la révolution de la presse. La révolution d'un peuple est totale ; ce qui signifie que chaque sphère se révolte à sa manière particulière ; pourquoi pas la presse en tant que presse ?
(...)
La liberté est à ce point essentielle aux hommes que même ses adversaires la réalisent, tout en combattant sa réalité.
(...)
Nul homme ne combat la liberté ; tout au plus combat-il la liberté des autres. Toute espèce de liberté a donc toujours existé, mais tantôt comme un privilège particulier, tantôt comme un droit universel.
(...)
La presse libre, c'est l'oeil partout ouvert de l'esprit du peuple, c'est l'incarnation de la confiance que la peuple a en lui-même, le lien parlant qui unit l'individu à l'Etat et au monde, la culture incarnée qui transfigure les luttes matérielles en luttes spirituelles et en idéalise la rude forme physique. Elle est l'impitoyable confession qu'un peuple se fait à lui-même, et l'on connaît la vertu rédemptrice de l'aveu. Elle est le miroir spirituel où un peuple se regarde, et la contemplation de soi-même est la première condition de la sagesse. Elle est l'esprit public que l'on peut colporter dans chaque maison à meilleur compte que le gaz matériel. Elle est universelle, omniprésente, omnisciente. Elle est le monde idéal qui jaillit perpétuellement du monde réel et, esprit toujours plus riche, y reflue pour le vivifier à nouveau.
(...)
La première liberté de la presse, c'est de n'être pas un métier. L'écrivain qui la rabaisse jusqu'à en faire un moyen matériel mérite, comme châtiment de cette servitude intérieure, la servitude extérieure, la censure ; ou plutôt son châtiment, c'est son existence même.
Evidemment, la presse existe aussi comme un métier, mais ce n'est pas alors l'affaire des écrivains, c'est celle des imprimeurs et des libraires. Or, ce dont il s'agit ici, ce n'est pas la liberté du travail des imprimeurs et des libraires, mais la liberté de la presse.
[Les délibérations de la Sixième Diète Rhénane, mai 1842, Rheinische Zeitung (Gazette Rhénane)]
Depuis le mois d'avril jusqu'à ce jour, j'ai pu travailler en tout peut-être quatre semaines au plus, et encore pas quatre semaines de suite. J'ai dû passer six semaines à Trèves du fait d'un nouveau décès, le reste de mon temps a été morcelé et gâché par les discussions familiales les plus rebutantes.Ma famille m'a mis des bâtons dans les roues et, en dépit de mon aisance je connais les pires difficultés matérielles. Je ne puis vous importuner du récit de ces tracasseries d'ordre privé ; c'est une vraie chance que les tracasseries publiques ôtent à un homme de caractère toute possibilité de s'irriter à propos de ses affaires personnelles.
(...)
Comme vous vous trouvez au coeur même des nouveautés philosophiques et théologiques, mon désir le plus cher serait d'avoir de vous quelques détails sur la situation présente. Ici on voit bien l'aiguille des heures, mais non celle des minutes.
[Lettre de Karl Marx à Arnold Ruge, le 9 juillet 1842]
Il y a quelques jours, j'ai reçu une lettre du petit Meyen (...) où il m'invite à m'expliquer sur mes rapports 1. avec vous et Herwegh, 2. avec les Affranchis, 3. avec les nouveaux principes de la rédaction et sa position à l'égard du gouvernement. J'ai répondu immédiatement et exprimé ouvertement mon point de vue sur les défauts que présentent leurs articles : ils trouvent la liberté dans une forme licencieuse, sans-culottesque et par là- même commode, plutôt que dans un contenu libre, c'est-à-dire indépendant et qui aille au fond des choses. Je les invitai à ne pas se contenter de vagues raisonnements, de phrases pompeuses, à ne pas se montrer trop complaisants vis-à-vis d'eux-mêmes, à s'attacher à analyser exactement les situations concrètes et à faire preuve de connaissances précises. Je leur expliquai que je tenais pour déplacée, que dis-je pour immorale, l'introduction subreptice de dogmes communistes et socialistes, donc d'une nouvelle conception de la vie, dans des comptes-rendus de théâtre, etc. qui n'ont rien à voir avec elle, et que je désirais une discussion toute différente et plus approfondie du communisme, si ce sujet devait venir en discussion. J'ai exprimé ensuite le désir que la religion soit critiquée à travers la situation politique plutôt que la situation politique à travers la religion, parce que ce détour répond mieux à la nature d'un journal et à la formation du public, parce que la religion, vide de substance par elle-même, ne tire pas son existence du ciel, mais de la terre, et s'écroule d'elle-même dès qu'on détruit l'absurde réalité dont elle est la théorie. Enfin je voulais que, si l'on parlait de philosophie, l'on jouât moins avec le label «Athéisme et Cie» (cela fait penser aux enfants qui assurent à qui veut les entendre qu'ils n'ont pas peur du loup-garou), mais qu'on exposât plutôt au peuple le contenu de l'athéisme. Voilà tout.
[Lettre de Karl Marx à Arnold Ruge, le 30 novembre 1842]
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14 février 2018
Marx dans le texte (1)
(...) Mais il ne nous est pas toujours possible d'embrasser la profession à laquelle nous nous croyons appelés, car nos rapports avec la société ont, dans une certaine mesure, commencé avant que nous puissions les déterminer.
(...) L'idée maîtresse qui doit nous guider dans le choix d'une profession, c'est le bien de l'humanité et notre perfectionnement. On aurait tort de croire que ces deux intérêts s'opposent nécessairement, que l'un doive fatalement ruiner l'autre : l'humaine nature est ainsi faite que c'est seulement en oeuvrant pour le bien et la perfection du monde qui l'entoure que l'homme peut atteindre sa propre perfection. S'il ne crée que pour lui-même, il deviendra peut-être un savant célèbre, un grand sage, un poète distingué, mais jamais un homme accompli, un homme vraiment grand.
[Méditations d'un adolescent devant le choix d'une profession, 1835]
[Maison natale de Karl Marx à Trèves (Trier)]
(...) Qu'au milieu de ces multiples occupations j'aie dû, pendant le premier semestre, passer bien des nuits blanches, soutenir bien des luttes, subir bien des impulsions extérieures et intérieures, que finalement je n'en sois guère sorti plus riche, qu'elles m'aient fait négliger la nature, l'art, le monde, éloigner mes amis, c'est la réflexion qu'a paru faire mon corps. Un médecin me conseilla la campagne et c'est ainsi que pour la première fois, traversant la ville dans toute sa longueur, j'ai franchi la porte et ai gagné Stralow. Je ne me doutais pas que le jeune homme débile et anémié que j'étais trouverait là robustesse et force physique.
