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17 février 2023

"BOUQUINAGE" - 152

"Jubal approuva de la tête. “Je sais. Jill possède une innocence inébranlable ; Elle ne pourrait jamais devenir immorale.” Il fronça les sourcils. “Ben, je crains bien qu'il nous manque à tous deux l'innocence angélique nécessaire pour pratiquer la moralité parfaite selon laquelle vivent ces gens.”

Ben sursauta de surprise. “Vous pensez que leur conduite est morale ? Je voulais dire que Jill ignore que ce qu'elle fait est mal. Mike l'a complètement mystifiée, et lui non plus ne sait pas que c'est mal. : il est l'Homme de Mars ; ce n'est pas sa faute s'il n'a pas le sens des valeurs.”

Jubal posa ses mains à plat sur les bras de son fauteuil. “Oui, je pense que ce qu'ils font –le nid entier, pas seulement nos gosses- est moral. Je n'ai pas examiné les détails mais... oui, tout. Bacchanales, promiscuité éhontée, vie en commun et code anarchique, tout.

— Jubal, vous me stupéfiez. Si vous pensez réellement cela, pourquoi n'allez-vous pas vous joindre à eux ? ils ne demandent que cela. Ils fêteront le jubilé ; Aube est impatiente de vous embrasser les pieds et de vous servir. Je n'exagère pas.”

Jubal soupira. “Non. Il y a cinquante ans, peut-être, mais maintenant ? Je ne suis plus capable d'une telle innocence, Ben mon frère, il y a trop longtemps que je pratique une philosophie du mal et du désespoir pour retrouver la pureté et l'innocence grâce à l'eau de la vie.

— Mike pense que vous possédez pleinement cette innocence, bien qu'il se serve d'un autre mot. Aube me l'a confirmé ex officio.

— Je préfère lui laisser ses illusions. Mike ne voit en moi que sa propre réflexion - je suis, par profession un miroir.

— Jubal, vous avez peur.

— Très exactement, monsieur ! Ce qui m'inquiète, ce n'est d'ailleurs pas leur morale, mais les dangers qui les menacent de l'extérieur.

— Ils ne risquent rien de ce côté.

— Croyez-vous ! Teignez un singe en rose et mettez-le dans une cage emplie de singes marron ; ils le déchiquèteront. Ces innocents invitent le martyre.

— Vous devenez mélodramatique.”

Jubal lui jeta un regard furieux. “Cela enlève-t-il du poids à ce que je dis ? Trouvez-vous mélodramatique la sainte angoisse des martyrs brûlés sur le bucher ?

— Je ne m'en prenais pas à vous, Jubal. Je voulais simplement dire qu'il n'y avait aucun danger. Après tout, nous ne sommes plus au Moyen Âge.

— Vraiment ? Je n'ai pas remarqué le changement. Cela s'est passé des dizaines de fois, et chaque fois le monde a écrasé les intrus. La colonie d'Oneida ressemblait fort au Nid de Mike ; elle réussit à durer assez longtemps, mais elle était établie loin de toute ville. Ou bien prenez les premiers chrétiens : anarchie, communisme économique, mariages de groupe, et jusqu'au baiser de la fraternité. Mike leur a beaucoup emprunté. Oui... si c'est à eux qu'il a pris ce baiser de la fraternité, les hommes devraient aussi s'embrasser entre eux.”

Ben parut interdit."

 

 

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15 février 2023

"BOUQUINAGE" - 150

"Je me rappelai à moi-même que c'était une occasion capitale et qu'il fallait — pour le cas où la panique l'emporterait — rassembler le plus grand nombre possible d'impressions tant que je me contrôlais. Je reculai, en mettant un pied derrière l'autre, sans quitter la silhouette des yeux, et je plaçai mes bougies sur la table. J'avais parfaitement conscience que la chose à faire était de monter résolument l'escalier en faisant face à l'apparition, mais les semelles de mes souliers semblaient s'être soudainement transformées en blocs de plomb. J'avais obtenu ce que je cherchais : j'étais en train de voir un fantôme."

