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12 août 2020

IMAGINAIRE(S)

 

aa.jpg"La Vérité est affaire d’imagination."

 

[Ursula Kroeber Le Guin, La main gauche de la nuit, 1969]

01 juin 2020

Lectures chaudes pour un été annoncé chaud !

Bientôt l’été !

Les vacances !

Pour celles et ceux qui ont l’occasion d’en prendre, ce qui n’est jamais le cas pour une moitié de la population !

Cette année, avec la grave crise sanitaire du Covid-19, ce sera probablement très particulier !

Loin du Sea, Sex and sun ?

Possiblement oui, possiblement non…

Peu importe. Cela reste surtout l’occasion pour beaucoup de bouquiner plus que d’habitude !

Voici quelques suggestions de lecture plutôt… "exigeante" !

Mais pas d'inquiétude, je reviendrai dans quelques jours avec des propositions littéraires estivales plus "légères", pour ne mécontenter personne...

 

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En 1989, une année marquante dans l’histoire du siècle dernier, paraissait aux Editions Sociales, sous la direction de Gilbert Badia et Jean Mortier, le tome 12 de la  "Correspondance Marx-Engels (janvier 1872-octobre 1874)".

Un ouvrage imprimé à Leipzig, en RDA. Ce fut le dernier d'une entreprise entamée en 1971 !

Aujourd’hui, 31 ans plus tard, dans un autre contexte, est enfin publié le tome 13 !

Avec ce volume de lettres inédites (période allant de 1875 à 1880), les Éditions Sociales reprennent ainsi la publication de cette Correspondance, un des derniers grands éléments du corpus marxien à ne pas avoir été entièrement traduit en français.

On y (re)découvre Marx et Engels au quotidien, à travers des lettres chargées d’anecdotes qui "humanisent" ces deux militants révolutionnaires trop souvent sanctifiés par des "héritiers" en mal de dogmes…

Débats et rivalités internes, problèmes d'organisation, controverses théoriques, mouvements sociaux, bouleversements géopolitiques : tout les intéresse et tout est passé au tamis de leur esprit critique.

Un monument "politico-littéraire" à dévorer en cette période de "déconfinement" accéléré !

 

 

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Restons avec les auteurs du "Manifeste du Parti Communiste" pour une nouvelle publication de la GEME (Grande Edition Marx Engels) des "Annales franco-allemandes", le projet de Karl Marx et Arnold Ruge tout juste arrivés en France en 1844 après que la "Gazette Rhénane" ait été interdite.

C'est la première fois que ce numéro unique des "Annales franco-allemandes" est publié intégralement .

Il cristallise un projet politique et théorique collectif singulier, celui d’une partie des "Jeunes Hégéliens". Ces intellectuels allemands, disciples critiques de Hegel, cherchent à faire de la philosophie de ce dernier un instrument au service des luttes progressistes dans l’espace intellectuel et politique germanique.

Cette première édition et traduction française intégrale donne à lire dans des traductions et appareils critiques nouveaux les articles de Marx et d’Engels ("Esquisse d’une critique de l’économie politique",  "Sur la question juive" "Introduction de la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel") ainsi que de tous les contributeurs du numéro (Mikhaïl Bakounine, Ferdinand Cölestin Bernays, Ludwig Feuerbach, Heinrich Heine, Georg Herwegh, Moses Hess, Johann Jacoby, Arnold Ruge).

Introduit par Pauline Clochec, ce volume présente dans toute leur complexité le tournant socialiste et communiste que Marx effectue à Paris.

 

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Il y a peu, disparaissait le philosophe Lucien Sève, emporté par le Coronavirus à l’âge de 94 ans !

Ce livre d’entretiens avec son fils Jean et l’un des derniers à avoir été publié de son vivant (en 2018).

En résumé : personne ne peut plus méconnaître que notre mode dominant de production détériore de façon catastrophique les équilibres écologiques de la planète, jusqu'à menacer l'avenir de tous les vivants. Mais on mobilise trop peu l'attention publique sur cet autre fait de même gravité : la détérioration générale des valeurs de la vie humaine civilisée, partout piétinées par les diktats de la rentabilité financière.

L'humanité existera-t-elle encore au XXIIe siècle ? Parer à cette double catastrophe montante exige de changer bien des choses, mais surtout d'en finir sans délai avec sa source profonde : un capitalisme entré en folie sénile qui sacrifie avec une brutalité inouïe la nature et les humains aux exigences insatiables des profiteurs privés. Ce système à bout de course nous conduit tous dans le mur.

Il est donc urgent de lui enlever le volant, et de prendre une autre voie, celle d'un capitalexit, d'une sortie du capitalisme !

Au fil de sept conversations animées entre fils et père, ce livre appelle à retrouver l'audace révolutionnaire, mais de façon tout autre qu'au siècle dernier. Il ne s'agit plus de la révolution d'une classe mais du peuple producteur entier, en sa diversité, et prenant ses affaires en main. Il ne s’agit plus d’une insurrection violente mais d'une conquête pacifique de l'hégémonie en faveur de réformes révolutionnaires changeant d'emblée la vie du grand nombre. Il ne s’agit plus d’une transformation par en haut sous pilotage autoritaire d'un parti vertical, mais d’une appropriation commune, fondée sur l'implication de tous les individus s'auto-organisant horizontalement, en inventant les règles d'une société sans classes et hautement développée.

 

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Nouvelle édition du désormais classique "Age des Extrêmes" du renommé historien britannique, Eric Hobsbawm.

Cette réédition s’ouvre sur une préface de Serge Halimi : la question révolutionnaire a-t-elle ou n’a-t-elle pas disparu de l’histoire ? Elle inclut également un dossier de presse sur la difficile réception de l’ouvrage en France  -notamment du fait des réticences des Editions Gallimard- et une postface synthétique de Nicolas Chevassus-au-Louis sur ce même aspect.

Dans cette "courte histoire du XXème siècle", l’auteur revient sur quelques amnésies nées de la chute du "Mur de Berlin".

Refusant la vision désespérée d’un siècle réduit à une succession de guerres et de massacres, l’historien rappelle les grandes avancées de l’humanité : non seulement la chute des empires coloniaux, mais aussi les conquêtes sociales issues des luttes ouvrières, ainsi que l’élargissement des droits politiques -dont les progrès sans précédent de l’émancipation des femmes-, et bien sûr les révolutions dans les domaines des sciences, des techniques et des arts.

Synthèse sans équivalent, ce livre s’oppose au pessimisme d’une idéologie de  "la fin de l’histoire" et maintient ouverte les perspectives de changement des rapports sociaux.

 

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En quelques mois, un virus a contraint le monde entier à interroger ses perspectives. À l’"Ere du Peuple", les individus comme les sociétés sont interdépendants. Conséquence d’une crise écologique globale, le Coronavirus a déclenché une crise sanitaire, économique, démocratique et sociale mondiale.

Comment des sociétés hyperconnectées et par conséquent dépendantes des réseaux font-elles face au Covid-19 ? Comment les politiques néolibérales à l’œuvre depuis des décennies ont-elles détruit les moyens de l’État pour faire face à la pandémie ? Comment se dessine la sortie de crise ? Vivrons-nous un nouveau choc libéral et productiviste comme au lendemain de la crise de 2008 ? Ou les peuples parviendront-ils à imposer la construction d'un "Avenir en commun" ?

Analyse politique d’une situation inédite par Bastien Lachaud, député de La France Insoumise, et sa "cheffe de cabinet", Lucie Kirchner.

 

 

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L’auteure de cet "abécédaire de l'écologie populaire" (Éditions 2031), formée à Sciences Po Rennes et AgroParisTech, Manon Dervin, est spécialisée en politiques publiques environnementales et bifurcation écologique. Elle a travaillé sur les sujets de biodiversité en administration déconcentrée et auprès d’un opérateur public.

Elle défend une écologie de rupture avec le capitalisme. A contre-courant de la tendance "green-washing", elle considère que l'écologie est l'affaire des peuples.

Confiée aux multinationales, à leur bon vouloir, contre les services publics et suivant des logiques d'austérité budgétaire, l'écologie libérale est, en effet,  au service d'un projet "pour les puissants". Pour la contrer, il faut un projet apte à rassembler les différentes catégories populaires en mal de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.

Une précieuse contribution pour aider à cerner les contours d’une "écologie populaire" au sens de favorable, désirable et orchestrée par et pour le peuple !

 

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Il y a cinquante ans, en mars 1969, alors sur le point de gagner une course en solitaire, le navigateur Bernard Moitessier choisissait de ne pas franchir la ligne d'arrivée et de fuir le consumérisme.

Dans cet essai philosophique et littéraire rédigé à la première personne et empreint de doute salutaire, Corinne Morel Darleux questionne notre quotidien en convoquant les "lucioles" de Pasolini ou les "racines du ciel" de Romain Gary, et propose une alternative radicale : refuser de parvenir et restaurer la dignité du présent pour endiguer le naufrage généralisé.

Élue dans la Drôme, militante écosocialiste, chroniqueuse pour Reporterre, Corinne Morel Darleux suit depuis plus de dix ans les questions climatiques et de défense des écosystèmes.

 

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Dans la première édition de ce livre, l’astrophysicien Aurélien Barrau disait : "La vie, sur Terre, est en train de mourir. L'ampleur du désastre est à la démesure de notre responsabilité. L'ignorer serait aussi insensé que suicidaire. Plus qu'une transition, je pense qu'il faut une révolution. Et c'est presque une bonne nouvelle".

Dans cette deuxième édition, il complète et affine son propos en analysant la nature des oppositions à la pensée écologique et en suggérant de nouvelles voies de résistance pour dépasser l'immobilisme suicidaire.

