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03 août 2025

POLARS EN BARRE [7]

 

Screenshot 2025-08-04 at 10-00-19 Anecdotes sur le polar (Le Monde diplomatique août 2023).png

♦♦♦

 

 

 

Tardi pistolet.jpg"Le revoyant depuis le début, je me rends compte que derrière cet escamotage des barres d’or il y a quelqu’un qui tire les ficelles, et ce quelqu’un a un cerveau drôlement bien organisé, je vous assure. Je réalise que cette affaire a été montée et réglée au poil, mais quand même il y a eu une coupure comme il s’en produit toujours ; car c’est drôle, mais aussi mariolle que puisse se croire un escroc, il commet toujours une erreur à un moment donné, et c’est pourquoi il finit automatiquement par perdre la partie, quoique dans le cas présent je ne prétende pas que Rudy et sa clique ne soient pas en train de gagner celle qu’ils jouent en ce moment.

 

Naturellement, j’en arrive à Carlotta. C’est des drôles de corps les gonzesses, hein ? A qui le dites-vous ! Voilà une petite qui chante épatamment, qu’est belle comme tout, qu’est roulée comme pas une et qu’a de la personnalité. Eh ben, avec tout ça elle aime mieux frayer avec un mec comme Rudy Saltierra, qu’est une fripouille et rien de plus, un vulgaire gangster et un drogué, enfin le roi de la coco de l’espèce la plus courante, et qu’a la passion de buter le monde quand il a reniflé une prise.

Tout ça pour bien vous montrer que les gonzesses c’est bizarre. On ne sait jamais par quel bout les prendre. Mais je sais une chose en tout cas. Quand Rudy m’a affranchi que c’était Carlotta qui avait eu l’idée de ne pas me lessiver tout de suite, mais de me garder en réserve pour capter les messages et en renvoyer d’autres portant mon chiffre et donner de fausses indications sur notre destination, eh bien, ça c’était pas bête. Sur le moment, je n’avais pas bien pigé ce que cette combine allait pouvoir leur rapporter exactement. Mais maintenant je ne le vois que trop bien."

 

Peter Cheyney

 

 

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02 août 2025

POLARS EN BARRE [6]

Tardi pistolet.jpg"Le crime, en tant que violation des normes sociales établies, existe sans doute depuis aussi longtemps que les sociétés humaines elles-mêmes. Nombre de sociologues s’accordent sur le fait qu’il n’y a pas de société sans crime. Ces femmes et hommes qui se mettent en dehors des lois, par leurs actes parfois monstrueux, spectaculaires, voire incompréhensibles, ont toujours suscité le vif intérêt du peuple et des artistes. Il suffit d’entrer dans un musée pour se rendre compte à quel point la violence et le sang imprègnent depuis des siècles les œuvres des peintres, des sculpteurs, des photographes. Et que dire de la littérature ? Si la mission de l’écrivain est de retranscrire le monde dans lequel il vit, il ne peut s’abstenir de traiter les affaires criminelles, d’essayer de décortiquer les mécanismes qui poussent un individu à l’acte ultime. L’appétit des auteurs pour ces histoires intrigantes, stupéfiantes, parfois sanglantes, a été tel qu’un genre littéraire à part entière a vu le jour : le polar."

 

Frank Thilliez

 

 

 

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01 août 2025

POLARS EN BARRE [5]

Tardi pistolet.jpg"Il se raidit.

— Mes clients ne sont pas des cons.

— Qui d’autre irait payer vingt briques une toile comme ça ?

— Nous vivons dans une ère érotique mon vieux. Les gens n’ont plus honte d’avoir chez eux ce genre de tableau. Ils ne sont plus obligés de le mettre à la cave par peur du qu’en-dira-t-on. Et puis, n’oubliez pas ― mais n’allez pas le répéter auprès de mes clients car je me verrais obligé de démentir ― n’oubliez pas que le collectionneur moyen est généralement un riche gogo qui ne comprend qu’une seule chose ― l’argent. Il ne possède absolument aucun critère lui permettant de juger une œuvre d’art, à part son prix et ce que lui dit son marchand. A ses yeux, plus il paie plus c’est beau.

Il s’interrompit et embrassa du geste toutes les toiles de la salle.