Un voile était tombé, mon saint des saints était en pièces, il fallait y établir de nouveaux dieux.
Partant de l'idéalisme que, soit dit en passant, j'ai confronté et nourri avec ce que me fournissaient Kant et Fichte, j'en suis arrivé à chercher l'idée dans le réel lui-même.
(...) Pendant mon indisposition, j'avais appris à connaître Hegel d'un bout à l'autre, ainsi que la plupart de ses disciples. A la suite de plusieurs rencontres que j'ai eues à Stralow avec des amis, je me suis retrouvé dans un club de docteurs, parmi lesquels quelques privats-docents et le plus intime de mes amis berlinois, le docteur Rutenberg. Bien des vues contradictoires se manifestaient là dans la discussion, et je m'attachais de plus en plus solidement à cette philosophie d'aujourd'hui, à laquelle j'avais pensé échapper, mais toute musique s'était tue en moi et j'étais saisi d'une vraie rage d'ironie, comme il était normal après tant de négations.
[Lettre à son père, Heinrich Marx, le 10 novembre 1837]
[Hegel]
La forme de cette étude aurait été plus rigoureusement scientifique et d’autre part, pour plusieurs développements, moins pédante, si sa destination primitive n’avait pas été celle d’être une dissertation de doctorat. Des raisons extérieures me décident à la faire néanmoins imprimer sous cette forme. Je crois y avoir en outre résolu un problème, insoluble jusqu’ici, de l’histoire de la philosophie grecque.
Les gens compétents savent que pour l’objet de cette étude, il n’existe pas de travaux antérieurs que l’on puisse de quelque manière utiliser. Les papotages de Cicéron et de Plutarque, on les a ressassés jusqu’à l’heure présente. Gassendi, qui a libéré Epicure de l’interdit dont l’avaient frappé les Pères de l’Eglise et tout le Moyen Age, l’époque de la déraison réalisée, ne présente dans son exposé qu’un moment intéressant. Il cherche à accommoder sa foi catholique avec sa science païenne, Epicure avec l’Eglise, ce qui est assurément peine perdue. C’est comme si on voulait jeter la défroque d’une nonne chrétienne sur le corps splendide et florissant de la Laïs grecque. Loin de pouvoir nous instruire sur la philosophie d’Epicure, c’est plutôt d’Epicure que Gassendi prend des leçons de philosophie.
On voudra bien ne voir dans cette étude que l’ébauche d’un écrit plus important où j’exposerai par le détail le cycle des philosophies épicurienne, stoïcienne et sceptique dans sa connexion avec l’ensemble de la spéculation grecque. Les défauts de cette étude en ce qui concerne la forme ou d'autres imperfections seront alors supprimés.
Hegel, il est vrai, a déterminé dans l’ensemble avec exactitude l’élément général de ces systèmes, mais le plan admirable de grandeur et de hardiesse de son histoire de la philosophie, date de naissance proprement dite de l’histoire de la philosophie, l’empêchait d’entrer dans le détail ; d’autre part, l’idée qu’il se faisait de ce qu’il appelait spéculatif par excellence empêchait ce penseur gigantesque de reconnaître dans ces systèmes la haute importance qu’ils ont pour l’histoire de la philosophie grecque et pour l’esprit grec en général. Ces systèmes sont la clef de la véritable histoire de la philosophie grecque. Au sujet de leur connexion avec la vie grecque on trouve une esquisse assez profonde dans l’écrit de mon ami Köppen : « Frédéric le Grand et ses adversaires ».
Si j’ai ajouté en appendice une critique de la polémique menée par Plutarque contre la théologie d’Epicure, c’est parce que cette polémique n’est pas un phénomène isolé, mais caractérise une espèce : elle représente parfaitement le rapport de l’entendement théologien à la philosophie.
Entre autres choses, nous n’envisagerons pas, dans la critique, la fausseté générale du point de vue de Plutarque, quand il traîne, pour l’y juger, la philosophie devant le tribunal de la religion. N’importe quel raisonnement peut être remplacé par ce passage de David Hume : «C’est certainement une sorte d’injure pour la philosophie de la contraindre, elle dont l’autorité souveraine devrait être reconnue en tous lieux, à plaider sa cause en toute occasion au sujet des conséquences qu’elle entraîne, et à se justifier auprès de tout art et de toute science qu’elle vient à choquer. On pense alors à un roi qui serait accusé de haute trahison à l’égard de ses propres sujets»
La philosophie, tant qu’il lui restera une goutte de sang pour faire battre son cœur absolument libre qui soumet l’univers, ne se lassera pas de jeter à ses adversaires le cri d’Epicure : «Impie n’est pas celui qui fait table rase des dieux de la foule, mais celui qui pare les dieux des représentations de la foule» [Diog. X 123]
La philosophie ne s’en cache pas. Elle fait sienne la profession de foi de Prométhée : «En un mot, j’ai de la haine pour tous les dieux» [Eschyle 975]
[Prométhée enchaîné]
Cette profession de foi est sa propre devise qu’elle oppose à tous les dieux du ciel et de la terre qui ne reconnaissent pas comme la divinité suprême la conscience de soi humaine. Cette conscience de soi ne souffre pas de rival.
Mais aux tristes sires qui jubilent au spectacle de l’apparente dégradation de la situation sociale de la philosophie, elle fait à son tour la réponse que Prométhée fit à Hermès, serviteur des dieux : «Sache que je ne changerais pas ma misère contre ton esclavage. J’aime mieux être lié à ce rocher que d’être le messager fidèle de Zeus, ton père ! » [Ibid., V, 966-970.]
Dans le calendrier philosophique, Prométhée occupe le premier rang parmi les saints et les martyrs.
[Différence de la philosophie naturelle chez Démocrite et chez Epicure, thèse de doctorat, mars 1841]
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04 février 2018
Le Manifeste du Parti Communiste a 170 ans (II)
Le Manifeste du Parti Communiste est fréquemment (ré-)édité et il est donc (relativement) aisé de se le procurer en librairie.
Il existe de très nombreuses éditions de ce texte, dans différentes variantes de traductions, souvent accompagnées de présentations, préfaces commentaires et annotations de «spécialistes» de Marx.
