06 août 2014
Revirements
La perspective d’une coalition des droites se précise de jour en jour, à la satisfaction des principaux organes de presse.
Pensez donc, à en croire les « éditorialistes », ce pays a grandement besoin de remises en cause « des tabous » (syndicaux, notamment) et de « profondes réformes », un défi que seul un gouvernement de « centre-droit » (sic) peut relever.
Désormais, les exclusives d’hier sont oubliées. Les quotidiens francophones alignaient les articles hostiles à la NVA, ce parti « nationaliste » qui rêve de la disparition de la Belgique. Que cela ne tienne. Aujourd’hui, Bart de Wever et ses amis sont les bienvenus, car ils représentent un passage obligé pour éliminer la « gauche conservatrice», c’est-à-dire le PS, qui n’a pourtant pas démérité dans son action en faveur des puissants !
Une ingratitude assortie d’une argumentation acrobatique : finalement, contraindre la NVA à prendre ses responsabilités au niveau fédéral constituerait une plus-value pour le Royaume. En mouillant ce parti, celui-ci serait contraint de mettre une sourdine à ses revendications institutionnelles.
D’ailleurs, la NVA a promis à ses futurs partenaires qu’elle entendait bien donner la priorité aux dossiers socio-économiques, et qu’elle s’abstiendrait de remettre le « communautaire » sur le tapis dans les cinq prochaines années ! Et puis, dans les derniers jours de la campagne électorale, son président avait affirmé avec force -et en français !- : « ayez confiance ! ». Bref, ce qu’il a perdu en kilogrammes a été gagné en maturité. A écouter certains, Bart de Wever serait donc maintenant sur la bonne voie pour gagner son statut d’ « homme d’Etat »…
Dont acte.
Naturellement, les contes de fées – comme les promesses électorales- ne valent que pour ceux qui y croient, et les contorsions de Charles Michel, du MR, du journal « Le Soir » ou de « La Libre Belgique », n’étonnent plus personne depuis longtemps.
Néanmoins, les divers justificatifs avancés laissent parfois songeurs.
1. Les indispensables réformes structurelles à mettre en œuvre d’urgence. A l’évidence, c’est l’obsession première de tout ce beau monde. Rien ne doit être oublié : pensions, soins de santé, Sécu, services publics, fiscalité, salaires,…, tout doit être broyé à la moulinette néo-libérale ! Ce serait la condition obligée d’une restauration de la « compétitivité de notre économie » et du « retour de la croissance ». Le discours est connu, tant il est martelé dans toutes les enceintes de l’ordre capitaliste, et ses tenants ont donc le mérite de la continuité, à défaut de l'atout de la perspicacité. Car l’austérité est le problème, pas la solution ; et la crise n’en finit pas de finir depuis 40 ans, malgré l’application têtue de remèdes austéritaires…
2. Le caractère asymétrique de la coalition, minoritaire en Wallonie. Ce ne serait pas une difficulté, étant donné que le précédent gouvernement était déjà minoritaire en Flandre. Sauf qu’il manquait seulement un siège et que les trois formations représentant les trois familles traditionnelles étaient de la partie. Aujourd’hui, un seul des sept partis francophones disposant d’une représentation parlementaire sera embarqué : le MR, qui dispose de 20 élus sur les 63 dévolus en Fédération Wallonie-Bruxelles ! Ce n’est pas un hasard si la concept de « coalition kamikaze » a eu la cote, avant d’être supplanté par une douce « coalition suédoise ». Un glissement sémantique, révélateur du soutien peu discret apporté aux formateurs Peeters-Michel, par l’establishment médiatique…
3. Le caractère adulte du modèle fédéral belge. Il est ainsi soudainement secondaire de réunir une majorité dans les différents groupes linguistiques, aucune communauté n’étant dorénavant menacée. C’est peut être passer rapidement sur une réalité : le caractère symétrique du gouvernement flamand et du gouvernement fédéral, aile néerlandophone ; dans les deux exécutifs, se retrouveront ainsi NVA, CD&V et Open-VLD. Tandis que du côté francophone, le solitaire et minoritaire MR est partout dans l’opposition ! Croire que cela ne génèrera pas des tensions et des contradictions relève pour le moins d’un franc optimisme.
