26 décembre 2025
POLARS EN BARRE [152]
"Il hésita entre le “Tabac du Matin’’ et le self-service situé au rez-de-chaussée de l’Humanité. On pouvait y prendre un café, l’emporter à une table sur un plateau et tout en dégustant le liquide brûlant, s’amuser à reconnaître au passage les grandes signatures du journal, les plus illustres figures du Parti Communiste. Thorez, Duclos, même Aragon venaient ici se restaurer entre deux réunions ou attendre que leur article arrive au marbre."
Didier Daeninckx

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25 décembre 2025
POLARS EN BARRE [151]
"Le matin de Noël était nuageux, sec et sans caractère. J’étais devant ma fenêtre à regarder le parc, irrésistiblement envahi, comme chaque année en cette circonstance, par le souvenir des Noëls blancs de mon enfance, lorsque la maison était surchargée de décorations faites par ma mère, que mon père passait des heures à quatre pattes pour essayer de localiser l’ampoule fautive qui empêchait notre arbre de s’illuminer, que nous ne bougions pas du tout l’après-midi, à guetter par la fenêtre l’arrivée de mes grands-parents qui venaient passer la veillée avec nous, pour rester jusqu’au Nouvel An. (C’est-à-dire les parents de ma mère, car nous n’avions rien à faire avec ceux de mon père ; en fait, je n’avais jamais entendu parler d’eux, aussi loin que remonte ma mémoire.) Durant ces quelques jours, l’atmosphère de notre maison, d’habitude si tranquille et contemplative, devenait vivante, turbulente même, et c’est peut-être à cause de ce souvenir -et du souvenir de la blancheur fabuleuse qu’on était certain, à cette époque, de voir recouvrir notre pelouse- qu’il y avait un air d’irréalité dans la grisaille silencieuse des Noëls auxquels j’avais dû tristement me résigner depuis quelques années.
Mais ce jour-là il y avait autre chose. Ni Fiona ni moi ne pouvions supporter la perspective des huit heures de programmes de Noël de la télévision, et, au milieu de la matinée, voilà que nous roulions dans une voiture louée en direction de la côte sud. Je n’avais pas conduit depuis une éternité. Par bonheur, il n’y avait pratiquement pas de circulation dans le sud de Londres, et, à part une Ford Sierra rouge évitée de justesse, et quelques éraflures après un choc bruyant avec la borne d’un rond-point à la sortie de Surbiton, nous parvînmes à la campagne sans incident grave. Fiona avait proposé de conduire, mais je n’avais pas voulu en entendre parler. C’était peut-être stupide de ma part, parce qu’elle se sentait (et paraissait) beaucoup mieux qu’elle n’avait été depuis des semaines, et je pense en outre que j’avais été beaucoup plus qu’elle perturbé par l’absurde malentendu concernant le résultat de ses analyses à l’hôpital, où elle s’était présentée pour apprendre que son rendez-vous avait été annulé, que quelqu’un avait dû lui téléphoner pour l’en prévenir, que le spécialiste qui était censé s’occuper d’elle était parti manifester contre la décision de l’administration de fermer quatre services chirurgicaux juste après Noël, et qu’on la priait de revenir la semaine prochaine quand tout serait rentré dans l’ordre."
Jonathan Coe

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24 décembre 2025
POLARS EN BARRE [150]
"Il y a énormément d'hypocrisie à Noël – hypocrisie honorable, hypocrisie pour le bon motif , c'est entendu –, mais hypocrisie tout de même !"
Agatha Christie

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23 décembre 2025
POLARS EN BARRE [149]
"La ″Série noire″ : c’est sans doute ici que l’on peut observer l’exemple le plus accompli de littérature sérielle. Si la collection se fonde, au départ, sur un corpus polymorphe, extérieur à elle, elle tend, au fil des années, à devenir la seule définition des textes qu’elle rassemble. Venus d’horizons divers (USA, Grande-Bretagne, France, Suède), écrits par des auteurs de séries ou des auteurs littéraires, appartenant à des genres variés (policier de détection, criminel noir, espionnage, suspense, fantastique, terreur et même science fiction), de style et de qualité très différents, près de deux mille textes s’ajustent en un ensemble qui porte sa propre signification. A l’origine, des textes américains qui, dans les années vingt, substituent peu à peu au roman policier de détection un roman criminel d’action où la résolution de l’énigme passe au second plan, tandis que la violence, le tragique prennent la première place tout en faisant une large place à l’humour, à la satire sociale et politique. Dès les années trente-sept-quarante, ce roman avait suscité des émules en Grande-Bretagne puis en France, où on le trouve aux lendemains de la guerre dans différentes collections.
La distanciation ludique établie par les titres, la dérision, l’humour, le sentiment de l’absurde et du tragique, l’angoisse et l’incertitude nés de la distorsion continuelle entre ses différents romans parcellaires désignent la ″Série noire″ à la fois comme un jeu et comme une ″œuvre″ autonome dont l’équivalent n’existe nulle part. En ce sens, le fondateur et directeur de la collection, Marcel Duhamel, et son équipe sont bien les auteurs de la série."
Juliette Raabe