 

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"Changeons le système, pas le climat" : la catastrophe écologique a commencé.

Les capitalistes s'en frottent les mains, prêts à nous vendre leurs fausses solutions. Les « collapsologues » prétendent quant à eux qu'on ne peut rien faire !

Refusant le cynisme des uns et le fatalisme des autres, Daniel Tanuro pose ici les jalons d'une alternative à l'effondrement qui vient : « l'écosocialisme ».

Il analyse la crise du Coronavirus et la manière dont elle annonce des crises encore plus graves qui toutes prennent racine dans la civilisation capitaliste industrielle, ainsi que dans les structures raciales et patriarcales de la "modernité".

Polémiste intarissable, il démonte les promesses intenables du "capitalisme vert" comme les limites du Green New Deal de la "gauche américaine".

Enfin, soucieux de compléter le geste critique par une proposition alternative, Daniel Tanuro esquisse une proposition politique radicale pour conjurer le désastre : "produire moins, transporter moins, partager plus" !

Un deuxième ouvrage de référence pour ce porte-parole de la "Gauche anticapitaliste" ("section belge de la Quatrième Internationale"), après "L’impossible capitalisme vert" publié en 2010.

 

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Pendant le confinement, depuis son domicile, le turbulent député de La France Insoumise, François Ruffin, a dessiné le monde de demain.

On en était où ? Ah oui. On fonçait vers le gouffre, à vitesse accélérée. La calotte glaciaire fondait, les ours polaires se noyaient, le Mont-Blanc reculait, les oiseaux ne se cachaient même plus pour mourir.

Et soudain, la planète s'arrête. C'est une crise, avec son cortège de drames. Mais c'est aussi une fenêtre. L'occasion d'une bifurcation. La mondialisation, le tout-marché, c'était "une folie", regrette le président. Et on nous le promet : "Il y aura un avant et un après".

L'espoir renaît. La crainte aussi. Car, déjà, tout repart comme avant, de l'avant, et même pire qu'avant…

L'après se mérite. L'après est un champ de bataille. L'après est un combat, contre les forces obscures qui ne renoncent pas. Durant les deux mois de confinement, François Ruffin a animé sa radio-cuisine, "L'An 01".

Il a reçu des milliers d'alertes, et beaucoup d'invités : des infirmières bien sûr, un ambulancier, des auxiliaires de vie, des caissières, un libraire, un cariste de chez Amazon, un ouvrier de chez Valeo, une patronne de bar-tabac, un routier à l'arrêt...

Des intellectuels, également, pour penser ce moment.

En reporter, il passe ici cette crise au scalpel, en dresse un récit vivant. Et, en député, il ouvre des voies pour l'après : sur l'économie, la santé, la démocratie, l'égalité…

 

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Au départ il s'agit d'un projet, diffusé sur la radio Fréquence Paris Plurielle (106,3 FM).

Au cours de deux séances d'enregistrement en 2007 et 2008, Daniel Bensaid se prête à un exercice radiophonique. Autour de 12 dates, souvent associées à des figures marquantes du mouvement ouvrier, il donne à entendre sa vision des événements : Révolution d'Octobre, Guerre d'Espagne, assassinat de Lumumba, Chili 73, chute du Mur de Berlin...

Ces 12 dates retracent un "court vingtième siècle", avec des choix nécessairement partiels et partiaux. On entend, ou plutôt on lit, certaines des principales analyses qui structurent la pensée de Daniel Bensaïd, mais aussi celle d'une partie de la gauche radicale en ce tout début de 21e siècle.

Dans cet exercice passionnant, Daniel Bensaïd y déploie un récit foisonnant de références et d'expériences personnelles.

Lui, à qui "l'histoire a mordu la nuque", reste capable de nous embarquer avec autant d'érudition que de chaleur dans l'histoire et ses bifurcations pour penser la suite : "on entre dans une nouvelle étape, mais dans cette nouvelle étape, selon une formule qui m'est chère, on recommence par le milieu, on ne recommence pas à zéro ".

Pour poursuivre l'aventure, 10 ans après la disparition du militant philosophe, il a été demandé à certains de ses amis de réagir à ces enregistrements. Entre héritage, dette intellectuelle et politique, ils et elles prennent position :  comment continuer à penser nos luttes pour l'émancipation dans un monde qui a définitivement basculé dans un autre siècle ?

 

 

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26 mars 2020

Orwell, 1903-1950 (VI)

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ORWELL
DANS
LE
TEXTE (5)

 

 

 

[George Orwell, Ecrits politiques (1928-1949), Agone, Marseille, 2009]

 

Dans toute compétition, il y a forcément un gagnant et un perdant. (…) Voilà, en deux mots, la source de tout le mal (p.8)

… dans les quartiers riches la police ne tolère généralement aucune mendicité, même déguisée. D’où il résulte que les mendiants de Londres vivent surtout des pauvres (p.27)

… il est facile de prévoir que, tôt ou tard, les Birmans, comme il arrive dans tous les pays surpeuplés, se verront dépossédés de leurs terres, réduits à l’état de semi-esclaves au service du capitalisme et auront, par surcroît, à souffrir du chômage. Ils découvriront alors ce dont ils se doutent à peine à l’heure actuelle, à savoir que tout ce qui constitue la richesse de leur pays  -les puits de pétrole, les mines, la mouture du riz, sa vente et son exportation-  est entre les mains britanniques (p.45-46)

Pour commencer, cela devrait ouvrir les yeux du monde extérieur à ce qui est déjà évident pour de nombreux observateurs en Espagne : que le gouvernement actuel a davantage de points de ressemblance que de différences avec le fascisme. (Ce qui ne signifie pas qu’il faille abandonner la lutte contre le fascisme bien plus cru de Franco et d’Hitler. J’ai moi-même commencé à comprendre dès le mois de mai la tendance fasciste du gouvernement, mais je désirais retourner au front, et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait.) Deuxièmement, l’élimination du POUM annonce l’attaque imminente contre les anarchistes. Ce sont eux les véritables ennemis que craignent les communistes, bien plus que le POUM numériquement insignifiant (p.61)

La guerre civile n’était pas seulement une guerre mais aussi une révolution. (…) Depuis lors, et surtout depuis décembre de l’année dernière, le véritable combat du gouvernement espagnol a été d’écraser la révolution et de tout remettre dans l’état où il était auparavant. Ils ont plus ou moins réussi à le faire et ont maintenant installé un terrible règne de terreur dirigé contre quiconque est soupçonné de réelles sympathies révolutionnaires (p.64)

J’ai eu la chance de pouvoir sortir d’Espagne mais beaucoup de mes amis et connaissances sont toujours en prison et je crains fort que certains d’entre eux risquent d’être abattus, non pour une infraction quelconque mais pour s’être opposé au parti communiste (…) ce que j’ai vu là-bas m’a tellement secoué que j’écris et que j’en parle à tout le monde. Naturellement, je suis en train d’écrire un livre sur ce sujet (p.65)

Entre-temps, il semble presque impossible de faire imprimer quoi que ce soit à ce sujet (p.68)

Lorsque la révolution a éclaté, les travailleurs, dans beaucoup de régions d’Espagne, ont établi les prémices d’un gouvernement du peuple : ils ont saisi des terres et des usines, ont mis en place des comités locaux, etc. Le gouvernement, qui est en grande partie contrôlé par le parti communiste, a réussi à défaire une grande partie de tout ça, d’abord en demandant aux travailleurs de ne pas compromettre la guerre et, plus tard, quand il s’est senti plus fort, par la force (p.71)

Ce qui en ressort  -c’est en tout cas ainsi que je le vois-  c’est que le fascisme n’a pas de contraire réel excepté le socialisme. On ne peut pas se battre contre le fascisme au nom de la ‘’démocratie’’ parce que ce nous appelons démocratie, dans un pays capitaliste, ne peut exister que tant que les choses vont bien ; dans les moments de difficulté, elle se transforme immédiatement en fascisme. La seule chose qui peut empêcher cela est pour les travailleurs de garder le pouvoir entre leurs propres mains (p.72)

En conséquence, la seule existence du gouvernement de Front populaire suffisait à soulever le problème le plus compliqué de notre époque : comment effectuer des changements fondamentaux par des méthodes démocratiques (p.78)

Le rôle du journaliste est agréablement stimulant : il doit écrire des articles de propagande. Etrangement, il est possible qu’il se trompe. Nous ne savons pas encore à quoi ressemble un bombardement aérien à grande échelle, et la prochaine guerre risque d’être fort désagréable, même pour les journalistes. Mais ces gens-là, qui sont nés dans l’intelligentsia aisée et sentent dans leurs os qu’ils appartiennent à une classe privilégiée, ne sont pas vraiment capables de prévoir ce genre de choses. La guerre a lieu sur le papier et ils sont donc capables de décider que telle ou telle guerre est ‘’nécessaire’’ sans ressentir plus de danger personnel qu’en déplaçant une pièce d’échecs (p.93)

Car le développement le plus sinistre des vingt dernières années a été la propagation du racisme jusque sur le territoire européen lui-même (p.102)

Le véritable problème se joue entre le socialisme démocratique et une forme de société de caste rationalisée. La première solution a plus de chance de réussir si les pays occidentaux, où les idées démocratiques sont profondément gravées dans l’esprit des gens ordinaires, ne sont pas privés de toute influence (p.104)

Une fois la guerre commencée, la neutralité n’existe plus. Toutes les activités sont des activités de guerre. Qu’on le veuille ou non, on est obligé d’aider soit son propre camp soit celui de l’ennemi (p.105)

