31 juillet 2025
POLARS EN BARRE [4]
"Il opina :
— Il y a une quinzaine de jours, il s’est mis à nous faire des contre-propositions ridicules, insultantes. Auparavant, il se contentait de tergiverser. Ça dure comme ça depuis des semaines.
— Pourquoi ces offres insultantes ? La théorie de la police sur l’appartenance de Walter au parti communiste est exacte ? C’est ça ?
Goldmark se résigna à cracher le morceau. Il souffla une bouffée de fumée et posa ses mains à plat sur le bureau.
— Eh oui, elle a raison. C’est le fond du problème, Jack. Vous avez vu tous ces gens, hier soir, chez Walter ? Ils sont terrifiés. Ils font dans leur froc. Milt Wohl est passé me voir à cinq heures uniquement pour que je lui tape dans le dos et que je lui assure que tout ira bien.
— Ils sont tous rouges ? Wohl, Arthur, Perillo, le cow-boy ?
— Carpenter ? (Goldmark, redevenant brusquement prudent, haussa les épaules.) Je ne sais pas jusqu’à quel point ils le sont, Jack. Sincèrement. Je ne sais pas s’ils ont leur carte ou quoi ou qu’est-ce. Mais, au strict minimum, ils sont sympathisants. Et si vous répétez un seul mot de cette conversation à quiconque, je nierai tout en bloc. Et je ne vous adresserai plus la parole.
— C’est si grave que ça ?
— Encore plus. Les personnes que vous avez vues hier soir sont toutes politisées, ce sont tous des libéraux et le fait est là : l’idéologie qu’ils représentent ne tardera pas à être mal vue à Hollywood. Comme dans un restaurant où il y a eu une intoxication alimentaire. Apparemment ― et ceci doit rester strictement entre nous deux et ces quatre murs ― apparemment, une sorte d’enquête parlementaire va s’ouvrir.
— A propos de quoi ?
— Du communisme à Hollywood. Et si cette enquête a lieu, je vous flanque mon billet que ce sera le plus grand cirque publicitaire de tous les temps. Le nouveau représentant de cette circonscription est un gamin du nom de Nixon, un Républicain, et, admirez la coïncidence, il se trouve qu’il fait partie de la commission des activités anti-américaines qui mènera le bal. (Il eut un sourire sinistre et blafard.) Parfait, n’est-ce pas ? Pensez-vous qu’un jeune parlementaire verrait beaucoup d’inconvénients à figurer tous les matins en première page des journaux et à demander aux artistes de cinéma s’ils connaissent des rouges ?
— Nom de Dieu ! murmurai-je."
Andrew Bergman
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30 juillet 2025
POLARS EN BARRE [3]
"L’ambulance est arrivée, on a mis le Grec sur une civière et on l’a emporté. Elle est partie avec lui. J’ai suivi avec la voiture. À moitié chemin de Glendale, un agent nous attendait. Il a roulé devant nous. Ils allaient à soixante-dix milles à l’heure, je n’ai pu les suivre. Ils montaient la civière lorsque j’ai atteint l’hôpital et l’agent donnait des ordres. Quand il m’a vu, il a fait un geste et il m’a regardé. C’était le même flic."
James Mallahan Cain
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29 juillet 2025
POLARS EN BARRE [2]
"L'histoire du roman policier est une histoire sociale, car elle apparaît comme inextricablement liée à l'histoire de la société bourgeoise -voire de la production marchande- et surdéterminée par elle. À la question de savoir pourquoi l'histoire de la bourgeoisie se reflète dans celle de ce genre littéraire bien particulier, la réponse est celle-ci : l'histoire de la société bourgeoise est aussi celle de la propriété ; l'histoire de la propriété implique celle de sa négation, c'est-à-dire l'histoire du crime. L'histoire de la société bourgeoise est aussi celle de la contradiction de plus en plus explosive entre, d'une part, des normes mécaniquement imposées de comportement et de conformisme social et, d'autre part, les passions, les désirs, les besoins des individus, contradiction qui se décharge dans des transgressions de plus en plus violentes des normes, y compris par des crimes. La société bourgeoise, née de la violence, la reproduit constamment et en est saturée. Elle provient du crime et elle conduit au crime, commis à une échelle de plus en plus industrielle. En définitive, l'essor du roman policier s'explique peut-être par le fait que la société bourgeoise, considéré dans son ensemble, est une société criminelle."
