26 septembre 2025
POLARS EN BARRE [61]
"Quand il reprit ses esprits, le tueur regarda l’horloge d’un œil vague ; l’objet ne signifiait rien pour lui. Il soufflait, haletant, fin prêt pour la suite des événements, et il était déçu, troublé qu’il n’y eût plus que le silence, à présent, autour de lui. Du revers de la main, il se frotta les lèvres ; elles s’écartèrent à regret, comme engluées l’une à l’autre, recouvertes d’une pellicule qui avait le goût de l’effort et du désir. Sa bouche se mit à béer de plaisir, bien qu’il n’en fût pas conscient."
Robin Cook
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25 septembre 2025
POLARS EN BARRE [60]
♦♦♦
"Je pivotai pour regarder le meuble derrière moi. Lorsque je me tournai à nouveau, Sherlock Holmes se tenait debout devant moi et me souriait par-dessus mon bureau. Je bondis sur mes pieds, le dévisageai quelques secondes, totalement stupéfait, puis il semblerait que je me sois évanoui pour la première et dernière fois de ma vie. Ce qui est certain, c’est qu’un brouillard gris tourbillonna devant mes yeux et quand il s’éclaircit, je me retrouvai le col défait et je sentis un arrière-goût piquant de cognac sur mes lèvres. Holmes était penché au-dessus de ma chaise, sa flasque à la main."
Arthur Conan Doyle
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24 septembre 2025
POLARS EN BARRE [59]
♦♦♦
"On peut aisément supposer que le rôle joué par mon ami dans le drame de la rue Morgue n’avait pas manqué de faire forte impression sur la police parisienne. Le nom de Dupin était devenu familier auprès de ses agents. La simplicité des déductions à partir desquelles il avait résolu le mystère n’ayant jamais été expliquée, ni au préfet, ni à toute autre personne que moi-même, il n’est pas très surprenant que cette résolution avait été considérée comme quelque peu miraculeuse, ou redevable au simple mérite d’une intuition inhérente à ses capacités analytiques. Sa franchise aurait pu le conduire à dissiper auprès d’éventuels questionneurs ce type de préjugés −mais son tempérament indolent le conduisait à ne plus se manifester sur un sujet qui, depuis longtemps, ne l’intéressait plus. C’est néanmoins ainsi que Dupin devint le point de mire de tous les regards au sein de la police, et que la préfecture tenta de s’attacher ses services sur de nombreuses affaires. Une des plus remarquables fut celle du meurtre d’une jeune fille du nom de Marie Roget."
Edgar Allan Poe
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23 septembre 2025
POLARS EN BARRE [58]
"Au fond Tom, nous autres détectives, nous devons énormément aux livres, à la littérature. Les écrivains nous sont souvent des aides précieuses. Nous n’avons pas à chercher longtemps autour de nous pour en trouver les preuves."
[...]
"Ceux qui ont eu le privilège d’approcher en familier, sinon en ami, le célèbre détective Harry Dickson, ont souvent été frappés par son amour de la tradition. Après des journées terribles, consacrées à la lutte contre le crime et ses perfectionnements sans nombre, et à l’étude scientifique des problèmes du genre, il se réfugiait dans le passé et dans les livres, comme dans un havre."
Jean Ray
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22 septembre 2025
POLARS EN BARRE [57]
"L'homme qui ne médite pas vit dans l'aveuglement, l'homme qui médite vit dans l'obscurité. Nous n'avons que le choix du noir."
Victor Hugo
♦♦♦♦♦♦
"Au milieu de la rue, à la sortie du bourg, cerné par les corbeaux déchaînés, un corps. Un cadavre. Tressautant sous les coups de bec des charognards.
Albert s’est précipité pour consoler sa compagne. D’un regard, il me passa muettement son bâton de maréchal.
Le couteau à la main, j’ai gagné le milieu de la chaussée et j’ai progressé lentement, tout à fait comme le shérif, toujours dans le même western, avançant, inquiet, vers le lieu du duel final, regardant de tous côtés, marchant droit, sur ses gardes.
Vers les trois autres baraques, rien. Personne.
Le cadavre était déjà bien entamé. Les corbeaux se sont peu à peu éloignés. Mais pas très loin.
J’ai alors reconnu le jogging et, au milieu de la bouillie du crâne écrasé, les petites tresses africaines de ce jeune homme parti, déjà des siècles, avec la jeune fille au pull rouge et trois autres types dont je ne me souvenais qu’à peine…
– C’est le jeune, le type en jogging, j’ai annoncé en rejoignant le groupe.
Nadine pleurait doucement dans les bras de son mec.
Nous avons décidé de ne pas traîner, d’agir vite. Avec méthode. Un tracteur, une voiture ; il y avait donc de l’essence pour continuer notre minable périple ; et plein d’objets et d’outils qui pouvaient se transformer en armes de défense.
Il devenait flagrant que, désormais, nous en aurions besoin."
Jean-Bernard Pouy
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21 septembre 2025
POLARS EN BARRE [56]
"Ellen garda le silence. Quelque part dans le voisinage, un chien hurla lugubrement à la lune pâle ou peut-être à quelque chose dans la nuit. Les criquets créaient une symphonie, tout autour d’eux. Finalement, elle avoua :
— Je voudrais que nous ne l’ayons jamais fait. Devant Dieu, je voudrais que nous ne l’ayons pas fait.
