19 août 2014
"Gouvernement des gauches" !
C’est entendu. Les politiques d’austérité vont se poursuivre et s’amplifier, et la résistance contre celles-ci devra continuer et être plus efficiente.
D’expérience, les militants savent qu’il ne suffit pas de se promener de la gare du nord vers la gare du midi, quelques jours avant la fête de Noël, pour contester avec succès des trains de mesures « austéritaires » !
Reste que ces évidences n’épuisent pas le débat et n’apportent pas une réponse à la difficile problématique de l’ « alternative ».
Il ne suffit pas de mettre en échec un programme libéral, il faut aussi pouvoir défendre ses propres revendications et imposer ses propres solutions de rechange ! Et puis surtout, au-delà d’un catalogue d’exigences fortes, se pose la question du « débouché politique » : quelle autre majorité pourrait mettre en œuvre une autre politique ?
L’hypothèse -ou la perspective- d’un « gouvernement des gauches » mérite d’être revitalisée.
Deux conditions (au moins) devront être réunies pour concrétiser un tel objectif : une puissante mobilisation sociale et une modification du rapport des forces au sein même du « mouvement ouvrier ». Clairement, la « gauche de gauche » devra dépasser la « gauche d’accommodement » pour devenir « hégémonique » et gagner le « leadership » !
Vaste et ardu chantier, on en conviendra, qui exigera du temps et de l’énergie.
Ajoutons une « complexité » supplémentaire : la Belgique est un « Etat fédéral possédant des traits confédéraux » (1). Dès lors, la « gauche » ne peut plus définir une ligne politique en ignorant cette réalité « institutionnelle ».
Continuer à raisonner comme si nous vivions toujours à l’époque de la « Belgique de papa » serait une faute.
En ce XXIème siècle, toute recherche d’une alternative, -ici et maintenant- doit à l’évidence prendre en considération les spécificités de cet Etat.
Or, les rapports de forces au Nord et au Sud du pays divergent et imposeront de plus en plus une modulation des stratégies et des réponses politiques, entité fédérée par entité fédérée.
Les différents partis, même les plus « belgicains », ont d’ailleurs de facto intégrés cette donne. Ainsi, lors des élections du 25 mai, les principales formations politiques ont déposé des listes dans les différentes entités pour tenter d’obtenir des élus dans les différentes assemblées parlementaires. Même le PTB, qui se présente comme le dernier « parti unitaire belge » ! Et il a eu grandement raison d’agir de la sorte, puisqu’il a obtenu des députés en Wallonie et à Bruxelles, en plus de ses deux élus au parlement fédéral !
Il faut maintenant être prêt à tirer toutes les conséquences d’une situation originale, et envisager de matérialiser des alternatives là où les maillons de la classe dominante sont les plus faibles (ou les moins consistants), sans attendre que les « conditions » soient réunies partout de manière uniforme, au risque… de devoir patienter très longtemps encore !
J’y reviendrai…
@
(1) Voir l’excellent dossier du CRISP à ce sujet : Etienne ARCQ, Vincent DE COOREBYTER, Cédric ISTASSE, Fédéralisme et confédéralisme, décembre 2012.
20:43 Publié dans Politique | Lien permanent | Facebook | |
08 août 2014
Massacre à la tronçonneuse ("nationale-libérale") !
Les négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral se poursuivent… dans la discrétion.
Toutefois, des informations concernant les projets de la future coalition, 100 % à droite, filtrent régulièrement dans la presse.
Chaque jour apporte ainsi son lot de supputations illustrant le véritable catalogue d’horreurs en cours d’élaboration.
Sont notamment évoqués :
· Un saut d’index !
· Des privatisations d’entreprises publiques !
· L’instauration d’un service minimum à la SNCB !
· Des économies drastiques dans la fonction publique !
· Des augmentations des taux de TVA !
· Une hausse de la fiscalité « verte » !
· Une diminution de la norme de croissance du budget des soins de santé !
· Une réduction des « charges patronales » (les cotisations sociales qui financent la Sécu) !
· Une « activation » renforcée des chômeurs !
· La création de « flexijobs » !
· Le retour à la semaine des 40 heures !
· L’allongement des carrières !
· La relance du nucléaire !
· …
Certes, à ce stade, rien n’est officiel, et le programme du prochain gouvernement Peeters 1er ( ?) ne reprendra pas nécessairement l’ensemble de ces mesures profondément régressives.
Mais il est certain qu’il sera très fâcheux pour celles et ceux qui subissent déjà la crise et l’austérité depuis des décennies !
La « rupture », réclamée bruyamment par des « leaders d’opinion » auto-proclamés, sera bien au rendez-vous, avec ce prévisible et terrible coup de barre à tribord.
Il n’est pas fortuit, dans ces conditions, qu’il ne soit nullement question de suppression des intérêts notionnels, d’impôt sur la fortune, de lutte résolue contre la fraude fiscale ou de réduction généralisée du temps de travail !
Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du journal « Le Soir », pourra tranquillement chanter les louanges de Reagan-De Wever et de Thatcher-Michel.
Il nous appartiendra de venir gâcher le bonheur de cette droite décomplexée.
@
17:17 Publié dans Politique | Lien permanent | Facebook | |
06 août 2014
Revirements
La perspective d’une coalition des droites se précise de jour en jour, à la satisfaction des principaux organes de presse.
Pensez donc, à en croire les « éditorialistes », ce pays a grandement besoin de remises en cause « des tabous » (syndicaux, notamment) et de « profondes réformes », un défi que seul un gouvernement de « centre-droit » (sic) peut relever.
