20 mai 2015
Sondages, mobilisation sociale et chansonnettes
Les sondages ont un parfum « de paradoxe ».
Tout le monde les critique, les relativise, les minimise. Mais dès que la presse en publie un, comme le « baromètre La Libre Belgique/RTBF /Dedicated» de ce jour, tout le monde les décortique et les commente !
Les responsables des partis politiques « en progrès », ne fut-ce que de 0,1 %, se précipitent devant les micros pour déclarer que leur « action » est confortée.
Les responsables des partis politiques « en recul » expliquent tranquillement qu'ils ne sont pas inquiets car les « marges d’erreurs » sont trop importantes.
Finalement, parfois poussées dans leurs derniers retranchements, ces belles âmes finiront par consentir qu’un sondage n’est jamais qu’une « photographie instantanée », pour reprendre une formule usée jusqu’à la corde.
Mais dans les coulisses des états-majors, et dans l'attente fébrile du prochain coup de sonde, on redouble d’ardeur pour tirer toutes les conclusions qui s’imposent en terme… d’image. Les « communicants » vont donc devoir travailler d’arrache-pied pour améliorer la « communication », apparemment responsable de toutes les difficultés rencontrées.
Il y a quelques jours, interrogé sur les problèmes de son parti, Elio Di Rupo affirmait ainsi, avec beaucoup d’aplomb, que la faute en incombait aux médias, coupables de ne pas relayer correctement son message et celui de ses amis !
Telle est notre démocratie. Les débats de fond sont marginalisés par la sacro-sainte « com’ ». Pour le reste, circulez, il n’y a (plus) rien à voir…
Pendant ce temps, les syndicats n’en finissent plus d’élaborer des « plans de mobilisation ». Il semblerait que l’on s’oriente maintenant vers des manifestations thématiques avant une prochaine grande journée d’action nationale, sous la forme d’une manifestation à Bruxelles, couverte par une grève générale. Quand ? En… octobre 2015 !
Ici, il ne s’agit pas de parfum « de paradoxe » mais de parfum « de déjà vu » !
Inutile de sortir notre boule de cristal pour pronostiquer ensuite une grève générale officielle, par exemple au mois de décembre, quelques jours avant la trêve de Noël. Ce qui permettra aux « responsables syndicaux » de siffler une nouvelle fin de la récréation, par respect pour les traditions festives. On repartira alors pour un tour supplémentaire de « concertation sociale », agrémentée de l’une ou l’autre action symbolique, pour « maintenir la pression » !
Il n’est pas interdit de sourire devant ce carrousel si prévisible, destiné à occuper le terrain et le devant de la scène. D’aucuns prétendront peut-être que nous basculons également dans le domaine de la « com’ », à quelques mois des élections sociales. Nous laisserons à ces mauvaises langues la responsabilité de leurs dires…
On doute que tout ceci puisse empêcher le gouvernement NVA-MR de poursuivre ses méfaits jusqu’aux prochaines élections législatives, en 2019. Moment d'un possible enième « retour du cœur » promis par le PS ?
En attendant, la crise perdure depuis des décennies, les politiques d’austérité se succèdent et les impasses du mouvement ouvrier demeurent. Une routine qu’il serait temps de briser, mais à chaque jour suffit son défi.
Nous n’insisterons donc pas aujourd’hui afin de ne pas troubler le premier anniversaire de la coalition dirigée par Charles Michel.
Allez, samedi c’est la finale du concours eurovision de la chanson sur la RTBF (la même qui a commandité le « baromètre » évoqué plus haut et qui a invité ce soir le premier ministre pour une "émission exclusive en prime time" !).
Histoire d’alterner avec The Voice pour ne pas lasser le spectateur.
Dites merci au « service public »…
Qui a dit que l’humanité ne progressait pas ?
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19 mai 2015
Etre ou ne pas être Charlie ?
Tout qui vagabonde sur internet et les réseaux sociaux sera frappé par les chamailleries qui continuent autour de « Charlie » plusieurs mois après les massacres de sinistre mémoire.
Les « Je ne suis pas Charlie » continuent à vouloir en découdre avec les « Je suis Charlie », à moins que ce ne soit le contraire.
Et chaque péripétie de l’actualité, comme le départ futur d’un Luz meurtri révélé hier par la presse, alimente la discorde.
Ces affrontements stériles relèvent d’un contresens concernant le credo repris massivement après l’assassinat de Charb et de ses amis.
« Je suis Charlie » était un cri émotionnel de ralliement pour toutes celles et tous ceux qui condamnaient sans ambiguïté l’attentat et réaffirmaient clairement leur attachement à la liberté d’expression.
