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24 mai 2023

"BOUQUINAGE" - 248

 

 

"D'une guerre européenne peut jaillir la révolu­tion, et les classes dirigeantes feront bien d'y songer ; mais il en peut sortir aussi, pour une longue période, des crises de contre-révolution, de réaction furieuse, de nationalisme exaspéré, de dictature étouffante, de militarisme monstrueux, une longue chaîne de violences rétrogrades et de haines basses, de repré­sailles et de servitudes, Et nous, nous ne voulons pas jouer à ce jeu de hasard barbare, nous ne vou­lons pas exposer, sur ce coup de dé sanglant, la certi­tude d'émancipation progressive des prolétaires, la certitude de juste autonomie que réserve à tous les peuples, à tous les fragments de peuples, au-dessus des partages et des démembrements, la pleine victoire de la démocratie socialiste européenne.

C'est pourquoi, nous socialistes français, sans qu'aucune personne humaine puisse nous accuser d'abaisser le droit, nous répudions à fond, aujour­d'hui et à jamais, et quelles que puissent être les conjectures de la fortune changeante, toute pensée de revanche militaire contre l'Allemagne, toute guerre de revanche. Car cette guerre irait contre la démo­cratie, elle irait contre le prolétariat, elle irait donc contre le droit des nations, qui ne sera pleinement garanti que par le prolétariat et la démocratie. Aujourd'hui, la paix de l'Europe est nécessaire au progrès humain : et la paix, la paix assurée, la paix durable, la paix confiante entre l'Allemagne et la France, qui a beaucoup fait en Europe pour le mouvement de la démocratie et l'éveil de la classe ouvrière, ne peut pas être à contresens de leur développement."

 

 

 

 

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22 mai 2023

"BOUQUINAGE" - 246

"Son œuvre ouverte, hors mesure, creuse au plus profond dans l'esprit d'une époque. Critique en mouvement d'un système dynamique, Le Capital, en dépit de ses multiples remaniements de son plan, était inachevable. Non parce que la vie de son auteur fut trop brève, mais parce que c'était une vie humaine, et parce que l'objet de sa critique, en perpétuel mouvement, l'entraînait toujours plus loin.

Pléiadisé, Marx, bénéficie désormais d'une reconnaissance académique qui s'efforce de l'enfermer dans les limites temporelles de son siècle : un formidable penseur, certes, mais daté et démodé, bon pour les archives et les musées. Un économiste amateur, un philosophe digne de figurer dans la grande fresque de l'odyssée de l'Esprit, un historien admissible au programme d'agrégation, un pionnier de la sociologie ? Un peu de tout cela. Marx en miettes, en somme, inoffensif. Un intellectuel respectable s'il n'avait eu la fâcheuse idée de se mêler de politique. C'est pourtant ce qui fait de lui une figure nouvelle d'intellectuel, qui sut mener de front dans les années 1860 la rédaction du Capital et l'organisation matérielle, jusqu'au collage des timbres, de la Première Internationale. C'est pourquoi, écrit Jacques Derrida, “il n'y a pas d'avenir sans Marx”. Pour, contre, avec, mais pas “sans”. Et quand les néolibéraux, scotchés à Hobbes, à Locke, à Tocqueville le traitent de ringard du XIXè siècle, le spectre sourit dans sa barbe.

L'actualité de Marx, c'est celle du capital lui-même. Car, s'il fut un formidable penseur de son époque, s'il a pensé avec son temps, il a aussi pensé contre et au-delà de son temps de manière intempestive. Son corps-à-corps, théorique et pratique, avec son ennemi irréductible, la puissance impersonnelle du capital, le porte jusqu'à notre présent. Son inactualité d'hier fait son actualité d'aujourd'hui."

 

 

 

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21 mai 2023

"BOUQUINAGE" - 245

"Marx fut un penseur du possible autant que du nécessaire. Pour lui, la nécessité d'une prochaine, voire imminente, révolution sociale, qui serait la dernière grande révolution historique, ne faisait qu'un avec sa possibilité. Il crut que la possibilité réelle d'un dépassement définitif de toute société de classes se présentait, dès le milieu du dix-neuvième siècle, avec l'apparition et le développement rapide de la classe sociale qui le réaliserait : la classe ouvrière ou prolétariat. Il pensa que cette révolution, “possible” et “nécessaire” à la fois, consisterait dans l'abolition de toute exploitation de l'homme par l'homme et de tout asservissement politique, grâce à la disparition de la propriété privée des moyens de production. Il affirma que cette révolution conduirait à l'instauration, puis à l'épanouissement, d'un “règne de la liberté”. Il en résulte que la pensée marxienne de la nécessité historique était, en même temps, une pensée de la possibilité historique."