… une importante découverte psychologique faite par les nazis  -ou en tout cas qu’ils ont appliquée : qu’on peut sans danger prêcher des politiques contradictoires aussi longtemps qu’on dit aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre (p.113)

Nous ne pouvons pas battre Hitler sans passer par la révolution ni consolider notre révolution sans battre Hitler (p.124-125)

Les Etats totalitaires peuvent faire de grandes choses, mais il y a une chose qu’ils ne peuvent pas faire : ils ne peuvent pas donner un fusil à l’ouvrier d’usine et lui dire de le rapporter chez lui pour le mettre dans sa chambre à coucher. Ce fusil accroché au mur de l’appartement de l’ouvrier ou dans la maison du paysan est le symbole de la démocratie. Notre tâche est de vérifier qu’il est toujours là (p.144)

L’expérience montre que les êtres humains peuvent supporter énormément de choses tant qu’ils ont l’impression d’être traités avec justice (p.155)

Pour le dire crûment, le choix est entre le socialisme et la défaite. Nous devons aller de l’avant, ou périr (p.171)

Ce que l’Angleterre n’a jamais eu, c’est un parti socialiste qui soit sérieux et qui tienne compte des réalités contemporaines. (…) En conséquence, le peu de sentiment révolutionnaire qui existait à gauche s’est dispersé dans différentes impasses, dont la plus importante était le parti communiste. Dès le début, le communisme a été une cause perdue en Europe occidentale, et les partis communistes des divers pays ont rapidement dégénéré pour n’être que des agences publicitaires du régime russe (p.172)

Lorsque le véritable mouvement socialiste anglais apparaîtra (…) il traversera toutes les divisions existantes entre les partis. Il sera à la fois révolutionnaire et démocratique (p.173)

Tous les socialistes, et je dirais même quelle que soit leur tendance, sont persuadés que le destin et donc le véritable bonheur de l’homme se trouve dans une société de communisme pur, c’est-à-dire une société où tous les êtres humains sont plus ou moins égaux, où personne n’a le pouvoir d’opprimer quiconque, où les motifs économiques ont cessé d’agir, où les hommes sont mus par l’amour et la curiosité et non par la cupidité et la terreur. Tel est notre destin et il est impossible d’y échapper ; mais comment l’atteindre, et dans combien de temps ? Cela dépend de nous. Le socialisme -la propriété centralisée des moyens de production, plus la démocratie politique- est l’étape nécessaire menant au communisme, exactement comme le capitalisme était l’étape nécessaire après le féodalisme (p.176-177)

Le capitalisme, lui, ne laisse aucune place aux relations humaines ; la seule loi qu’il connaît est l’accumulation incessante des bénéfices (p.177)

On peut définir le nazisme comme un collectivisme oligarchique (p.181)

Les croyances humaines ne sont pas si crûment dépendantes des circonstances matérielles qu’elles puissent changer d’un jour à l’autre, ou même d’une année à l’autre. Un professeur de science naufragé sur une île déserte sera peut-être réduit à la condition d’un sauvage, mais il ne deviendra pas un sauvage. Il ne se mettra pas à croire, par exemple, que le Soleil tourne autour de la Terre. Lorsque notre révolution sera accomplie, notre structure sociale et économique sera totalement différente, mais nous conserverons un bon nombre de façons de penser et de nous comporter que nous avons acquises à une période antérieure. Les nations n’effacent pas si facilement leur passé (p.183-184)

Et au moment où j’écris, j’ignore ce que nous pouvons faire, politiquement, sinon diffuser aussi largement que possible les trois idées suivantes : 1. le progrès de l’humanité peut être bloqué pendant des siècles si nous ne parvenons pas à éliminer Hitler, ce qui signifie que la Grande-Bretagne doit gagner la guerre ; 2. la guerre ne peut pas être gagnée à moins de faire quelques pas en direction du socialisme ; 3. aucune révolution n’a de chance de réussir en Angleterre si elle ne tient pas compte du passé de l’Angleterre (p.185)

Si aucun homme n’est jamais motivé que par des intérêts de classe, pourquoi chaque homme prétend-il toujours qu’il est motivé par autre chose ? Apparemment parce que les êtres humains ne peuvent agir pleinement que lorsqu’ils pensent qu’ils n’agissent pas pour des raisons économiques. Mais ceci devrait suffire en soi-même à suggérer qu’il faudrait prendre au sérieux les motivations ‘’superstructurelles’’ (p.219)

Soit nous vivons tous dans un monde honnête, soit personne n’y vit (p.222)

En pratique, on ne parvient jamais à la société parfaite, et le terrorisme employé dans ce but n’engendre rien d’autre qu’un besoin de terrorisme sans cesse renouvelé (p.248)

Les révolutions doivent se faire, il ne peut pas y avoir de progrès moral sans changements économiques drastiques, et pourtant le révolutionnaire s’active pour rien s’il perd contact avec la décence ordinaire humaine. D’une façon ou d’une autre, il nous faut résoudre le dilemme de la fin et des moyens (p.253)

Un socialiste n’est pas obligé de croire que la société humaine peut réellement devenir parfaite, mais la très grande majorité des socialistes croit vraiment qu’elle pourrait être bien meilleure qu’elle ne l’est à présent, et que la plupart des maux dont les hommes sont responsables proviennent des effets pervers de l’injustice et de l’inégalité. Le fondement du socialisme est l’humanisme. (…) Il ne fait aucun doute que la pensée orthodoxe socialiste, qu’elle soit réformiste ou révolutionnaire, a perdu une partie des qualités messianiques qu’elle possédait il y a trente ans (p.255)

En ce moment, l’utopisme a du mal à se transformer en un mouvement politique bien défini. Partout, les masses cherchent la sécurité plus qu’elles ne veulent l’égalité, et elles n’ont pas compris l’importance, pour elles, de la liberté de parole et de la presse (p.257)

(…) nous pouvons être certains que, d’ici peu, trois pays, peut être davantage, posséderont le moyen de se réduire mutuellement en poussière. Pas plus de quelques centaines de ces bombes, lancées sur les grandes villes et sur les grandes régions industrielles, suffiraient à nous faire revenir à des conditions de sauvagerie primitive (p.278)

Seuls parmi les grands pays du monde, les Etats-Unis n’ont pas souffert trop gravement de la guerre -en fait, ils sont devenus bien plus puissants à cause d’elle (p.287)

Le monde sera divisé en trois camps et, finalement, en deux camps, car la Grande-Bretagne, qui n’est pas assez puissante pour rester seule, finira par s’intégrer au système américain (p.288)

L’époque où le monde pouvait consister en un patchwork de petits Etats réellement indépendants est terminée (p.289)

La majorité des gens ne sait pas ce que le socialisme veut dire, bien que l’opinion publique soit prête à des mesures essentiellement socialistes telles que la nationalisation des mines, des chemins de fer, des services publics et de la terre. Toutefois, il est peu probable qu’il existe un désir très répandu d’une égalité sociale complète. (…) Le parti travailliste, dans l’esprit de l’homme ordinaire, ne signifie pas républicanisme, et encore moins le drapeau rouge, les barricades et le règne de la terreur : il signifie le plein-emploi, la distribution gratuite de lait dans les écoles, trente shillings par semaine pour les retraités et, en général, la justice pour les travailleurs (p.297)

La spécificité remarquable de la presse britannique dans son ensemble est son extrême concentration ; il y a relativement peu de journaux et ils appartiennent pour la plupart à un tout petit cercle de personnes (p.329)

Votre question sur la Ferme des animaux. Bien sûr j’ai conçu ce livre en premier lieu comme une satire sur la révolution russe. Mais, dans mon esprit, il avait une application plus large dans la mesure où je voulais montrer que cette sorte de révolution (une révolution violente menée comme une conspiration par des gens qui n’ont pas conscience d’être affamés de pouvoir) ne peut conduire qu’à un changement de maîtres. La morale, selon moi, est que les révolutions n’engendrent une amélioration radicale que si les masses sont vigilantes et savent comment virer leurs chefs dès que ceux-ci ont fait leur boulot. Le tournant du récit, c’est le moment où les cochons gardent pour eux le lait et les pommes (Kronstadt). Si les autres animaux avaient eu alors la bonne idée d’y mettre le holà, tout se serait bien passé. Si les gens croient que je défends le statu quo, c’est, je pense, parce qu’ils sont devenus pessimistes et qu’ils admettent à l’avance que la seule alternative est entre la dictature et le laisser-faire. Dans le cas des trotskistes s’ajoute une complication particulière : ils se sentent responsables de ce qui s’est passé en URSS jusqu’en 1926 environ, et ils doivent faire l’hypothèse qu’une dégénérescence soudaine a eu lieu à partir de cette date (p.347)

Mon roman récent, 1984, n’a pas été conçu comme une attaque contre le socialisme ou contre le parti travailliste britannique (dont je suis un sympathisant) mais comme une dénonciation des perversions auxquelles une économie centralisée peut être sujette et qui ont déjà été partiellement réalisées dans le communisme et le fascisme. Je ne crois pas que le type de société que je décris arrivera nécessairement, mais je crois (compte tenu, bien entendu, du fait que ce livre est une satire) que quelque chose qui y ressemble pourrait arriver. Je crois également que les idées totalitaires ont partout pris racine dans les esprits des intellectuels, et j’ai essayé de pousser ces idées jusqu’à leurs conséquences logiques. L’action du livre se déroule en Grande Bretagne, pour souligner que les peuples de langue anglaise ne sont pas par nature meilleurs que les autres, et que le totalitarisme, s’il n’est pas combattu, pourrait triompher partout (p.358)

 