Petit inventaire :
Aubier Montaigne, 1971. Il s'agit d'une édition bilingue (allemand/français). Traduction et présentation : Emile Bottigelli. Comprend aussi différentes préfaces de Marx et Engels, une chronologie, une bibliographie et des annexes.
Garnier-Flammarion, 1998. Reprend la présentation d'Emile Bottigelli dont référence ci-dessus. Edition revue, augmentée et annotée par Gérard Raulet, avec des documents annexes, notamment sur les différentes publications du Manifeste dans les décennies post-1848. Préfaces des auteurs, chronologie et bibliographie.
Messidor/Editions sociales, 1986. Traduction revue par Gérard Cornillet, présentation de Raymond Huard, explications de textes par Raymond Huard et Lucien Sève. En plus des traditionnelles préfaces de différentes rééditions, comprend également «Les principes du communisme» (1847) d'Engels. Orientation bibliographique, index des matières et des noms.
Livre de Poche, 1973. Suivi de «La critique du programme de Gotha» (1875) de Marx. Traduction de Corine Lyotard. Introduction, notes et commentaires de François Châtelet.
Bordas, 1986. Commentaires et notes de François Châtelet.
UGE 10/18, 1973. Suivi de : «Les luttes de classes en France». Avec une introduction de Robert Mandrou.
Nathan, 1981. Préface de Jean Bruhat. Présentation et commentaires de Gérard Noiriel et de Jean-Jacques Barrère. Iconographie, glossaire, bibliographie et indications biographiques concernant les auteurs cités.
Librio, 1998. Précédé de «Lire le Manifeste» de Claude Mazauric. Avec différentes préfaces des deux auteurs.
Gallimard, 1965 (in Oeuvres, Economie I, Bibliothèque de la Pléiade). Edition établie et annotée par Maximilien Rubel. A noter que ce volume reprend une vaste (et utile) chronologie de la vie et de l'oeuvre de Karl Marx.
1001 Nuits, 1994. Traduction de Laura Lafargue. Avec des observations de Raoul Vaneigem. Chronologie et repères bibliographiques.
Pathfinder, 2009. Introduction de Léon Trotsky, écrite en 1937. Un fac-similé d'une version du Manifeste datant de 1945, avec cette préface du fondateur de la IVème Internationale, avait déjà été édité par la Fondation Léon Lesoil, en 1976.
Soleil Manga, 2012. Le Manifeste en bande dessinée made in Japan ! Pas seulement pour le fun car cette version didactique est très accessible...
Naturellement, on peut aussi aisément trouver Le Manifeste du Parti Communiste en ligne, sur le Net. Par exemple :
https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe...
https://www.ucc.ie/archive/hdsp/Literature_collection/Man...
http://www.bibebook.com/files/ebook/libre/V2/marx_karl_-_...
Il existe également des versions audio, comme sur Youtube :
https://www.youtube.com/watch?v=q2j37xpNQUo
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29 janvier 2018
A paraître (2)
Karl Marx-Friedrich Engels, Correspondance t.13 (1875-1880), Editions Sociales, 35 €.
Date de parution : 06/09/2018
PRESENTATION DE L'EDITEUR
C'est reparti. La correspondance de Karl Marx et de Friedrich Engels, arrêtée en 1989, recommence à paraître avec ce tome 13 qui comprend les années 1875 à 1880. Comme pour les autres volumes, cette source est irremplaçable pour comprendre la vie et le travail de ces deux personnages qu'on dit volontiers secrets, alors que leurs lettres nous livrent leur existence au jour le jour : familles et soucis familiaux ou d'argent (le riche Engels distribuait trop...), organisation du travail, santé de plus en plus défaillante pour la femme de Marx, Jenny, puis pour lui-même, voyages, cures... Mais la masse la plus importante est toujours dévolue au travail. 1875, ce sont les derniers fascicules de l'édition française du Capital qui paraissent, il faut organiser la promotion. C'est la fin de la Première Internationale avec les combats contre les anarchistes. Mais c'est aussi et massivement la renaissance du mouvement ouvrier après l'effondrement lié à la défaite de la Commune de Paris. Partout en Europe se créent des partis socialistes sur les bases théoriques proches de Marx et Engels. En Allemagne d'abord, ce qui bien sûr intéresse au plus haut point les deux émigrés allemands. Non seulement Marx écrit La critique du programme de Gotha, mais son compère et lui correspondent avec les dirigeants du nouveau parti. Au fil des lettres, c'est l'ensemble des partis du Nord, du Sud, des organisations scandinaves, espagnoles, polonaises, françaises... qui demandent conseils et aides. À partir de 1877, après s'être fait longuement tirer l'oreille, Engels accepte de rédiger plusieurs articles contre Eugen Dühring, qui donneront lieu à la publication d'un livre, l'Anti-Dühring. C'est toute l'histoire de ce travail, les discussions avec les socialistes allemands, l'élaboration avec Marx qui apparaissent dans les échanges de courrier. La période est marquée par de nombreux événements internationaux auxquels l'un et l'autre sont toujours sensibles. Et en 1878 éclate un conflit entre l'Empire russe et l'Empire ottoman. Marx mène à ce propos un de ses grands combats, montrant l'importance des questions internationales pour le mouvement ouvrier et les rapports de forces nationaux... Le prochain volume, d'ici 3 ans, ira jusqu'au 1885, et comprendra le début de la correspondance d'Engels après la mort de Marx. On a ajouté quelques lettres de correspondants (Bebel, Liebknecht, ...). Chronologie et index divers.
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20 janvier 2018
A paraître (1)
Vie de Karl Marx, coffret, 50 €
Collection : « Utopie Critique »
Auteur-e : Franz Mehring
Parution : Mars 2018
Pages : 2 tomes (792 et 756 pages)
Format : 160 x 240
ISBN : 978-2-84950-660-8
Édition traduite, annotée et commentée par Gérard Bloch
Préface de Jean-Numa Ducange
Présentation des éditeurs
À l’occasion du 200e anniversaire de la naissance de Marx (1818-1883), la célèbre biographie écrite par Franz Mehring, et publiée en allemand en 1918, paraît dans une édition entièrement retraduite, enrichie d’un ample appareil critique et d’études complémentaires, ainsi que d’une biographie politique de son auteur.
