04 novembre 2025
POLARS EN BARRE [100]
"Planté devant le miroir, Rico se coiffait soigneusement à l’aide d’un petit peigne d’ivoire.
Il était très fier de ses cheveux noirs lustrés qu’il peignait en arrière, formant trois vagues symétriques.
Rico était un homme simple ; il n’aimait que trois choses au monde : lui-même, ses cheveux et son arme. Il prenait le plus grand soin des trois."
William R. Burnett

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03 novembre 2025
POLARS EN BARRE [99]
"On aperçoit maintenant entre quels pôles opposés hésite le roman policier et combien il flatterait à la fois les ambitions de l’intelligence et les appétits de la sensation, s’il ne devait sacrifier l’une des deux tendances pour satisfaire l’autre. Pourtant il contient toujours nécessairement les deux éléments : le meurtre et l’enquête. Aussi plaît-il indifféremment à tous les publics et contente-t-il en chaque lecteur les plus diverses exigences. Il compose les séductions du conte qu’on écoute passivement et celle de la recherche où l’on prend une part active. Il éveille toutes sortes d’émotions et singulièrement les plus faciles à faire naître, celles qui répondent aux instincts élémentaires, mais il exerce en même temps l’intellect qui domine et unifie. Il charme, captive, délasse en donnant l’impression du progrès, de l’effort récompensé, du travail fécond.
[…]
Le roman policier représente bien la lutte entre l’élément d’organisation et l’élément de turbulence dont la perpétuelle rivalité équilibre l’univers. Dans la société, l’antagonisme de la loi et du crime la figure. C’est pourquoi le détective et le policier apparaissent comme les champions de deux principes distincts vers lesquels chacun se sent tour à tour incliné : celui qui conseille de commettre l’infraction, celui qui porte à la réprimer. De la même manière l’individu tente tour à tour à se discipliner et à se débaucher. Il est tenté par les émotions, voudrait en ressentir de nouvelles et de toujours plus intenses, quitte à s’éparpiller et à se perdre en leur multitude attirante. Mais il aime aussi se montrer maître et seigneur, imposer l’ordre et la clarté. De nouveau, le criminel et l’enquêteur deviennent symboliques. Ils ne cessent pas d’être de vivantes images de la règle et du délit, mais se présentent en même temps comme des personnifications l’un des jouissances, du défi, du scandale, des mouvements irréfléchis et spontanés, l’autre de la puissance volontaire qui sait les comprendre, les pénétrer, les asservir."
Roger Caillois

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02 novembre 2025
POLARS EN BARRE [98]
"Dès qu’elle ouvrit sa porte d’entrée et qu’elle reconnut au sein du groupe massé devant son seuil une inspectrice venue l’interroger deux semaines plus tôt, la femme comprit qu’elle avait perdu la partie. Elle réussit toutefois à conserver suffisamment de sang-froid pour prier ses visiteurs d’entrer.
Au contraire de ces films où l’on voit des policiers survoltés plaquer un suspect au mur puis retourner sa maison en faisant voler papiers, coussins, livres et tiroirs, tout se passa dans un calme étonnant. Les représentants de l’ordre ne semblaient animés d’aucune intention agressive et c’est dans un silence parfait qu’ils se partagèrent les fauteuils du salon. Ils n’étaient pas là pour jouer les gros bras. Avant tout, ils voulaient comprendre pourquoi celle qui leur faisait face avait tué la gérante du Club 3 alors que rien, de prime abord, ne reliait les deux femmes."
Francis Groff

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01 novembre 2025
POLARS EN BARRE [97]
"Comme ils atteignaient le trottoir, l’auto du coroner arriva. Smith, l’assistant du coroner et un jouvenceau brûlé de soleil en descendirent.
— Le patron va arriver dans un moment, déclara Smith. Nous allons l’attendre.
— Je prends ma voiture et je vous suis, cria Jardinn à Bracker et à Phaley qui montaient déjà dans la leur. Celui-ci se contenta de faire un signe d’acquiescement.
— Où est le cadavre, Jardinn ? demanda l’assistant du coroner en allumant une cigarette.
Jardinn, qui se dirigeait vers son garage, se retourna pour répondre :
— A l’intérieur. C’est celui qui ne bouge pas."
Raoul Whitfield