— J’ai huit Gerry Mc Murtry dans cette exposition, et, quand elle fermera, dans un mois, je vous garantis qu’ils seront tous vendus. La moitié sera achetée sans doute par des gens qui n’aiment même pas cette peinture. Voilà comment le capitalisme influence l’art. La seule chose qui intéressera ces acheteurs, c’est qu’un Mc Murtry soit un bon investissement.

— Et c’en est un ?

— Ils se vendront trente mille dans un an ou deux. Peut-être plus.

Il haussa un sourcil blanc et me considéra d’un œil spéculatif.

— Vous voulez en acheter un ?

— Merci, mais vingt briques, ce n’est pas dans mes moyens.

— On pourrait peut-être arranger ça ?

— Non, j’attendrai qu’ils sortent en reproduction.

Il secoua la tête, d’un air consterné."

 

Arthur Lyons

 

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31 juillet 2025

POLARS EN BARRE [4]

 

3539182806.3.jpg"Il opina :

— Il y a une quinzaine de jours, il s’est mis à nous faire des contre-propositions ridicules, insultantes. Auparavant, il se contentait de tergiverser. Ça dure comme ça depuis des semaines.

— Pourquoi ces offres insultantes ? La théorie de la police sur l’appartenance de Walter au parti communiste est exacte ? C’est ça ?

Goldmark se résigna à cracher le morceau. Il souffla une bouffée de fumée et posa ses mains à plat sur le bureau.

— Eh oui, elle a raison. C’est le fond du problème, Jack. Vous avez vu tous ces gens, hier soir, chez Walter ? Ils sont terrifiés. Ils font dans leur froc. Milt Wohl est passé me voir à cinq heures uniquement pour que je lui tape dans le dos et que je lui assure que tout ira bien.

— Ils sont tous rouges ? Wohl, Arthur, Perillo, le cow-boy ?

— Carpenter ? (Goldmark, redevenant brusquement prudent, haussa les épaules.) Je ne sais pas jusqu’à quel point ils le sont, Jack. Sincèrement. Je ne sais pas s’ils ont leur carte ou quoi ou qu’est-ce. Mais, au strict minimum, ils sont sympathisants. Et si vous répétez un seul mot de cette conversation à quiconque, je nierai tout en bloc. Et je ne vous adresserai plus la parole.

— C’est si grave que ça ?

— Encore plus. Les personnes que vous avez vues hier soir sont toutes politisées, ce sont tous des libéraux et le fait est là : l’idéologie qu’ils représentent ne tardera pas à être mal vue à Hollywood. Comme dans un restaurant où il y a eu une intoxication alimentaire. Apparemment ― et ceci doit rester strictement entre nous deux et ces quatre murs ― apparemment, une sorte d’enquête parlementaire va s’ouvrir.

— A propos de quoi ?

— Du communisme à Hollywood. Et si cette enquête a lieu, je vous flanque mon billet que ce sera le plus grand cirque publicitaire de tous les temps. Le nouveau représentant de cette circonscription est un gamin du nom de Nixon, un Républicain, et, admirez la coïncidence, il se trouve qu’il fait partie de la commission des activités anti-américaines qui mènera le bal. (Il eut un sourire sinistre et blafard.) Parfait, n’est-ce pas ? Pensez-vous qu’un jeune parlementaire verrait beaucoup d’inconvénients à figurer tous les matins en première page des journaux et à demander aux artistes de cinéma s’ils connaissent des rouges ?

— Nom de Dieu ! murmurai-je."

 

Andrew Bergman

 

 

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30 juillet 2025

POLARS EN BARRE [3]

3539182806.3.jpg"L’ambulance est arrivée, on a mis le Grec sur une civière et on l’a emporté. Elle est partie avec lui. J’ai suivi avec la voiture. À moitié chemin de Glendale, un agent nous attendait. Il a roulé devant nous. Ils allaient à soixante-dix milles à l’heure, je n’ai pu les suivre. Ils montaient la civière lorsque j’ai atteint l’hôpital et l’agent donnait des ordres. Quand il m’a vu, il a fait un geste et il m’a regardé. C’était le même flic."