Ce n’est qu’en 1983 que l’ouvrage a été traduit en français et publié pour la première fois. Mais la traduction, l’avant-propos de Jean Mortier portent l’empreinte du recyclage de Marx par l’idéologie stalinienne.
Cette première traduction française comportait 600 pages, la nouvelle, commentée et annotée par Gérard Bloch en occupe près de 1 600, réparties en 2 volumes dans un coffret.
Pas de quoi effrayer les lecteurs et les lectrices. En effet, la vivacité de l’œuvre de Franz Mehring est entretenue par Gérard Bloch qui nous fait découvrir de nouveaux paysages en éclairant ceux peints par Mehring.
Il partage avec Mehring la vaste connaissance du parcours de Marx et possède une vue plus complète des écrits de ce dernier, soit ceux publiés après 1918.
Il combine exactitude et érudition en donnant accès dans ses notes aux textes originaux de Marx auxquels Mehring ne fait qu’allusion.
Il accompagne avec pédagogie les lecteurs et les lectrices sur les tracés allant de Marx et Engels à Mehring et aux débats politiques de l’époque, dont plus d’un s’inscrivent dans les temps présents.
Coéditée par Page 2 (Lausanne) et Syllepse (Paris), l'œuvre magistrale de Mehring est désormais disponible dans une édition française, complètement nouvelle et augmentée.
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11 janvier 2018
Marx (et Engels) : que lire ?
BIBLIOGRAPHIE
La priorité reste la lecture de Marx et Engels dans le texte.
Mais il n'existe pas en français d' «oeuvres complètes» de leurs écrits.
Toutefois, leurs principaux textes sont disponibles, même s'ils ont été publiés de manière dispersée par de multiples maisons d'édition, dans des traductions différentes, souvent sources de querelles entre «spécialistes» !
Ainsi, de 1924 à 1954, les Editions Alfred Costes ont publié, en plusieurs séries, 56 volumes des « oeuvres complètes » de Marx, traduites par J. Molitor. Sauf que cette édition est en fait incomplète et qu'elle n'est pas dénuée d'inconvénients : traductions parfois expéditives, absence d'un appareil scientifique, ... A cet ensemble s'ajoutent 6 volumes des oeuvres d'Engels publiés entre 1931 et 1936.
De son côté, le «marxologue» Maximilien Rubel - décédé en 1996- a supervisé l'édition des oeuvres de Karl Marx dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade, chez Gallimard. 4 tomes sont parus : «Economie I», 1963 ; «Economie II», 1968 ; «Philosophie», 1982 ; et «Politique I», 1994.
Ce sont finalement les Editions Sociales qui ont proposé les textes les plus importants de Marx-Engels, dans de bonnes traductions, accompagnés de fort utiles «appareils critiques». Fruit d'un long travail, entrepris dès la constitution de la Librairie de l'Humanité, après 1920, et prolongé grâce à l'initiative du Bureau d'Edition (1925) et des Editions Sociales Internationales (1927) -contrôlées par l'Internationale Communiste- dans l'avant-guerre. Après la libération, les Editions Sociales sont devenues la principale maison d'édition du PCF. En faillite début des années 90, elles sont alors relancées par une équipe qui crée les Editions La Dispute (1997), en toute indépendance par rapport au parti. Celle-ci va notamment porter un projet d'édition scientifique des oeuvres de Marx et Engels : La Grande Edition de Marx et d'Engels, ou GEME.
Pour le reste, une multitude d'écrits de Marx et d'Engels sont repris au catalogue de diverses maisons d'édition : PUF, Aubier Montaigne, UGE-10/18 (Christian Bourgois), Maspéro, Gallimard (Folio), Garnier-Flammarion, Livre de Poche, Bordas, Champ Libre, Agone, ... Sans oublier, naturellement, les éditions en langues étrangères, et donc aussi en français, publiées à Moscou (à l'époque de l'URSS) ou à Pékin.
Impossible de reprendre ici dans le détail ce foisonnement d'éditions. J'aurai de toute façon l'occasion de revenir sur ces aspects bibliographiques tout au long de cette année du bicentenaire.
Je me contenterai, par conséquent, d'une sélection des principaux textes publiés par les (anciennes) Editions Sociales :
MARX
Critique du droit politique hégélien (1975)
Manuscrits de 1844 (1972)
Misère de la philosophie (1972)
Travail salarié et capital (1972)
Manuscrits de 1857-1858 [Grundrisse] (1980)
Contribution à la critique de l'économie politique (1969)
Manuscrits de 1861-1863 (1979)
Salaire, prix et profit (1969)
Le Capital, Livres 1, 2 et 3 [8 volumes] (1973-1974)
[Le Livre 1 est la traduction française de Roy entièrement revue par Marx]
Le Capital, Livre 1 [traduction de la 4ème édition allemande, éd. J-P Lefebvre] (1983)
Théories sur la plus-value [«Livre 4» du Capital, publié par Karl Kautsky après la mort de Friedrich Engels] (1974)
La guerre civile en France (1972)
ENGELS
La situation de la classe laborieuse en Angleterre (1975)
L'Anti-Dürhing (1973)
Dialectique de la nature (1975)
L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat (1972)
La guerre des paysans en Allemagne (1974)
La question du logement (1969)
MARX-ENGELS
La Sainte Famille (1972)
L'idéologie allemande (1976)
Le Manifeste du Parti Communiste (1971)
La Nouvelle Gazette Rhénane [recueil de 3 volumes], (1969-1971)
Sur la religion [textes choisis], ((1972)
Sur la littérature et l'art [textes choisis], (1954)
Correspondance, 12 tomes, Novembre 1835-Octobre 1874, (1971-1989) [15 tomes étaient prévus, mais la chute du Mur -les livres étaient imprimés en RDA!-, le déclin du PCF et la déconfiture de la maison d'édition ont interrompu cette publication. La GEME devrait faire paraître prochainement un tome 13]
*****
On pourrait remplir des bibliothèques entières avec les livres et les publications qui ont été consacrés à Marx, Engels ou au «marxisme» ! Impossible de les connaître ni de les lire tous, même si l'on se limite à ceux qui ont été publiés en français ! La liste qui suit est donc sélective et arbitraire, mais elle reprend néanmoins de nombreux ouvrages difficilement contournables pour tout qui veut en savoir (beaucoup) plus sur l'auteur du Capital...
J'ai ajouté un * à côté des références que j'estime les plus intéressantes et les plus importantes.