4. Le caractère indispensable du MR. Ce parti constituerait une garantie en béton car il pourrait « retirer la prise » à tout moment, en cas de problème majeur ou de menaces avérées envers les francophones. C’est oublier que dans une majorité qui pourra compter sur 85 sièges pour un total de 150, ses quatre composantes seront « indispensables ». Même le retrait du plus petit partenaire, l’Open-VLD (14 députés), entraînerait la chute du gouvernement ! Ils se tiendront tous par la barbichette et ce sont les rapports de force internes à l’équipe gouvernementale qui trancheront. Comme toujours…
5. La bouffée d’oxygène du changement. Enfin ! Sauf que trois partis de la future majorité occupent le pouvoir fédéral depuis un bon bout de temps déjà. Reste évidemment le déboulé de la NVA pour supplanter les PS-SPA. De là à parler d’air frais s’agissant de cette formation nationaliste de la droite extrême…
Toute cette gymnastique verbale prêterait à sourire s’il n’y avait derrière un projet et un programme politiques qui seront extrêmement douloureux pour la population.
D’autant que la consolidation d’une orientation fédérale particulièrement austère sera combinée à d’autres choix tout aussi rigoureux qui seront mis en oeuvre dans les communautés et les régions.
La prochaine législature sera assurément pénible pour les travailleurs et les citoyens, qui devront relever le gant par les luttes, ou... s’incliner !
A tout le moins, une période complexe, tendue et potentiellement explosive -de par l’interférence prévisible de la question nationale (1)- nous attend.
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(1) Voir mon précédent billet, « Périls ».
21:59 Publié dans Politique | Lien permanent | Facebook | |
26 juillet 2014
Périls
1. La Belgique est un Etat fédéral. Chaque entité fédérée dispose ou disposera prochainement de son propre gouvernement. Les majorités respectives des communautés et régions seront asymétriques. Mais il existe (objectivement) une convergence : la mise en œuvre de politiques d’austérité, qui seront douloureuses pour la population et qui frapperont durement les salariés, les chômeurs, les malades ou les services publics.
2. Les « jeux » politiciens post-électoraux ne doivent pas occulter une réalité : les pires « ennemis » aujourd’hui étaient les meilleurs « amis » hier. Socialistes et libéraux s’épient maintenant comme chiens et chats, mais ils gouvernaient ensemble il y a peu. Ils sont d’ailleurs encore associés à différents niveaux de pouvoir, comme les provinces ou les communes ! Et il est évidemment loin d’être exclu qu’ils se retrouvent à l’avenir !
3. Pour autant, il faut éviter de sombrer dans les analyses caricaturales. Un gouvernement NVA-MR n’est pas un gouvernement PS-CDH. La manière d’imposer des mesures austéritaires et l’ampleur de celles-ci ne seront pas identiques. L’histoire de ces partis, les liens qu’ils entretiennent avec le mouvement syndical ou le tissu associatif, ne sont pas les mêmes. Ainsi, la position des uns et des autres vis-à-vis de la concertation sociale, et du « modèle belge » qui en découle, varie. Lorsque l’accord gouvernemental de la coalition kamikaze sera connu, nous pourrons mesurer ce qui les distingue. Il serait donc inopportun de banaliser ce qui se joue actuellement.
4. Il va sans dire qu’un gouvernement orienté à «droite toute » répond aux attentes d’un patronat demandeur de politiques ultra-libérales. Même si les dominants auraient préféré y associer également le CDH, afin d'élargir l’assise de la future équipe gouvernementale au cœur d’une Wallonie frondeuse. Mais il était assurément trop compliqué de marier le parti francophone le plus attaché à la Belgique avec un parti nationaliste qui milite pour la disparition de celle-ci ! D’autant que le PS a habilement manœuvré en faveur de la constitution rapide d’exécutifs à Bruxelles et en Région wallonne, histoire de contrarier les manigances de Michel, Reynders et consorts...
5. La question nationale risque de connaitre un regain d’explosivité. Croire qu’un gouvernement avec une forte présence de la NVA (hégémonique en Flandre), mais ultra-minoritaire au sud du pays, va garantir la paix institutionnelle pendant 5 ans, est une vue de l’esprit. La mise en œuvre de la sixième réforme de l’Etat, les contradictions qu’elle génère, les nouvelles exigences qui en découleront, les liens étroits entre l’économique et le communautaire, les traditionnels impondérables irrationnels de ce royaume, seront autant de sources d’instabilité.