 

James Mallahan Cain

 

 

 

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29 juillet 2025

POLARS EN BARRE [2]

 

3539182806.3.jpg"L'histoire du roman policier est une histoire sociale, car elle apparaît comme inextricablement liée à l'histoire de la société bourgeoise -voire de la production marchande- et surdéterminée par elle. À la question de savoir pourquoi l'histoire de la bourgeoisie se reflète dans celle de ce genre littéraire bien particulier, la réponse est celle-ci : l'histoire de la société bourgeoise est aussi celle de la propriété ; l'histoire de la propriété implique celle de sa négation, c'est-à-dire l'histoire du crime. L'histoire de la société bourgeoise est aussi celle de la contradiction de plus en plus explosive entre, d'une part, des normes mécaniquement imposées de comportement et de conformisme social et, d'autre part, les passions, les désirs, les besoins des individus, contradiction qui se décharge dans des transgressions de plus en plus violentes des normes, y compris par des crimes. La société bourgeoise, née de la violence, la reproduit constamment et en est saturée. Elle provient du crime et elle conduit au crime, commis à une échelle de plus en plus industrielle. En définitive, l'essor du roman policier s'explique peut-être par le fait que la société bourgeoise, considéré dans son ensemble, est une société criminelle."

 

Ernest Mandel

 

 

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28 juillet 2025

POLARS EN BARRE [1]

  • 3539182806.3.jpg"Le roman noir est en effet constitutif de la notion de "critique sociale", et cela depuis son officielle création, aux États-Unis, dans les années 1920. Très vite, des auteurs, que l’on a appelés hard-boiled [dur à cuire], ceux qui ont connu la boucherie de la récente grande guerre et qui, de ce fait, n’ont plus beaucoup d’illusions, ne se contentent plus du "qui a tué ?", mais tendent plutôt à dire "pourquoi ?". A cette époque, aux États-Unis, la violence s’impose, surtout en milieu urbain, effet pervers de la Prohibition, formation des ghettos, misère et guerres sociales, corruption politique, gangstérisme. Ensuite, autour de la crise de 29, la pauvreté s’installe durablement chez les plus faibles (Les Raisins de la Colère de John Steinbeck, 1939), alors que le Capital se porte, quand même, assez bien, et que les riches en profitent de plus en plus cyniquement (de ce côté, ça n’a pas beaucoup changé). Le personnage prédominant du policier qui, jusqu’à présent, ne portait que peu de jugements sur ce qu’il représentait — l’ordre, la loi, la justice et la morale officielle — cède peu à peu le pas à celui du détective privé qui, lui, plus libre, et souvent en bisbille avec les policiers qui trouvent que c’est un "fouille-merde", ce qui dit tout, ce qui en dit long, devient une sorte de révélateur de l’état social et moral de la société. Il est généralement seul (souvent macho), dépressif, sans illusions, voire pessimiste actif, alcoolique et quelquefois violent (il sait se battre). Il est opiniâtre, puisqu’il s’intéresse plus aux faits qu’aux discours convenus et hypocrites. Il sait parler, discourir, tchatcher, vanner, manier la langue, s’imposer par la dialectique et surtout l’humour."

 

Jean-Bernard Pouy

 

 

 

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Screenshot 2025-08-03 at 12-40-11 Anecdotes sur le polar (Le Monde diplomatique août 2023).png

20 juillet 2025

Ernest Mandel, 5 avril 1923 - 20 juillet 1995

Mandel.jpgIl y a 30 ans décédait Ernest Mandel.

Ernest Mandel est un nom qui ne parle sans doute plus guère aux jeunes générations.

Théoricien “marxiste”, militant engagé dans la construction d’une internationale politique révolutionnaire, omniprésent sur le terrain des confrontations intellectuelles, débatteur inlassable et publiciste prolifique qui a laissé une œuvre considérable tant par son ampleur que par sa diversité. Traduit dans plus de 30 langues, il fut ainsi dans les années 60 et 70 du siècle dernier, période de (relative) renaissance d’une pensée critique et d’élan anticapitaliste, l’un de auteurs “belges” les plus lus dans le monde, avec Georges Simenon et Hergé !