ACTON H.B., Ce que Marx a vraiment dit, Marabout Université, Verviers, 1973
ALTHUSSER Louis, Pour Marx, Maspero, Paris, 1965 *
ALTHUSSER Louis/BALIBAR Etienne, Lire Le Capital, Maspéro, Paris, 1973
ANDERSON Kevin B., Marx aux antipodes, Syllepse, Paris, 2015 *
ANDREAS Bert, Le manifeste communiste de Marx et Engels. Histoire et bibliographie, 1948-1918, Feltrinelli, Milan, 1963 *
ARTOUS Antoine, Marx, l'Etat et la politique, Syllepse, Paris, 1999
ASSOUN Paul-Laurent, Marx et la répétition historique, PUF, Paris, 1978
AXELOS Kostas, Marx penseur de la technique, UGE-10/18, Paris, 1974
BARBIER Maurice, La pensée politique de Karl Marx, L'Harmattan, Paris, 1992 *
BENOIST Jean-Marie, Marx est mort, Gallimard, Paris, 1970
BENSAID Daniel, Marx l'intempestif, Fayard, Paris, 1995 *
BENSAID Daniel, Karl Marx, les hiéroglyphes de la modernité, Textuel, Paris, 2001 *
BENSAID Daniel, Marx, mode d'emploi, La Découverte (Zones), Paris, 2009 *
BERLIN Isaiah, Karl Marx, sa vie, son oeuvre, Gallimard, Paris, 1962
BIHR Alain, La logique méconnue du « Capital », Ed. Page Deux, Lausanne, 2010
BLUMENBERG Werner, Marx, Mercure de France, Paris, 1967 *
BALIBAR Etienne, La philosophie de Marx, La Découverte, Paris, 1993 *
BOTTIGELLI Emile, Genèse du socialisme scientifique, Editions Sociales, Paris, 1967 *
BOUKHARINE Nicolas, La théorie du matérialisme historique, Anthropos, Paris, 1967
BROSSAT Alain, Aux origines de la révolution permanente, Maspéro, Paris, 1974
BRUHAT Jean, Marx-Engels, UGE-10/18, Paris, 1971
CALVEZ Jean-Yves, La pensée de Karl Marx, Seuil, Paris, 1966
CHAVANCE Bernard, Marx et le capitalisme, Nathan, Paris, 1996
CITES [Revue, n°59], Marx politique, PUF, Paris, 2014
CLAUDIN Fernando, Marx, Engels et la révolution de 1848, Maspero, Paris, 1980 *
[Collectif], Souvenirs sur Marx et Engels, Editions du Progrès, Moscou, 1982 *
COLLIN Denis, Comprendre Marx, Armand Colin, Paris, 2009
COLLIOT-THELENE Catherine (dir), Que reste-t-il de Marx ?, Presses Universitaires de Rennes, 2017
COMBEMALE Pascal, Introduction à Marx, La Découverte, Paris, 2010
CORNU Auguste, Karl Marx et Friedrich Engels, PUF, Paris, Tome 1, 1955 ; Tome 2, 1958 ; Tome 3, 1962 ; Tome 4, 1970 *
DARDOT Pierre/LAVAL Christian, Marx, prénom : Karl, Gallimard, Paris, 2012
DELBRACIO Mireille/LABICA Georges (dir), Friedrich Engels, savant et révolutionnaire, PUF, Paris, 1997 *
DERRIDA Jacques, Spectres de Marx, Galilée, Paris, 1993 *
D'HONDT Jacques, De Hegel à Marx, PUF, Paris, 1972
DUCANGE Jean-Numa/GARO Isabelle (dir), Marx politique, La Dispute, Paris, 2015
DUMENIL Gérard/LOWY Michael/RENAULT Emmanuel, Lire Marx, PUF, Paris, 2009 *
EAGLETON Terry, Marx, Seuil, Paris, 2000
ELLEINSTEIN Jean, Marx, Fayard, Paris, 1981
EUROPE [Revue, n°988-989], Marx et la culture, Paris, Août-septembre 2011 *
FOUGEYROLLAS Pierre, Marx, PUF, Paris, 1985 *
FROMM Erich, La conception de l'homme chez Marx, Payot, Paris, 1977
FURET François, Marx et la Révolution française, Flammarion, Paris, 1986
GARO Isabelle, Marx, une critique de la philosophie, Seuil, Paris, 2000 *
GARO Isabelle, Marx et l'invention historique, Syllepse, Paris, 2012 *
GRANDJONC Jacques, Marx et les communistes allemands à Paris, 1844, Maspero, Paris, 1974 *
HARVEY David, Pour lire Le Capital, La Ville Brûle, Paris, 2012
HEINRICH Michael, Ce qu'est Le Capital de Marx, Les Editions Sociales, Paris, 2017
HENRY Michel, Marx, (tome 1) une philosophie de la réalité, Gallimard, Paris, 1976
HENRY Michel, Marx, (tome 2) une philosophie de l'économie, Gallimard, Paris, 1976
HOBSBAWM Eric, Marx et l'histoire, Fayard, Paris, 2010
HUNT Tristram, Engels, le gentleman révolutionnaire, Flammarion, Paris, 2009
JOSHUA Isaac, La révolution selon Karl Marx, Ed. Page Deux, Lausanne, 2012
KORSH Karl, Karl Marx, Champ Libre, Paris, 1976 *
KOUVELAKIS Eustache, Philosophie et révolution, de Kant à Marx, PUF, Paris, 2003 *
LABICA Georges (dir), 1883-1983. L'oeuvre de Marx un siècle après (Colloque international, mars 1983), PUF, Paris, 1985
LABICA Georges, Karl Marx. Les Thèses sur Feuerbach, PUF, Paris, 1987
LABICA Georges, Le paradigme du Grand-Hornu, La Brèche, Paris, 1987 *
LACASCADE Jean-Louis, Les métamorphoses du jeune Marx, PUF, Paris, 2002 *
LAVAL Christian, Marx au combat, Ed, Thierry Magnier, Paris, 2009
LECOMPTE Denis, Marx et le baron d'Holbach, PUF, Paris, 1983
LEFEBVRE Henri, Pour connaître la pensée de Karl Marx, Bordas, Paris, 1966
LEFEBVRE Henri, Une pensée devenue monde... Faut-il abandonner Marx ?, Fayard, Paris, 1980 *
LENINE V.I., Karl Marx et sa doctrine, Editions Sociales/Editions du Progrès, Paris-Moscou, 1971 *
LEVY Françoise P., Karl Marx, histoire d'un bourgeois allemand, Grasset, Paris, 1976
LÖWY Michael, La théorie de la révolution chez le jeune Marx, Editions Sociales, Paris, 1997 *
LUKACS Georg, Le jeune Marx, Les Editions de la Passion, Paris, 2002
LUKACS Georg, Marx et Engels historiens de la littérature, L'Arche, Paris, 1975
LYOTARD Jean-François, Dérive à partir de Marx et Freud, UGE-10/18, Paris, 1973