 

 

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13 février 2023

"BOUQUINAGE" - 148

 

"Dès sa plus tendre enfance, son père l'avait instruit dans les sciences occultes, et son âme avait été vouée au diable, avant même qu'il eût atteint l'âge de raison."

 

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12 février 2023

"BOUQUINAGE" - 147

" ‘’Tout s’est arrangé’’. C’était ce que Sacha disait à tous, ne voulant pas que le moindre bruit parvînt aux oreilles de sa mère.

La décision de Glinskaïa avait été affichée le lendemain de la réunion du bureau. Sacha, en tant qu’ ‘’instigateur d’actes hostiles au Parti’’ était exclu de l’institut ; Rounotchkine, Poloujan et Pozdniakova recevaient un blâme et Kovalev un avertissement.

La machine s’était mise en marche, on recherchait les documents, on établissait les arrestations. Lozgatchov, déjà nommé doyen à la place de Janson, compléta rapidement et même avec prévenance le livret de Sacha, tandis que son visage lisse semblait dire : personnellement je n’ai rien contre toi, ainsi en ont décidé les circonstances, mais si tu es réintégré, j’en serai sincèrement heureux.

Sacha fit ses adieux à tous les membres de son groupe mais refusa de serrer la main de Kovalev.

- Je ne fraie pas avec les salauds.

Rounotchkine confirma que Kovalev était effectivement un salaud et qu’en fait ils étaient tous des salauds. Ce petit avorton de Rounotchkine n’avait peur de personne.

La sonnerie retentit. Le couloir se vida. Personne n’avait plus affaire à Sacha. Il avait tous ses papiers, il ne lui restait qu’à les faire tamponner et à partir.

Krivoroutchko était encore vice-directeur économique et financier. Et tamponnant les documents, il dit à mi-voix :

- Les attestations courantes pour décembre ont déjà été envoyées au Bureau des cartes d’alimentation.

- Merci, répondit Sacha. C’était trop tôt pour l’envoi des attestations, Krivoroutchko avait simplement voulu qu’il reçoive ses cartes d’alimentation. Il aurait très bien pu ne pas le faire.

A présent, sa mère ne se douterait de rien jusqu’à la fin du mois de décembre. Et d’ici là, il aurait été réintégré."

 

 

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08 février 2023

"BOUQUINAGE" - 143

 

"En partant de Holborn Circus pour se rendre dans Clerckenwell Road, et en traversant Dorrington Street, on a bien des chances de se trouver à un certain moment en plein dans Merry-Fair, une petite foire sédentaire qui doit son nom à quelques merry-go-round, plutôt qu'à un cachet personnel de “merry”.

Pourtant, j'ai insisté particulièrement sur son atmosphère de joie, pour y conduire Mildred.

Mildred est un crampon. Depuis des années cette haquenée dispose de ma personne, de mes biens, des mes espérances d'avenir.

Ainsi que de mes dimanches pour faire des promenades le long de la Tamise – comme dans la chanson.

Que de fois j'ai adressé aux lourdes eaux du fleuve la plus ardente de mes prières indévotes ; mais elles passaient, sourdes à ma peine, et je rentrais à Londres, avec Mildred à mon bras.

Ce jour elle avait accepté les joies promises de Merry-Fair et celles d'un mystery-show.

Les attractions que nous offrit la tente aux mystères étaient pauvres et allaient des passe-muscade aux boules de cuivre et aux gobelets d'un jongleur.

Déjà, les regards menaçants de Mildred pesaient sur moi quand parut un baladin qui promit, à l'honorable public, la grande sensation de l'armoire magique.

Une haute et étroite caisse en bois blanc fut posée sur scène et la dame de la baraque s'y laissa enfermer.

Quelques instants après, le baladin ouvrit la caisse : elle était vide. Mais presque aussitôt la dame, tout à l'heure recluse, se leva d'entre les spectateurs.

— À présent, annonça le paillasse, je demande à une dame de l'assistance d'entrer dans l'armoire magique pour se rendre compte qu'elle ne recèle ni trucs ni tromperies.

Je murmurai à l'oreille de Mildred :

— C'est une occasion pour faire admirer par les gens ta merveilleuse robe d'organdi.

C'était la prendre par son unique point faible ; elle se leva et entra dans l'armoire magique.

