10 mars 2015
Sombres perspectives
Le gouvernement n’a cure des accords conclus au sein du « Groupe des 10 » et mettra en œuvre une réforme des « prépensions » telle qu’il la conçoit depuis le début : radicale, car devant déboucher à terme sur la disparition pure et simple de ce système !
Dépités, les dirigeants syndicaux actent qu’ils ne peuvent même plus entretenir l’illusion de la « concertation sociale » et que leurs compromissions sont devenues inopérantes pour enrayer les machines de guerre néo-libérales à l’oeuvre.
Nombre d’internautes tentent d’exorciser leur impuissance en vitupérant sur les réseaux sociaux Bart de Wever, Charles Michel et consorts.
Mais ces réactions offusquées et les commentaires en boucle sur facebook et autre twitter commencent à être redondants et sont parfaitement stériles.
Car enfin, nous savions depuis la constitution de cet Exécutif fédéral qu’il était orienté très à droite. Nous savions depuis le premier jour qu’il défendait un programme de régression sociale sans précédent. L’expérience aidant, nous savions aussi que des promenades dans les rues de Bruxelles, des rassemblements symboliques (comme celui de ce mercredi à la Place de la Monnaie !), voire même des grèves... sans lendemain, n’ébranleraient pas la NVA et le MR, entièrement dévoués à la cause du patronat et lancés obstinément dans une nouvelle croisade « austéritaire » !
Pourtant, beaucoup tombent encore des nues et sont frappés d'effroi parce que cette coalition confirme toute son agressivité, jour après jour ! Et les mêmes indignés semblent soudainement découvrir que le sommet syndical n'a aucune solution de rechange et reste enfermé dans l'impasse de la "concertation à la belge".
Quelle nouveauté !
La lucidité commande de comprendre qu’il n'y aura pas de changement de cap impulsé par des appareils syndicaux incapables de changer de logiciel stratégique.
La donne actuelle ne pourra être bousculée que par un vaste mouvement social venant "d'en bas".
Or, il est hélas bien difficile de repérer aujourd’hui le moindre frémissement significatif annonciateur d’une lutte de grande ampleur contre ce gouvernement des droites !
Et quelques dizaines de militants convaincus, qui se répandent en commentaires et en conseils sur le net, pourront difficilement inverser la courbe de l’inertie collective ou pallier les faiblesses récurrentes des gauches politique et syndicale.
L’heure n’est pas aux réjouissances. L’avenir immédiat s’annonce sombre.
Cette législature risque décidément d’être longue, très longue. Et son bilan (anti-)social (dans cinq ans !) risque d'être lourd, très lourd…
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04 mars 2015
Oui, Marx !
Karl Marx n’est pas seulement un spectre qui hante (de longue date) le capital, il est également le spectre qui taraude de larges courants de la gauche.
Avec la longue crise globale du capitalisme, l’emprise idéologique du néo-libéralisme, l’effondrement des pays dits du « socialisme réellement existant » ( !), les dérives de la social-démocratie et les impasses d’un certain gauchisme, Marx est devenu un personnage encombrant qu’il convient de délégitimer en le renvoyant dans son époque ou en le rangeant parmi les poussières d’une vieille bibliothèque, aux côtés de Platon, Pascal ou Kant.
Il serait un penseur du passé et dépassé, toléré dans le bagage culturel de l’ «honnête homme » du XXIème siècle, mais certainement pas plus et peut-être moins encore !
Certes, les tentatives de dénaturer Marx -voire de l’enterrer- ne sont pas neuves. Mais elles ont pris, au fil des années, une ampleur impressionnante.
Il est difficile d’ignorer que cette entreprise de dénigrement a été facilitée par des héritiers/épigones qui ont contribué à brouiller son image en façonnant un (des) « marxisme(s) », parfaitement contestable(s) et justement contesté(s). Et les crimes de masse commis en son nom tout au long du siècle précédent n’ont évidemment pas favorisé la perspective d’une réception positive de son œuvre…
Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, Marx est tour à tour enfermé dans des fonctions étroites : un économiste -au même titre que David Ricardo ou Adam Smith- ; un philosophe -simple disciple de Hegel- ; voire un précurseur de la sociologie –discipline qui aurait cependant attendu un Durkheim ou un Weber pour gagner ses véritables lettres de noblesse !
Il y a manifestement plus de réticence à le considérer comme un penseur et un acteur politiques. Pourtant, Marx était d’abord un militant révolutionnaire qui a consacré toute sa vie au combat pour l’émancipation humaine, la libération des exploités et des opprimés.
Des révolutions de 1848 à la Commune de Paris (1871), en passant par la construction d’une Association Internationale des Travailleurs, Marx était au premier rang des luttes de classes de son époque. Il ne fut pas un intellectuel perdu errant dans les travées du British Museum, mais un homme engagé s’efforçant d’articuler la réflexion théorique à l’action concrète.