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31 octobre 2025
POLARS EN BARRE [96]
"Enfin, elle prit une chemise en carton beige et, traçant les lettres avec le plus grand soin, inscrivit ″CLARISSA LISLE″ sur le recto. Elle avait souvent pensé que c’était là la partie la plus satisfaisante d’une nouvelle enquête : un moment d’espoir pimenté d’excitation, le dossier vierge et les caractères bien nets symbolisant en eux-mêmes un nouveau commencement. Elle feuilleta son carnet avant de l’ajouter à la chemise. A part Sir George et son épouse brièvement entrevue, ses futurs compagnons dans l’île n’étaient encore que des noms, une liste de suspects possibles : Simon Lessing, Roma Lisle, Rose Tolgarth, Ambrose Gorringe, Ivo Whittingham ― de simples sons transcrits sur du papier, qui contenaient une promesse de mystère, de défi, étant donné la fascinante variété de la personnalité humaine. Et tous, le beau-fils, la cousine, l’habilleuse, l’hôte et l’ami, évoluaient comme des planètes autour d’un astre : la figure centrale de Clarissa Lisle."
Phyllis Dorothy James

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30 octobre 2025
POLARS EN BARRE [95]
"Si la littérature policière connaît une popularité dans le monde entier, c’est qu’elle possède une multitude de ramifications et réunit tous les éléments susceptibles de fasciner : l’énigme, le suspens, les émotions exerçant un attrait sur le lecteur qui prend plaisir à faire fonctionner ses matières grises, qui aspire à la justice, en même temps qu’il s’abandonne aux frissons qui le parcourent ; si elle connaît un tel succès, c’est qu’elle apporte une foule d’informations concrètes, permet d’explorer des régions inconnues et intéressantes, pose des problèmes qui, loin de peser sur le lecteur, lui apportent une distraction recherchée et méritée. L’évolution de la science n’a pas seulement eu pour effet de transformer la vie politique et sociale, elle a fait se développer également la littérature divertissante et plus particulièrement la policière. Cette évolution confirme la thèse de Bertolt Brecht selon laquelle le roman policier répond aux exigences de l’homme vivant à l’ère scientifique."
Waltraud Woeller

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29 octobre 2025
POLARS EN BARRE [94]
"Le traitement répétitif, sophistiqué, d’un univers de fiction où prédomine la pulsion de mort n’aura jeté le doute que dans les esprits étriqués, incapables de comprendre que Shakespeare demeure le scribe inspiré des plus belles pièces policières du répertoire.
Le revival incessant des grands mythes ― Sherlock Holmes, Philip Marlowe, Arsène Lupin, etc. ― a ancré dans notre imaginaire collectif les faits les plus marquants de l’histoire du genre. Mais cette mythologie voyante ― je songe à James Bond ― a souvent dérobé au regard du plus grand nombre la véritable vie de la « famille policière », la solidité de ses rites, la pérennité de sa forme jamais entamée par de fréquentes querelles de clochers. Le vieux débat instauré dès l’apparition du roman noir américain, entre celui-ci et le roman d’énigme, ressemble moins à une lutte intestine qu’à une parade nécessaire à la santé du genre.
Mais pourquoi chercher toujours à se justifier ?
(…)
L’émotion esthétique si souvent ressentie devant les chefs-d’œuvre d’une forme littéraire indéniable fait partie de la connivence. La littérature de mystère restera longtemps encore ― je l’espère ― un mystère de la littérature."
François Rivière

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28 octobre 2025
POLARS EN BARRE [93]
"Le sourire que j’avais en prenant congé de Harry me quitta dès que je fus dans ma voiture. D’ailleurs, dès le début mon sourire avait manqué de sincérité et je doutais qu’il fût très réussi. Parce que j’avais vraiment peur.
Les réflexions de Daisy commençaient à me sembler logiques. Je me souvenais de toutes ces énigmes jamais résolues, de ces meurtres et de ces suicides mystérieux, de ces morts soudaines. Quiconque est en rapport avec le monde du cinéma a entendu parler de ces histoires : il y en a des douzaines. Je comprenais aussi pourquoi. Si vous êtes intéressé à une affaire qui porte sur des millions de dollars et que le succès ou la faillite dépendent de la publicité, il est normal que vous fassiez tout votre possible pour que cette publicité soit bonne. Vous n’hésiterez pas à employer les grands moyens afin de protéger votre renom ou celui de votre produit."
Robert Bloch

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