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24 février 2020

Orwell, 1903-1950 (V)

orwell 1.jpgORWELL

DANS

LE

TEXTE (4)

 

 

 

 

 

[George Orwell, A ma guise. Chroniques 1943-1947, Agone, Marseille, 2008]

 

Les taudis londoniens sont encore bien misérables mais ils ne sont pas comparables à ceux du XIXème siècle. (…) Le progrès existe, si difficile que ce soit de le croire en cette époque de camps de concentration et de belles grosses bombes (p.38)

Presque sans le savoir  -et peut-être sans vouloir le savoir-  l’ouvrier blanc exploite l’ouvrier de couleur et, en retour, l’ouvrier de couleur peut être utilisé, et est utilisé, contre l’ouvrier blanc. (…) Les choses étant ce qu’elles sont, l’Asie et l’Afrique constituent tout simplement une inépuisable armée de réserve de briseurs de grève. On ne peut pas reprocher au travailleur de couleur de ne pas se sentir solidaire de ses camarades blancs. (…) Le mouvement socialiste n’a jamais vraiment pris pied ni en Asie, ni en Afrique, ni même parmi les Nègres américains : partout, il est dévoyé par le nationalisme et la haine raciale. (…) Il n’y aura pas de solution tant que le niveau de vie du milliard de ‘’non-Blancs’’ ne sera pas relevé de force et rendu égal au nôtre (p.40)

Si l’on veut se croire infaillible, il ne faut pas tenir de journal. En relisant mon journal de 1940 et 1941, je me rends compte que je me suis trompé chaque fois que c’était possible. Mais tout de même moins que les experts militaires (p.45)

Ce que tous ces gens (…) ont en commun, c’est leur refus de croire que la société puisse être fondamentalement améliorée. L’homme n’est pas perfectible, de simples changements politiques ne peuvent avoir aucun effet, et le progrès est une illusion. Le lien entre cette conception et la réaction politique est, bien sûr, manifeste. Le détachement vis-à-vis de ce monde est le meilleur alibi du riche. (…) Il y a un risque à ignorer les néo-pessimistes, car jusqu’à un certain point, ils ont raison. Tant qu’on pense à court terme, il est sage de ne pas trop espérer du futur. Les plans pour l’amélioration de l’humanité tombent régulièrement à l’eau (…) La bonne réponse est de dissocier le socialisme de l’utopisme. (…) La réponse (…) est que le socialisme n’est pas un perfectionnisme, ni même sans doute un hédonisme. Les socialistes ne se prétendent pas capables de rendre le monde parfait ; ils s’affirment capables de le rendre meilleur. Et tout socialiste qui réfléchit tant soit peu concédera au catholique qu’une fois l’injustice économique corrigée le problème fondamental de la place de l’homme dans l’univers continuera de se poser. Mais ce que les socialistes affirment avec force, c’est qu’il est impossible d’affronter ce problème tant que les préoccupations de l’être humain moyen sont, par nécessité, économiques. Tout cela se trouve résumé dans la formule de Marx selon laquelle l’histoire humaine ne pourra commencer qu’après l’avènement du socialisme (p.48-50)

Néanmoins, un monde où l’assassinat d’un seul civil est criminel et où le largage d’un millier de tonnes d’explosifs sur un quartier résidentiel est légitime me fait parfois me demander si notre Terre ne sert pas d’asile psychiatrique à une autre planète (p.54)

… nous sommes tout bonnement une ploutocratie (p.59)

Je crois que les éventuels lecteurs du futur qui se plongeront dans nos journaux et nos magazines considéreront comme une aberration similaire le dédain pour la démocratie et la franche admiration pour le totalitarisme qui se sont emparés de l’intelligentsia britannique vers 1940 (p.65)

Le fait que la démocratie n’est pas inhérente au collectivisme et qu’on ne se débarrasse pas de la domination de classe en abolissant de façon formelle la propriété privée devient chaque jour plus clair. La tendance du monde à se scinder en plusieurs grands blocs formant des superpuissances est également assez claire, et le fait que chacune d’entre elles serait probablement invincible ouvre des perspectives sinistres (p.66)

Burnham (…) était également incapable d’admettre qu’il existe une différence de nature essentielle entre la Russie et l’Allemagne. Mais l’erreur de base de cette pensée est son mépris de l’homme ordinaire (p.67)

Mais là où Burnham et ses savants camarades se trompent, c’est quand ils tentent de propager l’idée que le totalitarisme est inévitable, et que nous ne devrions donc pas nous y opposer (p.68)

Un lecteur me reproche d’être ‘’négatif’’ et ‘’toujours en train de critiquer’’. Le fait est que nous vivons à une époque où les raisons de se réjouir ne sont pas nombreuses (p.71)

L’histoire est écrite par les vainqueurs. En dernière analyse, notre unique titre à la victoire est que, si nous gagnons la guerre, nous proférerons moins de mensonges que nos adversaires. Ce qu’il y a de véritablement effrayant dans le totalitarisme, ce n’est pas qu’il commette des atrocités mais qu’il s’attaque au concept de vérité objective : il prétend contrôler le passé aussi bien que l’avenir (p.81)

La faiblesse de la gauche, c’est qu’elle traite l’antisémitisme d’un point de vue rationaliste. (…) On ne se débarrasse pas d’une croyance en démontrant qu’elle est irrationnelle (p.85-86)

Donc, comme on ne peut pas donner à tout le monde certains produits de luxe (des voitures puissantes, par exemple, des manteaux de fourrures, des yachts, des maisons de campagne et que sais-je encore), il est préférable que personne n’en possède. Le riche perd autant par sa richesse que le pauvre par sa pauvreté (p.95)

On pourrait dire par exemple que ce qu’il y a de plus important dans la théorie de Marx est contenu dans l’adage : ‘’là où est ton trésor, là aussi est ton cœur’’. Mais avant que Marx ne le développe, quel pouvoir avait cet adage ? Qui y a jamais prêté attention ? Qui en avait déduit  -ce qu’il implique pourtant indubitablement-  que les lois, la religion et les codes moraux constituent une superstructure édifiée sur la base des relations de propriété existantes ? C’est le Christ, selon l’Evangile, qui a prononcé ces paroles, mais c’est Marx qui leur a donné vie. Et depuis qu’il l’a fait, les motivations des hommes politiques, des prêtres, des juges, des moralistes et des millionnaires inspirent la plus profonde suspicion  -et c’est bien pourquoi ils le détestent tant (p.100)

… quand on a le ventre creux, le seul problème c’est qu’on a le ventre creux. C’est seulement quand nous serons débarrassés de la corvée et de l’exploitation que nous commencerons vraiment à nous interroger sur la destinée de l’homme et sur le sens de son existence (p.105)

Certes, si la caste militaire allemande n’a pas été détruite, c’est évidemment en raison d’une stratégie délibérée des dirigeants alliés, terrifiés à l’idée d’une révolution en Allemagne (p.124)

La croyance en l’au-delà n’influence pas notre conduite comme elle le ferait obligatoirement si elle était authentique. Avec la perspective de cette existence sans fin par-delà la mort, combien nos vies nous paraîtraient insignifiantes ! La plupart des chrétiens nous affirment qu’ils croient à l’enfer. Mais avez-vous jamais rencontré un chrétien qui paraisse aussi effrayé par l’enfer que par le cancer ? Même les chrétiens les plus dévots plaisanteront sur l’enfer, alors qu’ils ne plaisanteraient pas sur les lépreux ou sur les visages brûlés des pilotes de la Royal Air Force : le sujet est trop douloureux (p.136)

Tout journaliste de la presse quotidienne vous le dira : l’un des secrets les plus importants de son métier, c’est l’astuce qui consiste à faire croire qu’il y a de l’information quand il n’y en a pas (p.139)

Cette illusion consiste à croire que, sous une dictature, on peut être libre intérieurement. Nombre de gens se consolent avec cette idée maintenant que le totalitarisme, sous une forme ou sous une autre, est visiblement en plein essor dans toutes les parties du monde. Dans la rue, les haut-parleurs vocifèrent, les drapeaux flottent sur les toits, les policiers avec leurs mitraillettes patrouillent en tout sens, et le visage du Chef, en un mètre cinquante de large, vous foudroie du regard depuis tous les panneaux d’affichage ; mais là-haut, dans les greniers, les ennemis secrets du régime peuvent consigner leurs pensées en toute liberté ; c’est à peu près l’idée. (…) Mais la pire des erreurs, c’est de s’imaginer que l’être humain est un individu autonome (p.144-145)

Supprimez la liberté d’expression et les capacités créatrices se tarissent (p.145)

La guerre est barbare par nature ; il vaut mieux le reconnaître. Si nous nous regardons comme les sauvages que nous sommes, certains progrès sont possibles ou, du moins envisageables (p.161)

La plupart des êtres humains ont le sentiment qu’une chose devient différente quand on lui attribue un nom différent (p.169)

Le catholique, du moins l’apologiste du catholicisme, se sent tenu d’affirmer la supériorité des pays catholiques et du Moyen-Age sur le monde contemporain, exactement comme un communiste se sent tenu de soutenir l’URSS en toute circonstance (p.185)

Ces nouvelles, et d’autres du même genre, doivent leur qualité à la forte attirance pour la brutalité qui était dans la nature de London. C’est aussi ce qui lui a permis cette compréhension subjective du fascisme qui manque d’ordinaire aux socialistes et qui fait, par certains côtés, du Talon de fer un livre véritablement prophétique (p.192)