Il est impossible de recenser en quelques lignes l’ensemble de ses écrits et interventions dans les débats de son temps, tant sa force de travail était grande et ses intérêts multiples : dans des domaines aussi divers que l’économie, l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la philosophie et même l’art et la littérature (parmi ses “hobbies” : la musique classique, la peinture, les documentaires animaliers et… la lecture de romans policiers). En plus, naturellement, de ses éternelles préoccupations politiques, organisationnelles, tactiques et stratégiques.

Il est tout aussi difficile de brosser brièvement ses activités durant près de 60 ans. Actif dès son adolescence dans le mouvement “trotskyste” puis dans la résistance anti-nazie durant les années 40-45, figure de la “gauche” du mouvement ouvrier en Belgique au lendemain de la seconde guerre mondiale (au sein de la FGTB-PSB), acteur décisif dans la création de sections de la 4ème Internationale, Ernest Mandel parcourait inlassablement les différents continents pour défendre un projet communiste démocratique, en ce y compris dans les pays où il était officiellement interdit de séjour car réputé dangereusement subversif !

Ernest Mandel, et d’aucuns le lui ont reproché, a souvent fait preuve d’un inébranlable “optimisme”. Volontariste décomplexé, il avait la conviction chevillée au corps d’un triomphe final de “l’émancipation humaine”, envers et contre tous les obstacles dressés par la classe bourgeoise et les dominants. Pour lui, il ne faisait aucun doute que cette “utopie concrète” se matérialiserait dans un avenir proche car il avait une grande confiance dans le “mouvement  impétueux  des masses” et leurs capacités d’auto-organisation.

Certes, aujourd’hui, à notre époque de télescopage de crises aiguës  auxquelles est venue s’ajouter une catastrophe écologique lourde de menaces, notre futur paraît bien plus “questionnable”.

Les évolutions de ces dernières décennies, notamment depuis son décès, n’ont évidemment pas rendu notre monde plus tolérable. Que du contraire.

Une raison supplémentaire pour ne pas renoncer et continuer à tout mettre en œuvre pour le transformer  —au-delà des discussions,  polémiques et  bilans politiques—   dans la continuité du combat de toutes les générations précédentes, dont celle d'Ernest Mandel...

 

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Ernest Mandel, lors d'un débat en 1978 dans la Cité Ardente

avec le syndicaliste liégeois Jacques Yerna.





Repères bibliographiques

[principaux écrits publiés en langue française, dans l'ordre chronologique]



Traité d'économie marxiste, Julliard, 1962 Initiation à la théorie économique marxiste, CES, 1964 La formation de la pensée économique de Karl Marx, Maspero, 1967 La réponse socialiste au défi américain, Maspero, 1970 Le déclin de l’impérialisme, LMR, 1971 Du fascisme, Maspero, 1974 Introduction au marxisme, Fondation Lesoil, 1974 Le Troisième âge du capitalisme, UGE-10/18, 1976 La longue marche de la révolution, Galilée, 1976 De la bureaucratie, La Brèche, 1978 Critique de l'eurocommunisme, Maspero, 1978 De la Commune à Mai 68, La Brèche, 1978 La crise 1974-1978, Flammarion, 1978 Les étudiants, les intellectuels et la lutte des classes, La Brèche, 1979 Réponse à Louis Althusser et à Jean Ellenstein, La Brèche, 1979 Trotsky, Maspero, 1980 La crise, Flammarion, 1985 Meurtres exquis. Une histoire sociale du roman policier, La Brèche, 1986 La place du marxisme dans l'histoire, IIRF, 1986 Le Krach, 13 questions 13 réponses, Dossier Rouge/LCR, 1987 Où va l'U.R.S.S. de Gorbatchev ?, La Brèche, 1989 L’annulation de la dette du Tiers Monde, Dossier Rouge/LCR, 1989 Quand le stalinisme s’écroule, Supplément Inprecor, 1989 Octobre 1917, coup d’État ou révolution sociale. La légitimité de la Révolution Russe, IIRF, 1992 Les ondes longues du développement capitaliste, Syllepse, 2014  Nationalité et lutte de classe en Belgique, 1958-1973, IIRE, 2015  Sur la seconde guerre mondiale, une interprétation marxiste, La Brèche, 2018 La révolution allemande, La Brèche, 2021 Aux sources du phénomène bureaucratique (Power and Money), La Brèche, 2023 Lénine, la révolution, le parti, La Brèche, 2023.

 

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