— Ellen, c’était vraiment le crime parfait.
— Vraiment ? Réellement ?
— Tu le sais bien.
— Je ne sais pas. Je n’en sais plus rien.
— Ah, bon Dieu, femme, cesse de parler comme ça !
— Je n’y peux rien. J’ai peur. Ça fait longtemps que j’ai peur.
— De quoi ? demanda George. Nous n’avons pas été pris, n’est-ce pas ? Et nous ne le serons jamais, maintenant.
— Pas par la police.
— Allons bon ! Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?
— Le crime parfait n’existe pas, George, dit-elle. Je le sais et toi aussi.
— Je ne sais rien de pareil du tout.
— Si, tu le sais. Tout au fond, nous l’avons toujours su, tous les deux. Nous n’avons pas été impunis, pour ce que nous avons fait, mais nous n’avons pas non plus payé le prix total. Et nous allons avoir à le payer, ce ne sera pas long. Pas long du tout.
Ils retombèrent dans leur silence, car il ne restait plus rien à dire, avec le parfum sucré du chèvrefeuille dans leurs narines et le chant des grenouilles et des criquets à leurs oreilles. Ils restèrent assis sans se toucher, sans se regarder dans l’ombre profonde de la véranda… en se souvenant… en attendant.
Ellen et George Granger, âgés de 79 et de 81 ans, qui avaient commis le crime parfait en l’an de grâce 1931."
Bill Pronzini
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20 septembre 2025
POLARS EN BARRE [55]
"Puis la Révolution vint, et avec elle son cortège d’idées nouvelles, égalité, liberté, qui vont se répandre dans le monde entier. En même temps, de grands bouleversements sociaux surviennent, aussi bien en Europe qu’en Amérique, où la guerre d’Indépendance fait rage. Aucune classe sociale n’est épargnée.
C’est le moment où, dans tous les pays, la police se développe de façon considérable. En France, elle pourchasse les ennemis de la Révolution, puis recherche les adversaires de l’Empire, enfin contribue à la consolidation de la Restauration. On est arrivé au règne de Vidocq et de ses semblables, et leurs actions commencent à intéresser le public par le truchement des gazettes. C’est l’époque où les premiers « faits divers » sont jetés en pâture à la curiosité malsaine. Cette fois, toutes les conditions sont réunies pour l’apparition du genre.
Le roman policier est le symbole d’une société où les valeurs ont été bouleversées mais qui s’accroche à ses traditions. Le détective, qu’il s’agisse de Sherlock Holmes, du commissaire Maigret, de Philip Marlowe et d’Isaac Sidel, ne remet pas en cause la société au nom de laquelle il agit ; au contraire, il est le plus ardent défenseur de ses lois. C’est un homme d’ordre ; même s’il méprise la pourriture qu’il découvre chez les nantis, les puissants, il est là pour défendre l’idéal de la société bourgeoise. Le succès du policier après les deux dernières guerres mondiales est symptomatique. Il correspond chez le public à un besoin d’ordre, de stabilité, à un désir de retrouver des hiérarchies, de sentir qu’il existe des barrières contre la montée de la pègre.
Puis, au fil des années, ses certitudes se sont effilochées. Des traumatismes douloureux lui ont ouvert les yeux ; il devenait de plus en plus évident que la société actuelle ne valait pas mieux que celles qui l’avaient précédée.
Jacques Sadoul
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19 septembre 2025
POLARS EN BARRE [54]
"Sans renier la dimension ludique du roman policier, il faut reconnaître que l’intérêt de ce dernier a largement débordé du simple duel entre auteur et lecteur qui fit les beaux jours du roman d’énigme. Avec le roman noir, il est devenu un «outil» de critique sociale et de dénonciation politique, parfois même jusqu’à en perdre sens. Par le biais du roman criminel, il s’est intéressé à la psychopathologie. Il s’est fait le témoin de l’état de nos sociétés, en interrogeant ce qui constitue la part la plus symptomatique de leurs dérives : la criminalité, sous toutes ses formes, des plus organisées aux plus erratiques. Il a joué de nos peurs et de nos nerfs sous le couvert de suspense. Il s’est fait le reflet de ces accès de violence qui, telles des secousses sismiques, viennent briser des vies, des esprits, des âmes, ainsi que n’a trop souvent l’occasion de nous le montrer la colonne des faits divers.
[…]
Aujourd’hui, le roman policier a droit de cité partout, il est l’objet de colloques et de thèses universitaires, on le célèbre par des prix et des festivals qui ont pignon sur rue. Comme il est loin le temps des invectives contre un genre qu’on ne trouvait rien moins que vulgaire et dégradant…
Le roman policier a gagné la bataille non seulement parce qu’il a contaminé la littérature «mainstream» (Robbe-Grillet, Paul Auster, Umberto Eco…), mais aussi parce qu’il a conquis toutes sortes de territoires : le cinéma bien sûr, le théâtre, la BD, la radio (qui ne se souvient des Maîtres du mystère ?) et la télévision qui en fait aujourd’hui une consommation forcenée."
Jacques Baudou et Jean-Jacques Schleret
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