L’une des choses les plus extraordinaires avec l’Angleterre, c’est qu’il n’existe pratiquement pas de censure officielle et que, pourtant, rien de ce qui pourrait réellement nuire à la classe dirigeante n’y est jamais publié, du moins dans les journaux à grand tirage. Si ‘’cela ne se fait pas’’ de parler de tel ou tel sujet, eh bien, on n’en parle pas, tout simplement. (…) Pas de pots-de-vin, pas de menaces, pas de sanctions : juste un hochement de tête, un clin d’œil, et le tour est joué. (…) Aujourd’hui, ce type de censure voilée touche aussi les livres. (…) Bien qu’il n’y ait pas d’interdictions expresses ni d’instructions claires sur ce qui doit ou ne doit pas être publié, on ne passe jamais outre la ligne officielle. Les chiens de cirque sautent quand le dresseur fait claquer son fouet, mais le chien vraiment bien dressé est celui qui exécute son saut périlleux sans avoir besoin du fouet (p.195-197)

Mais ces deux dernières années, la publicité commerciale, avec toute sa bêtise et tout son snobisme, a fait un retour en force (p.201)

Après tout, si la nature humaine est immuable, comment se fait-il que non seulement nous ne pratiquons plus le cannibalisme, mais surtout que nous n’en avons même pas envie ? (p.207)

La grande majorité des gens qui vont au cinéma sont pauvres ; il est donc de bonne politique de faire du pauvre un héros. Les grands producteurs de films, les magnats de la presse et leurs semblables amassent une grande partie de leur richesse en faisant valoir que la richesse, c’est le mal. La formule ‘’le gentil pauvre bat le méchant riche’’ n’est qu’une version plus subtile du pays de cocagne.  C’est une sublimation de la lutte des classes (p.210)

… il y a extrêmement peu d’esclaves dont on sache quelque chose. Pour ma part, il n’y a que trois esclaves dont je connaisse le nom : Spartacus lui-même ; Esope, le fabuliste, dont on dit qu’il était esclave ; et Epictète, le philosophe, qui était l’un de ces esclaves instruits dont les ploutocrates romains aimaient la compagnie. Tous les autres n’ont même pas de nom. On ne connaît pas  -ou tout au moins, je ne connais pas quant à moi-  le nom d’un seul de ces millions d’êtres humains qui bâtirent les pyramides. Spartacus est de loin, je pense, l’esclave le plus célèbre qu’il y ait jamais eu. Durant cinq mille ans, ou plus, la civilisation a reposé sur l’esclavage. Pourtant, quand le nom d’un seul esclave traverse les siècles, c’est parce qu’il a désobéi à l’injonction ‘’Ne résiste pas aux méchants’’, et qu’il a organisé une révolte violente. Il y a là, je pense, une morale pour les pacifistes (p.211)

La guerre ne nuit pas à l’édification de la civilisation par la destruction qu’elle engendre (…), ni même par le massacre d’êtres humains, mais par la haine et la malhonnêteté qu’elle suscite. En tirant sur votre ennemi, vous ne lui faites pas de mal au sens le plus profond du terme. Mais en le haïssant, en inventant sur lui des mensonges que vous faites croire à vos enfants, en réclamant à grands cris des conditions de paix injustes qui rendront de nouvelles guerres inévitables, vous frappez non une génération destinée à périr mais l’humanité elle-même (p.214-215)

Quiconque est informé d’un cas avéré de discrimination raciale doit systématiquement le dénoncer (p.220)

Le parti tory était autrefois considéré comme ‘’le parti stupide’’. Mais parmi les promoteurs de ce groupe on trouve quelques bons cerveaux et, lorsque les tories deviennent intelligents, il vaut mieux faire attention à sa montre et compter sa monnaie (p.283)

… les prestidigitateurs ne se convertissent jamais au spiritisme (p.288)

Quoi qu’on dise, les choses évoluent (p.291)

Personne ne cherche la vérité, tout le monde avance des ‘’arguments’’ sans se préoccuper du tout d’impartialité ou d’exactitude, et les faits les plus manifestement évidents peuvent être ignorés par ceux qui ne veulent pas les voir. Les mêmes trucs de propagande se retrouvent presque partout (p.295)

Toutefois, je crois qu’on pourrait démontrer, en se fondant sur l’histoire des vingt dernières années, que les méthodes totalitaires de controverse -falsification de l’histoire, calomnies personnelles, refus d’écouter équitablement les adversaires, et ainsi de suite- sont dans l’ensemble allées à l’encontre des intérêts de la gauche. Le mensonge est un boomerang, et il revient parfois à une vitesse surprenante (p.314)

Je suis tout à fait en faveur de la liberté en Europe, mais je me sens plus heureux quand elle est conjuguée avec la liberté partout ailleurs -en Inde par exemple (p.320)

Pour l’instant, l’avion est tout d’abord un instrument qui sert à lâcher des bombes et la radio est tout d’abord un instrument pour attiser le nationalisme (p.329)

Lorsqu’on examine ce qui s’est passé depuis 1930, il n’est pas facile de croire à la survie de la civilisation. Je ne suggère pas, à partir de ce constat, que la seule solution est de renoncer à la politique quotidienne, de se retirer dans un lieu éloigné et de se concentrer soit sur son salut personnel, soit sur la création de communautés autonomes en prévision du jour où les bombes atomiques auront fait leur travail. Je pense qu’il faut poursuivre la lutte politique, exactement comme un médecin doit tenter de sauver la vie d’un patient, même s’il a de grandes chances de mourir (p.358-359)

La nationalisation est une mesure à long terme qui, dans la plupart des cas, ne produit pas d’amélioration mais prépare simplement le terrain pour une amélioration (p.369)

… Andréï Jdanov (…) en sait à peu près autant sur la littérature que moi sur l’aérodynamisme (p.386)

Le roman de Zamiatine, Nous autres, sur lequel j’ai écrit un article pour Tribune il y a un an ou deux, va être réédité dans ce pays. Il s’agit d’une nouvelle traduction du russe. Repérez bien ce livre (p.400)

Il semble que nationaliser la presse serait du ‘’fascisme’’ alors que la ‘’liberté de la presse’’ consiste à permettre à quelques millionnaires de contraindre plusieurs centaines de journalistes à falsifier leurs opinions (p.445)

 

 

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20 février 2020

Orwell, 1903-1950 (IV)

 

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ORWELL

DANS

LE

TEXTE (3)

 

 

 

 

[George Orwell, Dans la dèche à Paris et à Londres, 10/18, Paris, 2010]

 

J’habitais à l’enseigne de l’hôtel des Trois Moineaux : imaginez une sorte de taupinière sombre et délabrée, abritant, sur cinq étages, quarante chambres délimitées par des cloisons de bois (p.8)

Le sujet de ce livre, c’est la misère, et c’est dans ce quartier lépreux que j’en ai pour la première fois fais l’expérience  -d’abord comme une leçon de choses dispensée par des individus menant des vies plus impossibles les unes que les autres, puis comme trame vécue de ma propre existence (p.13)

Je devais à présent subsister avec six francs par jour -entreprise en soi assez ardue pour ne guère laisser le temps de penser à autre chose. C’est à ce moment-là que je commençai à comprendre ce que signifie vraiment la pauvreté. Car six francs par jour, si ce n’est pas à proprement parler la misère, ce n’en est pas loin. Avec six francs par jour, on peut encore subsister à Paris, à condition de savoir s’y prendre. Mais l’affaire n’est pas de tout repos (p.23)

Pourtant, j’étais loin d’être aussi malheureux que je l’aurais cru. Car, lorsque vous vous trouvez dans la misère, vous faites une découverte qui éclipse presque toutes les autres. Vous avez découvert l’ennui, les petites complications mesquines, les affres de la faim, mais vous avez en même temps fait une découverte capitale : savoir que la misère a la vertu de rejeter le futur dans le néant (p.28)

Nous vécûmes plusieurs jours au régime de pain sec, puis je passai deux jour et demi sans manger. Ce n’est pas drôle. Il y a des gens qui font des cures de jeûne de trois semaines et plus, et qui vous assurent qu’à partir du quatrième jour la sensation est positivement délicieuse. Je n’en sais rien, n’étant jamais allé au-delà du troisième jour. Il faut croire que l’on voit la chose différemment quand on se plie de propos délibéré à cette discipline après avoir largement mangé à sa faim avant (p.51)

La faim réduit un être à un état où il n’a plus de cerveau, plus de colonne vertébrale. L’impression de sortir d’une grippe carabinée, de s’être mué en méduse flasque, avec de l’eau tiède qui circule dans les veines au lieu de sang. L’inertie, l’inertie absolue, voilà le principal souvenir que je garde de la faim (p.52)

A cinq heures moins le quart nous reprenions le chemin de l’hôtel. Comme il n’y avait pas de clients à servir avant six heures et demie, nous en profitions pour faire l’argenterie, nettoyer les cafetières et autres ustensiles. Ensuite, c’était le grand branle-bas du dîner. Il me faudrait la plume d’un Zola pour donner une idée de ce qu’était ce moment. En gros, toute l’affaire se résumait comme suit : cent à deux cents personnes réclamaient, chacune en même temps, cinq à six plats différents que devaient leur préparer et servir cinquante à soixante autres personnes. Quiconque a tant soit peut l’expérience de la restauration comprendra ce que cela représente (p.87)

Faire la vaisselle est un travail parfaitement odieux -pas vraiment pénible, certes, mais assommant et stupide au-delà de toute expression. On frémit à l’idée que des êtres humains puissent passer des dizaines d’années de leur vie à ne rien faire d’autre. La femme que je remplaçais avait bien la soixantaine et elle restait rivée à son bac à vaisselle treize heures par jour, six jours par semaine, toute l’année durant. Et en plus, elle servait de souffre-douleur aux garçons (p.93)

