10 août 2025
POLARS EN BARRE [14]
"Je remonte en courant la ruelle en direction du quartier noir. Derrière le magasin de Morgan se trouve un vieux camion. Je tâtonne le tableau de bord. La clé de contact est mise. Je me glisse au volant et appuie sur le démarreur. J’ai l’impression furtive d’avoir trouvé la question qui rôdait dans mon cerveau sans que j’arrive à me la rappeler. Il s’agit d’une réflexion de Paul, de quelque chose qu’il m’a dit juste avant d’épouser May. Mais je n’arrive toujours pas à me rappeler. J’ai le cerveau paralysé par la peur. Je ne peux pas réfléchir. Tout ce que je peux faire c’est m’enfuir."
Day Keene
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09 août 2025
POLARS EN BARRE [13]
"Il se tourna vers Hart. C’était la première fois qu’il le regardait dans les yeux, depuis qu’ils étaient rentrés.
― Qu’est-ce que t’en penses toi ? demanda-t-il très doucement.
Hart haussa les épaules.
― Ce n’était plus le vendredi 13 quand nous avons fait le coup. Il était plus de minuit. Nous sommes samedi matin. Samedi 14.
― Il a raison, dit Rizzio.
― Non, il a tort, dit Charley. On est toujours vendredi 13.
Et il continua de regarder Hart.
Rizzio plissa le front, se gratta derrière la tête.
― Oui, dit Charley, c’est le vendredi de la poisse et, pour certaines personnes, ce jour-là finit jamais. Elles le trimbalent sur elles en permanence. Comme la typhoïde. Elles ont beau aller ici ou là, elles portent toujours la poisse.
― C’est de moi que tu parles ? demanda Hart.
Charley opina lentement. Puis il glissa encore plus lentement la main dans sa poche et il en tira son revolver."
David Goodis
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08 août 2025
POLARS EN BARRE [12]
"Tout s’était arrêté, à part les vibrations de la lumière. Or, la coloration rougeâtre du panorama signifiait peut-être que les ondes lumineuses étaient devenues plus lentes de son point de vue, à lui. Selon toute vraisemblance, le rapport objectif entre le temps et Kirby s’était trouvé modifié, si bien qu’une heure, peut-être, de temps rouge, correspondait à une fraction de seconde de temps réel. On pouvait, bien sûr, se trouver amené à se demander lequel des deux était le temps « vrai » et s’acheminer ainsi tout doucement par la voie de la discussion philosophique, au même résultat, c’est-à-dire à la folie..."
John Dann MacDonald
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07 août 2025
POLARS EN BARRE [11]
♦♦♦
"Quant à la question d'une éventuelle littérature progressiste, elle est ridicule car, en supposant qu'un texte de gauche vaut mieux qu'un texte de droite, elle oublie que les textes, pas plus que les hommes, ne sont ce qu'ils disent être, c'est-à-dire qu'elle abandonne toute critique de l'idéologie et qu'elle se trouve donc en plein idéalisme, et en retrait sur ce que nos meilleurs porte-parole, Marx et Engels, écrivaient dès la première moitié du dix-neuvième siècle."
Jean-Patrick Manchette
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06 août 2025
POLARS EN BARRE [10]
"Cependant, il gravit les marches des escaliers sur la pointe des pieds, comme si elles étaient en papier.
Au moment même où je rentrais dans le vestibule, un cri de terreur retentit au premier, suivi d’un bruit de vaisselle cassée. Doc et moi échangeâmes des regards consternés en nous précipitant vers l’escalier.
Un Bogle titubant divaguait dans le couloir. Ses traits étaient livides, ses yeux exorbités. Il fit un effort pour nous croiser sans rien dire, mais je lui sautai dessus et l’obligeai à faire demi-tour.
— Qu’est-ce que vous avez, bon Dieu ? lui demandai-je en le secouant.
— N’entrez pas la-dedans ! dit-il d’une voix tremblotante.
De grosses gouttes de sueur lui coulaient le long des joues.
— Elle est là à flotter dans la chambre, à flotter jusqu’au plafond.
Il m’écarta d’une bourrade et poursuivit sa course éperdue.
— Complètement cinglé ! dis-je en le suivant des yeux. Qu’est-ce qu’il veut dire par « flotter dans la chambre » ?
Ansell ne répondit pas, mais l’appréhension se lisait dans ses yeux."