MACHEREY Pierre, Marx 1845. Les «Thèses» sur Feuerbach , Editions Amsterdam, Paris, 2008
MALER Henri, Congédier l'utopie ? L'utopie selon Karl Marx, L'Harmattan, Paris, 1994 *
MALER Henri, Convoiter l'impossible. L'utopie avec Marx, malgré Marx, Albin-Michel, Paris, 1995 *
MANDEL Ernest, La formation de la pensée économique de Karl Marx, Maspero, Paris, 1967 *
MARIE Jean-Jacques, Karl Marx, le Christophe Colomb du capital, La Quinzaine Littéraire-Louis Vuitton, Paris, 2006
MEHRING Franz, Karl Marx, histoire de sa vie, Editions Sociales, Paris, 1983 *
MOLNAR Miklos, Marx, Engels et la politique internationale, Gallimard, Paris, 1975
NICOLAIEVSKI Boris/MAENCHEN-HELFEN Otto, La vie de Karl Marx, l'homme et le lutteur, Gallimard, Paris, 1970 *
PAPAIOANNOU Kostas, De Marx et du marxisme, Gallimard, Paris, 1983
PENA-RUIZ Henri, Marx quand même, Plon, Paris, 2012 *
PETERS H.F., Jenny la rouge, Mercure de France, Paris, 1986
QUINIOU Yvon, Retour à Marx, Buchet Chastel, Paris, 2013
RIAZANOV David, Marx et Engels, Anthropos, Paris, 1974 *
ROSDOSLKY Roman, La genèse du « Capital » chez Karl Marx, Maspero, Paris, 1976 *
RUBEL Maximilien, Karl Marx, essai de biographie intellectuelle, Marcel Rivière, Paris, 1971 *
RUBEL Maximilien, Marx critique du marxisme, Payot, Paris, 1974
RÜHLE Otto, Karl Marx, vie et oeuvre, Entremonde, Genève, 2011
SALAMA Pierre/TRAN HAI HAC, Introduction à l'économie de Marx, La Découverte, Paris, 1992 *
SARTRE Jean-Paul, Questions de méthode, Gallimard, Paris, 1973
SEVE Lucien, Penser avec Marx aujourd'hui, La Dispute, Paris. [Tome 1, Marx et nous, 2004 ; Tome 2, « L'Homme », 2008 ; Tome 3, « La philosophie », 2014] *
SOMERHAUSEN Luc, L'humanisme agissant de Karl Marx, Richard-Masse, Paris, 1946
STEPANOVA Eugénie, Karl Marx, Editions du Progrès, Moscou, 1968
TEXIER Jacques, Révolution et démocratie chez Marx et Engels, PUF, Paris, 1998 *
TOMBAZOS Stavros, Le temps dans l'analyse économique, les catégories du temps dans Le Capital, Société des Saisons, Paris, 1994 *
TÔNNIES Ferdinand, Karl Marx, sa vie, son oeuvre, PUF, Paris, 2012
TORT Patrick, Marx et le problème de l'idéologie, PUF, Paris, 1988 *
TRAN HAI HAC, Relire « Le Capital », Editions Page Deux, Lausanne, 2003 *
VADEE Michel, Marx, penseur du possible, L'Harmattan, Paris, 1998 *
VIDELIER Philippe, Manifestez ! Destin et postérité du Manifeste Communiste, Syllepse, Paris, 2003
WHEEN Francis, Karl Marx, biographie inattendue, Calmann-Lévy, Paris 2003
HAUPT Georges, L'historien et le mouvement social, Maspéro, Paris, 1980 *
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11 août 2017
Autour d'un centenaire (3)
La révolution russe a 100 ans et c'est évidemment l'occasion pour le monde du livre de ré-éditer une série de textes ou de publier de nouvelles contributions concernant le séisme d'octobre 1917 et ses conséquences sur la trajectoire du XXème siècle.
D'ici la fin de l'année sont donc programmées de nombreuses publications, d'intérêt et de qualité forcément inégaux.
Voici une petite sélection personnelle.
Et pour commencer, le classique de John Reed -10 jours qui ébranlèrent le monde- qui suscite une petite ruée chez les éditeurs. Comme Le Seuil (Points/Histoire) ou les éditions Nada, qui complètent le célèbre récit par une série d'articles de Reed sur la révolution russe, inédits en français.
De son côté, Libertalia publie le témoignage de Louise Bryant (Six mois rouges en Russie), qui était à l'époque la compagne du journaliste américain. On se souvient qu'elle fut magnifiquement incarnée au grand écran par Diane Keaton dans le beau film de Warren Beatty, Reds (1981).
Autre témoignage, celui d'une proche du couple, l'anarchiste Emma Goldman (L'agonie de la révolution). Le synopsis proposé par l'éditeur (Les nuits rouges) indique que « ce livre contient les récits des rencontres d'Emma Goldman avec les dirigeants et militants bolchéviks, ainsi qu'avec les anarchistes persécutés et d'innombrables anonymes rencontrés au cours de ses voyages en Russie soviétique ». De quoi brosser le tableau d'un système qui contenait « en germe le stalinisme ».
Albert Mathiez, grand historien de la Révolution française, fut aussi un intellectuel engagé qui s'enthousiasma pour la révolution russe. Les Editions Critiques mettent à la disposition du lecteur 22 articles écrits au fil des événements, des journées de février 1917 jusqu'à la fin de la guerre civile. L'occasion pour l'auteur de développer sa réflexion concernant les analogies avec la grande révolution.
Marylie Markovitch, envoyée spéciale du Petit Journal et correspondante de la Revue des Deux Mondes, était arrivée à Petrograd dès la fin 1915. Elle a sillonné les tranchées et les lignes de front pendant plusieurs mois, avant de revenir dans la capitale de l'empire des tsars. Elle fut un témoin privilégié des événements révolutionnaires et ses principaux articles de l'époque sont ici repris dans une édition de poche (La révolution russe vue par une française, Pocket).