6. Et puis, il y aura l’épreuve de la lutte des classes. Face à la nouvelle déferlante d’austérité (au minimum, 17 milliards € d’économies supplémentaires à l’horizon 2019), la résistance sociale présentera probablement un visage et une vigueur différents en Wallonie et en Flandre. D’autant que dans le sud, les responsables syndicaux devront moins ménager leurs « amis » soudainement relégués dans l’opposition au niveau fédéral. On se souvient que cet écart de détermination combative, déjà constaté dans le passé, par exemple lors de la « Question royale » ou de la grève générale de 60-61, avait alimenté la revendication du « fédéralisme et des réformes de structure anticapitalistes ». Qu’en sera-t-il demain ? Une accentuation de la marche vers le confédéralisme, mais cette fois sans la moindre perspective transformatrice de la société ? A l’évidence la responsabilité de la gauche, en terme de débouché et de mots d’ordre, sera grande. Et l’inquiétude est de mise, car entre le Charybde d’une social-démocratie totalement reconvertie au social-libéralisme et d’ une FGTB où le « Renardisme » est un lointain souvenir, et le Scylla d’une « gauche de gauche » dominée par un PTB anachroniquement « belgicain », la voie est ténue. Il faudra pourtant bien plus qu’un discours général sur l’unité, dans les mois à venir. Encore faut-il comprendre que la prise en considération d’un principe démocratique essentiel comme le « droit des peuples à l’auto-détermination » n’est pas nécessairement un obstacle pour la solidarité des travailleurs…
7. La prochaine période, à ne pas douter, sera déconcertante et animée. A la gauche -digne de ce nom- de contester pied à pied les politiques socialement régressives qui seront déployées à tous les étages de l’Etat Belgique. Les coups les plus durs et les plus frontaux viendront assurément de la rue de la loi, à laquelle il faudra indubitablement opposer la loi de la rue. Mais la complexité de la conjoncture à venir exigera également des solutions adaptées à nos caractéristiques « nationales » . Il n’y aura finalement pas d’autres réponses pertinentes que celles résultant d’une analyse permanente et concrète des situations concrètes…
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18 juin 2014
Brasil : (beaucoup) de jeux, (peu) de pain
Jouons le jeu.
Parlons football.
Sans soulever les aspects pernicieux d’un business pour le moins fructueux. Sans brocarder les salaires indécents des stars du ballon rond. Sans évoquer la maffia des paris et les matchs truqués. Sans ergoter sur le phénomène de la corruption. Sans pointer les problèmes de dopage. Sans chicaner sur la surenchère nationaliste et les délires cocardiers. Sans ricaner au sujet de la famille royale qui est "à fond" derrière "notre équipe".
En ignorant la violence dans et autour des stades. En ne dissertant pas sur le sport professionnel comme arme idéologique pour les dominants. En laissant de côté toute éthique. Et en passant sur les investissements hallucinants de ce « Mundial », alors que le peuple brésilien vit majoritairement dans le plus grand dénuement !
Donc, la Belgique a battu l’Algérie dans son match d’ouverture.
2-1 !
Après avoir été mené suite a un penalty justement sifflé.
Ce fut dur, très dur. Les supporters ont eu chaud, très chaud. Plus que les joueurs qui ont pourtant évolué sous un soleil de plomb.
Tout le monde est maintenant soulagé. Le sélectionneur national affiche avec aplomb une belle sérénité. Les "Diables" titularisés pour cette première rencontre sont heureux. Les sponsors boivent du petit lait, ou plutôt de la Jupiler (car ils savent "pourquoi" !).
Heu-reux, on vous le répète en boucle dans tous les flashs d’information… Qu'on se le dise.
Pourtant, les observateurs « neutres » sont unanimes : ils n’ont pas très bien joué.
Il sera donc impératif de s’améliorer pour la suite de la compétition.
Car dès dimanche prochain ce sera la Russie. Ensuite la Corée et, en huitième de finale, -si huitième de finale il y a !- il faudra plus que probablement faire face au Portugal ou à l’Allemagne, l’une des (habituelles) grandes favorites des coupes du monde.
Pour le reste, les premières confrontations de ce grand raout footballistique planétaire ont plutôt été plaisantes. Avec des buts, du spectacle, mais aussi… des décisions arbitrales parfois curieuses.
Histoire d’éviter toute surprise et de garantir aux grandes « nations » (et aux grands marchés) un long parcours ?
Allez, je sors, parce que je sens que je vais à nouveau persifler.
Chassez le naturel (critique), il revient au galop.
Rendez-vous pour le Tour de France…
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