Ernest Mandel
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28 juillet 2025
POLARS EN BARRE [1]
"Le roman noir est en effet constitutif de la notion de "critique sociale", et cela depuis son officielle création, aux États-Unis, dans les années 1920. Très vite, des auteurs, que l’on a appelés hard-boiled [dur à cuire], ceux qui ont connu la boucherie de la récente grande guerre et qui, de ce fait, n’ont plus beaucoup d’illusions, ne se contentent plus du "qui a tué ?", mais tendent plutôt à dire "pourquoi ?". A cette époque, aux États-Unis, la violence s’impose, surtout en milieu urbain, effet pervers de la Prohibition, formation des ghettos, misère et guerres sociales, corruption politique, gangstérisme. Ensuite, autour de la crise de 29, la pauvreté s’installe durablement chez les plus faibles (Les Raisins de la Colère de John Steinbeck, 1939), alors que le Capital se porte, quand même, assez bien, et que les riches en profitent de plus en plus cyniquement (de ce côté, ça n’a pas beaucoup changé). Le personnage prédominant du policier qui, jusqu’à présent, ne portait que peu de jugements sur ce qu’il représentait — l’ordre, la loi, la justice et la morale officielle — cède peu à peu le pas à celui du détective privé qui, lui, plus libre, et souvent en bisbille avec les policiers qui trouvent que c’est un "fouille-merde", ce qui dit tout, ce qui en dit long, devient une sorte de révélateur de l’état social et moral de la société. Il est généralement seul (souvent macho), dépressif, sans illusions, voire pessimiste actif, alcoolique et quelquefois violent (il sait se battre). Il est opiniâtre, puisqu’il s’intéresse plus aux faits qu’aux discours convenus et hypocrites. Il sait parler, discourir, tchatcher, vanner, manier la langue, s’imposer par la dialectique et surtout l’humour."
Jean-Bernard Pouy
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12 juillet 2023
"BOUQUINAGE" - 297
"Nouvelle après nouvelle, livre après livre, d'une vision catastrophiste à l'autre, Dick n'a jamais fait que cela : interroger le réel sous toutes ses coutures, pousser jusqu'au bout ses limites, et au travers de cette démarche exploratoire, ausculter l'essence même de notre humanité, traquer ce qui peut survivre d'humain face à toutes nos explosions de virtualité schizophrénique, d'enfer pandémique, nucléaire ou climatique."
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11 juillet 2023
"BOUQUINAGE" - 296
"Il y a des qualités vocales spécifiques aux hommes, comme d’autres spécifiques aux bêtes ; et c’est terrible d’en entendre une quand la source devrait en être l’autre."
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10 juillet 2023
"BOUQUINAGE" - 295
"Des triomphes sociaux avaient été obtenus. Je voyais l’humanité hébergée en de splendides asiles, somptueusement vêtue, et jusqu’ici je n’avais trouvé personne qui fût occupé à un labeur quelconque. Nul signe, nulle part, de lutte, de contestation sociale ou économique. La boutique, la réclame, le trafic, tout le commerce qui constitue la vie de notre monde n’existait plus. Il était naturel que par cette soirée resplendissante je saisisse avec empressement l’idée d’un paradis social."
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09 juillet 2023
"BOUQUINAGE" - 294
"− Mais enfin, en supposant que toutes les difficultés soient résolues, tous les obstacles aplanis, en réunissant toutes les chances en votre faveur, en admettant que vous arriviez sain et sauf sur la Lune, comment reviendrez-vous ?
− Je ne reviendrai pas !"
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