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19 août 2025

POLARS EN BARRE [23]

3539182806.3.jpg"Hammett a délogé le meurtre des palais vénitiens pour le "balancer" dans la rue ; non pas que le crime doive y traîner indéfiniment mais il était bienvenu de se défaire le plus possible des chichis bourgeois d'Emily Post. Au cours de presque toute sa carrière, il écrivit pour un public qui entretenait une attitude tranchée, agressive, envers la vie. Ce public ne redoutait pas l'immoralité du monde, celle-ci faisait partie de son quotidien. La violence ne le choquait pas, il la retrouvait en bas de chez lui. Hammett remit le crime entre les mains d'assassins dissimulant de solides mobiles et utilisant les moyens à leur disposition ; adieu cadavre exécuté arbitrairement à coups de pistolets de duel sculptés, de curare ou de poison tropical. Dans ses livres, il décrivit les gens tels qu'ils étaient et il les fit penser et parler, dans ses intrigues, avec le langage qui leur était familier. Il avait son style personnel, bien que son public ne s'en aperçût pas puisqu'il utilisait une langue soi-disant dépourvue de titres de noblesse."

 

Raymond Chandler

 

 

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18 août 2025

POLARS EN BARRE [22]

3539182806.3.jpg"A l’appel de Dashiell Hammett, le roman policier se met à délirer, comme sous le coup d’une forte fièvre. Il parle gras, sent la sueur et la crapule ; ses personnages se pochardent, se battent et s’abattent dans la plus complète indignité.

Une phrase dans La Moisson Rouge définit à elle seule l’esthétique d’un genre qui a pris mauvais genre : « Enjambant les débris, le bootlegger descendit lentement les marches jusque la chaussée. Reno le traita de pouilleux, de mangeur de poisson et lui logea quatre balles dans la tête. »

Image saisissante ayant pour dénominateur commun, à chacune de ses composantes, la violence que l’on retrouve dans le décor, présenté à l’état de ruines, dans le langage de l’acteur, dans l’action : quatre balles de sang-froid, dans l’écriture qui laisse jaillir la description sans apprêt, ou plutôt sans ménagement.

Cette citation démontre combien l’osmose a aussitôt existé entre roman noir et film noir. Le premier procède d’une vision cinématique qu’il est aisé de transposer en une vision cinématographique. Il n’est pas récit mais image en mouvement.

[…]

L’œuvre de Hammett, dans sa finalité, se caractérise par la pureté morale. (…) Le détective ― comment ne pas voir en lui une projection de l’auteur ? ― est le seul à garder les mains propres. (…) Il résiste à toutes les tentatives de corruption ou de compromis (…) Il est un anarchiste dangereux.

Et voici le véritable objet du procès intenté à Dashiell Hammett. Coupable de scepticisme envers les institutions de son pays ― la police et surtout la justice. Coupable de contester ses valeurs morales. Coupable de bousculer le protocole et les formes. Coupable de faire trop bon marché de la vie humaine, de piétiner les doigts d’un cadavre au lieu de se découvrir devant lui. Coupable de ne pas jouer le jeu du roman bourgeois, de se refuser à faire pleurer les midinettes en tirant de vieilles ficelles. (…)

A travers Hammett, ce n’est pas l’immoralité ― apparente ― du roman policier noir qui est en cause mais son pouvoir subversif."

 

Francis Lacassin

 

 

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17 août 2025

POLARS EN BARRE [21]

 

Tardi pistolet.jpg"Pour son troisième roman, Hammett abandonna l’ «op» et créa un nouveau détective, un homme solitaire qui opère de préférence en dehors d’une agence de détectives privés et en dehors de la loi. Spade n’en conserve pas moins bien des traits du «Continental op» : ils adhèrent au même code moral du détective ; ils croient l’un comme l’autre en un sens personnel du bien qui dépasse le code civil ; ils considèrent les policiers corrompus ou incompétents avec dédain tout en respectant à contrecœur les bons ; ils possèdent tous deux une expérience à toute épreuve des rues malfamées et des ruelles sans issue de la ville ; plus important encore, ils ont tous deux le cœur endurci qu’il leur faut pour mener à bien leur travail.

 

Abandonnant la narration à la première personne adoptée pour toutes les nouvelles et pour les romans avec l’ «op», Hammett choisit, pour Le Faucon maltais, une voix narrative à la troisième personne ― limitée, toutefois ―, qui donne au personnage de Spade une force accrue. Spade est l’incarnation romantique du code du détective privé."

 

Richard Layman

 

 

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♦♦♦

 

 
 

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"Nul n'est prophète en son pays, ce proverbe semble avoir été inventé pour les écrivains américains. Edgar Allan Poe n'aurait jamais eu sa place dans la littérature mondiale sans les Français. Combien a-t-il fallu de temps pour que Hermann Melville prenne la sienne au-dessus du XIXe siècle, au côté de Walt Whitman ?

Et des écrivains qui ont eu depuis une large audience comme Mark Twain, Jack London, Frank Norris n'ont eu que de l'extérieur leurs lettres de noblesse.