James Hadley Chase
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05 août 2025
POLARS EN BARRE [9]
"C’était étrange, je bavardais avec le meurtrier de mon père et n’en éprouvais aucune émotion. Ils n’étaient que de simples hommes, un cynique bon vivant et un cynique solennel, partiellement bons, partiellement mauvais, et le plus dangereux des deux avait éliminé l’autre."
Kenneth Millar
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04 août 2025
POLARS EN BARRE [8]
"Autre point de convergence des trois genres ― épopée, roman populaire ou pré-policier, roman-problème ― la signification initiatique du héros. C’est un agent sécurisant : chargé hier de conjurer l’inquiétude métaphysique, aujourd’hui, d’apaiser la fièvre sociale.
L’étiolement de la fonction épique du roman policier devait provoquer, un peu avant 1930, la réaction du roman noir américain. Grâce à lui, le genre retrouve les formes et les vertus de l’épopée.
Sous le fracas des fusillades, la lutte collective est orchestrée par le « privé » au nom d’une entreprise de purification. Sous une acide critique sociale, on retrouve la générosité et le désintéressement oubliés depuis Eugène Sue et le roman de chevalerie. Sous une démystification des conventions et apparences, se fait jour une contestation de la réalité que l’épopée antique opérait par le biais du fantastique. Sous l’érotisme, la violence, le sang, le roman noir réconcilie en l’homme les désirs antagonistes de meurtre et de justice.
Grâce au roman noir, l’épopée antique ou moderne subit sa minute de vérité et révèle sa fonction sociale. Elle assume par l’intermédiaire du héros, les passions que l’homme de plus en plus sédentaire peut de moins en moins assouvir par lui-même. Elle réalise l’équilibre entre la pensée mythique et la pensée rationaliste que l’homme attendait autrefois de l’oracle ou du prêtre, et aujourd’hui de l’astrologue donnant des consultations de masse par la radio ou par l’ordinateur.
Fonction qui, sous prétexte de réconcilier l’homme avec le monde, arbitre en lui les conflits de l’inconscient et du conscient. Elle rend dérisoire la place faite par la critique aux variations récentes de l’épopée. Combien sont pauvres les analyses expliquant le succès du roman policier (de science-fiction ou d’aventures) par un besoin de « s’évader », de se distraire, d’oublier la réalité grâce à une altération violente de cette réalité. Ou le fait divers comme un nouvel exotisme.
Forme moderne de l’épopée, le roman policier n’aide pas l’homme à s’évader, mais à demeurer dans sa prison.
Il est beaucoup plus qu’une simple scorie de la civilisation industrielle : l’un des moyens de la supporter."
Francis Lacassin
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03 août 2025
POLARS EN BARRE [7]
♦♦♦
"Le revoyant depuis le début, je me rends compte que derrière cet escamotage des barres d’or il y a quelqu’un qui tire les ficelles, et ce quelqu’un a un cerveau drôlement bien organisé, je vous assure. Je réalise que cette affaire a été montée et réglée au poil, mais quand même il y a eu une coupure comme il s’en produit toujours ; car c’est drôle, mais aussi mariolle que puisse se croire un escroc, il commet toujours une erreur à un moment donné, et c’est pourquoi il finit automatiquement par perdre la partie, quoique dans le cas présent je ne prétende pas que Rudy et sa clique ne soient pas en train de gagner celle qu’ils jouent en ce moment.
Naturellement, j’en arrive à Carlotta. C’est des drôles de corps les gonzesses, hein ? A qui le dites-vous ! Voilà une petite qui chante épatamment, qu’est belle comme tout, qu’est roulée comme pas une et qu’a de la personnalité. Eh ben, avec tout ça elle aime mieux frayer avec un mec comme Rudy Saltierra, qu’est une fripouille et rien de plus, un vulgaire gangster et un drogué, enfin le roi de la coco de l’espèce la plus courante, et qu’a la passion de buter le monde quand il a reniflé une prise.
Tout ça pour bien vous montrer que les gonzesses c’est bizarre. On ne sait jamais par quel bout les prendre. Mais je sais une chose en tout cas. Quand Rudy m’a affranchi que c’était Carlotta qui avait eu l’idée de ne pas me lessiver tout de suite, mais de me garder en réserve pour capter les messages et en renvoyer d’autres portant mon chiffre et donner de fausses indications sur notre destination, eh bien, ça c’était pas bête. Sur le moment, je n’avais pas bien pigé ce que cette combine allait pouvoir leur rapporter exactement. Mais maintenant je ne le vois que trop bien."
Peter Cheyney
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