Des écrits plus contemporains maintenant. Viennent de paraître ou sont annoncés dans les prochaines semaines :
* Roger Martelli, 1917-2017, Que reste-t-il de l'octobre russe ?, Editions du Croquant.
[Synopsis. On dit parfois que le XXe siècle est né deux fois, en 1914 avec le déclenchement du premier conflit mondial, en 1917 avec la révolution russe d'octobre. L'événement révolutionnaire a toujours déchaîné les passions, modèle pour les uns, repoussoir pour les autres. Quand s'effondre le système soviétique il semble que la parenthèse ouverte en 1917 est définitivement refermée. Le capitalisme a triomphé du communisme ; l'Histoire est finie. Cent ans après l'événement, les passions sont retombées. Avec l'ouverture des archives russes, l'historiographie s'est faite plus sereine, mais les interprétations n'en sont pas pour autant uniformes. Quant à la « fin de l'histoire », elle a buté sur les nouvelles conflictualités et sur la crise d'un système capitaliste désormais financiarisé et mondialisé. Les certitudes des années 1990 ont laissé la place aux doutes, aux peurs, aux ressentiments. L'événement « Octobre 1917 » a trop marqué l'histoire d'un siècle pour l'on puisse se dispenser de revenir sur lui. On ne le racontera pas ici dans le détail, ce que font à merveille de nombreux livres érudits et passionnants. En revanche, on s'interrogera sur la trajectoire qui, en quelques années, fait passer de la grande espérance révolutionnaire à un système de pente totalitaire et, pour un temps, enfoncé dans une sanglante terreur. Les vieilles questions restent sur la table. Les terribles dérapages des années de pouvoir stalinien sont-elles ou non la conséquence prévisible du projet révolutionnaire lui-même ? Le stalinisme, à certains égards, n'est-il pas contenu tout entier dans le léninisme ? Le système soviétique était-il réformable ? Pouvait-il s'adapter, s'humaniser, se moderniser, se démocratiser ? L'impulsion d'Octobre a façonné la réalité du monde au XXe siècle. Elle a bouleversé les sociétés qui ont mis des partis communistes au pouvoir. Elle n'a pas été sans effet sur le monde occidental. Elle a nourri l'imaginaire de ce que l'on appellera le Tiers Monde. Suffit-il aujourd'hui de dire que l'événement longtemps structurant n'est plus désormais qu'un souvenir ? Y a-t-il ou non des héritiers, directs ou indirects ? Existe-t-il un héritage utilisable, par qui et comment ? Au fond, si l'effondrement de l'URSS a refermé une parenthèse, était-ce celle du soviétisme, de la forme communisme dominante au XXe siècle, du communisme en général, de l'anticapitalisme, de la culture de l'alternative ? ]
* Daniel Bensaid, Octobre 1917, la révolution trahie, Lignes
[Synopsis. Les commémorations ne sont pas nécessairement des célébrations. Celles qu'au fil des décennies Daniel Bensaïd a écrites de la Révolution russe d'Octobre 1917 et, qu'entre autres, ce livre réunit, en témoignent, qui ne ménagent pas les critiques nécessaires, lesquelles cependant altèrent moins l'événement considérable que la révolution («temps brisé») elle-même a été, et reste, que sa postérité terrible. On pourrait reprendre mot pour mot, pour ce centième anniversaire de la Révolution russe ceux qu'il avait écrits pour le quatre-vingtième : « Un retour critique sur la Révolution russe, à l'occasion et sous prétexte du 80ème anniversaire d'Octobre soulève quantité de questions, d'ordre tant historique que programmatique. L'enjeu est de taille. Il en va ni plus ni moins de l'intelligibilité du siècle qui s'achève, de notre capacité à sauver le passé de l'oubli pour préserver un avenir ouvert à l'agir révolutionnaire, car tous les passés n'ont pas le même avenir. » Que tous les passés n'aient pas le même avenir, ou que l'avenir dépende de ce qu'on fait des passés, a été une constante de l'activité intellectuelle et politique de Daniel Bensaïd, constante que sa lecture de Benjamin a accentuée avec le temps. Les archives s'ouvrant, les révisions abondant (qu'on se souvienne, successivement, de l'opération des dits «nouveaux philosophes» et de celle du Livre noir du communisme, sur lesquels il revient longuement dans les textes que ce livre réunit, et pour les contester), il s'est agi pour lui de distinguer encore et toujours entre l'événement incontestablement révolutionnaire qu'aura été Octobre (pas le coup d'État auquel on voudrait le réduire), et la postérité contre-révolutionnaire bureaucratique et stalinienne avec laquelle on s'emploie à le confondre, pour des raisons qui doivent moins au travail de l'historien qu'à celui de l'idéologue : «En ces temps de contre-réforme et de réaction, rien d'étonnant à ce que les noms de Lénine et de Trotski deviennent aussi imprononçables que le furent ceux de Robespierre ou de Saint Just sous la Restauration. » Les temps sont toujours à la contre-réforme et à la réaction, qui se veulent sourds à ce que Arendt disait de la Révolution : « vrai événement, dont la portée ne dépend pas de la victoire ou de la défaite. »]
A noter, pour rester dans la mouvance « trotskyste », l'annonce de la parution, en septembre, d'un ouvrage d'Olivier Besancenot (porte-parole du NPA) : Que faire de 1917 ?, Ed. Autrement.
* Nicolas Werth, Les révolutions russes, PUF (Que sais-je ?)
[Synopsis. Russie, février 1917. L'économie est au plus mal. L'inégalité dans la distribution de la terre nourrit la grogne. Les grèves se multiplient. Le pays s'enlise dans la Grande Guerre. Nicolas II est au front. Le pouvoir semble impuissant et vacant. Lasse d'une autocratie d'un autre temps, une poignée de révolutionnaires, au milieu des insurrections de Petrograd, organise un comité exécutif (le Soviet) et, après un compromis avec le Comité provisoire libéral, balaie en quelques jours le régime tsariste, pourtant pluriséculaire. Les fiançailles sont de courte durée : en octobre, les bolcheviks, sous la férule de Lénine, prennent le palais d'Hiver et s'emparent du pouvoir, instaurant le régime communiste. Ce sont ces événements de l'année 1917 que raconte avec passion Nicolas Werth. Dépassant le clivage entre les historiographies soviétique et libérale, il s'attache à analyser non pas une seule révolution politique, mais une multiplicité de révolutions sociales et nationales.]