Le vol était partout, et malheur à celui qui laissait traîner de l’argent dans la poche de son veston ; il pouvait d’avance en faire son deuil (p.98)

Voilà quelle était la vie d’un plongeur, une vie qui, tout compte fait, ne me paraissait pas alors si mauvaise. Je ne me sentais même pas pauvre, étant donné qu’après avoir payé ma chambre et mis de côté l’argent du tabac, du métro et des repas du dimanche, il me restait quatre francs par jour à dépenser en boisson  -et quatre francs, c’était pour moi la fortune (p.123)

… rien ne peut être plus simple que la vie d’un plongeur. Il vit au rythme des heures de travail et des heures de sommeil. Il n’a pas le temps de penser : pour lui, le monde extérieur pourrait aussi bien ne pas exister (p.123)

Le travail de l’hôtel m’enseigna la véritable valeur du sommeil, de même que la faim m’avait enseigné la véritable valeur de la nourriture. Le sommeil avait cessé d’être un simple besoin physique : c’était une volupté, une débauche allant infiniment au-delà du repos nécessaire (p.124)

Il faut, je crois, commencer par souligner que le plongeur est un des esclaves du monde moderne. Loin de moi l’idée de faire verser des larmes sur son sort, car il vit matériellement beaucoup mieux que bien des travailleurs manuels. Mais pour ce qui est de la liberté, il n’en a pas plus qu’un esclave qu’on peut vendre et acheter. Le travail qu’il effectue est servile et sans art. On ne le paie que juste ce qu’il faut pour le maintenir en vie. Ses seuls congés, il les connaît lorsqu’on le flanque à la porte (p.158)

Et on continue à lui imposer ce travail parce que règne confusément chez les riches le sentiment que, s’il avait quelques moments à lui, cet esclave pourrait se révéler dangereux. Et les gens instruits, qui devraient prendre son parti, laissent faire sans broncher parce qu’ils ne connaissent rien de cet homme, et par conséquent en ont peur. Je cite ici le plongeur parce que c’est un cas que j’ai pu examiner de près. Mais on pourrait en dire autant pour une infinité de travailleurs de tous métiers (p.165)

L’Angleterre est un pays fort agréable, à condition de ne pas être pauvre (p.173)

Habillé en clochard, il est très difficile, tout au moins au début, de ne pas éprouver le sentiment d’une déchéance. C’est le même genre de honte, irrationnelle mais très réelle, qui vous prend, je suppose, quand vous passez votre première nuit en prison (p.177)

J’eus, grâce à Bozo, un certain nombre d’aperçus sur la manière dont la mendicité s’organise à Londres. Ce n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Il y a un certain nombre de subdivisions entre catégories, et, socialement parlant, une délimitation franche entre ceux qui se bornent à tendre la main et ceux qui essaient de donner quelque chose en échange de l’argent. Les gains réalisés par ce moyen sont eux aussi très variables (p.231)

Il est regrettable que quelqu’un capable de véritablement traiter le sujet ne s’attache pas à tenir un jour le répertoire de l’argot et des jurons londoniens, en enregistrant précisément les changements qui se produisent. Cela aiderait à comprendre comment et pourquoi un mot naît, vit et meurt (p.244)

L’homme, à qui l’on fait la charité, nourrit, quasi invariablement, une haine féroce à l’égard de son bienfaiteur  -c’est une constante de la nature humaine (p.252)

Je tiens toutefois à souligner deux ou trois choses que m’a définitivement enseignées mon expérience de la pauvreté. Jamais plus je ne considérerai tous les chemineaux comme des vauriens et des poivrons, jamais plus je ne m’attendrai à ce qu’un mendiant me témoigne sa gratitude lorsque je lui aurai glissé une pièce, jamais plus je ne m’étonnerai que les chômeurs manquent d’énergie. Jamais plus je ne verserai la moindre obole à L’Armée du Salut, ni ne mettrai mes habits en gage, ni ne refuserai un prospectus qu’on me tend, ni ne m’attablerai en salivant par avance dans un grand restaurant. Ceci pour commencer (p.290)

 

 

 

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04 février 2020

Orwell, 1903-1950 (III)

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ORWELL

DANS

LE

TEXTE (2)

 

 

 

[George Orwell, Tels, tels étaient nos plaisirs et autres essais (1944-1949), Editions Ivrea, Paris, 2005]

 

Les seules autobiographies dignes de foi sont celles qui dévoilent quelque chose de honteux (p.7)

… un artiste est aussi un citoyen et un être humain (p.15)

… c’est une politique contestable que d’interdire quoi que ce soit (p.15)

Si, en définitive, on se range du côté de la police plutôt que celui des gangsters, c’est simplement parce qu’elle est mieux organisée et plus puissante, parce que la loi est un racket plus lucratif que le crime. La force prime le droit : vae victis (p.31)

… la police emploie des méthodes fondamentalement criminelles (p.34)

La vérité est, bien sûr, que les innombrables intellectuels anglais qui baisent le cul de Staline ne sont pas différents de la minorité qui fait allégeance à Hitler ou Mussolini… (p.37-38)

Les gens vénèrent le pouvoir sous la forme qu’ils sont capables de comprendre (p.40)

La grande faute de la quasi-totalité des auteurs de gauche est d’avoir voulu être antifascistes sans être en même temps antitotalitaires (p.45)

… le dilemme bien connu de la fin et des moyens. On n’arrive à rien si l’on n’est pas résolu à faire usage de la force et de la ruse, mais on dénature ainsi les buts qu’on s’était fixés (p.47)

… les procès de la vieille garde bolchévique étaient bien des mascarades (p.49)

Lénine conduit à Staline, et il aurait fini par ressembler à Staline s’il avait vécu plus longtemps (p.52)

Depuis 1930 environ, le monde ne nous a guère fourni d’occasions d’être optimistes. On ne voit rien venir, si ce n’est un amas chaotique de mensonges, de haine, de barbarie et d’ignorance, et derrière nos misères actuelles se profilent d’autres misères, encore plus terribles, qui commencent seulement à être perçues par la conscience européenne. Il est fort possible que les problèmes majeurs de l’humanité ne soient jamais résolus (p.56)

Toutes les révolutions sont des échecs mais il y a différentes sortes d’échecs (p.58)

Il ne faut pas confondre nationalisme et patriotisme (p.60)

Le principal objectif de la propagande est naturellement de façonner l’opinion du moment, mais ceux qui réécrivent l’histoire sont sans doute eux-mêmes persuadés, dans un recoin de leur esprit, qu’ils modifient effectivement le passé en y introduisant des faits à leur convenance. Quand on voit jusqu’à quel raffinement on a poussé la falsification pour occulter le rôle de Trotski dans la guerre civile russe, on ne peut s’empêcher de penser qu’il ne s’agit pas pour les responsables d’un simple mensonge (p.73)

… dans le monde moderne il n’est personne qui mérite le nom d’intellectuel, et qui puisse se tenir à l’écart de la politique, c’est-à-dire s’en désintéresser. Je pense que chacun doit participer à la vie politique -au sens large du terme-  et prendre parti, c’est-à-dire comprendre qu’il est des causes qui sont objectivement meilleures que d’autres, même si les moyens utilisés pour les défendre sont tout aussi mauvais (p.87)

Alors même qu’elle va probablement nous réduire tous à néant dans les cinq années à venir, la bombe atomique n’a pas suscité autant de débats que l’on aurait pu le croire (p.109)

Une arme complexe renforce le pouvoir des puissants, alors qu’une arme simple permet aux plus faibles  -aussi longtemps qu’elle est sans réplique- de se défendre bec et ongles (p.110)

… chaque progrès de la technique militaire a favorisé l’Etat au détriment de l’individu et les pays industrialisés au détriment des pays arriérés. Ceux qui détiennent la puissance sont de moins en moins nombreux (p.111)

Cependant, si l’on considère le monde dans sa totalité, on constate que, depuis plusieurs décennies, la tendance n’est pas à l’anarchie, mais au rétablissement de l’esclavage (p.113)

De nos jours, l’idée de liberté intellectuelle est combattue de deux façons à la fois. De façon théorique par les apologistes du totalitarisme, et de façon pratique, directe, par le monopole et la bureaucratie. Tout écrivain ou journaliste qui cherche à préserver son intégrité voit ses efforts mis en échec, moins par des persécutions actives que par la dérive générale de la société. Travaillent contre lui la concentration de la presse entre les mains de quelques milliardaires, l’emprise du monopole sur la radio et le cinéma, les réticences du grand public à dépenser de l’argent pour acheter des livres, ce qui oblige la quasi-totalité des écrivains à compléter leurs revenus par des travaux mercenaires… (p.115)

La liberté intellectuelle signifie la liberté de rendre compte de ce que l’on a vu, entendu et ressenti, sans être contraint d’inventer des faits ou des sentiments imaginaires (p.116)

L’argument selon lequel dire la vérité serait ‘’inopportun’’ et ‘’ferait le jeu’’ de tel ou tel est considéré comme sans réplique, et rares sont ceux qu’inquiète la perspective de voir les mensonges qu’ils cautionnent passer des journaux aux livres d’histoire (p.120)

Pour la mentalité totalitaire, l’histoire n’est pas quelque chose qu’il s’agit de connaître mais plutôt de fabriquer. Un Etat totalitaire est en fait une théocratie, et sa caste dirigeante doit, pour conserver son pouvoir, passer pour infaillible. Et puisque, dans la pratique, personne n’est infaillible, il est fréquemment nécessaire de réadapter les événements passés afin de montrer que telle ou telle faute n’a pas été commise, ou que tel ou tel triomphe imaginaire a réellement eu lieu. De même, chaque changement d’orientation politique majeur nécessite un changement doctrinal correspondant à une réévaluation des grandes figures historiques (…) En fait, le totalitarisme exige la réécriture continue du passé et probablement, à plus ou moins longue échéance, le rejet de l’idée même de vérité objective (p.121)

