11 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 235
"Un Pnume fit son entrée par une ouverture qui ne se trouvait pas dans le champ de vision de Reith. Les Pnumekin n'y prêtèrent pas attention — ils ne le regardèrent même pas. Le Terrien examina la créature étrangement articulée : c'était le premier Pnume qu'il voyait si l'on exceptait celui qu'il avait fugitivement entr'apercu dans les ténèbres des oubliettes de Pera. Il avait la stature d'un homme et, en dépit de sa volumineuse houppelande noire, il donnait une impression de sveltesse, de fragilité même. Ses orbites disparaissaient dans l'ombre de sa capuche. Son visage, qui avait la découpe et la teinte d'un crâne de cheval, était sans expression ; un ensemble compliqué d'organes de broyage et de mastication entourait une bouche presque invisible. Ses jambes étaient articulées à l'inverse de la jambe humaine et il avançait comme un homme qui recule. Ses pieds nus et étroits étaient mouchetés de marbrures noires et rouges. Ses trois orteils incurvés tapotaient le sol. Comme on pianote avec ses doigts quand on est nerveux..."
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09 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 233
"Le Dr Freud fit lentement le tour de son bureau et posa une main petite et douce sur l’épaule de mon ami.
– Je peux mettre fin à cette contrainte -du moins pour un moment. Asseyez-vous, je vous prie.
Il indiqua le fauteuil que Holmes venait de quitter et s’assit sur le bord du bureau. Holmes obéit sans dire un mot et attendit, l’air infiniment malheureux et désespéré.
– Connaissez-vous quoi que ce soit à la pratique de l’hypnotisme ? demanda Freud.
– J’en ai quelques notions, répondit Holmes d’un ton las. Avez-vous l’intention de me faire aboyer comme un chien ou marcher à quatre pattes ?
– Si vous acceptez de coopérer, dit Freud, si vous voulez bien me faire confiance, je peux atténuer cet irrésistible besoin pendant un certain temps. La prochaine fois qu’il se fera sentir, je vous hypnotiserai à nouveau. De cette façon, nous réduirons artificiellement votre toxicomanie jusqu’à ce que la chimie de votre organisme parachève l’opération.
Il parlait lentement, en s’efforçant d’atteindre et d’apaiser la vague de panique qui montait en Holmes.
Celui-ci l’observa un long moment lorsqu’il eut fini de parler puis, haussant brusquement ses épaules voûtées, il acquiesça, tout en feignant l’indifférence.
Le Dr Freud, me sembla-t-il, réprima un soupir, puis il s’approcha de la fenêtre en saillie et ferma les rideaux, plongeant ainsi la pièce dans la pénombre. Il se retourna alors vers Holmes qui n’avait pas sourcillé, et déclara, en attirant une chaise et en s’asseyant en face de lui :
– Maintenant je veux que vous vous redressiez et que vous ne quittiez pas ceci des yeux.
– Tout en parlant, il avait sorti de la poche de son gilet la chaîne de montre que j’avais aperçue plus tôt, et il se mit à la balancer lentement d’avant en arrière."
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08 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 232
"Les deux jeunes hommes avaient peu de choses en commun, mais ils ne s’en rendaient pas compte car ils partageaient plusieurs traits de caractère superficiels. Tous deux, par exemple, étaient excessivement soigneux de leur personne, très soucieux de questions d’hygiène et de l’état de leurs ongles. Après leur matinée sous le pont de graissage, ils passèrent presque une heure à se faire une beauté dans le cabinet de toilette du garage. Simplement vêtu d’un short, Dick n’était plus tout à fait le même que lorsqu’il était habillé. Dans ce dernier état, il semblait être un jeune homme chétif, d’un blond terne, de taille moyenne, décharné et peut-être fragile des poumons ; une fois nu, Dick apparaissait tout différent ; il se révélait plutôt comme un athlète bâti à l’échelle d’un mi-moyen. Le tatouage d’une tête de chat, bleue et grimaçante, couvrait sa main droite ; sur une épaule s’épanouissait une rose bleue. D’autres marques, qu’il avait dessinées et exécutées lui-même, ornaient ses bras et son torse : une tête de dragon avec un crâne humain entre ses mâchoires ouvertes ; des femmes nues à forte poitrine, un diable brandissant une fourche ; le mot paix accompagné d’une croix dont émanaient, sous la forme de traits grossiers, des rayons de lumière divine ; et deux compositions sentimentales : l’une, un bouquet de fleurs dédié à maman-papa, l’autre, un cœur qui célébrait le roman d’amour de DICK et CAROL, la jeune fille qu’il avait épousée à l’âge de dix-neuf ans et dont il avait divorcé six ans plus tard afin d’“agir en homme d’honneur” avec une autre jeune femme, la mère de son dernier-né. (“J’ai trois fils dont je m’occuperai décidément, avait-il écrit en faisant sa demande de remise en liberté sur parole. Ma femme est remariée. J’ai été marié deux fois, seulement je ne veux rien avoir à faire avec ma deuxième femme”).
Mais ni le physique de Dick ni les tatouages qui le décoraient ne produisaient une impression aussi remarquable que son visage qui semblait composé de parties dépareillées. On aurait dit que sa tête avait été coupée en deux comme une pomme, puis recollée avec un léger décalage. C’était un peu ce qui était arrivé ; les traits imparfaitement alignés étaient la conséquence d’une collision de voiture en 1950, accident qui imprima une dissymétrie à son étroit visage à la mâchoire allongée, laissant le côté gauche un peu plus bas que le côté droit, et il en résulta que les lèvres étaient légèrement de biais, le nez de travers, et les yeux, non seulement situés à des niveaux différents mais de taille inégale, l’œil gauche étant vraiment serpentin, avec un regard louche et venimeux, maladivement bleu, qui, même s’il avait été acquis involontairement, semblait néanmoins annoncer une lie amère au fond de sa nature."
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