Ni plus ni moins.
Et il était important de rassembler un grand nombre de citoyens autour de ces convictions qui devraient être partagées par tous, mais qui dans le monde actuel ne le sont hélas pas !
« Je suis Charlie » n’a jamais signifié « J’aime Charlie Hebdo », que des millions de personnes qui ont manifesté n’avaient par ailleurs jamais lu !
Pour mémoire, Charlie Hebdo était à l’époque un hebdomadaire au tirage limité, 60.000 exemplaires, dont à peine 30.000 étaient vendus !
« Je suis Charlie » signifiait encore moins, pour celles et ceux qui le connaissaient, « Je suis toujours d’accord avec la ligne éditoriale du journal », ou « J’adore tous les dessins publiés « (des milliers chaque année !), ou « Je prends mon pied à la lecture de chaque article », ou d’autres absurdités de même acabit.
Il est inutile de préciser que ce qui reste de la rédaction n’a jamais rien exigé de tel et n’est pas à l’origine du vaste mouvement de solidarité rapidement déployé. Même si ce soutien était évidemment le bienvenu, il va sans dire que les rescapés auraient volontiers préféré éviter une telle catastrophe.
Il est donc consternant de voir aujourd’hui des cuistres persister sur le terrain du dénigrement et des ragots, ou plus désolant encore se réjouir des difficultés que rencontrent des « survivants » à surmonter leur traumatisme.
Comme si la sérénité pouvait revenir d’un coup de baguette magique après cette tragédie, alors que les membres de l’équipe restent placés en permanence sous protection policière ! Comme s’il était simple de poursuivre un projet journalistique avec un collectif décimé, privé de quelques uns de ses piliers historiques !
Cet acharnement d’esprits chagrins contre Charlie Hebdo est la traduction de confusions, parfois complaisamment entretenues.
Notamment à partir d’un amalgame entre l’ensemble des musulmans et les intégristes islamistes, que d’aucuns ont beaucoup de difficultés à combattre sous prétexte que l’islam serait la religion des « opprimés » !
Le concept vaseux -et dangereux- d’ « islamophobie » est le reflet de cet égarement (1).
Toute critique de la religion serait dorénavant bannie et tout droit au blasphème criminalisé !
Une dialectique tordue métamorphose ainsi les victimes en coupables et les coupables en victimes.
L’obscurantisme a déjà fait beaucoup de dégâts dans l’histoire de l’humanité et veut continuer à imposer ses délires au XXIème siècle.
La lutte contre le fanatisme pour un monde éclairé sera difficile. Et elle passe par la réaffirmation d’une conception égalitaire, démocratique, universaliste et laïque de la société.
Vaste et difficile programme, mais tout aussi indispensable que la lutte politique contre le capitalisme dans tous ses aspects.
Le chemin pour s’émanciper des barbaries est pavé d’obstacles que nous devrons franchir coûte que coûte.
Il y va de notre avenir commun.
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Note
(1) Charb avait finalisé un texte deux jours avant l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo. Celui-ci n’est pas un « testament » comme certains médias avides de sensationnalisme l’ont proclamé, l’auteur ne pouvant naturellement pas anticiper son décès ! Le destin a donc décidé qu’il s’agissait de son dernier livre, un dernier livre percutant où il aborde les questions de « la foi », la « condescendance des élites », les processus « d’infantilisation » à l’œuvre , la « prétendue islamophobie de Charlie Hebdo » ou la « liberté d’expression ». L’opuscule se termine par une réflexion amusée et amusante concernant « l’athéophobie » ! Bref, une lecture à recommander chaudement… Charb, Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, Les Echappés, Paris, 2015.
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01 mai 2015
1er Mai : retour vers le futur !
Le Premier Mai a beaucoup perdu de sa force propulsive et de son potentiel de subversion.
Depuis l’épopée de la lutte pour la journée des huit heures, le temps a inexorablement déployé les ailes de sa pesante pesanteur, les dominants ont habilement consolidé leur hégémonie et les représentations des « élites » ont efficacement colonisé l’imaginaire populaire.
Ce qui était une journée de combats et de revendications fortes est ainsi devenu un jour férié comme un autre, apprécié par beaucoup pour l’apport d’une bouffée d’oxygène dans la routine quotidienne du travail salarié et aliéné.
Les drapeaux rouges et les poings levés ont largement cédé la place aux barbecues, au commerce du muguet et à l’exode vers la Côte flamande ou les Ardennes wallonnes, lorsque la météo le permet !