C’est au point de confluence de la littérature et de la politique que le totalitarisme exerce la plus forte pression sur les intellectuels (p.122)

La littérature véritablement apolitique n’existe pas, et moins encore dans une époque comme la nôtre, où les craintes, les haines et les sympathies de nature directement politique viennent à tout moment occuper l’esprit de chacun (p.123-124)

Cependant, le totalitarisme ne promet pas tant une époque de foi qu’une époque de schizophrénie. Une société devient totalitaire quand sa structure devient manifestement artificielle, c’est-à-dire lorsque sa classe dominante ne remplit aucune fonction mais parvient à s’accrocher au pouvoir par la force ou par la fraude (p.125-126)

Mais il n’est pas indispensable, pour être corrompu par le totalitarisme, de vivre dans un pays totalitaire (p.126)

On trouvera bien un jour quelque procédé ingénieux pour écrire des livres à l’aide de machines (p.129)

L’attaque directe et consciente contre l’honnêteté intellectuelle est le fait des intellectuels eux-mêmes (p.131)

… toute attaque contre la liberté intellectuelle et contre la notion de vérité objective menace à long terme tous les secteurs de la pensée (p.132)

… la littérature est condamnée si la liberté de pensée disparaît (p.133)

… un esprit vendu est un esprit perdu (p.133)

… l’imagination (…) ne se reproduit pas en captivité (p.133)

L’homme a besoin, de chaleur, de vie sociale, de loisirs, de confort et de sécurité : il a aussi besoin de solitude, de travail créatif et du sens du merveilleux (p.139)

Les discours et les écrits politiques sont aujourd’hui pour l’essentiel une défense de l’indéfendable. Des faits tels que le maintien de la domination britannique en Inde, les purges et les déportations en Russie, le largage de bombes atomiques sur le Japon peuvent sans doute être défendus, mais seulement à l’aide d’arguments d’une brutalité insupportable à la plupart des gens, et qui ne cadrent pas avec les buts affichés par les partis. Le langage politique doit donc principalement consister en euphémismes, pétitions de principe et imprécisions nébuleuses (p.154)

Le principal ennemi du langage clair, c’est l’hypocrisie (…). Tous les problèmes sont des problèmes politiques, et la politique elle-même n’est qu’un amas de mensonges, de faux-fuyants, de sottise, de haine et de schizophrénie. Quand l’atmosphère générale est mauvaise, le langage ne saurait rester indemne (…). Mais si la pensée corrompt le langage, le langage peut aussi corrompre la pensée (p.155)

Ce qui importe avant tout, c’est que le sens gouverne le choix des mots, et non l’inverse (p.158)

Le langage politique -et, avec quelques variantes, cela s’applique à tous les partis politiques, des conservateurs aux anarchistes- a pour fonction de rendre le mensonge crédible et le meurtre respectable, et de donner à ce qui n’est que du vent une apparence de consistance (p.160)

En fin de compte, la seule démonstration du mérite littéraire d’une œuvre est sa survie, qui ne fait elle-même qu’indiquer l’opinion de la majorité (p.210)

Quand on a lu ne serait-ce qu’une fois Shakespeare attentivement, on ne passe pratiquement plus un seul jour sans le citer, car il n’y a guère de sujets importants qu’il n’aborde ou du moins ne mentionne quelque part, à sa façon peu méthodique mais éclairante (p.224)

 

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Orwell, 1903-1950 (II)

 

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ORWELL

DANS

LE

TEXTE (1)

 

 

[George Orwell, Dans le ventre de la baleine et autre essais (1931-1943), Editions Ivréa, Paris, 2005]

 

Ce à quoi je me suis le plus attaché au cours de ces dix dernières années, c'est à faire de l'écriture politique un art à part entière (p.16)

La Ferme des Animaux est le premier livre où je me suis, en pleine connaissance de cause, efforcé de fondre en un même projet l'art et la politique (p.18)

... Ia sale besogne qui est celle de l'empire (p.25)

 Lorsque l'homme blanc devient un tyran, c'est sa propre liberté qu'il détruit (p.33)

... Ies gens aujourd'hui emprisonnés ne sont pas des fascistes, mais des révolutionnaires. Ils sont Ià non parce que leurs opinions sont trop à droite, mais parce qu'elles sont trop à gauche (p.39)

La vraie lutte se déroule entre la révolution et la contre-révolution ; entre les ouvriers qui essaient désespérément de préserver un peu de ce qu'ils ont conquis en 1936 et la coalition libéralo-communiste qui réussit si bien à le leur reprendre (...) le communisme est aujourd'hui une force contre- révolutionnaire (p.39)

... l'ère de la liberté de parole s'achève (p.49)

Bien évidemment, un romancier n'est pas obligé, quand il écrit, de prendre directement pour thème l’histoire contemporaine ; mais un romancier qui se désintéresse totalement des grands événements de son temps est généralement ou bien un gribouille ou bien un imbécile pur et simple (p.129)

Aucun livre n'est jamais totalement innocent. Qu'il s’agisse de vers ou de prose, on y discerne toujours une orientation, même si celle-ci ne s'exprime que dans la forme ou dans le choix de l'image (p.147)

Les gens qui ont le ventre vide ne désespèrent jamais de l'univers -ils ont bien autre chose à faire qu’à se soucier de l’univers (p.153)

Il est à peu près certain que nous entrons dans une ère de dictatures totalitaires -une ère où la liberté de pensée commencera par être un péché mortel, avant de devenir une simple abstraction vidée de tout sens. L'individu autonome est appelé à disparaître (p.178)

Le monde qui nous attend n’est pas un monde pour les écrivains (p.179)

... toute grande littérature est impossible tant que le monde n'aura pas été reconstruit sur de nouvelles bases (p.181)

Il n’y a pas de troisième voie entre résister à Hitler ou capituler devant lui ; et d'un point de vue socialiste, je puis dire qu'il est préférable de résister (p.188)

Par conviction personnelle, je suis résolument "de gauche", mais je crois que pour préserver son intégrité un écrivain doit rester libre de toute attache partisane (p.191)

Il est impossible de rien comprendre au monde moderne si l'on admet pas la terrifiante puissance du patriotisme, de la loyauté nationale (p.198)

La division du monde en nations repose sur d'authentiques différences de mentalité (...) il suffit d’ouvrir les yeux pour se rendre compte que le comportement humain moyen varie énormément d'un pays à l'autre (p.199)

La culture authentiquement populaire de l'Angleterre mène une existence souterraine, clandestine, officieuse et plus ou moins réprouvée par les autorités (p.203)

... l’aversion anglaise pour la guerre et le militarisme. Cette aversion, qui a de profondes racines historiques, est aussi présente dans la petite bourgeoisie que dans Ia classe ouvrière (p.205)

Le système électoral anglais, par exemple, est une escroquerie caractérisée. Il est truqué de dix façons différentes au profit de la classe possédante (...) L'hypocrisie elle-même joue le rôle d'un puissant garde-fou (p.210)

... la classe ouvrière britannique n'a jamais pensé ou agi en adoptant un point de vue internationaliste (p.212)

Le patriotisme est un sentiment quasi universel (p.214)

... un lien invisible enserre la nation et la tient rassemblée (p.217)

Il est indéniable que n'importe quel riche, sauf s'il est juif, à moins à redouter du fascisme que du communisme ou du socialisme démocratique (p.224)

Patriotisme et intelligence devront être réconciliés (p.230)

Cette guerre, si nous ne la perdons pas, abolira la majeure partie des privilèges de classe qui subsistent encore (p.233)

Le socialisme se propose, comme but ultime, la création d'un Etat mondial où les hommes seraient libres et égaux, tenant pour acquis que les hommes sont égaux en droit. Le nazisme veut exactement le contraire (p.238)

Une révolution, cela ne veut pas dire des drapeaux rouges et des barricades dans les rues, mais une refonte totale de l'exercice du pouvoir (p.247)

La guerre et la révolution sont indissociables (p.254)

L'initiative doit venir d'en bas. Ce qui implique le surgissement de quelque chose qui n'a jamais existé en Angleterre, à savoir un mouvement socialiste activement soutenu par la grande masse de Ia population (p.254)

... se montrer à la fois révolutionnaire et réaliste (p.260)

Aucun programme politique n'est jamais intégralement réalisé (...) C'est toujours la direction qui compte, le but visé (p.270)

Ce sont les mouvements qui suscitent les leaders, et non l'inverse (p.271)

Les nations n’échappent pas à leur passé par la seule magie d'une révolution (p.272)

Le patriotisme n'a rien à voir avec le conservatisme (...) aucun révolutionnaire authentique n'a jamais été internationaliste (p.274)

Chacun croit aux atrocités ennemies et refuse de croire à celles de son camp, sans même prendre la peine d'examiner les faits (p.292)

La notion même de vérité objective est en train de disparaître de notre monde (p.306)

Un monde de cauchemar dans lequel le chef, de n'importe quelle clique au pouvoir, contrôle non seulement l'avenir mais aussi le passé (p.308)

 

 

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21 janvier 2020

Orwell, 1903-1950 (I)

 

Orwell est, avec Kafka, l’un des rares écrivains du XXème siècle dont le nom est passé dans la langage courant, comme Balzac au XIXème siècle’’ [1]

‘’Tout ce que j’ai écrit d’important depuis 1936, chaque mot, chaque ligne, a été écrit directement ou indirectement, contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique tel que je le conçois’’ [2]

 

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Le 21 janvier 1950, il y a 70 ans, disparaissait George Orwell, écrivain politique, homme de gauche, adversaire résolu des dictatures nazie et stalinienne.