Cette indispensable et novatrice unité de la théorie et de la pratique reste d’une brûlante modernité au moment où le capitalisme demeure ce mode de production/consommation hégémonique, qui a gardé -au-delà d’un processus de complexification- ses caractéristiques essentielles, pertinemment analysées en son temps par Marx.
Le capitalisme repose plus que jamais sur la propriété privée des moyens de production ; les grandes structures économiques n’appartiennent pas et ne sont pas contrôlées par la collectivité et restent monopolisées par une minorité. La séparation de ces moyens de production d’avec les producteurs persiste. L’accumulation du capital et la course sans fin aux profits maximum continuent d'être le principal mobile de ce système. La concurrence obstinée impose toujours sa férule aux tentatives de coopération plus large. Le despotisme du marché étouffe impitoyablement le déploiement d’une authentique démocratie. La marchandisation est plus généralisée que jamais, touchant jusqu’au « vivant » !
L’actualité de Marx est précisément l’actualité de la critique du capitalisme et l’actualité de la nécessité de rompre avec lui pour éviter que l’humanité ne glisse vers plus de barbarie.
Car le capitalisme -véritable machine de guerre contre les êtres humains et leur environnement- ne peut être ni humanisé ni moralisé.
Le capital est un rapport social d’exploitation qui favorise l’accroissement des inégalités, le développement de la pauvreté, la lutte de tous contre tous, les conflits armés, la destruction des écosystèmes.
Celles et ceux qui ne se résignent pas à contempler le monde mais veulent le changer en profondeur ne peuvent se passer de Marx.
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12 février 2015
Mobilisation sociale canada dry
Les tambours raisonnent, les trompettes sonnent, le front commun syndical vient d’annoncer la reprise de son plan d’actions : des « assemblées d’information », quelques initiatives « ciblées » et… une « concentration de militants à Bruxelles », le 11 mars prochain.
Cela s’appelle avoir le sens du crescendo !
On a envie d’ironiser, mais c’est plutôt la soupe à la grimace.
En novembre-décembre 2014, une manifestation nationale, des grèves générales provinciales et une grève générale nationale n’ont pas réussi à faire dévier Charles Michel Ier de sa trajectoire austéritaire.
Et maintenant, certains voudraient nous faire croire que ce qui est annoncé (discrètement) va ébranler la coalition des droites, après que celle-ci ait engrangé un accord interprofessionnel qui réjouit le patronat (et pour cause !) ?
« Faut-il en rire, faut-il en pleurer, je n’ai pas le cœur à le dire », comme le disait le poète.
La perplexité est franchement de mise.
Attention nous dit-on, ceci n’est qu’une « étape ». Ensuite viendront « si nécessaire » ( !) d’autres actions plus dures, peut-être même « des grèves » !
Mais pourquoi diable attendre et tirer ainsi inutilement la « mobilisation » en longueur ? Dans l’espoir que l’Exécutif fédéral fasse un geste ?
C’est plutôt illusoire au vu des déclarations répétées des excellences ministérielles, en ce y compris Kris Peeters du CD&V, qui a réaffirmé aujourd’hui encore que le saut d’index était inéluctable et qui, menaçant, répète que « les actions syndicales ne pourront pas être des grèves » !
De même que l’on juge un arbre à ses fruits, on évalue une stratégie syndicale à ses résultats.
Car il ne s’agit pas seulement de témoigner pour la postérité. Sauf à n’avoir rien compris aux enjeux, il s’agit de mettre en échec le gouvernement NVA-MR et sa politique de destruction du social.
Le but des actions n’est donc pas seulement de sensibiliser le plus grand nombre ou d’attirer l’attention médiatique. L’objectif des luttes est d’aboutir au retrait du saut d’index, au maintien de l’âge légal de la retraite à 65 ans, au blocage des tentatives de mise en cause des libertés syndicales, à la sauvegarde des services publics, à la préservation de notre système de sécurité sociale, au rejet des politiques fiscales injustes, à un renforcement de la protection des chômeurs, …
Il s’agit aussi de modifier les rapports de forces pour dégager une alternative basée sur une réduction généralisée du temps de travail pour favoriser l’emploi et sur des mesures destinées à aller chercher l’argent là où il se trouve, comme un impôt sur la fortune, une lutte efficiente contre la fuite des capitaux et la fraude fiscale, l’arrêt des cadeaux plantureux au capital (intérêts notionnels).
Il est évident que ce n’est pas simple. Car 40 années de crise, de politiques socialement régressives mises en œuvre par les différents gouvernements, d’échecs successifs et de combats avortés, pèsent sur les consciences et ont affaibli la crédibilité syndicale. D’où un certain désenchantement, le repli de la sphère publique vers la sphère privée, la recherche d’un hédonisme consumériste, la remise en cause des solidarités, …
Mais il n’existe pas d’autre choix que de lutter, et lutter jusqu’au bout pour obtenir gain de cause et changer ainsi la donne.
On peut gagner des batailles que l’on mène mais on perd toujours celles que l’on ne mène pas !
Il n’est pas trop tard pour se ressaisir mais il devient temps.
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