Les principaux partis du « mouvement ouvrier » s’accommodent parfaitement de ce rite désormais institutionnalisé, qui leur donne une opportunité supplémentaire de se positionner devant des médias toujours à l’affut d’une petite phrase assassine ou d’une révélation surprenante.
Et puis, internet oblige, l’époque est à la recherche du buzz qui focalisera l’attention du public et favorisera peut-être le gain de quelques sympathies nouvelles.
Pourtant, derrière ces jeux de rôle parfaitement rodés, derrière la course à l’audimat des réseaux sociaux, derrière la quête d’un rusé coup de projecteur médiatique, subsiste toujours la dure réalité, celle d’une planète ravagée par la gangrène du capitalisme et de son idéologie néo-libérale !
Dès lors, notre immense défi persiste : transformer radicalement cette société et briser sa trajectoire mortifère pour l’humanité !
Certes, l’accumulation de déconvenues contrarie toute tentative de penser une perspective « utopique » dans le sens révolutionnaire du terme : non ce qui est irréaliste et donc impossible à matérialiser, mais ce qui n’existe pas encore et pourrait se concrétiser dans le cadre d’une rationalité alternative à l’irrationalité du monde actuel.
Entre l’objectif revendiqué d’un avenir radieux et la morne gestion du quotidien la voie est sans doute étroite, mais elle reste praticable.
Il convient ici de réaffirmer à l’intention des distraits que l’histoire humaine est « l’histoire de la lutte des classes ». La démonstration opérée au travers des siècles est sans appel : il ne peut y avoir exploitation sans contestation de cette exploitation ; il ne peut y avoir oppression sans contestation de cette oppression ; il ne peut y avoir injustice sans contestation de cette injustice !
De nombreux êtres humains sont réunis par une volonté commune à vaincre le malheur et par leur aspiration convergente au bonheur !
L’heure n’est donc pas à la résignation et à l’acceptation de l’inacceptable ; elle reste obstinément à l’action pour que le nécessaire devienne enfin possible.
Une indispensable solution de rechange à la barbarie actuelle -avec ou sans « visage humain »- voilà la boussole qui demeure la nôtre afin de pouvoir nous orienter dans le sombre dédale des affrontements politiques.
Tout en évitant le piège de la « fuite en avant ». Il est inutile de fantasmer au sujet de « lendemains qui chantent ». Nous savons que « l’’histoire ne fait rien » et que le futur ne prend aucune option sur une émancipation généralisée.
Seuls les femmes et les hommes réellement existants peuvent -et pourront !- écrire un autre scénario que celui qui nous condamne au désastre.
Dans cette perspective, au moins quatre points d’attention doivent être retenus.
1. La démocratie. Aucun changement –quel qu’en soit le domaine- ne peut être mis en oeuvre sans l’appui de la majorité de la population. Une société « post capitaliste » ne sera pas légitime sans l’assurance d’une démocratie plus radicale et qualitativement majorée : il n’y aura pas moins mais plus de liberté de conscience ; il n’y aura pas moins mais plus de liberté d’expression ; il n’y aura pas moins mais plus de liberté de presse ; il n’y aura pas moins mais plus de pluralisme, … Et cette démocratie tonifiée, débarrassée du despotisme du marché et de l’autoritarisme patronal, sera également plus sociale : chacun pourra intervenir directement pour sauvegarder l’intérêt de tous, tous pourront veiller à l’émancipation individuelle !
2. L’appropriation sociale. Celle-ci doit prendre le pas sur l’appropriation privée. Les « moyens de production et d’échange » doivent être contrôlés par la collectivité au détriment d’une minorité de nantis. Sans la maîtrise du développement économique, pas de maîtrise possible du développement de la société !
3. Un changement de paradigme dans les rapports entre l’homme et la nature s’impose, d’urgence, car sans respect des écosystèmes et de l’ensemble de notre environnement, pas d’avenir à long terme pour l’humanité !
4. Un renversement culturel : le bonheur ne passe pas par l’accumulation mécanique de biens de consommation ; l’égocentrisme doit s’effacer devant la solidarité, la coopération remplacer la compétition, l’égalité écarter la course à l’enrichissement personnel !
Le chantier est vaste, le but ambitieux, le cheminement ardu, et il n’existe aucun raccourci pour garantir le succès.
L’émancipation humaine est toutefois la seule issue digne de nos engagements.
Nous devons inlassablement propager ce message. Pas seulement le 1er Mai, mais aussi jour après jour, mois après mois, année après année.
Il appartient à toutes celles et à tous ceux qui ne veulent pas abdiquer devant le désordre du capital -et les vilénies de ses protecteurs- de persévérer jusqu'au dénouement espéré…
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