Ni courtisan, ni compagnon de route du ‘’communisme soviétique’’, ni porte-parole d’une cause, libre de toute obédience partisane, ennemi de la langue de bois et d’une franchise parfois brutale, Orwell dérangeait les ‘’intellectuels’’ aveuglés par l’un ou l’autre ‘’camp’’, les politiciens prêts à toutes les compromissions et des journalistes déjà dépendants de la puissance de l’argent.

homage to.jpgSon décès -à l’âge de 46 ans !-  fut donc très peu commenté et eut peu d’écho dans la presse de l’époque.

Romancier, journaliste, essayiste, il laissait pourtant une œuvre dense, pour un homme à la santé fragile n’hésitant pas à ‘’faire’’ et à entrer en ‘’immersion’’ dans le monde réel ‘’d’en bas’’ :  9 livres, d’innombrables essais, critiques littéraires et articles commentant l’actualité de son temps…

Et quel ‘’temps’’ ! Celui de la première moitié du XXème siècle, celui du fascisme et du stalinisme triomphants, celui des deux guerres mondiales et de leurs dizaines de millions de cadavres, celui d’Auschwitz et d’Hiroshima/Nagasaki, celui du début de la guerre froide et de la course aux armements (nucléaires) !

C’est peu dire que ces événements tumultueux, et sa trajectoire de vie mouvementée à leur contact, nourrirent directement ses romans et ses écrits.

Policier en Birmanie au service de l’Empire britannique, sans le sou en France et vagabond dans son propre pays, enquêteur sur les conditions d’exploitation de la classe ouvrière du Nord de l’Angleterre, combattant ‘’antifasciste’’ en Espagne, producteur et chroniqueur à la BBC durant le second conflit planétaire (1941-1943), et… cependant écrivain prolixe !

AnimalFarm.jpgLa publication de sa production littéraire rencontra maintes difficultés de son vivant et lui rapporta peu : ni la consécration, ni la fortune. Et il dut attendre la publication de ‘’La Ferme des Animaux’’ à la fin de la seconde conflagration mondiale pour enfin bénéficier d’une situation financière un peu plus aisée !

Il s’empressa alors de terminer son roman le plus connu, ‘’1984’’, quelques mois avant que la tuberculose ne l’emporte.

Il n’eut donc jamais vraiment l’occasion de vérifier la portée et la réception internationales de son œuvre, une œuvre qui n’a cessé de gagner en popularité au fil du temps.

Certes, Orwell n’était pas un prophète ou un Nostradamus buvant du thé ! Sa conception d’une société ‘’totalitaire’’ reposait sur sa connaissance et son expérience de la société ‘’réellement existante’’ des années vingt, trente et quarante du siècle dernier, sources directes de son ‘’inspiration’’ littéraire.

Or, sa description d’un système reposant sur le contrôle total de la population, où le langage est en permanence transformé et vidé de toute signification, où l’histoire est constamment revue et rectifiée, où le mensonge est institutionnalisé, a aujourd’hui une puissance évocatrice inégalée.

Car nous vivons dans le monde de la ‘’révolution numérique’’, un monde où les espaces  -public et privé-  sont envahis par les ‘’terminaux’’, un monde où il devient 1984.jpgpérilleux de s’émanciper du net et des ‘’réseaux sociaux’’, un monde où les caméras prolifèrent partout et où la surveillance généralisée s’intensifie, un monde où les ‘’infofausses’’ (les ‘’fake news’’, particulièrement prisées par un Donald Trump, président de la première puissance planétaire !) entretiennent quotidiennement confusion et manipulation !

Dès lors, c’est bel et bien notre présent qui actualise sans cesse ce livre daté et qui continue à lui assurer un retentissement énorme.

‘’1984’’, et ‘’La Ferme des Animaux’’ qui le préfigure, continuent donc d'être publiés et republiés, lus et discutés, abondamment.

Signe de l’intérêt persistant de ces textes, décidément incontournables : les ‘’traductions nouvelles’’, les ‘’éditions commentées’’, les ‘’analyses érudites’’ qui se multiplient. [3]

Je reviendrai dans les prochaines semaines sur la vie, la personnalité, l’action, la pensée et les ‘’monuments’’ littéraires de George Orwell.

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[1] Adrien Jaulmes, Sur les traces de George Orwell, Paris, Editions des Equateurs, 2019, page 145.

[2] George Orwell, Essais, articles, lettres - volume 1, Paris, Ivréa, 1995, page 25.

[3] Ainsi, en 2018, Gallimard a publié une nouvelle édition de 1984 avec une traduction réalisée par Josée Kamoun, qui a fait le choix d’un récit au présent alors que la version originale était écrite au passé ! La fameuse ‘’novlangue’’ devient le ‘’néoparler’’, ‘’l’Angsoc’’ devient le ‘’Sociang’’, la ‘’police de la pensée’’ devient la ‘’mentopolice’’ et le ‘’crime de la pensée’’ devient ‘’mentocrime’’. Voir à ce sujet : Thierry Discepolo, L’art de détourner George Orwell, Le Monde Diplomatique, juillet 2019.

Concernant La Ferme des Animaux, notons la version que vient de publier Larousse dans sa collection ‘’Petits Classiques’’ (traduction Etienne Leyris).

 

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Bibliographie

 

GEORGE ORWELL

 

A ma guise, chroniques 1943-1947, Marseille, Agone, 2008

Chroniques du temps de guerre (1941-1943), Paris, Ivréa, 1988

Dans le ventre de la baleine, et autres essais (1931-1943), Paris, Ivréa, 2005

Ecrits politiques (1928-1949), Marseille, Agone, 2009

Essais, articles, lettres (4 volumes), Paris, Ivréa, 1995-2001

Tels étaient nos plaisirs et autres essais (1944-1949), Paris, Ivréa, 2005

Une vie en lettres, correspondance (1903-1950), Marseille, Agone, 2014

Une histoire birmane, Paris, Ivréa, 1996

Dans la dèche à Paris et à Londres, Paris, 10/18, 2010

Une fille de pasteur, Paris, LGF-Livre de poche, 2008

Le Quai de Wigan, Paris, Ivréa, 1995

Et vive l’Aspidistra, Paris, 10/18, 2000

Un peu d’air frais, Paris, 10/18, 2010

Hommage à la Catalogne, Paris, 10/18, 2000

La Ferme des Animaux, Paris, Gallimard (‘’Folioplus classiques’’), 2010

1984 (traduction Amélie Audiberti), Paris, Gallimard (‘’Folioplus classiques’’), 2015

1984 (traduction Josée Kamoun), Paris, Gallimard, 2018

 

SUR ET AUTOUR DE GEORGE ORWELL

 

AGONE (Revue), Orwell, entre littérature et politique, Marseille, N°45, 2011

BEGOUT Bruce, De la décence ordinaire, Paris, Allia, 2019

BRUNE François, Sous le soleil de Big Brother, Paris, L’Harmattan, 2000

CHRISTIN Pierre, VERDIER Sébastien, Orwell, Paris, Dargaud, 2019 [‘’Roman graphique’’, avec la participation d’André Juillard, Olivier Balez, Manu Larcenet, Blutch, Juanjo Guarnido, Enki Bilal]

CONANT James, Orwell ou le pouvoir de la vérité, Marseille, Agone, 2012

CRICK Bernard, George Orwell, une vie, Paris, Flammarion, 2008

CRITIQUE COMMUNISTE (Revue), 1984, N°32, 1984

DURAND-LE GUERN Isabelle, Le roman de la révolution. L’écriture romanesque des révolutions de Victor Hugo à George Orwell, Presses Universitaires de Rennes, 2012

GENSANE Bernard, George Orwell, vie et écriture, Presses Universitaires de Nancy, 1994

GILL Louis, George Orwell, de la guerre civile espagnole à 1984, Montréal, Lux, 2011

HITCHENS Christopher, Dans la tête d’Orwell, Paris, Editions Saint Simon, 2019

JAULMES Adrien, Sur les traces de George Orwell, Paris, Editions des Equateurs, 2019

KENNEL-RENAUD Elisabeth, Etude sur La Ferme des Animaux, Paris, Ellipses, 2008

LEMEUNIER Aude, 1984, George Orwell, Paris, Hatier (‘’Profil d’une œuvre’’), 2004

LEYS Simon, Orwell ou l’horreur de la politique, Paris, Plon, 2006

LE GENRE HUMAIN (Revue), 1984 ?, N°9, Automne-Hiver 1983-1984, Bruxelles, Complexe

LE MAGAZINE LITTERAIRE (Revue), George Orwell, 1984, hier et demain, N°202, Décembre 1983

LE MAGAZINE LITTERAIRE (Revue), Orwell, écrivain et prophète politique, N°492, Décembre 2009

MALTERE Stéphane, George Orwell, Paris, Folio (‘’Biographie’’), 2015

MARTIN Jean-Pierre, L’autre vie d’Orwell, Paris, Gallimard, 2013

MICHEA Jean-Claude, Orwell, anarchiste tory, Paris, Climats, 2000

MICHEA Jean-Claude, Orwell éducateur, Paris, Climats, 2003

NEWSINGER John, La politique selon Orwell, Marseille, Agone, 2006

REGARD Frédéric, 1984 de George Orwell, Paris, Folio, 1994

SPURLING Hilary, Sonia Orwell, un portrait, Paris, Seuil, 2003

WILLIAMS Raymond, Orwell, Paris, Seghers, 1972