 

 

 

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20 mai 2023

"BOUQUINAGE" - 244

"Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé.

La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c'est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu'ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu'ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d'ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l'histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté.

C'est ainsi que Luther prit le masque de l'apôtre Paul, que la Révolution de 1789 à 1814 se drapa successivement dans le costume de la République romaine, puis dans celui de l'Empire romain, et que la révolution de 1848 ne sut rien faire de mieux que de parodier tantôt 1789, tantôt la tradition révolutionnaire de 1793 à 1795. C'est ainsi que le débutant qui apprend une nouvelle langue la retraduit toujours en pensée dans sa langue maternelle, mais il ne réussit à s'assimiler l'esprit de cette nouvelle langue et à s'en servir librement que lorsqu'il arrive à la manier sans se rappeler sa langue maternelle, et qu'il parvient même à oublier complètement cette dernière."

 

 

 

 

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18 mai 2023

"BOUQUINAGE" - 242

 

"Le libéralisme économique et politique, seul ou combiné à d'autres configurations, ne peut apporter la solution aux problèmes du XXIème siècle. Une fois encore, le temps est venu de prendre Marx au sérieux."

 

 

 

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12 mai 2023

"BOUQUINAGE" - 236

"La guerre s'est achevée, la révolution a commencé et avec elle, des portes se sont ouvertes. Mais, il faut bien l'avouer, elles se sont vite refermées. Le profiteur s'est démené, il a réussi à s'installer et avec lui, tout l'ordre ancien est revenu. Le paysan usurier comme le grand bourgeois puissant ont en fait progressivement éteint le feu et, comme toujours, le petit-bourgeois affolé s'est mis à manger de ce pain-là. Jamais auparavant la jeunesse privilégiée n'avait été aussi fruste et bornée. Les universités sont devenues les vrais cimetières de l'esprit, infectées de paresse et d'obscurantisme rigide. Ainsi ce qui semble être actuellement la restauration n'est que l'acte final d'une pièce dont le prélude fut joué par la réaction il y a un siècle : même langage du terroir, même tradition de la culture nationale et de ce romantisme sans instinct qui a oublié la Guerre des Paysans et n'a vu que des châteaux forts se dresser dans la magie nocturne du clair de lune.

(...)

Cependant l'Ouest avec ses millions de prolétaires n'a pas encore dit son dernier mot ; cependant en Russie, la république marxiste reste indomptée et tout aussi indomptés, tout aussi entiers dans leur exigence absolue, les problèmes éternels de notre ferveur, de notre conscience religieuse restent brûlants. Bien plus, nous, au moins, nous avons été instruits par ce regard sur le réel qui, lui aussi, apparut il y a un siècle. Marx a distingué de manière fondamentale le pur et simple enthousiasme faux, abstrait, sans médiation, le simple jacobinisme de la planification socialiste (...). En revanche, ce romantisme de la réaction moderne n'a vraiment rien hérité de valable, il n'est ni concret, ni enthousiaste, ni animé par un esprit universel..."

 

 

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05 mai 2023

"BOUQUINAGE" - 229

"On croyait jusqu'à présent que la formulation des mythes chrétiens dans l'Empire romain n'avait été possible que parce que l'imprimerie n'était pas encore inventée. C'est tout le contraire. La presse quotidienne et le télégraphe qui répand ses inventions en un clin d’œil dans tout le globe fabriquent plus de mythes en un jour qu'on ne pouvait en fabriquer autrefois en un siècle (et ces veaux de bourgeois les gobent et les diffusent)." [KM]

 

 

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14 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 208

"Nous sommes donc bien loin des certitudes anciennes qui faisaient dire aux philosophes du XIXème siècle que la rupture dans l'histoire était un accouchement, et que le nouveau qui advenait était toujours nécessairement “supérieur” à l'ancien. Autant dire qu'en ce début de XXIème siècle personne ne peut connaître la voie qui sera prise. Mais ce dont nous pouvons être sûrs, c'est que s'ouvre devant nous une longue période de convulsions, d'affrontements et de bouleversements. Ceux qui rêvent de douce transition vers un monde plus écologique et plus généreux, ceux qui pensent pouvoir faire revenir en douceur le capitalisme dans son lit par quelques mesures fiscales, monétaires et douanières, ceux qui attendent un nouveau Keynes ou un nouveau Roosevelt, pèchent gravement par irréalisme et par ignorance."

 

 

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