Le baladin fit quelques gestes de passe-passe et ouvrit la caisse.

Elle était vide.

— Mesdames, messieurs, annonça-t-il alors, j'ai l'honneur de vous remercier.

Et le rideau se baissa.

Je n'ai jamais revu Mildred."

 

 

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07 février 2023

"BOUQUINAGE" - 142

"Je restai là un bon moment, à scruter la nuit et le silence, attendant confusément un signe de ma Dame. Plusieurs fois j'entendis la sonnerie des quarts d'heure, imperturbable. Lorsque je crus déceler enfin une ombre blanche dans un recoin de la vieille muraille, mon cœur se mit à battre la chamade et je ne fis plus un geste. Bientôt, un autre reflet m'indiqua que la Dame au Linceul était à nouveau là. J'aurais voulu courir vers elle, mais au risque de la faire fuir. Je retournai donc dans la chambre pour l'observer. Elle monta furtivement l'escalier de marbre, puis se tint timidement devant la porte, en essayant de regarder à l'intérieur. J'entendis un murmure aussi doux que le son d'une harpe éolienne demander :

“Êtes-vous là ? Puis-je entrer ? Répondez-moi ! Je suis seule et j'ai peur !” En guise de réponse, je sortis du repli où je me trouvais, ce qui la fit sursauter. Je devinai, à sa respiration haletante, qu'elle s'efforçait –avec succès heureusement– de réprimer un cri."

 

 

 

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06 février 2023

"BOUQUINAGE" - 141

"Le grand maître se taisait, atterré. Quoi ? N'était-il donc qu'un instrument docile obéissant au Baphomet ? La propagation de la vraie foi, qu'il considérait comme son seul objectif, n'était en fait qu'une couverture masquant une vaste entreprise de conquête dont le seul bénéficiaire était cet extra-terrestre ! Incroyable... Pourtant, ce Thibétain paraissait connaître les secrets les mieux cachés... Allons ! Il fallait affronter la réalité, si horrible soit-elle."

 

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05 février 2023

"BOUQUINAGE" - 140

" — Mon cher, fit le marquis avec une philosophie dédaigneuse, persuade-toi bien de ceci : c'est que, de tous les maux les plus incurables, le pire c'est la misère. On n'en guérit que difficilement. Tu as eu le bonheur la première fois, et tu t'es arraché des griffes de tes créanciers avec une certaine adresse ; crois-moi, ne tente plus le hasard, le hasard est comme les femmes, il tourne à tout vent.

— Que veux-tu donc que je fasse ?

— Que tu te maries, pardieu !

— Et avec qui ? et comment ? murmura le baron avec un découragement profond dans la voix.

— Mon cher, reprit le marquis, il y a trois sortes de mariages pour les gentilshommes comme nous : le premier est le mariage de convenance, c'est-à-dire un assortiment assez respectable et fort ennuyeux de rang, de naissance et de fortune. Celui-là nous est interdit quand nous sommes un peu ruinés, comme tu l'étais, comme je le suis. Le second est la mésalliance intéressée. Pour redorer son écusson et donner le foin à ses chevaux, on épouse la fille d'un croquant qui vous apporte le Pérou dans un pan de sa chemise, dont le père vous appelle Monseigneur mon gendre et vous déteste cordialement, en songeant qu'il est obligé de payer bien cher l'honneur de vous avoir dans sa famille. Le troisième est le mariage d'inclination ; celui-là est ad libitum : on prend sa femme dans une gentilhommière qui branle au vent, dans les coulisses de l'Opéra ou sur la route des Porcherons, peu importe ! nul n'y regarde et n'y trouve à redire. Or, le premier t'était interdit pour une foule de raisons ; tu as fait le second, et ce dernier te fournit les moyens de contracter le troisième. Tu es assez riche pour que ta femme ait le droit d'être pauvre.

— Sans doute ! murmura le baron d'un air qui signifiait : “que m'importe tout ce que tu me dis !”

— Mais, reprit le marquis de Simiane, il faut te hâter cher, dans six mois, si tu n'as pris femme, tu seras le plus pauvre gentilhomme de France et de Navarre."

 

 

 

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