Ainsi, l'histoire littéraire américaine est-elle marquée de ces maudits d'une autre sorte, et il faut bien dire que Dashiell Hammett prend ici place, à qui l’on reconnaîtra la paternité d'un genre décrié, mais qui, à mon sens, domine ce siècle-ci, plus haut que William Faulkner ou Ernest Hemingway sans mésestimer l'œuvre de ceux-ci.

Je me souviens du sentiment de malaise qui avait pris le Congrès des Écrivains américains à New-York, en 1939, quand je l’avais dit à haute voix. Je n'ai pas changé d'avis. Les romans, pour ainsi dire «élisabéthains» de Dashiell Hammett m’ont appris sur la nature de la société moderne plus que de gros traités, et 'Red Harvest' demeure le grand roman de la naissance du mal, du surgissement du fascisme dans ses origines lointaines aux États-Unis comme produit de la guerre de 1914.

On ne fait que travestir un tel roman en roman policier. Faudra-t-il, pour que Dashiell Hammett soit situé, aussi longtemps que pour Stendhal ?

'Red Harvest', c'est à la fois 'Le Rouge et le Noir' et 'Les Chroniques italiennes'.

Il m’est impossible de laisser le silence se faire sur sa tombe sans avoir dit cela."

 

Louis Aragon, Les romans élisabéthains de Dashiell Hammett, Les Lettres Françaises, N° 859, 9-15 janvier 1961.

 

 

 

 

 

16 août 2025

POLARS EN BARRE [20]

 

Tardi pistolet.jpg"Le juge se mit à rire et rectifia :

— Je viens de dire, la corruption engendre la corruption. J’aurais peut-être dû dire : le succès engendre la corruption. Nous avions remporté un succès triomphal et nous avons vite trouvé des moyens de dépenser notre argent. C’est toujours la même chose. Élu, vous dépensez, puis vous en prenez l’habitude et l’affaire finit par devenir une colossale folie. Très vite nous nous sommes remis à battre la ville pour trouver de l’argent. Si vite qu’il rentrât, nous n’en avions jamais assez. Nous avons mis les propriétaires de tripots dans le coup, en leur rendant des services. Ensuite les bookmakers et finalement les entremetteurs. Pas très joli, hein ? Mais par les temps qui courent, il n’y a que les moralistes pour distinguer l’argent propre de l’argent sale. Comment établir la distinction ?"

 

William R. Burnett

 

 

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15 août 2025

POLARS EN BARRE [19]

 

 

Tardi pistolet.jpg"Espérer le mieux, prévoir le pire, telle était la devise de Reacher."

 

Lee Child

 

 

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14 août 2025

POLARS EN BARRE [18]

Tardi pistolet.jpg"Je soutins la malheureuse, car je la sentais défaillir, et, alors, il arriva ceci que, dans ce vaste déchaînement des éléments, au cours de cette tempête, sous cette douche terrible, au sein de la mer rugissante, je sentis tout à coup son parfum, le doux et pénétrant et si mélancolique parfum de la Dame en noir ! … Ah ! Je comprends ! Je comprends comment Rouletabille, s’en est souvenu par-delà les années… Oui, oui, c’est une odeur pleine de mélancolie, un parfum pour tristesse intime… Quelque chose comme le parfum isolé et discret et tout à fait personnel d’une plante abandonnée, qui eût été condamnée à fleurir pour elle toute seule, toute seule…"

 

Gaston Leroux

 

 

 

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13 août 2025

POLARS EN BARRE [17]

 

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Tardi pistolet.jpg"Deux mois environ après ces événements, je rencontrai Rouletabille assis mélancoliquement sur un banc du palais de justice.

“Eh bien, lui dis-je, à quoi songez-vous, mon cher ami ? Vous avez l’air bien triste. Comment vont vos amis ?

− En dehors de vous, me dit-il, ai-je vraiment des amis ?

− Mais j’espère que M. Darzac…

− Sans doute…

− Et que Mlle Stangerson… Comment va-t-elle, Mlle Stangerson ?

− Beaucoup mieux… mieux… beaucoup mieux...

− Alors il ne faut pas être triste…

− Je suis triste, fit-il, parce que je songe au parfum de la dame en noir…

− Le parfum de la dame en noir ! Je vous en entends toujours parler ! M’expliquerez-vous, enfin, pourquoi il vous poursuit avec cette assiduité ?

− Peut-être, un jour… un jour, peut-être…”, fit Rouletabille.

Et il poussa un gros soupir."

 

 

Gaston Leroux

 

 

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12 août 2025

POLARS EN BARRE [16]

Screenshot 2025-08-04 at 10-09-42 Anecdotes sur le polar (Le Monde diplomatique août 2023).png

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Tardi pistolet.jpg"L’Aiguille creuse ! association déconcertante de deux mots, incompréhensible question que posait ce morceau de papier dont la provenance même était inconnue ! Était-ce une expression insignifiante, le rébus d’un écolier qui barbouille d’encre un coin de feuille ? Ou bien était-ce deux mots magiques par lesquels toute la grande aventure de l’aventurier Lupin prendrait son véritable sens ? On ne savait rien."

 

Maurice Leblanc

 

 

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