Désormais, les exclusives d’hier sont oubliées. Les quotidiens francophones alignaient les articles hostiles à la NVA, ce parti « nationaliste » qui rêve de la disparition de la Belgique. Que cela ne tienne. Aujourd’hui, Bart de Wever et ses amis sont les bienvenus, car ils représentent un passage obligé pour éliminer la « gauche conservatrice», c’est-à-dire le PS, qui n’a pourtant pas démérité dans son action en faveur des puissants !
Une ingratitude assortie d’une argumentation acrobatique : finalement, contraindre la NVA à prendre ses responsabilités au niveau fédéral constituerait une plus-value pour le Royaume. En mouillant ce parti, celui-ci serait contraint de mettre une sourdine à ses revendications institutionnelles.
D’ailleurs, la NVA a promis à ses futurs partenaires qu’elle entendait bien donner la priorité aux dossiers socio-économiques, et qu’elle s’abstiendrait de remettre le « communautaire » sur le tapis dans les cinq prochaines années ! Et puis, dans les derniers jours de la campagne électorale, son président avait affirmé avec force -et en français !- : « ayez confiance ! ». Bref, ce qu’il a perdu en kilogrammes a été gagné en maturité. A écouter certains, Bart de Wever serait donc maintenant sur la bonne voie pour gagner son statut d’ « homme d’Etat »…
Dont acte.
Naturellement, les contes de fées – comme les promesses électorales- ne valent que pour ceux qui y croient, et les contorsions de Charles Michel, du MR, du journal « Le Soir » ou de « La Libre Belgique », n’étonnent plus personne depuis longtemps.
Néanmoins, les divers justificatifs avancés laissent parfois songeurs.
1. Les indispensables réformes structurelles à mettre en œuvre d’urgence. A l’évidence, c’est l’obsession première de tout ce beau monde. Rien ne doit être oublié : pensions, soins de santé, Sécu, services publics, fiscalité, salaires,…, tout doit être broyé à la moulinette néo-libérale ! Ce serait la condition obligée d’une restauration de la « compétitivité de notre économie » et du « retour de la croissance ». Le discours est connu, tant il est martelé dans toutes les enceintes de l’ordre capitaliste, et ses tenants ont donc le mérite de la continuité, à défaut de l'atout de la perspicacité. Car l’austérité est le problème, pas la solution ; et la crise n’en finit pas de finir depuis 40 ans, malgré l’application têtue de remèdes austéritaires…
2. Le caractère asymétrique de la coalition, minoritaire en Wallonie. Ce ne serait pas une difficulté, étant donné que le précédent gouvernement était déjà minoritaire en Flandre. Sauf qu’il manquait seulement un siège et que les trois formations représentant les trois familles traditionnelles étaient de la partie. Aujourd’hui, un seul des sept partis francophones disposant d’une représentation parlementaire sera embarqué : le MR, qui dispose de 20 élus sur les 63 dévolus en Fédération Wallonie-Bruxelles ! Ce n’est pas un hasard si la concept de « coalition kamikaze » a eu la cote, avant d’être supplanté par une douce « coalition suédoise ». Un glissement sémantique, révélateur du soutien peu discret apporté aux formateurs Peeters-Michel, par l’establishment médiatique…
3. Le caractère adulte du modèle fédéral belge. Il est ainsi soudainement secondaire de réunir une majorité dans les différents groupes linguistiques, aucune communauté n’étant dorénavant menacée. C’est peut être passer rapidement sur une réalité : le caractère symétrique du gouvernement flamand et du gouvernement fédéral, aile néerlandophone ; dans les deux exécutifs, se retrouveront ainsi NVA, CD&V et Open-VLD. Tandis que du côté francophone, le solitaire et minoritaire MR est partout dans l’opposition ! Croire que cela ne génèrera pas des tensions et des contradictions relève pour le moins d’un franc optimisme.
4. Le caractère indispensable du MR. Ce parti constituerait une garantie en béton car il pourrait « retirer la prise » à tout moment, en cas de problème majeur ou de menaces avérées envers les francophones. C’est oublier que dans une majorité qui pourra compter sur 85 sièges pour un total de 150, ses quatre composantes seront « indispensables ». Même le retrait du plus petit partenaire, l’Open-VLD (14 députés), entraînerait la chute du gouvernement ! Ils se tiendront tous par la barbichette et ce sont les rapports de force internes à l’équipe gouvernementale qui trancheront. Comme toujours…
5. La bouffée d’oxygène du changement. Enfin ! Sauf que trois partis de la future majorité occupent le pouvoir fédéral depuis un bon bout de temps déjà. Reste évidemment le déboulé de la NVA pour supplanter les PS-SPA. De là à parler d’air frais s’agissant de cette formation nationaliste de la droite extrême…
Toute cette gymnastique verbale prêterait à sourire s’il n’y avait derrière un projet et un programme politiques qui seront extrêmement douloureux pour la population.
D’autant que la consolidation d’une orientation fédérale particulièrement austère sera combinée à d’autres choix tout aussi rigoureux qui seront mis en oeuvre dans les communautés et les régions.
La prochaine législature sera assurément pénible pour les travailleurs et les citoyens, qui devront relever le gant par les luttes, ou... s’incliner !
A tout le moins, une période complexe, tendue et potentiellement explosive -de par l’interférence prévisible de la question nationale (1)- nous attend.
@
(1) Voir mon précédent billet, « Périls ».
21:59 Publié dans Politique | Lien permanent | Facebook | |