* Moshe Lewin, Russie/URSS/Russie, Syllepse
[Synopsis. Les textes réunis sous le titre Russie/URSS/Russie couvrent toute l'histoire de l'URSS, de la révolution de 1917 jusqu'à l'effondrement du système en 1991. Il met à mal nombre de clichés et d'idées reçues, mais aussi certaines doxa qui font l'économie d'une véritable analyse de ce qu'a été le régime issu de la Révolution d'octobre. La formulation de Moshe Lewin est brutale : « Un système barbare construit sur les ruines d'un grand idéal émancipateur. » Il ajoute que la Révolution d'octobre n'a pas ouvert une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanité, mais correspond au pas- sage complexe et mouvementé d'une Russie pré-capitaliste à une Russie capitaliste. L'effondrement du régime s'explique, selon lui, par l'accumulation des contradictions internes qu'un pouvoir archaïque et fossilisé était incapable de gérer, alors même que la société soviétique était désormais en majorité urbaine et éduquée. Le titre Russie/URSS/Russie souligne qu'on ne peut comprendre ce qu'été le «phénomène soviétique» qu'en analysant les discontinuités mais surtout les continuités entre la Russie d'avant la révolution et l'URSS. Moshe Lewin insiste sur le fait que le poids de la Russie paysanne se fait sentir jusqu'au milieu des années 1960. Il insiste sur la place du chauvinisme grand-russe comme composante essentielle de l'idéologie du régime : au début des années 1920, Lénine dénonce en Staline un de ses représentants (cf. Le Dernier combat de Lénine, Syllepse) ; au lendemain de 1945, lorsque Staline célèbre la « grande et sainte Russie » ; dans les années 1960, quand le régime commence son déclin, le nationalisme grand-russe pénètre toutes les instances de l'État et du parti ; enfin, dans la Russie post-soviétique le secrétaire du Parti communiste se déclare « russe par le coeur et par le sang ». Enfin, l'auteur déconstruit l'assimilation de l'URSS au «communisme» paradoxalement partagée et par les adversaires du communisme et par les nostalgiques du système qui persistent à célébrer les mérites de Staline. Une telle identification permet de proclamer que la fin de l'URSS signifierait la « fin du communisme ». Alors que certains, au prétexte que l'histoire aurait mal tourné, souhaitent déchirer la page, le livre de Moshe Lewin fournit un éclairage sur ce « continent disparu » et contribue à donner à l'URSS sa vraie place dans la réflexion sur la révolution et le socialisme aujourd'hui.]
* David Mandel, Les soviets de Petrograd, Syllepse
[Synopsis. Images d'Épinal de la révolution russe de 1917, les soviets restent encore mal connus. Comment sont-ils nés ? Qui en faisaient partie ? Quels étaient leurs rôles ? Que voulaient-ils ? David Mandel nous propose de lever un voile de l'histoire de cette expérience inédite du 20 e siècle qui suscite de nombreuses controverses. Nés de la volonté des ouvriers, dans une situation de guerre et marasme économique aiguë, de vouloir contrôler la production contre le sabotage des patrons, ils se sont vite heurtés à leur hostilité ainsi qu'à celle du gouvernement provisoire de Kerensky qui, selon eux, mois après mois, trahissait la révolution démocratique de février. Sur ce chemin, presque contre leur volonté, ils sont conduits ou forcés à prendre de plus de responsabilités dans la gestion des entreprises et du pays et, au bout du compte, à se poser, au paroxysme de la crise sociale et politique et militaire, en alternative d'un appareil d'État déliquescent. Ils suivront un chemin hésitant qui conduira à la crise révolutionnaire d'octobre 1917, avec le mot d'ordre bolchevique « Tout le pouvoir aux soviets ». Le 26 septembre 1917, le soviet de Petrograd, précédemment à majorité menchevique, se rallie aux bolcheviques, et Trotsky est élu à sa présidence. La révolution d'Octobre fait ses premiers pas et les soviets des ouvriers, des soldats et des paysans en sont désormais l'épicentre. Un nouvel avenir s'écrit. David Mandel nous raconte cette longue année historique de 1917 vue d'en bas dans les usines et les villages, mais aussi dans les casernes. Si son ouvrage se concentre sur les ouvriers de Petrograd, fer de lance de la révolution, notamment en nous proposant une radiographie sociale et culturelle de cette classe ouvrière russe ébullition, il prolonge son analyse à toute la Russie notamment à la vaste paysannerie russe qui, elle aussi, se dote de soviets. Il appuie ses analyses sur de nombreux témoignages des acteurs de l'époque, notamment ceux d'éléments hostiles à la révolution et ceux de mencheviques. Les soviets de Petrograd nous propose donc de suivre pas à pas la construction d'une émancipation et d'une nouvelle démocratie, avec ses contradictions et ses difficultés. Portée par les damnés de la terre, la révolution des soviets a ouvert un immense arc d'espérances dans le monde avant que la contre-révolution stalinienne ne vienne le saccager et le détruire.]
* China Miéville, Octobre, un récit de la révolution russe, Ed. Amsterdam
[Synopsis. Avec Octobre, le romancier China Miéville entreprend de raconter le moment décisif que fut la Révolution russe, à l’occasion de son centenaire. En février 1917, la Russie était une monarchie autocratique et arriérée, enlisée dans la guerre ; au mois d’octobre, après deux révolutions, elle devient le premier État ouvrier, à l’avant-garde d’une révolution mondiale. Comment un tel bouleversement a-t-il pu s’accomplir ? Adoptant une perspective panoramique, couvrant aussi bien les grandes villes, Saint-Pétersbourg et Moscou, que les petits villages les plus reculés du tentaculaire empire russe, Miéville nous plonge dans le torrent des événements dont il restitue admirablement la passion, le drame, la contingence et l’étrangeté. Ainsi parvient-il à rendre sensible et présente cette révolution à des lecteurs qui, aujourd’hui, ne la connaissent pas bien ou pas du tout. « Cette révolution fut celle de la Russie, mais elle appartenait aussi, et continue d’appartenir, à d’autres. Elle pourrait être nôtre. Si ses phrases restent inachevées, c’est à nous qu’il incombe de les finir. »]
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