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22 décembre 2025
POLARS EN BARRE [148]

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"Pourquoi le récit policier qui, comme son nom l’indique, relate ce dont s’occupe la police, s’est-il mis en place, au moins à l’origine, sur la base de la distinction, voire de l’opposition, entre d’un côté le personnage du détective et de l’autre celui du policier ? Cette distinction se trouve accentuée lorsque, comme c’est le plus souvent le cas, le détective exerce à titre privé ou même est un simple amateur. Les auteurs qui ont cherché à interpréter le sens de cette disjonction ont, pour la plupart, mis l’accent sur l’opération consistant à établir une séparation catégorielle entre, d’un côté, les moyens intellectuels de l’enquête, visant à trouver la solution d’une énigme, qui sont mis en œuvre par le détective, et, de l’autre, les instruments dont dispose le policier et qui relèvent de la violence d’État ; distinction qui reproduit, à l’évidence, la division hiérarchique entre tâches intellectuelles (nobles) et tâches matérielles (vulgaires). Ce qui les a à juste titre frappés est donc surtout l’analogie entre les moyens intellectuels appliqués par le détective à une entreprise dont il convient de noter qu’elle relève de la chasse à l’homme, et les moyens intellectuels mis en œuvre par le savant en vue de résoudre une énigme scientifique, analogie qui est d’ailleurs évoquée avec insistance par les maîtres du genre."
Luc Boltanski

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21 décembre 2025
POLARS EN BARRE [147]
"La folle du premier étage recommença, à rire, d’un rire aussi stupide, aussi morne que le rire de la hyène.
Joe, la tête enfoncée dans les épaules, comme s’il se fût attendu à recevoir un coup sur la nuque, se hâta le long du couloir sombre et descendit l’escalier qui menait au sous-sol. Il fut heureux de retrouver enfin la chambre qu’il partageait avec Sam Garland, le chauffeur du docteur Travers. Garland, en bras de chemise, était étendu sous une couverture sur son petit lit de camp. Son large visage réjoui était tourné vers le plafond, et ses yeux clos.
− Quelle nuit ! s’exclama-t-il quand Joe entra. Je ne me souviens pas d’en avoir vu de pire cette année !
− Ni de plus lugubre ! ajouta Joe, s’approchant de la cheminée pour se laisser tomber dans un fauteuil. Y a là-haut une bonne femme qui braille et qui rit à vous donner la chair de poule. Ça me porte sur le système."
James Hadley Chase

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20 décembre 2025
POLARS EN BARRE [146]
"Je m’arrête. Elle me laisse planté là pendant qu’elle finit son porto, pose le verre sur la table et le remplit à nouveau. Puis elle se tamponne les lèvres avec son mouchoir. Et enfin, elle parle. Le ton de sa voix −baryton un peu rêche− ne vous donne pas envie de badiner.
− Asseyez-vous, monsieur Marlowe. Je vous en prie, n’allumez pas cette cigarette. Je suis asthmatique.
Je prends place dans un fauteuil à bascule en rotin et je fais disparaître la cigarette en souffrance derrière ma pochette.
− Je n’ai jamais eu affaire à un détective privé, monsieur Marlowe. J’ignore tout de cette profession. Vos références me semblent satisfaisantes. Quel est votre tarif ?
− Pour faire quoi, madame Murdock ?
− Il s’agit évidemment d’une affaire très confidentielle. Rien à voir avec la police. Si c’était une affaire qui concerne la police, c’est à la police que je me serais adressée.
− Je prends vingt-cinq dollars par jour, madame Murdock. Plus les frais évidemment.
− Cela me paraît cher. Vous devez gagner beaucoup d’argent.
Elle s’envoie une autre lampée de porto. Je n’aime pas le porto par temps chaud, mais c’est agréable de pouvoir refuser.
− Non. Ce n’est pas cher, je lui dis. Évidemment, il y a des détectives à tous les prix. Comme des avocats. Ou des dentistes. Mais je ne suis pas une société. Je travaille seul et je ne prends qu’une affaire à la fois. Je cours des risques, de très gros risques parfois, et je ne travaille pas tout le temps. Non, je ne pense pas que vingt-cinq dollars par jour ce soit trop demander."
Raymond Chandler

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19 décembre 2025
POLARS EN BARRE [145]
"Trois semaines plus tard, le Saint déjeunait lorsque le facteur apporta un paquet qui portait le timbre d’Italie.
Simon l’ouvrit. Patricia était penchée sur son épaule.
Il y avait d’abord, sous enveloppe, un chèque sur la banque d’Italie à Londres, dont le montant fit sursauter Simon.
Puis il prit un écrin de maroquin qu’il considéra curieusement. Il pressa du doigt le bouton doré. Le couvercle se souleva.
”Qu’est-ce que c’est ? demanda Patricia
− Une décoration italienne de l’ordre le plus élevé. Pat, je crois que je t’avais promis un chapeau neuf ?”"
Leslie Charteris

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